CA Nancy, 1re ch. civ., 7 janvier 2014, n° 12-00228
NANCY
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Toyota France (SAS)
Défendeur :
Jansem, Nasa Automobiles (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Hittinger
Conseillers :
Mme Deltort, M. Creton
Avocats :
SCP Dugravot Kolb Benoit Olszowiak, AARPI Lorraine Avocats, Mes Thiry, Chardon, Thiry, Gasse
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 21 février 2003, M. Jansem a acquis de M. Nguyen un véhicule automobile de marque Toyota que celui-ci avait acheté neuf à la société Nasa automobiles (la société Nasa), concessionnaire du constructeur.
Le 4 février 2010, le véhicule est tombé en panne.
Un technicien, mandaté par l'assureur de M. Jansem a procédé à l'expertise du véhicule en présence de la société Nasa et de la société Toyota France (la société Toyota).
S'appuyant sur le rapport de l'expert qui a constaté que la panne était due à un défaut de montage en usine de l'un des coussinets du vilebrequin, M. Jansem a saisi le juge des référés d'une demande tendant à la condamnation in solidum des sociétés Nasa et Toyota à réparer son préjudice.
Par ordonnance du 29 mars 2011, le juge des référés a constaté l'existence d'une contestation sérieuse et a dit en conséquence n'y avoir lieu à référé.
Se fondant sur la garantie des vices cachés, par acte du 9 mai 2011 il a assigné à jour fixe ces sociétés aux fins de les voir condamnées à lui payer diverses sommes à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 14 décembre 2011, le Tribunal de grande instance de Nancy a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en garantie des vices cachés, condamné in solidum les sociétés Nasa automobiles et Toyota à lui payer la somme de 11 711,93 euros à titre de dommages-intérêts et condamné la société Toyota à garantir la société Nasa des condamnations prononcées à son encontre.
La société Toyota a interjeté appel de cette décision.
Elle soulève la prescription de l'action au motif que M. Jansem, qui a eu connaissance du vice allégué le 22 juin 2010, date de dépôt du rapport d'expertise, n'a fait délivrer son assignation que le 9 mai 2011, soit au-delà du bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2008.
Sur le fond, elle soutient que le rapport d'expertise ne lui est pas opposable et que M. Jansem, qui s'appuie exclusivement sur ce rapport, ne rapporte la preuve ni de l'existence d'un vice caché, ni de sa gravité, ni de son antériorité à la vente du véhicule.
A titre subsidiaire, la société Toyota fait valoir qu'à l'exception des frais de remise en état du véhicule d'un montant de 5 713,61 euros, les autres chefs de préjudice invoqués par M. Jansem ne sont pas indemnisables soit parce qu'ils ne sont pas justifiés, soit parce qu'ils sont des préjudices indirects dont l'indemnisation est exclue dans le cadre de la garantie légale des vices cachés.
Elle réclame enfin la condamnation de M. Jansem à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Nasa a formé un appel incident. Elle conclut à l'irrecevabilité de la demande de M. Jansem et, subsidiairement, pour le cas où il serait fait droit à son encontre à la demande de celui-ci, demande à être garantie par la société Toyota.
Elle réclame en outre la condamnation soit de M. Jansem, soit de la société Toyota à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Jansem ayant également interjeté appel principal, l'instance a été jointe à celle de l'appel de la société Toyota. Il demande la réformation du jugement en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts à la somme de 11 711,93 euros et sollicite l'allocation d'une somme de 32 222,57 euros correspondant aux coût des réparations d'un montant de 5 713,61 euros, des frais de location d'un véhicule de remplacement (162,87 euros), de l'indemnisation de la privation de jouissance du véhicule pendant quarante mois (12 000 euros), des frais de gardiennage (3 360 euros pour la période de janvier 2011 au 29 mars 2012 et 4 800 euros pour la période du 29 janvier 2012 au 30 mai 2013 ), des frais de transfert du véhicule de Soissons au garage MPO de Peltre (299 euros), des frais liés à l'expertise de dépose du carter et de démontage du moteur (916,45 euros), du préjudice causé par la dépréciation de son véhicule en raison de son stationnement prolongé à l'extérieur pendant trois ans (4 000 euros), des frais financiers liés au prix d'acquisition d'un nouveau véhicule (970,64 euros).
