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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 17 janvier 2014, n° 11-02160

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Etablissements A Porquet (SAS)

Défendeur :

Hamon (SARL), SMABTP (Sté), Lorans (SA), Axa France Iard (Sté), Gan Eurocourtage (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Le Bail

Conseillers :

Mmes Le Potier, Lefeuvre

Avocats :

Selarl Bazille Jean-Jacques, SCP Tremblay Avocats, Associés, SCP Gauvain-Demidoff, Selarl Avocat Luc Bourges, Selarl Isis Avocats, SCP Gautier-Lhermitte, SCP Brebion Chaudet, Mes Boivin, Gosselin, Bouessel du Bourg

TGI Rennes, du 17 janv. 2011

17 janvier 2011

EXPOSE DU LITIGE

La société Hamon, entreprise de plomberie assurée auprès de la SMABTP s'est vu confier un marché de remplacement de convecteurs eau chaude par des radiateurs, avec modification des raccordements, pour deux immeubles situés à Rennes, soit 159 logements et y a procédé courant 2006.

Elle s'est procurée les raccords en laiton nécessaires à la réalisation auprès de l'entreprise Lorans, assurée auprès d'Axa, qui s'est elle-même approvisionnée auprès de la société Porquet, fournisseur fabricant assuré auprès du Gan.

Des fuites sont apparues au niveau des écrous des raccords en laiton, à la mise sous pression lors des tests d'étanchéité, et le resserage pour tenter de remédier aux fuites a entraîné la fissuration des raccords.

Une expertise amiable confiée au Centre Technique des Industries s'est déroulée en présence de toutes les parties et de leurs assureurs.

Saisi par la société Hamon et la SMABTP, le Tribunal de grande instance de Rennes a par jugement du 17 janvier 2011 :

- condamné in solidum les sociétés Lorans et Porquet ainsi que les compagnies d'assurance Axa et Gan Eurocourtage, cette dernière dans la limite de 100 000 euro et sous déduction de la franchise de 7 500 euro, à payer :

à la société Hamon la somme de 14 063,84 euro avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 15 janvier 2007,

à la SMABTP la somme de 126 574,47 euro avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 15 janvier 2007,

- débouté la société Hamon et la SMABTP de leurs demandes de dommages et intérêts,

- condamné in solidum les sociétés Lorans et Porquet ainsi que les compagnies d'assurance Axa et Gan Eurocourtage à leur payer la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Porquet et les compagnies Axa et Gan Eurocourtage, cette dernière dans la limite de 100 000 euro et sous déduction de la franchise de 7 500 euro à garantir la société Lorans de toutes condamnations,

- condamné la société Porquet et la compagnie d'assurance Gan Eurocourtage à payer à la société Lorans la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Gan Eurocourtage à garantir la société Porquet de toute condamnation dans la limite de 100 000 e et sous déduction de la franchise de 7 500 euro,

- condamné la société Porquet et la compagnie d'assurance Gan Eurocourtage aux dépens.

Le tribunal a considéré qu'il existait un vice intrinsèque du produit dont la matière était incompatible avec les techniques normales de mise en œuvre, à savoir le brasage pour assembler les raccords en laiton aux autres pièces métalliques de plomberie ; que le CETIM a confirmé que les laitons de décolletage sont brasables à la flamme et qu'il n'est pas prétendu qu'une autre méthode aurait dû être utilisée ;

que les analyses chimiques effectuées ont révélé une teneur en plomb excédant le taux de bonne tolérance, à partir duquel il existe un risque de brasures fragiles ou défectueuses, et le laiton est sujet aux fissurations lors du brasage fort à haute température.

Le tribunal a relevé que le respect allégué par la société Porquet des teneurs édictées par la norme est inopérant par rapport à l'existence constatée d'un vice caché ;

que le non-respect par la société Hamon de certaines règles de l'art est sans incidence sur la causalité du vice dans la survenance des désordres, dès lors que le surdosage en plomb est bien à l'origine de ceux-ci ; qu'enfin, la qualité de professionnel de la société Hamon ne la prive pas de la garantie des vices cachés, et qu'elle peut exercer son action tant contre son vendeur que contre le vendeur antérieur et fabricant, la société Porquet, de même que contre leurs assureurs respectifs.

Par déclaration du 29 mars 2011, la société Etablissements Porquet a formé appel contre cette décision.

