CA Nîmes, 1re ch. civ. A, 2 mai 2013, n° 11-05274
NÎMES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Touzani (Epoux)
Défendeur :
Bensalem
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bruzy
Conseillers :
Mme Hebrard, M. Berthet Avocats : SCP Marion Guizard Patricia Servais, SCP Tournier & Associés Mes Corral, SCP Pomies Richaud, Vajou
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 2 décembre 2011, Monsieur Hassan Touzani et Madame Fatine Kadi, son épouse, ont relevé appel d'un jugement rendu le 11 octobre 2011 par le Tribunal d'instance d'Avignon les ayant condamnés sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à payer à Monsieur Youssef Bensalem la somme de 5 050 euro au titre de la garantie des vices cachés, la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, mettant à leur charge les dépens de l'instance comprenant ceux liés à la procédure de référé et les frais d'expertise.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 23 janvier 2012 et déposées à la cour le lendemain, auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments, les appelants sollicitent la cour de dire leur appel recevable et bien-fondé, de réformer le jugement déféré au visa des articles 1134 et suivants du Code civil et statuant à nouveau, de dire n'y avoir lieu à aucune condamnation et de condamner Monsieur Bensalem aux entiers dépens avec distraction au profit de leur conseil.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer leur condamnation, il y aurait tout de même lieu à réformation de cette décision en déclarant Madame Kadi non responsable et donc en disant n'y avoir lieu à condamnation envers elle. Il sera alors statué ce que de droit quant aux dépens.
Dans ses écritures en réplique du 21 mars 2012 auxquelles il est également explicitement renvoyé, Monsieur Youssef Bensalem conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions s'agissant de l'application de la garantie des vices cachés. Accueillant son appel incident, la cour réformera cette décision sur le quantum des condamnations et condamnera solidairement les époux Touzani à lui payer les sommes de :
- 4 500 euro au titre de la dépréciation du véhicule résultant de son kilométrage réel,
- 2 500 euro au titre des réparations sur le turbocompresseur,
- 303,36 euro soit 37,92 euro par mois d'avril 2010 à avril 2011, au titre des frais d'immobilisation du véhicule,
- 582,68 euro pour la période d'octobre 2010 à avril 2011 au titre des frais d'assurance,
- 600 euro pour la période de novembre 2010 à avril 2011 au titre des frais relatifs à l'utilisation d'un nouveau véhicule,
- 1 182,70 euro au titre des frais rendus nécessaires par le changement de la courroie de distribution et celui de l'alternateur en raison du surplus kilométrique,
- 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, (cette demande est reprise deux fois tant dans le corps que dans le dispositif des conclusions),
- 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboutés de l'ensemble de leurs demandes, les époux Touzani seront condamnés in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel y compris les frais d'expertise, dépens distraits au profit de leur conseil.
L'instruction de procédure a été clôturée par ordonnance du 7 décembre 2012 à effet différé au 7 février 2013.
SUR CE
Monsieur et Madame Touzani ont relevé appel le 2 décembre 2011 d'un jugement prononcé le 11 octobre 2011 par le Tribunal d'instance d'Avignon qui leur a été signifié le 10 novembre 2011. Ils sont recevables en leur appel régulièrement formé dans les délais légaux.
Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de Monsieur Franck Pyrame dont les énonciations et conclusions ne sont contestées par aucune des parties, que le compteur du véhicule Volkswagen Golf A5 Confort immatriculé AL 157 G.B appartenant à Monsieur Bensalem depuis le 6 février 2010 affichait au jour de son expertise le 9 novembre 2010, un kilométrage de 71 897 km alors même qu'au 10 novembre 2009, soit trois mois avant la vente, et qu'il était propriété de
Madame Fatine Kadi épouse Touzani, ce kilométrage était de 123 090 km.
A l'examen complet du véhicule, il a relevé de nombreuses incohérences dans les enregistrements des divers boîtiers électroniques, la seule présence de Code défauts postérieurs à un kilométrage de 69 403 km et une défectuosité de la mémoire de l'horloge du tableau de bord qui se remet à zéro à chaque mise de contact. Il en a déduit clairement que les données du boîtier électronique ont été effacées et qu'il y a été paramétré un nouveau kilométrage d'environ 69 000 km.
