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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 5 septembre 2013, n° 12-00524

DIJON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Patrick Metz (SA)

Défendeur :

Lombard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Jourdier

Conseillers :

MM. Plantier, Besson

Avocats :

Mes Gerbay, Braillard, Cardinal, Brunner

TGI Belfort, du 18 nov. 2008

18 novembre 2008

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon bon de commande du 20 janvier 2006 et facture du 7 février 2006 portant la mention "véhicule accidenté réparé selon les règles de l'art", Monsieur Michel Lombard a acquis de la société Patrick Metz, au prix de 51 500 euro un véhicule BMW M3 ayant parcouru 1 630 km.

Ce véhicule présenta rapidement de nombreux dysfonctionnements tant d'origine électrique que mécanique, et dû subir notamment un changement de pont arrière. Les difficultés ont persisté, conduisant Monsieur Michel Lombard depuis février 2007 à ne plus se servir de son véhicule dans lequel il n'a plus confiance, et à obtenir en référé la désignation d'un expert judiciaire par ordonnance du 12 avril 2007. Au vu du rapport d'expertise concluant que le véhicule, avant la vente, avait été gravement endommagé et avait subi des réparations pour plus de 38 000 euro, M. Lombard assigna la société Patrick Metz devant le Tribunal de grande instance de Belfort, aux fins d'obtenir la "résolution" de la vente pour dol et manquement du vendeur à ses obligations contractuelles, et la condamnation de la défenderesse à lui payer diverses sommes en réparation de ses préjudices.

Par jugement du 18 novembre 2008, le Tribunal de grande instance de Belfort a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Patrick Metz,

- prononcé la résolution du contrat de vente conclu entre la société Patrick Metz et Monsieur Michel Lombard aux torts de la société Patrick Metz, ordonné en conséquence la restitution du véhicule au vendeur et la restitution à l'acheteur du prix de vente de 52 332 euro avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

- rejeté la demande en paiement de factures de réparation présentée par Monsieur Michel Lombard et sa demande d'indemnisation pour préjudice moral,

- débouté la société Patrick Metz de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné la société Patrick Metz aux dépens dont ceux de la procédure de référé, et à verser à Monsieur Michel Lombard la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur l'appel de ce jugement, formé par la société Patrick Metz, la Cour d'appel de Besançon, par arrêt du 16 juin 2010 a infirmé le jugement déféré et a statué à nouveau comme suit :

"Déboute Monsieur Michel Lombard de ses demandes,

Déboute les parties de leurs réclamations respectives en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Monsieur Michel Lombard aux entiers dépens y compris ceux de l'instance en référé (...)"

Monsieur Michel Lombard ayant formé un pourvoi, la Cour de cassation, (1re chambre civile), par arrêt du 12 janvier 2012 rendu au visa de l'article 1116 du Code civil, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt précité de la Cour d'appel de Besançon et a renvoyé les parties devant la Cour d'appel de Dijon.

La société Patrick Metz a saisi cette cour par déclaration du 27 mars 2012. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 avril 2013, elle demande à la cour de :

- dire n'y avoir lieu à résolution judiciaire du contrat de vente, et infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé ladite résolution,

- dire qu'il n'existe aucune manœuvre démontrée de la société Patrick Metz susceptible d'être qualifiée de réticence dolosive ou de dol,

- dire que la société Patrick Metz n'a commis aucune faute contractuelle susceptible d'entraîner la résolution du contrat de vente,

- débouter Monsieur Michel Lombard de l'intégralité de ses demandes,

- à titre subsidiaire : ordonner une contre-expertise,

- condamner Monsieur Michel Lombard aux entiers dépens et à payer à la société Patrick Metz la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 30 mars 2013, Monsieur Michel Lombard sollicite l'infirmation du jugement rendu le 18 novembre 2008 par le Tribunal de grande instance de Belfort et demande à la cour de :

- prononcer la nullité de la vente du 7 février 2006 sur le fondement de l'article 1116 du Code civil,

- subsidiairement, prononcer la résolution judiciaire de la vente sur la base de l'article 1184 du Code civil aux torts exclusifs de la société Patrick Metz,

- condamner la société Patrick Metz à lui payer le montant de 52 332 euro avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2006, ainsi qu'à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

* 1 748,90 euro pour la facture de remplacement du pont arrière,

* 110,50 euro pour le contrôle de géométrie des trains ;

plus intérêts à compter des factures,

* un montant de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts en indemnisation de l'immobilisation, de ses démarches et les pertes de temps causées par les défaillances du véhicule et par la procédure d'expertise avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

* 5 000 euro au titre du préjudice moral,

le tout arrondi à 12 000 euro

- condamner la société Patrick Metz aux entiers dépens et à lui payer 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Subsidiairement, confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- donner acte à Monsieur Michel Lombard qu'en échange du versement des montants précités il tiendra la voiture à la disposition de la société Patrick Metz.