En l'état de ses dernières écritures du 14 novembre 2011, la société Porquet demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- de débouter la société Hamon et la SMABTP de l'ensemble de leurs demandes ;

A titre subsidiaire

- de dire y avoir lieu à garantie par le Gan de toutes éventuelles condamnations prononcées à l'encontre de la société Porquet ;

- de débouter la société Hamon et la SMABTP de leur demande présentée au titre d'une atteinte à la réputation professionnelle,

- de débouter la société Hamon et la SMABTP de leurs demandes plus amples ou contraires

- de condamner la société Hamon et la SMABTP à verser à la société Porquet la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner la société Hamon et la SMABTP aux entiers dépens.

Elle se prévaut d'une part de ce que la teneur en plomb ne doit être appréciée qu'au regard d'un arrêté du 29 mai 1997, qu'elle a respecté, et de ce que la seule norme vers laquelle elle tend au regard du type de laiton utilisé est la norme NF EN 12164 et non la NF EN 1982, visée par le CETIM.

Elle soutient également que les conclusions du CETIM ont varié entre le premier et le second rapport qui ont été déposés par cet organisme, sans qu'il soit fourni d'explications sur ce revirement, puisque le CETIM dans son premier rapport, concluait que les précautions importantes relatives au brasage des laitons (notamment au plomb), n'ont pas été idéalement observées par la société Hamon eu égard au développement des risques métallurgiques spécifiques ; que de surcroît, une teneur excessive en plomb ne pose problème que pour la soudure, nécessitant une technique de brasage adaptée, ce qui n'était pas le cas de celle utilisée par la société Hamon ;

qu'enfin, à supposer démontrée l'existence d'un vice caché, le produit n'aurait pas dû être utilisé et installé par la société Hamon sur le chantier en cause.

S'agissant de l'exclusion de garantie invoquée dans ses dernières écritures par le Gan, la société Porquet soutient que la clause d'exclusion dont se prévaut son assureur ne lui est pas opposable faute d'avoir été portée à sa connaissance lors de son adhésion.

La compagnie d'assurance Gan Eurocourtage demande à la cour :

vu les articles 1386 et suivants, 1641 et suivants, vu le contrat d'assurance,

A titre principal :

- de réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 17 janvier 2011

- de débouter les sociétés Hamon et SMABTP de toutes leurs demandes et conclusions,

- de les condamner à verser la somme de 3 000 euro à la société Gan Eurocourtage au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

- de réformer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 17 janvier 2011,

- de dire que la garantie de la société Gan Eurocourtage exclut le coût représenté par le remplacement, le remboursement en tout ou partie, la remise en état ou la reconstruction, la rectification, le perfectionnement des produits, travaux, ou prestations défectueux, livrés ou exécutés par l'assuré ou ses sous-traitants,

- de mettre en conséquence hors de cause la société Gan Eurocourtage

A titre très subsidiaire :

- de confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Rennes du 17 janvier 2011,

- de dire que la garantie de la société Gan Eurocourtage après mise en circulation des produits au titre de frais de dépose et repose ne saurait être engagée qu'à hauteur de la somme de 100 000 euro par année d'assurance avec une franchise de 7 500 euro

En toutes hypothèses, de débouter la société Hamon de sa demande présentée au titre d'une atteinte à réputation professionnelle,

- de débouter les sociétés Hamon, SMABTP, Porquet, Lorans et Axa de toutes leurs demandes.

Le Gan Eurocourtage conclut à l'absence de vice caché, et à la responsabilité de la société Hamon en raison du mode opératoire utilisé sans respect des règles de l'art.

Le Gan oppose la limitation de garantie à hauteur de 100 000 euro avec une franchise de 7 500 euro pour responsabilité après mise en circulation des produits ou achèvement des travaux donc au titre des frais de dépose et repose.

L'assureur oppose en second lieu à son assuré l'exclusion par le contrat de sa garantie s'agissant de la défectuosité des produits livrés, si elle était retenue, puisqu'il s'agit d'une prestation de l'assuré lui-même non garantie par le contrat ;

Le Gan soutient que les conventions spéciales du contrat, qui prévoient ces exclusions de garanties, ont été portées à la connaissance de la société Porquet et lui sont opposables ; qu'elles ne sont pas atteinte de nullité contrairement à ce qui est allégué par la société Lorans.

