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Décisions

CA Douai, 1re ch. sect. 1, 28 octobre 2013, n° 13-01541

DOUAI

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Rimozi

Défendeur :

Delamotte

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Merfeld

Conseillers :

Mmes Metteau, Doat

Avocats :

Mes Franchi, Hiblot

TI Arras, du 6 juill. 2012

6 juillet 2012

Par jugement réputé contradictoire rendu le 6 juillet 2012, le Tribunal d'instance d'Arras a :

débouté M. Pierre Rimozi de l'intégralité de ses demandes,

condamné M. Pierre Rimozi aux dépens.

M. Pierre Rimozi a interjeté appel de cette décision le 15 mars 2013.

RAPPEL DES DONNEES UTILES DU LITIGE :

Expliquant qu'il avait acheté à M. Jean-Louis Delamotte, animateur d'une prétendue société de droit polonais Sopolmat, un camion de marque Volvo et qu'il lui avait versé un acompte de 5 000 euros, que le vendeur avait affirmé que le camion datait de 1989 mais que la date de la première mise en circulation était en réalité 1985, que son consentement avait donc été surpris par dol, M. Pierre Rimozi a, par acte d'huissier du 26 janvier 2012 fait assigner M. Jean-Louis Delamotte devant le Tribunal d'instance d'Arras afin d'obtenir l'annulation de la vente, la condamnation du vendeur à lui restituer la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2010 et capitalisation des intérêts, et sa condamnation à lui payer 2 000 euros de dommages et intérêts, 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens.

Le tribunal d'instance d'Arras l'a débouté de sa demande en relevant qu'il ne rapportait pas la preuve de l'impossibilité de citer la société Sopolmat en Pologne, ni la preuve de l'existence d'une manœuvre dolosive (de sorte que n'étaient établies ni la preuve de qualité de débiteur de M. Jean-Louis Delamotte ni celle de l'existence de son dol).

Dans ses conclusions d'appel, M. Pierre Rimozi demande à la cour, au visa des articles 1109 et 1116 du Code civil, d'infirmer le jugement et de :

prononcer l'annulation de la vente du camion Volvo immatriculé 1805 XD 38,

à titre subsidiaire, prononcer la résolution de la vente par application de l'article 1134 du Code civil,

condamner M. Jean-Louis Delamotte à lui verser la somme de 5 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 avril 2010,

ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1154 du Code civil,

condamner M. Jean-Louis Delamotte à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et vexatoire,

le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

le condamner aux dépens.

Il fait valoir que :

il a versé, le 23 septembre 2009, à M. Delamotte, animateur d'une prétendue société de droit polonais Sopolmat, une somme de 5 000 euros en acompte sur la vente d'un camion Volvo, convenue au prix de 12 000 euros. Le vendeur lui a affirmé, en présence de deux témoins, que le camion datait de 1989 alors que la date de première mise en circulation est de 1985. Cette date de 1989 constituait un élément déterminant de son consentement pour acheter le véhicule à ce prix.

le 1er octobre 2009, il a envoyé un courrier à la société Sopolmat demandant l'annulation de la vente pour ce motif. M. Delamotte a, dans un premier temps, accepté de lui rembourser son acompte sous déduction d'une somme de 1.500 euros. Il a donné son accord pour cet arrangement mais M. Delamotte a finalement refusé tout remboursement malgré une mise en demeure qui lui a été adressée à cette fin le 13 avril 2010.

La société Sopolmat a établi une attestation de versement de la somme de 5 000 euros le 23 septembre 2009. Le papier à entête mentionne un siège social en Pologne et un numéro de TVA intra-communautaire en France. Il fait également état d'un bureau de représentation en France. L'assignation a été délivrée au siège social de la société en Pologne en respectant les dispositions du règlement communautaire 1393-2007. Cependant, aucune société Sopolmat n'a pu être identifiée en Pologne malgré les recherches effectuées. La lettre recommandée adressée au bureau de représentation est revenue avec la mention non réclamée, sans que l'existence juridique de la société ne puisse être établie. En effet, l'assignation faite au bureau de représentation a, en fait, été délivrée au domicile de M. Delamotte.

M. Delamotte a utilisé un papier à entête d'une société inexistante, sans bureaux de représentation, donnant faussement l'apparence d'une société commerciale. Il a menti sur l'année de mise en circulation du véhicule vendu. Par ailleurs, il n'a jamais remboursé l'acompte ni même offert de livrer le véhicule contre le paiement du solde du prix. Il a ainsi commis un dol.

A titre subsidiaire, la vente doit être annulée faute d'exécution de la part du vendeur.

Le montant de l'acompte doit lui être remboursé et la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts lui être payée en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive de l'intimé.

