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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 17 janvier 2014, n° 11-18629

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ashland France (SAS)

Défendeur :

Techniques et Systèmes Elaborés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mmes Prigent, Luc

Avocats :

Mes Fisselier, Yavordios, Bellichach, Pelissier

T. com. Paris, du 29 sept. 2011

29 septembre 2011

Vu le jugement du 29 septembre 2011 du Tribunal de commerce de Paris qui a condamné la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE à payer à la SAS Ashland France, ci-après Ashland, la somme de 81 917,78 euro en principal, la SAS Ashland à reprendre les marchandises livrées les 19 et le 25 mai 2008 et à restituer le prix à la SAS TSE soit la somme de 150 618, 50 euro, ordonné la compensation entre les deux créances et condamné la SAS Ashland à payer le solde soit la somme de 68 700,78 euro avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, débouté les parties du surplus de leurs demandes, condamné la SAS Ashland à payer à la SAS TSE la somme de 1 500 euro et à régler les dépens, l'exécution provisoire étant ordonnée,

Vu l'appel du 18 octobre 2011 de la SAS Ashland,

Vu les dernières conclusions du 26 mai 2012 de la SAS Ashland qui demande à la cour de :

- in limine litis, infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas statué sur la forclusion de la demande de la SAS TSE au titre de la garantie des vices cachés qui avait été soulevée in limine litis devant les premiers juges, dire que cette demande est irrecevable comme forclose et débouter la SAS TSE de toutes ses demandes,

- subsidiairement, constater que la SAS TSE ne démontre pas l'existence de prétendus vices cachés affectant les produits vendus, et infirmer le jugement, le jugement étant confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à expertise et en ce qu'il a retenu l'existence de vices cachés,

- en toute hypothèse :

* constater que la créance alléguée par la SAS TSE pour un montant de 150 618,56 euro TTC n'est pas réglée, infirmer le jugement sur la compensation et sur la restitution de la somme précitée compte tenu de cette compensation,

* condamner la SAS TSE à lui restituer la somme de 68 700,78 euro déjà réglée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement,

* condamner la SAS TSE à récupérer à ses frais la marchandise actuellement entreposée dans les entrepôts de la société De Rijke Normandie sise (...),

* condamner la SAS TSE à lui payer la somme de 1 423,79 euro TTC sauf à parfaire correspondant aux frais qu'elle a été contrainte d'engager dans le cadre de la présente procédure au titre des opérations d'enlèvement, de chargement, de transport, de déchargement et d'entreposage des produits, objets du litige, depuis les entrepôts de la SAS TSE jusqu'à ceux de la SAS De Rijke Normandie,

- déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de condamnation formée à son encontre à payer à la SA TSE une somme de 20 000 euro et dire infondée la demande d'exécution du jugement sous astreinte,

- débouter, en définitive, la SAS TSE de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement sur la condamnation de la SAS TSE à lui payer la somme de 81 917,28 euro TTC, dire que cette somme sera augmentée sur chacune des factures des intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du 60ème jour de leur émission,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de 5 000 euro de dommages et intérêts pour résistance abusive et condamner la SAS TSE à lui payer cette somme de ce chef,

- condamner la SAS TSE à lui payer la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens d'appel ;

Vu les dernières conclusions du 16 juillet 2012 de la SAS TSE qui demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- dire que les matières premières qui lui ont été livrées par Ashland les 28 mai et 9 juin 2008 devront être reprises par cette dernière et à ses frais et sous astreinte de 2 000 euro par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner Ashland à lui payer la somme de 20 000 euro en réparation du préjudice subi du fait de l'encombrement de ses entrepôts depuis 2008 par les marchandises livrées par cette dernière qui sont impropres à leur destination,

- débouter Ashland de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, ordonner une expertise aux fins de voir dire si les matériaux livrés les 28 mai et 9 juin 2008 sont affectés d'un vice les rendant impropres à leur destination et antérieur à la livraison,

- en toute hypothèse, condamner Ashland à lui payer la somme de 8 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à régler les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture du 23 mai 2013,

SUR CE

Considérant, au vu des pièces produites, que :