La société Lorans demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris

- y additant de condamner la Porquet SAS, le Gan, Axa France Iard et à lui payer la somme de 2 500 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- subsidiairement, au cas où il serait retenu que la cause du sinistre est en tout ou partie imputable à la mise en œuvre du brasage par la société Hamon, de débouter la société Hamon et la SMABTP de toutes leurs demandes à l'encontre de la société Lorans à hauteur de la part de responsabilité qui leur sera reconnue dans la réalisation du sinistre.

- de condamner Porquet et Gan Eurocourtage en tous les dépens de première instance et d'appel.

La société Lorans se fonde sur les constatations contradictoires faites par les experts des compagnies d'assurance et le CETIM, qui ont conclu au caractère défectueux des raccords, du fait des alliages dont ils sont composés, qui constitue un vice caché ; qu'à supposer même que ces raccords aient été fournis à la société Porquet par l'importateur AKA, ils ont été livrés à la société Lorans par Porquet, qui en doit donc garantie ;

qu'il n'existe pas de norme NF pour les produits en laiton décollé ou matricés, de sorte que les certificats de normalisation invoqués par la société Porquet concernent du cuivre et non pas du laiton.

S'agissant de l'appel incident formé par la société Hamon et la SMABTP, la société Lorans soutient que la preuve du préjudice spécifique lié à l'atteinte à l'image n'est pas rapportée, et que la résistance abusive et injustifiée également invoquée par la société Hamon et la SMABTP ne peut être imputée à la société Lorans qui a immédiatement livré de nouveaux raccords pour permettre l'achèvement du chantier et n'a pas par la suite contesté sa responsabilité.

Par conclusions déposées devant la cour, et dans le dernier état de celles du 16 décembre 2011, Axa France Iard demande :

- de la déclarer recevable en son appel incident,

- d'annuler l'assignation et le jugement prononcé à son encontre

- de juger que ce jugement du 17 janvier 2011 est non avenu en application de l'article 478 du Code de procédure civile, n'ayant été signifié qu'aux termes de l'acte du 18 juillet 2011 délivré par la société Porquet,

En conséquence

- de mettre hors de cause la société Axa ;

Subsidiairement

vu l'article 16 du Code de procédure civile,

sous réserve de la communication de l'intégralité des pièces et conclusions,

- de réformer le jugement

- de juger que la société Axa est recevable en son exclusion de garantie fondée sur l'article 4.28 des conditions générales, en application des dispositions de l'article 1134 du Code civil,

- de débouter en conséquence toutes parties de toutes demandes dirigées contre la société Axa,

Subsidiairement

vu notamment les articles 1386 et suivants du Code civil, L. 124-3 du Code des assurances,

- de condamner solidairement la société Etablissements Porquet et son assureur la société Gan à garantir solidairement la société Axa de toutes condamnations prononcées à son encontre,

- de débouter toutes autres parties de toutes demandes

- de condamner la société Hamon, la SMABTP, la société Etablissements Porquet et son assureur Gan, in solidum, au paiement de la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SMABTP et la Société Hamon, intimées et appelantes incidentes, en l'état de leurs dernières conclusions du 22 juillet 2013, demandent à la cour :

- de constater l'irrecevabilité des moyens soulevés devant la cour par Axa

- de la déclarer en toutes hypothèses radicalement mal fondée

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum la société Lorans, la Compagnie Axa, la société Porquet et le Gan à payer à :

* la SMABTP la somme de 126 574,47 euro avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 15 janvier 2007

* la société Hamon la somme de 14 063,84 euro avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 15 janvier 2007,

- de débouter la société Porquet de ses prétentions,

- de débouter le Gan de toutes ses demandes, fins et conclusions notamment au titre de l'opposabilité des exclusions de plafond de garantie, et à titre subsidiaire, de juger que la garantie du Gan est engagée à hauteur de 136 783,11 euro, et plus subsidiairement encore à hauteur de 100 000 euro au titre des travaux préparatoires et de 500 000 euro au titre des préjudices immatériels,

- de débouter la société Lorans et la compagnie Axa de toutes leurs demandes nouvelles présentées devant la cour,

- de débouter toute partie de toutes demandes, fins ou prétentions contraires,

Réformant le jugement pour le surplus,

- de condamner in solidum l'entreprise Lorans, la Compagnie Axa, la société Porquet et le Gan à payer à la société Hamon la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice commercial et de l'atteinte à sa réputation et pour la désorganisation de son entreprise ;

