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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. A, 10 octobre 2013, n° 12-02434

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lecroart

Défendeur :

Boue, Rault, Garage du Globe (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruzy

Conseillers :

Mme Hebrard, M. Berthet

Avocats :

SCP Sarlin-Chabaud-Marchal-Mallet, Mes Gaborit, Bouquet

TGI Nîmes, du 24 avr. 2012

24 avril 2012

EXPOSÉ du LITIGE

Le 4 juin 2012 Monsieur Guy Lecroart a relevé appel d'un jugement réputé contradictoire rendu le 24 avril 2012 par le Tribunal de grande instance de Nîmes ayant prononcé la résolution de la vente du véhicule Berlingo Citroën intervenu le 23 juin 2011 entre lui-même et les consorts Michèle Boue et Didier Rault, l'ayant condamné à restituer le prix de vente de 17 000 euro assorti des intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance valant sommation de payer, ayant ordonné la restitution du véhicule à ses frais, l'ayant condamné à payer à Michèle Boue et Didier Rault la somme de 1 400 euro à titre de dommages et intérêts outre celle de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par acte d'huissier du 31 juillet 2012, Monsieur Guy Lecroart a assigné en intervention forcée devant la cour et en garantie la SARL Garage du Globe, aux fins de la voir condamnée, au visa des articles 1116, 1146, 1382, 1604, 1610, 1641 du Code civil et 473,555,654 du Code de procédure civile, à le garantir du remboursement de l'achat du véhicule consenti sur l'obligation de délivrance et par conséquent la nullité de la vente ainsi qu'à toute somme en indemnisation, article 700 et dépens qui engageraient sa responsabilité sur ce fondement.

Dans ses dernières conclusions du 30 mai 2013 signifiées le 27 mai 2013 à la SARL Garage du Globe auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et arguments, Monsieur Lecroart sollicite la cour au visa des articles 114,554,555,655 à 659 et 693 du Code de procédure civile ainsi que 1116, 1146, 1634, 1610 et 1641 du Code civil, :

"à titre principal, d'infirmer le jugement du 24 avril 2012 et de prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 26 septembre 2011,

"à titre subsidiaire de débouter Madame Michèle Boue et Monsieur Didier Rault de leurs demandes de résolution de la vente pour manquement à l'obligation de délivrance, et à défaut, de recevoir son appel en garantie et de condamner la SARL Garage du Globe à le garantir de toute condamnation de ce chef y compris des sommes relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens, de débouter la SARL Garage du Globe de l'ensemble de ses demandes ainsi que Madame Michèle Boue et Monsieur Didier Rault de leur demande en nullité de la vente pour dol et de condamner tout succombant aux entiers dépens avec droit de recouvrement au profit de son conseil ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

"à titre infiniment subsidiaire, de débouter les consorts Boue-Rault de leur demande d'indemnisation à hauteur de 1 400 euro pour défaut de preuve du préjudice réellement subi et à défaut de réduire le montant de l'indemnisation réclamée.

Dans leurs écritures en réplique respectivement des 30 et 29 mai 2013 auxquelles il est également explicitement renvoyé :

"Madame Michèle Boue et Monsieur Didier Rault concluent, au visa de l'article 112 du Code de procédure civile, à l'irrecevabilité de la demande de nullité de l'assignation du 26 septembre 2011 soulevée postérieurement à la défense au fond développée dans les conclusions d'appel signifiées le 26 juillet 2012 et au visa des articles 1610, 1116 et 1382 du Code civil, à la confirmation du jugement rendu le 24 avril 2012 en toutes ses dispositions ainsi que la condamnation de Monsieur Lecroart à leur payer la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel, outre aux entiers dépens ;

"la SARL Garage du Globe conclut au visa des dispositions des articles 555 et 473 du Code de procédure civile et de l'article 1604 du Code civil, à titre principal à l'irrecevabilité de son appel en garantie par Monsieur Guy Lecroart, à titre subsidiaire au débouté de ce dernier de l'ensemble de ses demandes dirigées à son égard et en toute hypothèse, à sa condamnation aux entiers dépens dont recouvrement au profit de son conseil ainsi qu'à lui payer la somme de 2 500 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 22 février 2013 avec effet au 30 mai 2013.

