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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 1, 8 janvier 2014, n° 12-07090

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Prunières (SA)

Défendeur :

Trans Euro Trucks (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Parenty

Conseillers :

Mme Delattre, M. Brunel

Avocats :

Mes Deleforge, d'Acunto, Denis

T. com. Dunkerque, du 16 avr. 2012

16 avril 2012

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Dunkerque en date du 16 avril 2012 déclarant irrecevable pour avoir était introduit au-delà du délai de deux ans prévu par l'article 1648 du Code civil l'action en résolution de la vente pour vice caché introduite par la société Prunières à l'encontre de la société Trans Euro Trucks dans le cadre de l'achat d'une citerne-remorque acquise le 14 novembre 2008 par la société Prunières ; le tribunal a considéré que le délai de deux ans n'avait pu être interrompu par l'action en référé engagée le 29 septembre 2009 devant le Tribunal de commerce de Montpellier dès lors que la société Prunières s'était désistée de l'instance ; le tribunal a également considéré que la nullité de la vente pour dol ne pouvait être retenue à défaut de démonstration d'une manœuvre imputable à la société Trans Euro Trucks alors que l'une et l'autre des sociétés étaient professionnelles du transport routier ;

Vu la déclaration d'appel de la société Prunières en date du 19 novembre 2012 ;

Vu les conclusions de la société Prunières en date du 18 février 2013 demandant la réformation du jugement et à titre principal la résolution de la vente pour vice caché avec condamnation de la société Trans Euro Trucks à lui payer 9 863,96 euro outre 2 000 euro à titre de dommages-intérêts ; elle estime que l'action en référé engagée par elle devant le Tribunal de commerce de Montpellier a eu un effet suspensif du délai de deux ans prévu par l'article 1648 du Code civil puisque son désistement, qui n'était qu'un désistement d'instance et non pas d'action, n'est intervenu que parce que le conseil de la société Prunières avait précisé que l'action serait engagée devant la juridiction compétente ; elle explique par ailleurs que le vice affectant la remorque citerne acquise par elle n'était pas connu d'elle alors qu'il n'est pas démontré qu'elle ait la qualité de professionnel du transport, que celui-ci était par contre connu de la société Trans Euro Trucks, le bureau Veritas ayant certifié que des réparations avaient été effectuées sur le véhicule litigieux et qu'elle avait en toute hypothèse l'obligation de fournir un véhicule exempt de vice ; à titre subsidiaire, est demandée l'annulation de la vente pour dol, le dol résultant du défaut de révélation des vices affectant le véhicule ce que ne pouvait ignorer le vendeur professionnel ; à titre plus subsidiaire encore est soutenu un manquement du vendeur à son obligation d'information et de conseil ;

Vu les conclusions de la société Trans Euro Trucks en date du 8 avril 2013 demandant la confirmation du jugement ; elle fait valoir que la demande en résolution de la vente pour vice caché est forclose, le désistement d'instance de la société Prunières devant le juge des référés faisant obstacle à tout effet interruptif puisque, si le désistement était effectivement motivé par l'incompétence de la juridiction saisie, il n'a toutefois pas été précédé de la saisine de la juridiction compétente ; à titre subsidiaire, elle fait valoir que le véhicule litigieux a été vendu "sans garantie, dans l'état connu de l'acheteur" et que le vice affectant le véhicule était inconnu du vendeur, le procès-verbal de contrôle technique préalable n'ayant relevé aucune anomalie sur la citerne ; s'agissant du dol, elle indique qu'il ne peut être retenu puisqu'elle n'avait pas connaissance du vice ; s'agissant enfin du manquement à l'obligation d'information et de conseil, elle estime qu'il ne peut trouver à s'appliquer dans le cadre de relations entre professionnels ;

Vu l'ordonnance de clôture du 19 septembre 2013 ;

SUR CE

Attendu que les éléments de fait ont été complètement et exactement énoncés dans le jugement déféré auquel la cour entend en conséquence renvoyer à ce titre ;

Attendu que, suivant les termes de l'article 2241 du Code civil : "La demande en justice même en référé interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente (...)." ; que par ailleurs, l'article 2242 précise que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ;