- de condamner in solidum l'entreprise Lorans, la Compagnie Axa, la société Porquet et le Gan à payer à la société Hamon d'une part et à la SMABTP d'autre part la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts du fait de leur résistance abusive et injustifiée,

- de débouter toute partie de toutes demandes contraires,

En toutes hypothèses,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum l'entreprise Lorans, la Compagnie Axa, la société Porquet et le Gan à payer à la société Hamon et à la SMABTP la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 en première instance,

- de débouter toute partie de toute demande contraire

Y additant en cause d'appel,

- de condamner les mêmes à payer à la SMABTP et à la société Hamon la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- de condamner in solidum l'entreprise Lorans, la Compagnie Axa, la société Porquet et le Gan aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'annulation de l'assignation et du jugement déféré sollicitée par Axa, et la caducité du jugement invoquée subsidiairement

L'annulation de l'assignation et consécutivement du jugement déféré est sollicitée par la société Axa, faute pour celle-ci d'avoir été assignée régulièrement sur le lieu de son siège social situé à Paris.

Selon les énonciations du jugement, la société Axa a été assignée à Châteauroux, lieu où se trouve une de ses délégations.

Dans ces conditions, l'assignation délivrée dans un établissement de la société Axa doit être considérée comme régulière, de même que la signification du jugement réputé contradictoire du 17 janvier 2011, intervenue le 25 février 2011 puis le 15 avril 2011 entre les mains d'une personne employée de cet établissement qui s'est déclarée habilitée à recevoir copie de l'acte.

Il ne sera en conséquence pas fait droit à l'annulation sollicitée de l'assignation et du jugement déféré, pas plus qu'au moyen tiré de la caducité de la décision valablement signifiée dans le délai de six mois à compter de la date de la décision.

Sur l'origine des désordres survenus

La responsabilité du fait de la garantie des produits défectueux relevant des dispositions de l'article 1386-1 du Code civil, dont le texte est visé dans le dispositif des conclusions de la société Hamon et de la SMABTP, ne peut être recherchée en l'espèce, ainsi que le font valoir la société Porquet et la compagnie Gan Eurocourtage.

Des dispositions de l'article 1386-2 du Code civil alinéa 1 et 2 il ressort en effet que cette responsabilité ne peut concerner qu'une atteinte à la personne, ou à un bien, autre que le produit défectueux lui-même ayant subi un dommage d'un montant au moins égal à celui fixé par décret.

Dans ces conditions, et dès lors que ce sont les raccords produits et fournis par la société Porquet qui sont eux même décrits comme défectueux, la mise en œuvre de la responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1386-1 du Code civil ne saurait aboutir.

La responsabilité tant du fournisseur des raccords allégués comme défectueux, que de leur producteur ne peut donc être engagée que sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Il résulte des explications des parties que la société Hamon, amenée à modifier des raccordements dans le cadre d'un marché de remplacement de convecteurs eau chaude par des radiateurs dans plusieurs immeubles à Rennes, a procédé à des essais de mise sous pression à l'issue des travaux, et qu'il est alors apparu des fuites systématiques au niveau des raccords.

Un constat d'huissier a été établi, dont il ressort :

- que s'agissant des raccords déposés, les écrous étaient pour la plupart fendus latéralement,

- que s'agissant d'un raccord laissé en place dans l'un des appartements, un sifflement était constaté après mise en air et qu'au fur et à mesure du serrage, la fuite d'air augmentait avant que le raccord ne casse.

Les raccords en cause sont fabriqués par la société Porquet à partir de barres de laiton, le laiton utilisé étant, selon les affirmations de la société Porquet, conforme à l'arrêté du 29 mai 1997 relatif aux matériaux utilisés dans les installations d'eau destinées à la consommation humaine.

L'expertise technique à laquelle il a été procédé contradictoirement, toutes les parties étant présentes, y compris un représentant de l'assureur Axa, a été exécutée par le CETIM.

Dans un premier rapport, du 18 octobre 2006, l'expert conclut que si le mode opératoire de brasage de raccords laiton sur tubes de cuivre a été jugé perfectible à l'issue de cette première opération et visite du chantier, ce mode opératoire de brasage ne saurait être seul mis en cause dans le problème de raccords de manchettes rompues ou fissurées et que des examens complémentaires à caractère métallurgique et une caractérisation effective de la matière des raccords Porquet devraient être faits.