- les sociétés Ashland et TSE entretiennent des relations d'affaires depuis 2003 dans le cadre desquelles la première livre des matières premières thermoplastiques sous forme de granulés à l'établissement secondaire de la seconde sis à Brégy qui les utilise pour la fabrication et la commercialisation au détail sous l'enseigne Blanc et Grand Form d'appareils de sanibroyage, de baignoires et d'appareils de balnéothérapie,

- par lettre du 22 octobre 2008, TSE s'est plainte de la qualité de la marchandise "ABS 3904 7 NAT WD22080650 15635" réceptionnée le 9 juin 2008 et contrôlée le 20 octobre 2008, des grains marrons et noirs ayant été trouvés dans les sacs,

- des mails ont été échangés en janvier et février 2009 aux termes desquels TSE établissait le 21 janvier 2009 des avoirs sur 2008 et 2009 pour respectivement 148 303,23 euro et 38 201,64 euro avant de continuer à maintenir ses griefs, et notifiait le 10 février 2009 qu'elle ne paierait pas les factures en cours,

- par lettre du 10 février 2009, TSE indiquait qu'elle avait acheté trois camions d'ABS 3904 7 NAT WD22080650 15635 suivant commandes des 23 mai et 19 mai 2008, objets des factures 10765,10764, 11247, avait formé une première réclamation le 22 octobre2008 en raison d'une pollution de grains noirs, que, semaine 50, le problème s'était renouvelé, ce qui l'avait conduite à arrêter la production et à l'informer qu'une quantité de 62 T 423 était inutilisable puis à le faire constater par huissier qui avait relevé le 17 décembre 2008 une proportion importante de grains noirs et au technicien d'Ashland qui s'en était remis en définitive à l'avis de Dow Chemical, que pour éviter d'aggraver la situation, le service technique d'Ashland a proposé de livrer un nouveau lot en janvier 2009, objet d'une commande du 17 décembre 2008 et de la facture 18522, que le problème s'est répété sur le 3904, ce qui l'avait conduite à commencer la production en 3504 mais que le passage sur 3904 révélait des points noirs trop visibles ce qui l'avait conduite à arrêter à nouveau la production, qu'eu égard à cette situation, elle bloquait les quatre factures en cours et celle à venir soit un montant de 81 917,78 euro TTC jusqu'à nouvel ordre en concluant qu'elle avait subi une perte de plus de 20 000 euro HT outre la perte d'un marché de 350 T de plaques,

- par lettre du 20 mars 2009, se référant à la réclamation du 10 février de TSE, Ashland répliquait que cette réclamation n'était pas recevable, les contacts pris avec Dow Chemicals montrant qu'elle avait respecté les spécificités préconisées par ce dernier,

- chacune des parties restait sur sa position, et Ashland maintenait le 11 juin 2009 sa demande de paiement pour les cinq factures émises les 9 décembre 2008, 6 janvier, 8 janvier, 14 janvier et 3 février 2009 se rapportant à des commandes confirmées les 19 novembre 2008, 17 décembre 2008, 4 décembre 2008 (deux commandes) pour un montant global de 81 917,78 euro TTC,

- en dépit de relances des 22 juin et 7 juillet 2009 et d'une mise en demeure du 4 mars 2010, TSE refusait de payer la somme précitée,

- par acte du 9 juillet 2010, Ashland a délivré l'assignation à l'origine du jugement déféré,

- selon acte des 17 et 18 avril 2012, Ashland faisait constater par huissier au départ des entrepôts de TSE à Brégy l'état des marchandises que le tribunal l'avait condamnée, avec exécution provisoire, à récupérer, puis aux mêmes dates, l'état des mêmes marchandises dans leur lieu de destination, les entrepôts de la société De Rijke Normandie ;

Considérant que pour critiquer le jugement en ce qu'après avoir ordonné une compensation entre les créances réciproques, il l'a condamnée au titre des livraisons des 19 et 23 mai 2009 à paiement et à reprendre la marchandise non conforme livrée, l'appelante excipe de la forclusion prévue par l'article 1648 du Code civil en faisant valoir que :

- le tribunal n'a pas statué sur ce moyen, pourtant soulevé devant lui,

- le prétendu vice a été découvert au plus tard le 22 octobre 2008 sans que TSE puisse prétendre reporter cette date, semaine 50 de 2008 au 9 février 2009, faute d'investigations ou d'éléments nouveaux postérieurs à cette date du 22 octobre 2008 et de la réponse de Dow Chemicals au 9 février 2009 rejetant l'existence du vice sans que TSE ne sollicite une expertise,