La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 30 avril 2013.

En application de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rapport d'expertise

Attendu que la société Patrick Metz reproche à l'expert d'avoir affiché un parti pris évident pour l'acheteur, de ne pas avoir examiné sérieusement le véhicule et d'avoir émis des hypothèses fantaisistes ;

Attendu que Monsieur Quet chargé d'une mission d'expertise judiciaire a réuni contradictoirement les parties à plusieurs reprises, a consigné leurs dires et y a répondu ; que rien ne permet de dire qu'il n'a pas été impartial ; que la première partie de son rapport, c'est-à-dire la réponse aux questions posées par le juge est très synthétique mais se trouve étayée par les compte-rendus complets des réunions et des investigations menées par l'expert ; que son rapport contient des éléments vérifiés permettant à la cour de statuer sur ce litige ; que peu importe que l'expert n'ait pas annexé à son rapport un avis donné par les experts mandatés amiablement par quatre compagnies d'assurances au vu de l'examen du véhicule à l'été 2006 et affirmant que "le bruit du pont AR, la fuite et le jeu à la sortie gauche ne proviennent pas des réparations effectuées par le garage Equation ni le sous-traitant le garage Pont Saint Sauveur" ; qu'en effet cet avis figure au dossier de l'appelante (pièce 11) et que rien ne prouve que celle-ci en a fait état lors des opérations d'expertise ;

Qu'aucune irrégularité n'affecte donc le rapport d'expertise, que la cour doit donc utiliser pour statuer en le confrontant aux pièces communiquées par les parties ;

Sur la demande de nullité de la vente pour dol

Attendu que les investigations de l'expert judiciaire ont démontré que la société Patrick Metz a proposé à la vente à Monsieur Michel Lombard le 20 janvier 2006 un véhicule coupé BMW acheté neuf par un autre de ses clients en septembre 2005 pour un prix de 62 095,50 euro ; que ce véhicule venait d'être réparé à Toulouse par un sous-traitant de la concession automobile BMW de cette ville, pour un coût de 38 611,44 euro, après avoir été volé en octobre 2005 et retrouvé accidenté à l'issue d'une course-poursuite avec la Police ; que la société Patrick Metz a racheté ce véhicule au premier propriétaire au prix de 44 000 euro selon estimation de reprise du 4 février 2006, puis facture du 7 février 2006, et l'a revendu à Monsieur Michel Lombard pour le prix de 51 500 euro plus le coût de la carte grise (832 euro) ; que des dysfonctionnements divers ont nécessité des réparations à compter du mois de mai 2006, y compris l'échange du pont arrière ; qu'au terme de son expertise qui s'est déroulée entre avril et septembre 2007, Monsieur Quet a conclu qu'il n'était pas établi que les réparations antérieures à la vente avaient été faites dans le respect des règles de l'art, et que cette vérification était impossible en l'absence de données précises sur les chocs, de photos pendant travaux, comme de mesures de la caisse après réparations; qu'il a exprimé ses doutes sur ce point étant donné qu'après la remise en circulation du véhicule "on se retrouve face à une multitude de pannes ou d'anomalies très différentes les unes des autres" (page 4 du compte-rendu de la réunion du 29 juin 2007) ;

Attendu tout d'abord qu'il n'est pas discuté que c'est bien le même véhicule portant le N° de série WBSBL91070JP90127 qui est concerné par tous ces événements ;

Attendu que l'expertise a établi que, si Monsieur Michel Lombard a effectivement été informé que le véhicule avait été accidenté, il ne lui a été communiqué au moment de la transaction aucune information ni sur la nature de l'accident, ni sur la consistance des réparations ; que le vendeur de la société Patrick Metz a reconnu que lors des pourparlers ayant précédé la commande, il a évoqué le véhicule dont s'agit comme ayant eu une aile froissée ; que pourtant la réparation des dommages qu'il avait subis ont nécessité des réparations comprenant 24 h de mécanique, 120 de tôlerie, 24 h de peinture etc. ;