La déclaration d'appel a été signifiée à M. Jean-Louis Delamotte, en l'étude de l'huissier, par acte d'huissier du 21 mai 2013 contenant assignation.

Les conclusions de M. Rimozi lui ont été signifiées par acte d'huissier du 21 juin 2013, acte également remis en l'étude de l'huissier.

M. Jean-Louis Delamotte n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

L'article 1109 du Code civil prévoit qu'il n'y a point de consentement valable, si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Selon l'article 1116, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le 23 septembre 2009, M. Pierre Rimozi a acheté un camion Volvo immatriculé 1805 XD 38 moyennant un prix de 12 000 euros. Il a versé, en espèces, un acompte de 5 000 euros.

Il ressort des attestations de M. Afonso Ramos Kuansambu et de M. Pedro Pinnock, présents lors de la transaction, que le véhicule a été présenté comme datant de l'année 1989 et que l'achat était conditionné par l'âge du véhicule et son kilométrage.

La personne présente lors de la transaction, en qualité de vendeur de ce véhicule, était M. Jean-Louis Delamotte. Ce dernier a établi un reçu au titre de l'acompte versé, sur un papier à entête d'une société Sopolmat, disposant d'un numéro de TVA intracommunautaire polonais et d'une adresse en Pologne. Il est indiqué que cette société est une "SARL au capital de : 50 000 Zlt" et qu'elle dispose d'un numéro Siret ainsi que d'un bureau de représentation à Havrincourt.

Cependant, il apparaît que l'adresse donnée comme étant celle du bureau de représentation est en réalité celle de M. Jean-Louis Delamotte et que l'adresse en Pologne n'existe pas (cette indication résulte des démarches faites par l'huissier instrumentaire en vue d'assigner la société Sopolmat à Uniejow en Pologne).

Compte tenu des mentions contradictoires figurant sur le reçu rédigé par M. Delamotte (nom d'une société prétendument polonaise dont l'adresse n'existe pas, numéro de TVA intracommunautaire polonais mais société ayant la forme d'une société française - une SARL - avec un numéro de Siret, ce qui implique une immatriculation en France), il est établi que M. Delamotte a faussement laissé croire à l'existence d'une société commerciale comme venderesse du véhicule.

Il a également faussement mentionné que le véhicule objet de la vente avait été mis en circulation en 1989 alors qu'il ressort de la carte grise produite aux débats que ce camion a été mis en circulation en 1985 (étant d'ailleurs précisé que le nom du propriétaire réel de ce véhicule est inconnu puisque la carte grise fait mention d'une vente intervenue en août 2009 par la SARL Jean Marc Juvin et qu'aucune mutation de cette carte grise n'est intervenue depuis cette date).

Il ne saurait être reproché à M. Rimozi de n'avoir pas lu attentivement la carte grise portant l'indication de la date de mise en circulation alors même que le vendeur présent sur les lieux lorsqu'il est venu voir le camion lui a affirmé, selon les témoignages concordants des personnes présentes lors de la transaction, que cette date était 1989, avec certitude.

En conséquence, M. Pierre Rimozi rapporte la preuve d'un mensonge de M. Delamotte quant à un élément déterminant pour lui, dans le cadre de l'achat de véhicule qu'il projetait. Il justifie également que M. Delamotte ne pouvait agir au nom d'une société polonaise inexistante et qu'il a donc contracté en son nom personnel.

Dès lors, la preuve d'un dol est rapportée, la vente du véhicule Volvo doit être annulée et M. Delamotte condamné à rembourser à M. Rimozi l'acompte versé, à savoir 5 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2010, date de la mise en demeure adressée par le conseil de M. Rimozi aux fins de remboursement de l'acompte.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée à compter du 26 janvier 2012, date de l'assignation comportant cette demande.

Le jugement sera réformé en ce sens.

M. Rimozi ne caractérise pas l'existence d'une faute qu'aurait commise M. Delamotte dans le cadre de la présente procédure et qui serait constitutive d'une résistance abusive. Il ne justifie pas non plus d'un préjudice qu'il aurait subi de ce fait de sorte que sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive sera rejetée.

Succombant, M. Jean-Louis Delamotte sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il serait inéquitable de laisser à M. Rimozi la charge des frais exposés et non compris dans les dépens. Monsieur Delamotte sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant par défaut : Infirme le jugement ; Statuant à nouveau : Condamne M. Jean-Louis Delamotte à payer à M. Pierre Rimozi la somme de 5 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2010, date de la mise en demeure ; Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 26 janvier 2012 ; Déboute M. Pierre Rimozi de sa demande de dommages et intérêts ; Condamne M. Jean-Louis Delamotte aux dépens de première instance et d'appel ; Condamne M. Jean-Louis Delamotte à payer à M. Pierre Rimozi la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.