- TSE ne peut pas plus se prévaloir de prétendus pourparlers alors qu'elle a toujours et d'emblée écarté sa responsabilité et que la seule proposition qu'elle a faite portait sur des produits livrés ultérieurement à ceux en litige, dont la qualité n'a pas été contestée mais que TSE a refusé de payer,

- TSE ne s'est prévalue judiciairement du vice caché que par conclusions du 16 novembre 2010, sans interrompre le délai de forclusion de deux ans prévu par l'article 1648 du Code civil mais en attendant d'être assignée ;

Considérant que TSE réplique que :

- en octobre 2008, ce ne sont que quelques sacs qui avaient été utilisés et que croyant à un incident isolé, elle a pensé à une erreur de process lui incombant,

- le contrôle de qualité effectué ne portait pas sur la marchandise livrée mais sur la plaque extrudée étant observé qu'elle avait d'autant moins de raison de s'inquiéter que Ashland était son fournisseur depuis 2003 sans qu'elle ait rencontré la moindre difficulté de ce type,

- la présence de matières brunes et noires dans l'ensemble des sacs n'a été avérée que lors d'une nouvelle campagne de production, semaine 50 de 2008, soit du 8 au 14 décembre 2008, lorsque plusieurs autres sacs ont été utilisés, ce qui l'a conduite à effectuer un constat d'huissier,

- moins de deux années se sont donc écoulées entre la semaine 50 de 2008 et le mois de novembre 2010,

- le point de départ du délai se situe à la date où l'existence du vice peut être clairement établie, ce qui n'a été le cas qu'en janvier 2009 lorsque, après l'analyse de Dow Chemicals, Ashland a reconnu la présence de points noirs, reconnaissant avoir décidé de mettre en place un programme pour éviter une "contamination",

- des pourparlers ont eu lieu fin 2008 début 2009, Ashland laissant entendre qu'elle allait trouver une solution amiable visant notamment à une reprise des matériaux avant de formuler une fin de non-recevoir le 9 février 2009 ;

Considérant, au vu des pièces produites, que la forclusion de l'article 1648 du Code civil n'est pas acquise dès lors que si par lettre du 22 octobre 2008 avait été signalé la présence de grains marrons ou noirs, elle a pu penser à une erreur ponctuelle ne contaminant pas l'ensemble des lots acquis et ne s'est convaincue du vice que lors d'une nouvelle campagne de production semaine 50 soit à compter du 8 décembre 2008 lorsqu'elle effectuera des investigations approfondies au cours d'une réunion contradictoire du 10 décembre 2008 avec saisie d'échantillons, cette date constituant le point de départ du délai de forclusion en sorte que les conclusions du16 novembre 2010 par lesquelles TSE a excipé de ce vice caché sont intervenues moins de deux ans après cette découverte dans le délai donc de forclusion prévu par l'article 1648 du Code civil ;

Considérant que pour refuser de payer les factures litigieuses, TSE ne peut se prévaloir de défauts qui auraient affecté les livraisons antérieures de plus de six mois dès lors que :

- TSE n'a pas contesté la qualité des produits lors de leur livraison eu égard aux conditions générales de vente qui imposent une inspection par l'acheteur lors de la livraison emportant transfert du risque à ce dernier, toute réclamation devant être formulée dans les cinq jours ouvrables à compter de la livraison, l'absence d'une telle notification emportant que les produits seront réputés avoir été livrés dans les quantités convenues et sans dommage apparent et a payé les factures correspondant à ces livraisons,

- TSE n'est plus recevable à formuler une réclamation, les stipulations de l'article 9 imposant à l'acheteur de contrôler la quantité et la qualité des produits livrés,

- TSE ne démontre pas l'existence d'un vice caché étant observé que les produits sont fournis et emballés par Dow Chemicals sans que Ashland n'intervienne dans la fabrication et le conditionnement et que l'analyse de Dow Chemicals confirme que ces produits sont conformes à ses spécifications techniques, que la mesure d'expertise à présent sollicitée est vaine et inutile, seule une partie de la production a été livrée à TSE qui seule s'est plainte à défaut d'inspection des produits lors de la livraison, TSE ne démontre pas le caractère caché du vice, les granulés noirs étant visibles à l'œil nu, que la gravité du vice n'est pas établie eu égard au faible nombre de granulés atteints, que TSE ne démontre pas avoir fait une utilisation conforme aux spécificités du produit ;

