CA Pau, 1re ch., 18 juin 2013, n° 12-02752
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Favre
Défendeur :
Hartje
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pons
Conseillers :
Mme Beneix, M. Augey
Avocats :
SCP Coudevylle-Labat-Bernal, SCP Bernadet, Me Mirande
FAITS
A la suite d'une annonce parue sur le site "Le Bon Coin.fr" le 6 octobre 2008, M. Favre qui pratique en amateur les sports de courses automobiles, a acquis auprès de Mme Simian, exploitant un garage automobile sous l'enseigne Cars Center, le 16 octobre 2008, un véhicule de marque Clio Renault, présenté comme étant un modèle Clio W F 2000 de 213 chevaux, au prix de 7 500 euro.
Constatant le défaut de puissance du moteur et ce, malgré le remplacement du joint de culasse, il a fait pratiquer une expertise auprès du BCA qui a révélé qu'en réalité, le véhicule correspondait à un véhicule Clio 1.8 et non 2.0 présentant un moteur développant 148,9 chevaux et non 213 chevaux.
PROCEDURE
Suivant acte du 1er avril 2010, M. Favre a assigné Mme Simian devant le Tribunal de grande instance de Tarbes, sur le fondement des articles 1116, 1641 et suivants et 1604 du Code civil, en nullité de la vente du 16 octobre 2008 à la suite d'une annonce parue sur le site "Le Bon Coin" le 6 octobre 2008.
Suivant jugement du 7 juin 2012, le tribunal l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à verser à la défenderesse la somme de 1 200 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Favre a interjeté appel de la décision suivant déclaration au greffe en date du 1er août 2012.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. Favre dans ses dernières écritures en date du 12 février 2013, conclut sur le fondement des articles 1116, 1604, 1641 à 1645 et 1153 alinéa 4 du Code civil, L. 211-8 à 10 du Code de la consommation, à la réformation du jugement, à la recevabilité des pièces communiquées, à la nullité de la vente pour dol et à la restitution du véhicule avec remboursement de la somme de 7 500 euro au titre du prix de vente et celle de 10 608,28 euro au titre des frais engagés, le tout avec intérêt à compter du 18 septembre 2009 date de l'expertise.
Subsidiairement, il conclut au prononcé de la résolution de la vente pour vices cachés avec les mêmes conséquences chiffrées et à titre infiniment subsidiaire, à la non-conformité du véhicule livré par rapport à l'annonce de la vente, à la facture et au rapport de la fédération française de sport automobile, avec condamnation de l'intimée à lui livrer un véhicule Clio Williams F 2000 de 213 chevaux et sa condamnation au paiement de la somme de 10 608,29 euro au titre des frais engagés avec intérêts depuis le 18 septembre 2009.
A défaut, il conclut au prononcé de la résolution de la vente avec restitution du véhicule contre le remboursement du prix et paiement des mêmes sommes.
En toute hypothèse, il sollicite l'allocation de la somme de 3 000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre préliminaire, il soutient avoir respecté les termes des articles 902 et 906 du Code de procédure civile, sur la communication de pièces.
Il soutient avoir été victime d'un dol en raison des manœuvres frauduleuses du vendeur qui ont été déterminantes de son consentement.
A défaut, la vente doit être résolue pour vice cachés antérieurs à l'acte, dont il n'a pu se rendre compte en sa qualité de profane face à un professionnel de la vente automobile, rendant le véhicule impropre à l'usage pour lequel il était destiné soit la compétition automobile amateur.
A défaut, la vente doit être résolue pour non-conformité aux caractéristiques données par le vendeur dans l'annonce de mise en vente et la facture du 18 octobre 2008 qui visent une Clio Williams 2000 d'une puissance de 213 chevaux.
Il justifie de l'ensemble des frais qu'il a engagés en pure perte.
Mme Simian dans ses dernières écritures en date du 21 décembre 2012, sollicite le rejet des débats des pièces n° 15, 17, 23 et 32 non communiquées conformément à l'article 906 du Code de procédure civile et conclut à la confirmation du jugement par application de l'article 1134 du Code civil ainsi que la condamnation de l'appelant à lui verser une indemnité de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que le véhicule vendu est une Clio 1,8 (1 800 cm3) sur laquelle a été monté un moteur de Clio Williams 2,0.