Attendu que la société Patrick Metz fait valoir que tout dol est exclu étant donné que le bon de commande et la facture mentionne "véhicule accidenté réparé selon les règles de l'art", et que Monsieur Michel Lombard a été informé au moment de la vente de l'importance des réparations ;

Que cependant la société Patrick Metz avait réalisé la première vente le 20 septembre 2005 à un client habituel et qu'elle lui a repris le véhicule pour le revendre à Monsieur Michel Lombard en sachant qu'il avait été accidenté et réparé ; qu'en sa qualité de vendeur automobile professionnel, elle était mal fondée à se retrancher derrière la seule circonstance que les réparations ont été facturées par le concessionnaire BMW de Toulouse, d'autant plus que ce dernier avait en réalité sous-traité les réparations ; qu'il n'existe aucune preuve d'une information sur l'ampleur des réparations, alors que Monsieur Michel Lombard maintient qu'on ne lui a parlé que d'une aile froissée ; qu'ainsi il est démontré que la société Patrick Metz a délibérément laissé croire à Monsieur Michel Lombard que le véhicule qu'il achetait n'avait subi qu'un choc mineur ;

Attendu qu'une telle attitude pour un vendeur professionnel tenu d'une obligation de renseignement et d'information envers un acquéreur profane constitue un dol ; que ni les conditions d'utilisation de la BMW en cause par Monsieur Michel Lombard, et encore moins les doléances de ce dernier à propos d'un précédent véhicule n'ont d'incidence sur l'existence du dol ainsi caractérisé ; que de même sont sans incidences les contestations sur l'existence d'un lien entre les réparations et les dysfonctionnements ;

Attendu qu'il est certain que si Monsieur Michel Lombard avait connu l'état du véhicule après l'accident, et la nature et l'ampleur des réparations effectuées, il ne l'aurait pas acquis ; que la vente du 7 février 2006 est donc entachée de nullité ;

Qu'aussi il faut infirmer le jugement du 18 novembre 2008 ayant prononcé la résolution de la vente et prononcer la nullité de celle-ci en application des articles 1116 et 1117 du Code civil ;

Attendu que les parties doivent être replacées dans l'état antérieur à la vente, ce qui implique remboursement par la société Patrick Metz du prix de vente de 52 332 euro carte grise comprise, assorti des intérêts depuis la vente, et restitution du véhicule par Monsieur Michel Lombard ;

Attendu que le coût des réparations effectuées sur le véhicule en question constitue pour l'acheteur qui l'a exposé en pure perte un préjudice résultant du dol ; que la société Patrick Metz doit donc être condamnée à payer à ce titre à Monsieur Michel Lombard la somme de 1 859,40 euro justifiée par les deux factures invoquées ; qu'elle doit en outre l'indemniser à hauteur de 5 000 euro en réparation des tracas, démarches et immobilisation du véhicule, subis du fait de l'irrégularité de la vente ;

Attendu que Monsieur Michel Lombard fait état en outre d'un préjudice moral pour avoir subi les "mensonges et manœuvres du garage avant la vente" et sa "mauvaise foi" ; que ce faisant il ne caractérise pas l'existence d'un préjudice moral ouvrant une autre droit à réparation ; que sa demande de dommages et intérêts de ce chef n'est pas justifiée ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de déroger au principe posé par l'article 1153 du Code civil sur le point de départ des intérêts relatifs aux indemnités fixées par la cour ;

Attendu que la société Patrick Metz, partie perdante, doit supporter les entiers dépens ainsi qu'une indemnité pour les autres frais exposés par Monsieur Michel Lombard ;

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau : Prononce la nullité pour dol de la vente par la société Patrick Metz à Monsieur Michel Lombard du véhicule BMW M3 N° moteur WBSBL91070JP90127 suivant facture du 7 février 2006 ; En conséquence, Condamne la société Patrick Metz à rembourser à Monsieur Michel Lombard la somme de 52 332 euro, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 février 2006 ; Donne Acte à Monsieur Michel Lombard de son offre de restituer en échange ledit véhicule et au besoin l'y condamne ; Condamne la société Patrick Metz à payer à Monsieur Michel Lombard la somme totale de 6 859,40 euro en réparation de son préjudice matériel, outre les intérêts au taux légal à compter de ce jour ; Rejette sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ; Condamne la société Patrick Metz à payer à Monsieur Michel Lombard la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rappelle que la Cour de cassation a déjà statué sur les dépens exposés devant elle ; Condamne la société Patrick Metz aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de l'instance en référé ayant ordonné l'expertise judiciaire et ceux afférents à l'arrêt cassé, ainsi que le coût de cette expertise.