SUR CE

Sur la nullité de la signification de l'assignation

L'article 112 du Code de procédure civile permet à l'adversaire d'invoquer la nullité des actes de procédure au fur et à mesure de leur accomplissement mais il prévoit que cette nullité est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.

Monsieur Lecroart a relevé appel le 4 juin 2012.

Le 23 juillet 2012, il a fait sommation à Madame Boue et Monsieur Rault Didier d'avoir à lui communiquer l'assignation devant le Tribunal de grande instance de Nîmes du 26 septembre 2011 ainsi que la fiche de signification de l'huissier et/ou "étant et parlant à".

Sans attendre la communication de telles pièces le 31 juillet 2012, Monsieur Lecroart a conclu devant la cour le 30 juillet 2012.

Dans ces premières conclusions, expliquant ainsi sa non-comparution devant le tribunal, il indique clairement n'avoir jamais reçu d'assignation ni de correspondance d'un huissier l'informant d'une signification d'une assignation. S'étonnant que "le jugement ait été rendu sous le visa réputé contradictoire alors que la citation n'a pas été délivrée à personne et qu'il aurait dû être frappé du visa par défaut", il n'a cependant pas soulevé la nullité de cette assignation, et a conclu au fond, au débouté des consorts Rault-Boue de toutes leurs demandes.

La nullité de l'assignation du 26 septembre 2011 a été soulevée pour la première fois dans ses conclusions récapitulatives signifiées par le RPVA le 30 mai 2013.

Ayant fait valoir des défenses au fond le 30 juillet 2012, sans soulever la nullité de l'assignation, Monsieur Lecroart est irrecevable en son exception de nullité soulevée le 30 mai 2013.

Au fond

Le tribunal a prononcé la résolution de la vente du véhicule Berlingo Citroën intervenue le 23 juin 2011 avec Monsieur Rault et Madame Boue pour manquement de Monsieur Lecroart à son obligation de délivrance, celui-ci ne s'étant pas assuré au préalable que les formalités qu'il indiquait devoir être faites par le garage seraient possibles ou déjà faites.

Il ressort des pièces du dossier notamment des propres déclarations de Michèle Boue et Didier Rault dans le courrier qu'ils ont adressé à Monsieur Lecroart le 28 juin 2011, soit, cinq jours après la vente ainsi que de la réponse à leurs sollicitations de la préfecture du Gard datée du 25 juillet 2011 :

- que le 23 juin 2011, Monsieur Rault et Madame Boue ont été mis en possession du véhicule Berlingo, d'un certificat de cession signé par les deux parties, ainsi que d'un certificat provisoire d'immatriculation BB-339-GG attribué au garage du Globe à Nîmes en date du 7 octobre 2010, valable pour un mois, du véhicule Citroën Berlingo et porteur de la mention "véhicule de démonstration" ; que Monsieur Lecroart leur a "mentionné" qu'il avait "demandé une immatriculation mais que celle-ci avait beaucoup pris de retard et qu'il ne disposait pas encore du certificat à son nom" ;

- que la fin d'usage de démonstration du véhicule Citroën Berlingo, en vue de sa vente, a été inscrite en Préfecture à la demande du garage du globe le 27 juin 2011 ;

- que le 6 juillet 2011, le véhicule a été cédé à Monsieur Lecroart avec date d'effet au 8 janvier 2011 ;

- que le certificat d'immatriculation au nom de Monsieur Guy Lecroart a été établi le 7 juillet 2011 ;

- qu'en possession le 17 juillet 2011,de la carte grise à son nom, Monsieur Lecroart y a apposé la mention "vendu le 23 juin 2011" et l'a déposée le 20 juillet 2011 en préfecture accompagnée d'un certificat de cession ; qu'il a ce même jour immédiatement inscrit les coordonnées des acquéreurs de son véhicule leur donnant ainsi permis de circuler pendant un mois, dans l'attente du nouveau certificat d'immatriculation à leur nom ;

- que le certificat d'immatriculation a été établi au nom de Monsieur Rault et Madame Boue le 28 septembre 2011.