Dans un second rapport en date du 7 décembre 2006, axé sur ces derniers points, et destiné à analyser la composition exacte des laitons constitutifs des différents éléments, l'expert relève que les compositions chimiques réelles des parties "écrou" et "sphéro-conique" ne rentrent pas tout à fait dans les fourchettes analytiques annoncées, en particulier pour la teneur en étain et plomb, qui dépassent leurs limites hautes admissibles respectives.

Lors du brasage à la flamme des laitons de décolletage, la teneur en plomb diminue leur aptitude au brasage, l'expert indiquant que cette teneur excessive de la matière analysée la rend critique lors du brasage fort à haute température d'une part et peut conduire à des brasures fragiles ou défectueuses d'autre part.

Il conclut qu'indépendamment du mode opératoire de brasage qui a été jugé précédemment perfectible et constitue un facteur aggravant dans la survenue des avatars en question, la matière constitutive des éléments de raccords Porquet est impropre au brasage fort manuel à la flamme eu égard à sa teneur excessive en plomb.

La société Porquet critique les conclusions de l'expert et notamment les résultats de l'analyse chimique sur laquelle il se fonde en soutenant que les raccords en cause tendent au respect des normes mais n'y sont pas tenus, et qu'à l'inverse ils sont parfaitement conformes au règlement sanitaire de l'arrêté du 29 mai 1997 relatif aux matériaux et objets utilisés dans les installations d'eau destinées à la consommation humaine.

Cette conformité à la réglementation sanitaire n'exclut cependant pas l'inadaptation de l'alliage utilisé à la technique du brasage indispensable pour la mise en œuvre des raccords sur l'installation, et à cet égard, il importe peu que la teneur en plomb soit conforme à la limite maximale de 5 % autorisée pour la production des matériaux destinés aux installations d'eau à visée de consommation humaine, si, bien qu'inférieure à ce seuil, la teneur en plomb de 3,48 % et 3,60 % des éléments des raccords les rend impropres à leur fonction.

Enfin, la société Porquet est mal venue à reprocher à la société Hamon d'avoir posé des raccords dépourvus de la norme NF, dès lors que c'est elle même qui a fabriqué les dits raccords, et que, de surcroît, le lien de causalité entre le désordre survenu, consécutif à l'alliage de ces matériaux, et l'absence de conformité à la norme NF, n'est pas démontré.

Dans ces conditions, l'alliage critiqué et relevé par l'expert comme rendant le raccord Porquet inadapté à la seule technique possible pour sa mise en place, constitue un vice caché, antérieur à la vente puisque datant de la fabrication du raccord, et justifie la mise en œuvre de la responsabilité du fabricant la société Porquet et du vendeur la société Lorans à l'égard de la société Hamon sur le fondement des dispositions de l'article 1641 du Code civil.

Sur le montant de l'indemnisation de la société Hamon et de son assureur subrogé

Il n'est pas contesté que le coût du remplacement des raccords défaillants s'est élevé à 140 638,41 euro HT, que la SMABTP a versé à la société Hamon à hauteur de 126 574,57 euro, déduction faite de la franchise de 14 063,84 euro que la société Hamon a conservée à sa charge.

La société Lorans et la société Porquet sont donc recevables du montant de ces indemnisations à la société Hamon et à son assureur subrogé, la SMABTP, et seront en conséquence condamnées in solidum à verser la somme de 126 574,57 euro à la SMABTP et celle de 14 063,84 euro à la société Hamon avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 15 janvier 2007.

La société Hamon réclame en outre une somme de 30 000 euro à titre d'indemnisation de son préjudice commercial et invoque également à ce titre la désorganisation de son entreprise du fait de la nécessité de procéder aux travaux de reprise.

Étant observé que la société Hamon indique elle-même que, du fait de ces travaux de reprise, elle n'a pu achever le chantier qu'en novembre 2006 au lieu du 10 octobre 2006, date initialement prévue, ce qui témoigne de sa part d'une célérité certaine, elle ne justifie pas de pénalités de retard qui lui auraient été appliquées, ni de réclamations qui lui auraient été faites, de nature à nuire à son image de marque.

Il ne peut donc être fait droit à sa demande de dommages et intérêts et à son l'appel incident sur ce point, le jugement déféré étant confirmé également à ce titre.

