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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 13 décembre 2013, n° 12-00857

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bricoman (SA)

Défendeur :

Portmann, Essebagno (SARL), Allianz (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leiber

Conseillers :

Mme Schirer, M. Daeschler

Avocats :

Mes Spieser, Crovisier, SCP Cahn & Associés, Selarl Arthus

TGI Mulhouse, du 10 janv. 2012

10 janvier 2012

Le 26 mars 2007, M. Portmann acquérait auprès du magasin Bricoman de Wittenheim un robinet de baignoire de marque Nova fourni avec deux flexibles métalliques, qu'il installait lui-même le 27 mars. Dans la nuit suivante, en son absence, le robinet se rompait, entraînant un dégât des eaux très important dans la copropriété.

Le 2 octobre 2007, le juge des référés désignait un expert judiciaire qui déposait son rapport le 14 février 2008.

Sur saisine de M. Portmann en date du 23 octobre 2008, le Tribunal de grande instance de Mulhouse, statuant contradictoirement le 10 janvier 2012, a condamné Philippe Portmann à payer à la SA AGF IARD la somme de 22 957,58 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement, ainsi que les dépens et une somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a condamné la SA Bricoman à le garantir de l'ensemble de ces condamnations, ainsi qu'aux dépens exposés par M. Portmann et la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a condamné la société Bricoman aux dépens exposés par la société Essebagno et à lui payer la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec exécution provisoire et a débouté les parties pour le surplus.

Par déclaration électronique reçue le 16 février 2012, la SA Bricoman a interjeté appel général de cette décision. M. Portmann a également fait appel par déclaration reçue le 19 juin 2012. Les affaires ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 24 octobre 2012.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions récapitulatives de la SA Bricoman, enregistrées le 12 décembre 2012, tendant à infirmer le jugement entrepris, à condamner la société Essebagno à la garantir de l'intégralité des condamnations éventuellement prononcées à son encontre, en principal, frais et accessoires, à débouter M. Portmann de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à condamner la société Essebagno au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens ;

Vu les dernières conclusions de la SARL Essebagno, enregistrées le 24 octobre 2012, aux fins de confirmer le jugement entrepris, de condamner Bricoman SA à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;

Vu les conclusions récapitulatives de Philippe Portmann, reçues le 6 mars 2013, tendant à confirmer le jugement entrepris, à condamner la société Bricoman à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens;

Vu les dernières conclusions de la société Allianz, venant aux droits de la société AGF IARD, visant à confirmer le jugement entrepris, à condamner M. Portmann à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens;

Vu l'ordonnance de clôture du 8 octobre 2013 ;

Sur ce :

Vu les pièces de la procédure et les documents joints ;

Sur la recevabilité des appels :

Attendu que les droits fiscaux légalement exigibles ont été régulièrement acquittés les appels seront jugés recevables ;

Sur la recevabilité du recours en garantie de Bricoman contre Essebagno :

Attendu que pour critiquer le jugement entrepris, en ce que le premier juge a fait droit à l'action de M. Portmann contre son vendeur, la société Bricoman, au titre de la garantie des vices cachés, en fonction de la défectuosité du robinet constatée par expertise judiciaire mais a rejeté le recours de Bricoman contre le fabricant, aux motifs que le délai biennal de l'article 1648 du Code civil était écoulé lorsqu'il l'a actionnée, dès lors que la société Bricoman était informée du vice dès le 30 juillet 2007, date de l'assignation en référé expertise, et que son appel en garantie ne date que du 22 octobre 2009, l'appelante fait valoir que le délai d'action ne court qu'à compter de la connaissance certaine du vice ; que celle-ci ne remonte qu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 14 février 2008 ; qu'au demeurant, le point de départ du délai doit être fixé à la date à laquelle elle a été assignée au fond par l'acheteur ;

Attendu que conclure au rejet de l'appel et à la confirmation de la décision, l'intimée estime que l'action est prescrite, le délai courant à compter de l'assignation en référé expertise, date à laquelle Bricoman connaissait la teneur des demandes de son client concernant un éventuel vice caché, qui avait été constaté par un constat d'huissier du 3 avril 2007 porté à la connaissance du vendeur par courrier du conseil du client dès le 26 avril 2007 ; qu'au demeurant le rapport d'expertise s'est fondé sur ce constat et n'a apporté au vendeur aucune information qu'il ne connaissait déjà ;

Attendu qu'il est constant que le délai pour agir en matière de garantie des vices cachés est de deux ans, en application de l'article 1648 du Code civil ;

Attendu cependant que, contrairement à ce qu'a pu considérer le tribunal, il est admis que le point de départ du délai dont dispose le vendeur pour exercer l'action récursoire en garantie à l'encontre de son fournisseur ne court pas de l'assignation en référé-expertise dirigée contre lui à la requête de l'acheteur de la chose vendue et dont l'objet tend à déterminer les causes du dommage que celui-ci invoque mais de la date de son assignation au fond qui marque la volonté de l'acquéreur de mettre en œuvre la garantie du vice caché (Cass. Civ. 1ère 24 janvier 2006 n° 03-20972) ;

Attendu que l'assignation diligentée par M. Portmann datant du 16 octobre 2008, l'appel en garantie de Bricoman contre Essebagno, daté du 22 octobre 2009, apparaît parfaitement recevable;

Attendu, en conséquence, que le jugement sera infirmé de ce chef et l'action jugée recevable ;

Sur le fond :