Elle conteste l'existence de manœuvres dolosives déterminantes du consentement dans la mesure où l'acheteur avait une parfaite connaissance de l'état réel du véhicule malgré les mentions de l'annonce faite sur Internet.
Elle s'oppose à l'action fondée sur les vices cachés en soulignant que le rapport d'expertise ne lui est pas contradictoire, l'expert mentionnant qu'elle n'était ni présente ni représentée, que l'acquéreur a procédé non pas à des réparations mineures mais à de véritables préparations ou transformations pour des courses automobiles avant même la vente, à tel point que l'expert a indiqué qu'en raison de ces transformations l'action de l'acquéreur était fragilisée.
L'action en nullité pour défaut de conformité n'est pas recevable dès lors que l'acquéreur connaissait ou ne pouvait ignorer les éléments caractéristiques de la chose vendue en raison du contrôle technique qu'il a fait réaliser pour obtenir une carte grise le 20 avril 2009 et pour avoir participé au moins à une course le 29 mars 2009.
L'ordonnance de clôture a été de rendu le 18 février 2013.
MOTIVATION
Il résulte du bordereau de communication de pièces émanant de M. Favre, qu'il a communiqué l'ensemble de ses pièces numérotées de 1 à 32, dont les pièces n° 15, 17, 23 et 32 le 21 décembre 2012, soit le même jour que la notification de ses conclusions et qu'il a notifié son ultime pièce n° 33, le même jour que ses dernières conclusions du 12 février 2013, conformément aux dispositions de l'article 906 du Code de procédure civile, de sorte qu'il ne sera pas fait droit à la demande de Mme Simian visant au rejet des débats des pièces susvisées.
M. Favre soutient à titre principal la nullité de la vente pour dol.
En vertu de l'article 1116 du Code civil, le dol est une cause de nullité du contrat lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il appartient à M. Favre de rapporter la preuve de manœuvres dolosives et de leur caractère déterminant de son consentement.
Mme Simian soutient que l'annonce publicitaire qui visait une "Clio Williams F 2000 Moteur 213 CV 7 500 euro", n'a pas été déterminante du consentement mais qu'au contraire M. Favre s'est décidé au vu :
- des deux essais qu'il a effectués,
- du prix qui était inférieur à celui habituellement pratiqué pour les Clio Williams, entre 12 000 et 20 000 euro suivant l'état du véhicule avec les équipements indispensables,
- des caractéristiques apparentes du véhicule qu'il ne pouvait ignorer au regard de sa qualité d'amateur éclairé et de ses compétences spéciales. Il s'agit de la date de première mise en circulation (1992) alors que, s'agissant d'une série limitée la Clio Williams n'a été produite qu'à compter de 1993 et jusqu'en 1995 ; des mentions portées sur la carte grise et sur le passeport de la fédération française de sport automobile délivrés le 12 février 2005 qui permettaient d'identifier le véhicule comme n'étant pas une Clio Williams (l'année de fabrication, l'appellation commerciale, le numéro de série, la puissance fiscale),
Elle soutient également ne pas être à l'origine de l'installation des équipements spécifiques aux Clio William mais l'ancien propriétaire, que la facture révèle l'objet de l'accord entre les parties soit un "véhicule de compétition, usage interdit sur route" et que M. Favre "savait avant de contracter qu'il achetait une Clio 1.8 équipée du moteur 2 000 cm3 développé par Renault pour sa série limitée Williams".
Or, il ressort du rapport BCA du17 novembre 2009, qui est opposable à Mme Simian dès lors qu'il y est indiqué sans contestation de sa part, qu'elle a été convoquée aux opérations d'expertise mais qu'elle a informé l'expert qu'elle ne souhaitait pas s'y rendre, que le véhicule vendu est une Clio 1.8, 16s. développant une puissance de 148,9 CV après la réalisation de préparations réalisées par M. Favre postérieurement à la vente, pour augmenter la puissance du moteur alors que l'annonce visait un véhicule Clio Williams 2.0 de 213 CV.