M. Jansem réclame enfin la condamnation de la société Nasa et de la société Toyota à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE :
1 - Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action
Attendu qu'en application des dispositions de l'article 1648 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005 l'action en garantie des vices cachés doit être engagée dans un bref délai suivant la découverte du vice par l'acquéreur ;
Attendu, qu'il n'est pas contesté que M. Jansem n'a eu connaissance du vice allégué qu'à la date du dépôt du rapport de l'expert, soit le 22 juin 2010 ; que celui-ci ayant engagé son action contre la société Nasa et la société Toyota le 9 mai 2011, soit moins d'une année suivant la découverte du vice, a agi à bref délai ; que cette action est donc recevable ;
2 - Sur le bien-fondé de la demande de M. Jansem à l'égard de la société Nasa et de la société Toyota
Attendu qu'il résulte du rapport de l'expert, dont les opérations ont eu lieu en présence de représentants de la société Nasa et de la société Toyota, que ceux-ci ont admis devant l'expert que l'origine de la panne était liée à un défaut de montage en usine des coussinets du palier n° 4 du vilebrequin ; que ces déclarations, ajoutées aux constatations de l'expert, établissent l'existence d'un vice de la chose ;
Attendu que n'ayant été révélé à M. Jansem qu'à la suite de l'expertise et après le démontage complet du moteur, ce vice n'était pas apparent ; qu'en outre, lié à un défaut de construction, son antériorité à la vente du véhicule au premier acquéreur est également établie ; qu'enfin, ayant conduit à la panne litigieuse qui a mis hors service le moteur du véhicule, ce vice est de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination ;
Attendu, en conséquence, qu'en qualité de vendeurs successifs la société Toyota et la société Nasa doivent garantir à l'égard de M. Jansem, sous-acquéreur final, le vice de la chose ;
Attendu que M. Jansem ayant exercé l'action estimatoire, il y a lieu d'évaluer comme suit les sommes dues par la société Nasa et la société Toyota au titre de l'indemnisation de ses différents chefs de préjudice, étant précisé qu'en leur qualité de vendeurs professionnels celles-ci sont présumées, de manière irréfragable, avoir eu connaissance du vice, même indécelable, lors de la vente, et sont tenus à ce titre d'indemniser M. Jansem de tous les préjudices liés au vice ;
- Coût de réparation du moteur :
Attendu que ce coût, dont le montant n'est pas contesté, est évalué à la somme de 5 713,61 euros ; qu'il convient donc de faire droit à la demande de M. Jansem ;
- Frais de location d'un véhicule :
Attendu que M. Jansem justifie avoir engagé des frais de location de véhicule d'un montant de 161,87 euros ; qu'il y a donc lieu de condamner les sociétés Nasa et Toyota à lui rembourser cette somme ;
- Privation de jouissance
Attendu qu'en compensation du préjudice lié à la privation de jouissance de son véhicule depuis le 4 février 2010, M. Jansem est bien fondé à réclamer le paiement d'une indemnité de 4 000 euros ;
- Frais de gardiennage :
Attendu que M. Jansem, qui se borne à produire les lettres qui lui ont été adressées pour indiquer le montant de ces frais, ne justifie ni avoir été destinataire de factures ni avoir réglé une quelconque somme à ce titre ; qu'il convient de rejeter ce chef de la demande ;
- Frais de transfert du véhicule :
Attendu que M. Jansem justifie par une facture être redevable d'une somme de 299 euros correspondant au coût du transport de son véhicule de Soissons à Marly ; qu'il est donc fondé à réclamer le remboursement de cette somme ;
- Frais liés à l'expertise du véhicule :
Attendu que M. Jansem justifie par la production d'une facture être redevable d'une somme de 916,45 euros au titre du coût de dépose du carter et du démontage complet du moteur ; qu'il est donc fondé à réclamer le remboursement de ces frais ;
- Préjudice lié à la dépréciation du véhicule
Attendu que M. Jansem ne produit aucun élément justifiant d'une dépréciation du véhicule indépendamment de celle liée à l'écoulement du temps ; qu'il y a donc lieu de rejeter ce chef de la demande ;
- Frais financiers liés au prix d'acquisition d'un nouveau véhicule
Attendu que ces frais ne sont pas directement imputables au vice affectant le véhicule ; qu'il convient donc de rejeter ce chef de la demande ;
3 - Sur le recours en garantie de la société Nasa contre la société Toyota
Attendu que le vice affectant le véhicule résulte d'un défaut de construction imputable à la société Toyota ; que la société Nasa, à l'encontre de laquelle aucune faute n'est imputable dans la survenance de la panne, est donc fondée à exercer un recours en garantie contre le constructeur du véhicule ;
4 - Sur les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile
Attendu qu'il y a lieu de condamner la société Toyota à payer à M. Jansem et à la société Nasa une somme de 1 500 euros ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné in solidum la société Nasa automobiles et la société Toyota France à payer à M. Jansem la somme de onze mille sept cent onze euros et quatre-vingt-treize centimes (11 711,93 euro) ; Statuant à nouveau sur ce point : Condamne in solidum la société Nasa automobiles et la société Toyota France à payer à M. Jansem la somme de onze mille quatre-vingt-dix euros et quatre-vingt-treize centimes (11 090,93 euro) ; Vu l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Toyota France à payer à M. Jansem la somme de mille cinq cents euros (1 500 euro) et à payer à la société Nasa la somme de mille cinq cents euros (1 500 euro) ; Condamne la société Toyota aux dépens dont distraction, en ce qui concerne ceux engagés par M. Jansem, au profit de Maître Chardon.