Attendu qu'au soutien de ses prétentions, l'appelante s'appuie sur les conclusions du rapport d'expertise qui a conclu à un défaut de fabrication dans la composition du matériau composant l'embout fileté et/ou son usinage et fait valoir que ce rapport est opposable à Essebagno, dès lors qu'elle pouvait en discuter les conclusions, ce qu'elle n'a jamais fait et que le rapport n'est pas la seule pièce sur laquelle s'appuie la demande, qui peut se fonder également sur le constat d'huissier établi en avril 2007, qui a constaté des traces de rupture sur le collier supérieur et la brisure de l'embout à l'intérieur du filetage, a mis en évidence un défaut de fabrication et qui, établi par un officier assermenté, ne peut être assimilé à un rapport d'expertise amiable inopposable à la partie adverse ;

Attendu que pour conclure au débouté, l'intimée fait valoir qu'elle n'a pas été attraite aux opérations d'expertise judiciaire, qui lui sont par conséquent inopposables et que ceci empêche toute condamnation, dès lors que la demande ne s'appuie que sur les conclusions de ce rapport, le seul constat d'huissier étant insuffisant pour fonder sa demande, ne pouvant servir d'unique fondement au juge et lui étant au demeurant inopposable ;

Attendu qu'il est constant que la société Essebagno n'a pas été attraite aux opérations d'expertise et qu'elles ne sont pas contradictoires à son encontre ;

Attendu, cependant, qu'elle a pu en discuter contradictoirement les conclusions pendant la procédure, ce qu'elle s'est gardée de faire ;

Attendu, par ailleurs, que le recours récursoire de la société Bricoman s'autorise non seulement des conclusions expertales, mais encore des constatations particulièrement claires et circonstanciées dressées par l'huissier, commis par M. Portmann dès avril 2007, qui énoncent :

"le robinet est installé à mon arrivée sur les lieux. M. Portmann me présente le second flexible dont le collier supérieur présente des traces de ruptures. Il a ensuite été procédé au démontage du robinet, ainsi que du second flexible. On constate que l'embout semble s'être brisé à l'intérieur du filetage. Par comparaison avec le flexible intact, on constate que l'embout s'est scindé dans la partie située entre le boulon de serrage et le filetage, partie qui, a priori, reste inerte au moment de l'installation du flexible. De surcroît, cette partie est située à l'intérieur du robinet une fois l'installation terminée, ce qui semble exclure une manipulation ultérieure de l'embout" (annexe n° 1 de Me Spieser) ;

Attendu que dans la mesure où les investigations de l'expert, menés sur les scellés pratiqués par l'huissier, ne viennent qu'en compléter et expliciter techniquement les constatations, en écartant notamment tout serrage excessif à l'installation, il y a lieu de considérer que la société Bricoman établit suffisamment vis à vis de son fournisseur que la rupture a pour origine un vice inhérent au produit ouvrant la voie au jeu de la garantie des articles 1641 et suivants du Code civil dans les rapports entre ces parties, étant observé au demeurant, qu'il n'est pas anodin de relever que la société Essebagno a tenté d'opposer à Bricoman la forclusion de son action en prétendant, notamment, qu'au vu du constat d'huissier dont elle avait eu connaissance dès l'époque, elle aurait dû avoir pleinement connaissance de l'existence et de la nature du vice caché affectant le robinet litigieux ;

Attendu, en conséquence, que l'action de Bricoman apparaît bien fondé et qu'il convient de condamner Essebagno à la garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et accessoires dans ses rapports avec M. Portmann;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens:

Attendu qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Bricoman à payer à la société Essebagno la somme de 1 500 euro au titre de l'indemnisation des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens et, statuant de nouveau, il convient de condamner la société Essebagno à payer à Bricoman la dite somme au titre des frais irrépétibles exposés pour sa défense, ainsi que les dépens de première instance et d'appel dans les rapports entre ses parties ;

Attendu qu'il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions sur l'indemnisation de ces frais dans les rapports entre M. Portmann et la société Bricoman ; qu'en revanche, la SA Bricoman sera condamnée aux dépens de son appel à son encontre ;

Attendu que M. Portmann a intimé la société Allianz sans motif, il sera condamné à lui régler une somme de 1 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés pour sa défense, ainsi que les dépens de l'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare les appels recevables ; Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la SA Bricoman de son appel en garantie à l'encontre de la SARL Essebagno, l'a condamné à lui payer 1 500 euro (mille cinq cents euros) à la SARL Essebagno au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens exposés par celle-ci ; Statuant de nouveau de ces seuls chefs : Déclare l'action récursoire de la SA Bricoman, agissant en la personne de son représentant légal, à l'encontre de la SARL Essebagno, prise en la personne de son gérant, recevable et bien fondée ; Condamne la SARL Essebagno, prise en la personne de son gérant, à garantir la SA Bricoman de l'intégralité des condamnations prononcées à son encontre, en principal, frais et accessoires, au bénéfice de Philippe Portmann ; Condamne la SARL Essebagno, prise en la personne de son gérant, à payer à la SA Bricoman, agissant en la personne de son représentant légal, la somme de 1 500 euro (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ; Condamne la SARL Essebagno, prise en la personne de son gérant, aux dépens de première instance comme d'appel dans ses rapports avec la SA Bricoman ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les rapports entre la SA Bricoman et Philippe Portmann ; Condamne la SA Bricoman, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'appel dans ses rapports avec Philippe Portmann ; Condamne Philippe Portmann aux dépens de son appel principal et à payer à la SA Allianz, venant aux droits de la société AGF IARD, la somme de 1 000 euro (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.