Dès lors l'annonce était mensongère.
Il en est de même de la facture qui vise un modèle Clio Williams.
Par ailleurs, l'apparence du véhicule confortait les mentions portées sur l'annonce et sur la facture : il était équipé des éléments spécifiques à ce modèle (peu important l'identité de celui qui a procédé à cet équipement dès lors qu'il existait au jour de la vente à M. Favre) et il était muni d'un passeport pour la catégorie groupe A établi le 12 février 2005 par la fédération française du sport automobile qui indiquait une cylindrée de 2 000 cm3. Par ailleurs, la mention portée sur la facture en caractères gras "véhicule de compétition, usage interdit sur route" confirmait l'appellation commerciale de "Clio Williams" dont la venderesse explique que le constructeur Renault a, grâce à cette série, pu obtenir l'homologation rallye de la Clio.
Mme Simian est un professionnel de la vente de véhicules automobiles ; elle est donc, à ce titre, présumée connaître les spécificités exactes des véhicules qu'elle vend.
M. Favre n'est pas un professionnel de la vente et sa qualité de coureur automobile amateur ne permet pas d'affirmer que ses connaissances, même supérieures à celles d'un acheteur lambda, sont supérieures à celles du vendeur professionnel présumé être le mieux à même de connaître les spécificités exactes non seulement de tous les modèles de véhicules mais surtout du véhicule précis qu'il propose à la vente.
De sorte qu'il ne peut sérieusement être reproché à M. Favre, simple amateur même éclairé, de ne pas avoir comparé les éléments apparents d'identification du véhicule et les affirmations du vendeur (portées sur l'annonce publicitaire et la facture), à des éléments secondaires non apparents tels que le numéro de série, la date de création du type du véhicule, les sensations ressenties lors de deux essais sur route, le prix (dont il n'est pas réellement prouvé qu'il était largement inférieur à celui du marché) voire la mention "Clio" et non pas "Clio Williams" ou la puissance fiscale de 9 CV au lieu de 10, portées sur la carte grise.
En conséquence, il apparaît bien que les affirmations mensongères de la venderesse confortées par des éléments matériels attachés à la chose objet de la vente, que l'acquéreur n'était pas à même de contredire, ont déterminé son consentement.
La preuve du dol étant rapportée, il emporte la nullité de la vente.
En conséquence, le jugement sera réformé et Mme Simian sera condamnée à rembourser à M. Favre le prix de vente de 7 500 euro contre la restitution du véhicule aux frais et à la diligence de la venderesse et à lui rembourser le montant des frais qu'il a engagés sur le dit véhicule et qui est amplement justifié à hauteur de 9 008,40 euro par les factures produites ; les frais de la location d'un fourgon et les frais de déplacement doivent être exclus en ce qu'ils n'apparaissent pas en lien avec le litige.
M. Favre qui ne justifie d'aucun autre préjudice, sera débouté de sa demande de dommages intérêts complémentaires.
Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Déboute Mme Simian de son incident de communication de pièces ; - Réforme le jugement du Tribunal de grande instance de Tarbes en date du 7 juin 2012 ; - Statuant à nouveau : - Prononce la nullité de la vente du véhicule Clio consentie le 16 octobre 2008 par Mme Simian à M. Favre ; - Condamne Mme Simian à rembourser à M. Favre la somme de sept mille cinq cents euros (7 500 euro) au titre du prix de vente et celle de neuf mille huit euros quarante cents (9 008,40 euro) au titre des frais engagés sur le véhicule vendu avec intérêts à compter de l'assignation du 1er avril 2010 valant mise en demeure ; - Condamne M. Favre à restituer le véhicule vendu à Mme Simian à la diligence et aux frais de cette dernière ; - Déboute M. Favre de sa demande de dommages intérêts complémentaires ; - Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne Mme Simian à payer à M. Favre la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euro) ; - Condamne Mme Simian aux dépens de première instance et d'appel ; - Autorise, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.