Attendu par ailleurs qu'il résulte des dispositions de l'article 2243 du Code civil, applicables au délai de deux ans prévu par l'article 1648 de ce même Code, que l'interruption du délai d'action résultant notamment d'une demande en référé est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ; que, certes, il est admis que le désistement maintien l'effet interruptif attaché à la citation en justice lorsqu'il est motivé par l'incompétence de la juridiction devant laquelle il est formulé et qu'il fait suite à la saisine de la juridiction compétente pour connaître de la demande ; que, tel n'est pas le cas en l'espèce ; qu'en effet, la société Prunières a assigné la société Trans Euro Trucks le 29 septembre 2009 devant le juge des référés du Tribunal de commerce de Montpellier pour obtenir la restitution intégrale du prix réglé pour l'acquisition litigieuse compte tenu du vice caché l'affectant ; que par ordonnance du 28 janvier 2010, le juge des référés du Tribunal de commerce de Montpellier a constaté l'extinction de l'instance ; que, certes, il résulte des pièces produites par la société Prunières que ce désistement d'instance a été annoncé par son conseil au conseil de la partie adverse en lui indiquant "je suis prêt à me désister demain et à recommencer bien entendu une procédure sur Dunkerque si nous convenons que vous renoncez indirectement à la demande que vous avez formulée au titre de l'article 700" ; que toutefois le Tribunal de commerce de Dunkerque n'a été saisi que le 16 mai 2011 ; qu'il en résulte que les conditions pour qu'il puisse être considéré que la citation en référé devant le Tribunal de commerce de Montpellier ait conservé son effet interruptif du délai de deux ans prévu par l'article 1648 du Code civil ne sont pas en l'espèce réunies ; qu'ainsi, dès lors que le vice allégué a été découvert le 3 décembre 2008, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que la demande de résolution de la vente était irrecevable du fait de l'expiration du délai de deux ans de l'article 1648 du Code civil ; que le jugement doit donc être confirmé à ce titre ;

Attendu que la société Prunières soutient à titre subsidiaire que la vente devrait être annulée pour dol ; que toutefois il n'est en l'espèce établi aucune manœuvre dolosive à la charge de la société Trans Euro Trucks non plus qu'aucune réticence dolosive ; qu'en effet, contrairement à ce que soutient la société Prunières, le procès-verbal de contrôle technique réalisé le 17 octobre 2007 n'a pas relevé d'anomalies susceptibles de remettre en cause la conformité de la citerne puisqu'il n'a visé que des éléments relatifs à une mauvaise visibilité de la "frappe à froid sur le châssis", à des éléments de signalisation défectueux et à une corrosion superficielle de l'essieu ; qu'il n'est pas ainsi établi que les éléments défectueux relevés à la suite d'un contrôle interne approfondi de la citerne aient été connus du vendeur, les réparations antérieures relevées lors de ce contrôle ne pouvant, à défaut de tout autre élément, être imputés à la société venderesse ; qu'il n'apparaît pas non plus que les éléments défectueux auraient du être connus de la société venderesse dans le cadre d'une vente faite à un professionnel du transport, entreprise créée en 1999 et présentant un effectif d'une cinquantaine de personnes, vente au titre de laquelle il était stipulé "matériel vendu sans garantie dans l'état connu de l'acheteur" ; que c'est à juste titre que le premier juge a écarté le dol ; que le jugement sera confirmé à ce titre ;

Attendu que la société Prunières entend soutenir un défaut d'information et de conseil à la charge du vendeur ; que toutefois, dès lors qu'il n'est pas établi que celui-ci avait connaissance du vice affectant la chose vendue, un manquement à l'obligation d'information ne peut être retenu ; que l'argumentation doit être rejetée ;

Que le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable que la société Trans Euro Trucks conserve à sa charge le montant des frais irrépétibles engagés devant la cour ; que la demande de la société Prunières présentée en application de l'article 700 du Code de procédure civile sera rejetée ;

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement par arrêt mis à disposition au greffe, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Prunières aux dépens qui pourront être recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.