Considérant qu'il s'ensuit que TSE est déboutée de ses demandes au titre d'une prétendue créance d'un montant de 150 618,56 euro correspondant à la restitution du prix payé pour les marchandises livrées les 19 mai et 25 mai 2008 et, par voie de conséquence, de celle, à la supposer recevable, tendant à condamner Ashland à lui payer une indemnité pour l'entreposage de cette marchandise ;

Considérant que la demande tendant à condamner Ashland à récupérer cette marchandise est sans objet dès lors que cette dernière justifie l'avoir récupérée le 17 avril 2012 et entreposée le 18 avril 2012 dans les locaux de la société De Rijke Normandie ;

Considérant que, devant la cour, TSE ne discute pas la créance d'Ashland pour un montant de 81 917,78 euro au titre des commandes passées entre le 19 novembre 2008 et le 4 décembre 2008 et facturées entre le 9 décembre 2008 et le 3 février 2009 ; que, compte tenu de ce qui a été précédemment indiqué, TSE ne peut se prévaloir d'aucune compensation avec une créance réciproque qu'elle détiendrait sur Ashland, à laquelle elle sera donc condamnée à payer la somme précitée avec conformément aux stipulations contractuelles intérêts au taux légal à compter de chaque facture majorée de trois points à compter du 60ème jour de leur émission, cette condamnation étant prononcée en deniers ou quittances eu égard à l'exécution provisoire du jugement alléguée par Ashland ;

Considérant que Ashland soutient encore qu'il y a lieu de condamner TSE à récupérer les produits qui lui avaient été livrés et que, dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, elle les a rapatrié dans les locaux de la société De Rijke Normandie et à lui rembourser les sommes qu'elle a exposées au titre du rapatriement de cette marchandise et de sa conservation ;

Considérant qu'il y a lieu, eu égard au rejet des demandes de TSE quant à la marchandise livrée les 19 et 25 mai 2008 et à l'infirmation du jugement de ce chef, de la condamner à récupérer cette marchandise dans les entrepôts de la société De Rijke Normandie à Dieppedalle-Canteleu dans lesquels elle serait actuellement entreposée ;

Considérant qu'Ashland est fondée à demander la condamnation de TSE à lui rembourser la somme de 1 423,79 euro au titre des frais d'huissier qu'elle a exposés dans le cadre de l'exécution du jugement pour les besoins du rapatriement de cette marchandise, ces constats étant nécessaires pour s'assurer de la qualité de cette marchandise au départ et l'arrivée, eu égard au litige en cours ;

Considérant qu'en revanche, Ashland est déboutée de sa demande au titre des frais de transport, d'entreposage et de conservation de cette marchandise dès lors qu'elle ne justifie pas du montant des frais ainsi exposés et de leur paiement ;

Considérant qu'Ashland est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive à paiement dès lors que le retard à recevoir le paiement a été déjà pris en compte par les intérêts alloués ;

Considérant que l'équité commande de condamner TSE à payer à Ashland une somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés tant en première instance qu'en appel, le jugement étant donc réformé sur cet article ;

Considérant que TSE est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, le jugement étant réformé en ses dispositions relatives aux dépens ;

Par ces motifs : Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE à payer à la SAS Ashland France la somme de 81 917,78 euro, Le réforme pour le surplus, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit que la condamnation précitée est assortie des intérêts au taux légal à compter de chaque facture majorée de trois points à compter du 60ème jour de leur émission, Déboute la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE de ses demandes en restitution de la somme de 150 618,56 euro et en paiement d'une somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts pour l'entreposage des marchandises livrées les 19 et 25 mai 2008, Dit sans objet la demande de la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE tendant à condamner la SAS Ashland France à récupérer cette marchandise, Condamne la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE à récupérer cette marchandise dans les entrepôts de la société De Rijke Normandie à Dieppedalle-Canteleu et à payer à la SAS Ashland France la somme de 1 423,79 euro, Condamne la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE à payer à la SAS Ashland France la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette la demande de compensation, Condamne la SAS Techniques et Systèmes Elaborés - TSE aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.