De plus, l'expert, à la communication par la SARL Daniel Eutrope des copies des dernières interventions sur le véhicule, a constaté que lors du contrôle du véhicule le 10 novembre 2009 à la demande de Monsieur Hassan Touzani, il a été diagnostiqué un problème sur le turbocompresseur. L'intervention a fait l'objet d'une facture n° 18378 portant expressément turbo à remplacer.
Compte tenu de ces caractéristiques, Monsieur Pyrame a fixé la valeur vénale du véhicule au jour de la vente à 7 150 euro soit 4 650 euro de moins que les 11 800 euro réglés par Monsieur Bensalem pour un kilométrage annoncé dans le certificat de cession de 69 500 km.
Les époux Touzani soutiennent qu'ils n'ont jamais indiqué à Monsieur Bensalem que le véhicule vendu avait un kilométrage inférieur à 129 000 km, que les documents, annonces, certificat de cession et mails produits aux débats par ce dernier ont été, tout comme le compteur du véhicule, "trafiqués" dans le seul but d'obtenir une réduction du prix.
Ce faisant, ils ne procèdent que par affirmations. Certes l'annonce de vente sur le site Leboncoin.fr n'est pas communiquée aux débats mais d'une part, lorsque par mail du 30 janvier à 14 h, Monsieur Bensalem fait une proposition d'achat du véhicule à 12 200 euro, il a consulté antérieurement le site de LaCentrale.fr pour obtenir la cote d'un véhicule "Volkswagen Golf 2006 5 TDI 140 confort 5 P", de première main au kilométrage réel de 69 000 km, d'autre part, la photographie du volant avec partie du tableau de bord à l'arrière que Monsieur Touzani sous le pseudonyme "hassan bogoss" a adressé le 2 février 2010 à 21 h à Monsieur Bensalem fait apparaître un kilométrage de 68852.
Ces pièces n'ont fait l'objet d'aucun trucage ou modification.
Au 2 février 2010, Monsieur Bensalem n'a encore pas vu ni encore moins approché le véhicule qu'il convoite. Il n'a donc pu en modifier certaines de ses caractéristiques.
Au demeurant le 6 février 2010, lorsque Madame Fatine Kadi remplit de sa main et signe le certificat de cession, elle certifie que le véhicule a parcouru un kilométrage total de 69 500 km. Le nombre de kilomètres n'a été ni biffé, ni raturé. Seul le 9 a été superposé sur le 8 de telle sorte que seul le chiffre des mille a été modifié. En admettant même que Madame Kadi ne soit pas l'auteur de cette rectification, cette dernière est sans conséquence sur le litige actuel.
Enfin, il ne peut qu'être observé que les époux Touzani sont totalement silencieux sur la défectuosité du turbo compresseur. Il est incontestable qu'ils ne l'ignoraient pas à la suite de l'intervention du garage SARL Eutrope Daniel le 10 novembre 2009 et qu'ils ont omis de la signaler à leur acheteur, lequel en dépit de ses demandes réitérées n'a jamais obtenu la remise des factures d'entretien du véhicule.
Monsieur Bensalem a découvert le 20 avril 2010 en amenant son véhicule au garage du (...) devant son manque de puissance, que le kilométrage du véhicule n'était pas conforme - 72 700 km au 6.12.2006 - et que le turbocompresseur devait être remplacé pour un coût TTC de 1 799,38 euro.
La cour ne peut que déduire de tous ces éléments que les époux Touzani ont dissimulé volontairement à Monsieur Bensalem d'une part, le véritable kilométrage du véhicule qu'ils lui ont vendu, ayant une parfaite connaissance, s'ils n'y ont procédé eux-mêmes matériellement, de ce que le compteur avait été reparamétré à 69 403 km pendant qu'ils en étaient propriétaires entre le 10 novembre 2009 et le 30 janvier 2010 et d'autre part, que le turbocompresseur devait être remplacé.
La défectuosité du turbocompresseur existait au jour de la vente. C'est un vice caché qui obéit aux dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil. L'expert précise que Monsieur Bensalem n'a pas joui de son véhicule depuis le mois d'avril 2010 suite à un dysfonctionnement du turbocompresseur.
Le kilométrage réel du véhicule ne peut être quant à lui qualifié de vice caché. Monsieur Bensalem a acquis un véhicule ayant 69 500 km et il lui en a été livré un qui a en réalité aux environs de 124 000 km. Le kilométrage réel n'est pas un vice caché comme prétendu par Monsieur Bensalem mais un défaut de délivrance par le vendeur de la chose vendue conforme à l'accord des volontés, régi par les articles 1604 du Code civil, fondement non invoqué.