Enfin, s'agissant de la demande formée au titre de la résistance abusive opposée à la société Hamon et son assureur par leurs adversaires, elle ne saurait non plus aboutir, faute de démonstration de ce caractère abusif et sauf à les priver du droit de faire valoir en justice leurs positions contraires à celles des demandeurs.

Sur l'étendue de la garantie des assureurs Gan et Axa

La compagnie Gan Eurocourtage, assureur de la société Porquet se prévaut des conventions spéciales relatives à sa garantie après la mise en circulation des produits ou après achèvement des travaux, qui excluent "le coût représenté par le remplacement, le remboursement de tout ou partie, la remise en état ou la reconstruction (...) des travaux ou prestations défectueux livrés par l'assuré ou ses sous-traitants", et également de l'article 1-M de ces mêmes conventions spéciales selon lequel ne sont pas garantis "les dommages immatériels qui ne seraient pas la conséquence d'un dommage corporel ou matériel ou qui seraient la conséquence d'un dommage corporel ou matériel non garanti".

L'assureur se prévaut des termes de ces conventions spéciales dont il soutient qu'elles ont été portées à la connaissance de l'assuré, qui a reconnu, dans les conditions particulières qu'il a ratifiées et signées le décembre 2001, avoir reçu un exemplaire des conventions spéciales 37351(DC 06.97).

L'exemplaire original des conventions spéciales produit aux débats n'est pas signé ou contresigné par l'assuré et ne porte aucunement, contrairement à ce qui est affirmé, les références visées dans les conditions particulières comme étant celles dont l'assuré a eu connaissance, cette indication étant seulement portée, de manière manuscrite sur la copie également produite.

Seules peuvent donc être opposées les limites de garantie résultant des conditions particulières du contrat du 6 décembre 2001, soit une limite de garantie de 100 000 euro par année d'assurance et une franchise de 7 500 euro pour les frais de dépose et repose et les frais de retrait engagés par les tiers, conformément à la décision des premiers juges qui sera confirmée.

Pour ce qui concerne la garantie de l'assureur de la société Lorans, la société Axa, contestée par cette dernière aux motifs que sa garantie ne s'applique pas lorsque les dommages sont causés par les biens confiés à l'assuré à quelque titre que ce soit, cette exclusion lui étant opposable en application des conditions particulières du contrat de responsabilité civile entreprises souscrit.

Il ressort cependant des termes de ces conditions particulières que le contrat d'assurance du 27 juin 2006 garantit les activités de commerce de gros et petits matériels de plomberie (tuyauterie, robinetterie, raccords etc.) destinés aux professionnels et à la grande distribution, sans pose.

Tel est le cadre de l'activité dans lequel est intervenue la société Lorans, en tant que fournisseur à la société Hamon des raccords qu'elle s'était procurés auprès de la société Porquet, aucune activité de pose n'étant prévue.

L'exclusion à laquelle se réfère la société Axa, visée au paragraphe 4.28 du chapitre IV des conditions générales, qui exclut - le prix du travail effectué et/ou livré par l'assuré ou pour son compte - non signées ou paraphées par l'assuré, et dont il n'est pas démontré qu'il en a eu connaissance, ne sont pas opposables de ce fait à celui-ci.

Dans ces conditions, aucune exclusion de garantie opposable à l'assuré n'étant justifiée par la société Axa, celle-ci doit garantir son assuré de l'intégralité des conséquences du sinistre, dans les termes du jugement de première instance qui sera confirmé en toutes ses dispositions.

La société Porquet et son assureur, qui succombent, devront supporter les dépens d'appel et, dans la limite de 100 000 euro et sous déduction de la franchise de 7 500 euro pour l'assureur Gan Eurocourtage, devront verser à la société Hamon, la SMABTP, la société Lorans et Axa chacune la somme de 1 500 euro au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs : LA COUR, - Rejette les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Axa, - Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, - Condamne la société Établissements Porquet et la compagnie d'assurance Gan Eurocourtage à verser à la société Hamon, la SMABTP, la société Lorans et la société Axa la somme de 1 500 euro à chacune au titre des frais irrépétibles, - Dit que la société Gan Eurocourtage sera tenue à garantir son assuré de toutes condamnations dans la limite de 100 000 euro et sous déduction de la franchise de 7 500 euro, - Condamne la société Établissements Porquet et la compagnie d'assurance Gan Eurocourtage aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.