Ainsi Monsieur Rault et Madame Boue ont obtenu un mois après la vente la délivrance de la carte grise au nom de Monsieur Lecroart sur laquelle a été apposée la mention "vendu le 23 juin 2011", autorisant l'immatriculation du véhicule à leur nom.

Ce délai doit cependant être apprécié au regard de leur acceptation d'acheter en toute connaissance de cause à Monsieur Lecroart un véhicule qualifié de "démonstration" accompagné d'un certificat d'immatriculation provisoire pour une durée de un mois, certificat au nom du Garage du Globe, non de Monsieur Lecroart, leur vendeur, et d'une durée de validité dépassée depuis plus de sept mois à la date de la cession.

Par suite, la cour estime, compte tenu de ces circonstances et de l'inscription effectuée en Préfecture par le Garage du Globe de la fin d'usage de démonstration du véhicule Citroën Berlingo en vue de sa vente, le 27 juin 2011, soit cinq mois après la vente prétendue le 8 janvier 2011 à Monsieur Lecroart et quatre jours après la revente aux consorts Rault-Boue, que le délai d'un mois entre la vente et la délivrance du certificat d'immatriculation indispensable à une utilisation normale du véhicule vendu, est raisonnable.

Le jugement déféré est en voie de réformation en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du 23 juin 2011, le vendeur Lecroart ayant rempli son obligation de délivrance.

Monsieur Guy Lecroart a appelé en garantie la SARL Garage du Globe pour la première fois en cause d'appel suivant assignation en intervention forcée délivrée le 31 juillet 2012.

Faute, alors que régulièrement cité, d'avoir comparu devant le premier juge et d'y avoir attrait la SARL Garage du Globe, Monsieur Guy Lecroart est irrecevable en son appel forcé, devant la Cour, aux fins de condamnation, de cette société Garage du Globe, au regard des dispositions de l'article 555 du Code de procédure civile, n'étant justifié de la révélation d'aucune circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieur à celui-ci modifiant les données juridiques du litige, alors même que depuis l'assignation introductive d'instance, Monsieur Rault et Madame Boue poursuivent la "résolution" de la vente sur le manquement à l'obligation de délivrance.

Subsidiairement, Monsieur Rault et Madame Boue poursuivent l'annulation de la vente pour dol.

Aux termes de l'article 1116 du Code civil "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas. Il doit être prouvé."

La charge de la preuve du dol de Monsieur Lecroart qui n'est pas un vendeur professionnel, incombe à Monsieur Rault et Madame Boue.

Le vendeur professionnel ou non, d'un véhicule d'occasion est tenu d'informer l'acheteur en lui indiquant spontanément les caractéristiques essentielles, qualités et défauts, notamment de lui préciser s'il s'agit d'un véhicule accidenté.

Il n'est pas contesté par Monsieur Guy Lecroart qu'il a été victime d'un accident de la circulation à la suite duquel son véhicule Citroën Berlingo a été un temps déclaré "véhicule endommagé" avant que ce statut ne soit levé, après réparations, le 11 février 2011 et qu'il n'a pas informé Monsieur Rault et Madame Boue de cet événement lors de la vente.

Cet accident constituait cependant une information d'importance pour les acquéreurs d'un véhicule gravement endommagé et passé au marbre. Le fait pour Monsieur Lecroart de l'avoir tu constitue une réticence dolosive et caractérise par là-même le dol.