En tout état de cause, l'action en garantie de vices cachés n'est pas exclusive de l'action en nullité pour dol sur le fondement des articles 1116 et 1117 du Code civil non plus que de l'exercice par la victime de manœuvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi.
En l'espèce, en présentant un véhicule dans un bon état général et en dissimulant par leurs agissements malhonnêtes tant le véritable kilométrage du véhicule par une modification volontaire du paramétrage du compteur afin de donner au kilométrage annoncé l'apparence de la réalité, que la défectuosité du turbocompresseur, les époux Touzani - le véhicule était immatriculé au nom de Madame Fatine Kadi qui a encaissé le chèque de vente même si Monsieur Hassan Touzani a mené seul tous les pourparlers de la vente et revendique au subsidiaire toute responsabilité éventuelle -, ont surpris le consentement de Monsieur Youssef Bensalem et lui ont fait acquérir au prix fort de 11 800 euro un véhicule qu'il n'aurait pas acheté ou à tout le moins pas pour ce prix-là, s'ils n'avaient pas usé envers lui de telles manœuvres dolosives.
Monsieur Bensalem a fait le choix de garder le véhicule et il est fondé à solliciter en réparation de son préjudice paiement par les époux Touzani, de la somme de 3 050 euro, telle que fixée par l'expert, au titre de la dépréciation du véhicule résultant de son kilométrage réel - les 4 500 euro demandés n'étant pas expliqués -, de celle de 2 000 euro suivant cette même estimation expertale au titre des réparations rendues nécessaires par la défaillance du turbocompresseur, et ce alors même qu'aucun devis postérieur à celui du 20 avril 2010 pour 1 799,38 euro n'est communiqué aux débats.
Pour le surplus, Monsieur Bensalem requiert paiement des sommes de 303,36 euro au titre des frais d'immobilisation du véhicule, de 582,68 euro au titre des frais d'assurance, de 600 euro au titre des frais relatifs à l'utilisation d'un nouveau véhicule et de 1 182,70 euro au titre des frais rendus nécessaires par le changement de la courroie de distribution et celui de l'alternateur en raison du surplus kilométrique, soit au total 2 668,74 euro et non comme retenu par erreur par le premier juge 2 818,31 euro. Il ne demande plus l'indemnisation de son préjudice moral comme devant le tribunal mais à deux reprises 2 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, demandes qui ont chacune un fondement différent.
Le tribunal a donc fait droit aux demandes de Monsieur Bensalem au-delà des demandes présentées devant la cour, justifiées par les pièces produites et non discutées dans leur quantum par les époux Touzani.
La condamnation des époux Touzani à paiement de dommages et intérêts complémentaires sera donc réduite à la somme de 2 668,74 euro.
Enfin, l'appel des époux Touzani qui n'ont pas comparu en première instance et qui ont entendu faire valoir leurs moyens et arguments devant la cour, ne peut être qualifié d'abusif.
Monsieur Bensalem sera débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La décision déférée sera réformée en ce sens.
Par ces motifs : LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare recevable l'appel de Monsieur Hassan Touzani et Madame Fatine Kadi, son épouse ; Confirme le jugement déféré sur la condamnation de Monsieur Hassan Touzani et Madame Fatine Kadi, son épouse, à payer à Monsieur Youssef Bensalem la somme de 5 050 euro à titre de dommages et intérêts pour kilométrage réel erroné et turbocompresseur défectueux, celle de 1000 euro au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise et les frais de référé, sauf à prononcer condamnation in solidum des époux sur le fondement de la responsabilité délictuelle ; Réforme pour le surplus, Statuant à nouveau, Condamne Monsieur Hassan Touzani et Madame Fatine Kadi, son épouse, in solidum à payer à Monsieur Youssef Bensalem la somme de 2 668,74 euro à titre de dommages et intérêts complémentaires ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne Monsieur Hassan Touzani et Madame Fatine Kadi, son épouse, in solidum aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ; Accorde à la SCP Pomies-Richaud, Vajou le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne Monsieur Hassan Touzani et Madame Fatine Kadi, son épouse, in solidum à payer à Monsieur Youssef Bensalem la somme complémentaire de 1 500 euro au titre de ses frais irrépétibles.