En effet, Monsieur Lecroart n'ignorait pas que s'il avait signalé à ses acheteurs que le véhicule Citroën Berlingo, même parfaitement réparé, avait un temps été classé "véhicule endommagé", ces derniers n'auraient soit pas contracté, se refusant de prendre le risque d'acheter un véhicule, même ayant fait l'objet d'une remise en état conforme, qui un temps n'a plus été en état de circuler dans des conditions normales de sécurité, soit auraient contracté mais à un prix inférieur au prix argus demandé, excipant d'une dépréciation du véhicule à la suite de cet accident tout comme lui-même l'avait fait valoir auprès de sa compagnie d'assurance Axa le 14 mars 2011. Il s'est donc tu intentionnellement même s'il n'y a pas intention de nuire à Monsieur Rault et Madame Boue puisque le véhicule a été, dans le cadre de la procédure VE, après réparations effectuées dans les règles de l'art, déclaré en état de circuler dans des conditions normales de sécurité.

Il pesait sur Monsieur Lecroart une obligation d'information et son silence intentionnel sur l'accident et ses suites, ne peut qu'être sanctionné.

Ce défaut d'information a eu pour effet de vicier le consentement de Monsieur Rault et Madame Boue qui n'auraient pas contracté ou auraient contracté à d'autres conditions s'ils avaient été pleinement renseignés.

Le dol commis entraîne la nullité de la vente. Les parties doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution. Monsieur Lecroart restituera donc à Monsieur Rault et Madame Boue le prix de 17 000 euro sans que soit justifiée la nécessité d'une astreinte, et ces derniers restitueront le véhicule Citroën Berlingo à Monsieur Lecroart.

Le dol étant en lui-même constitutif d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, Monsieur Rault et Madame Boue sont en droit de demander l'allocation de dommages et intérêts sous réserve que le préjudice subi soit en lien avec cette faute.

Force est de constater qu'il demandent réparation du préjudice résultant pour eux du fait, d'une part, d'avoir renoncé à leur projet de vacances faute d'avoir pu circuler légalement avec le véhicule, d'autre part, de la résistance du vendeur et de tous les tracas et démarches administratives subséquentes.

La faute de Monsieur Lecroart dans la délivrance tardive du certificat d'immatriculation n'ayant pas été retenue, Monsieur Rault et Madame Boue ne sont pas recevables à solliciter réparation du préjudice lié à l'impossibilité pour eux de circuler avec le véhicule acheté depuis le jour de l'achat jusqu'à celui de la remise de la carte grise barrée.

A partir de cette date, ils avaient la possibilité de circuler, avec un véhicule en état de marche normale qu'ils devaient forcément remiser.

Pour le reste, il est constant qu'ils ont accompli des démarches administratives notamment pour immatriculer ce véhicule. Il leur sera alloué la somme de 400 euro à titre de dommages et intérêts.

Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel de Monsieur Guy Lecroart, Déclare Monsieur Guy Lecroart irrecevable en son exception de nullité de l'assignation du 26 septembre 2011, Réforme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente du véhicule Citroën Berlingo intervenue le 23 juin 2011 entre Michèle Boue et Didier Rault d'une part, Guy Lecroart, d'autre part ; Statuant à nouveau, Déboute Michèle Boue et Didier Rault de leur demande en résolution de la vente pour manquement de Monsieur Lecroart à son obligation de délivrance ; Déclare Monsieur Guy Lecroart irrecevable en son intervention forcée formée devant la Cour, aux fins de garantie, à l'encontre de la SARL Garage du Globe ; Prononce la nullité de cette vente intervenue le 23 juin 2011 pour dol de Monsieur Guy Lecroart ; Confirme le jugement pour le surplus sauf à réduire à 400 euro le montant des dommages et intérêts dont condamnation est prononcée à l'encontre de Monsieur Guy Lecroart au bénéfice de Monsieur Didier Rault et Madame Michèle Boue ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ; Condamne Monsieur Guy Lecroart aux dépens d'appel dont distraction au profit de maître Bousquet ; Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Guy Lecroart à payer à Monsieur Rault et Madame Boue la somme complémentaire de 1 000 euro ainsi que celle de 500 euro à la SARL Garage du Globe.