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Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ. A, 29 novembre 2013, n° 12-02882

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

EPHL Longwy Concession Citroën (SAS)

Défendeur :

Laheurte, Renault (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Leiber

Conseillers :

Mme Schirer, M. Daeschler

Avocats :

Mes Ackermann & Harnist, Marx, Tassel-Benchabane Heichelbech, Richard-Frick & Chevallier-Gaschy

TGI Strasbourg, du 4 avr. 2012

4 avril 2012

Selon bon de commande du 13 janvier 2007, M. Laheurte acquérait auprès de la société Inglebert un véhicule de marque Renault type Scénic d'occasion au prix de 15 400 euro, payable partiellement par la remise d'un autre véhicule évalué à 9 000 euro. Le 19 janvier 2007, la société Inglebert établissait une facture de 6 739 euro, date de livraison du véhicule, lequel tombait en panne le 16 janvier 2009.

Le 19 mai 2009, le juge des référés ordonnait une expertise technique, dont le rapport était déposé le 18 juin 2010.

Sur saisine de M. Laheurte en date du 10 janvier 2011, le Tribunal de grande instance de Strasbourg, statuant contradictoirement le 4 avril 2012, a prononcé la résolution de la vente, a condamné la société Inglebert à payer au demandeur la somme de 15 707,61 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du 23 décembre 2010, au titre de la restitution du prix, a condamné in solidum la société Inglebert et la SAS Renault à lui payer la somme de 6 250 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement, a débouté M. Laheurte pour le surplus et les défenderesses au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, a condamné chaque société à payer au demandeur un montant de 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, les a condamnées chacune à payer la moitié des dépens, y compris ceux de la procédure de référé, sur appel en garantie, a condamné la SAS Renault à garantir la société Inglebert des condamnations intervenues à son encontre sauf la restitution du prix, a condamné Renault SAS à payer à Inglebert la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration enregistrée au greffe le 4 juin 2012, la SAS Inglebert a interjeté appel général de cette décision.

Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de la SAS société Inglebert, devenue EPHL Longwy, enregistrées le 17 avril 2013, tendant à infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente, à débouter M. Laheurte, à dire et juger que la preuve d'un préjudice complémentaire et accessoire n'est pas rapportée, à le débouter en toutes ses fins et conclusions, à infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté partiellement son appel en garantie contre Renault SAS en le limitant à 6 250 euro, aux intérêts, ainsi qu'aux dépens et à l'indemnité pour frais irrépétibles, à dire qu'en cas de résolution de la vente, il appartient à Renault de reprendre à M. Laheurte le véhicule dont il est propriétaire et de lui rembourser le montant des indemnités fixées par la décision, à condamner la SAS Renault à lui payer 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les deux instances et les dépens ;

Vu les dernières conclusions de la SAS Renault, reçues le 25 juillet 2013, avec appel incident, visant à infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résolution de la vente, à débouter M. Laheurte, à le condamner à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens des deux instances, subsidiairement, à confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté l'appel en garantie au titre du prix de vente, à l'infirmer s'agissant du quantum alloué à l'acheteur, à réduire le préjudice à de plus justes proportions, à condamner L'EPHL Longwy concession Citroën à lui payer un montant de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens des deux instances ;

Vu les dernières conclusions de M. Laheurte, enregistrées le 13 février 2013, aux fins de confirmer la décision entreprise, de débouter le garage Inglebert, de le condamner à lui payer la somme de 2 500 euro pour procédure abusive et les dépens des deux instances et la note en délibéré transmise avec l'autorisation de la Cour et l'assentiment des autres parties à l'audience, aux fins de régulariser des conclusions identiques contre la SAS EPHL Longwy, concession Citroën, venant aux droits de la société Inglebert ;

Vu l'ordonnance de clôture du 11 septembre 2013 ;

Sur ce :

Vu les pièces de la procédure et les documents joints ;

Sur la recevabilité :

Attendu que les droits fiscaux légalement exigibles ont été régulièrement acquittés, les appels comme la défense seront déclarés recevables ;

Sur le vice caché et résolution de la vente :

Attendu que pour critiquer la décision du premier juge, en ce qu'il a retenu l'existence d'un vice caché affectant la véhicule et a prononcé la résolution de la vente, au vu des conclusions d'expertise indiquant que la panne avait pour cause une destruction du moteur due à un défaut intrinsèque du turbo préexistant au moment de la vente, ainsi qu'à un manque de rigueur dans l'entretien du véhicule, mais dont il a estimé que le lien restait hypothétique avec la panne et en ce qu'il a condamné la venderesse au remboursement du prix majoré des frais de carte grise et de tatouage et en ce qu'il a accordé un montant de 6 250 euro au titre des frais de remplacement du véhicule et d'un mois de frais de location d'un véhicule, in solidum avec Renault, à l'exclusion toutefois du prix non restituable par le constructeur, la SAS EPHL Longwy souligne que l'expertise a mis en évidence un manque d'entretien du véhicule par l'acheteur, notamment au titre des vidanges et que l'expert a noté que cette circonstance pouvait avoir eu une incidence sur le graissage du moteur et la défaillance du turbo, de telle sorte que le lien évoqué avec la panne n'était nullement hypothétique ; qu'en tout état de cause, elle ignorait tout d'un vice caché en matière de turbo du Scénic ; que le préjudice est infondé, l'acheteur ne rapportant pas la preuve d'avoir supporté les frais qu'il allègue ; qu'au demeurant, il a utilisé le véhicule deux ans et que celui-ci a subi une dépréciation importante ;

Attendu que, pour sa part, Renault conteste tout problème intrinsèque à la pièce et relève que le véhicule n'a pas été entretenu correctement, puisque son propriétaire a déclaré l'entretenir lui-même, et qu'il n'en justifie pas, alors qu'un mauvais entretien peut entraîner une détérioration prématurée du palier lubrifié de la turbine du turbocompresseur et que la qualité du graissage tient un rôle fondamental, de même que la qualité du circuit d'admission d'air ; que la fragilité intrinsèque de la pièce n'est pas démontrée faute d'analyse ; que les préjudices invoqués ne sont pas justifiés et que tout au plus l'acheteur peut revendiquer une indemnité d'immobilisation de 300 euro pour un mois et non de 1 050 euro, en fonction de la valeur du véhicule au jour de la panne ;

Attendu que pour conclure à la confirmation, M. Laheurte souligne que la panne provient d'un vice de fabrication du turbocompresseur, attesté par des notes de service de Renault et qu'il n'est pas justifié du règlement du problème par le constructeur ; que l'expert a mis en évidence le fait que la qualité intrinsèque de la pièce était en cause ; qu'il a procédé lui-même à des entretiens et vidanges réguliers ; que le vice intrinsèque était connu du professionnel et l'expose au paiement de dommages et intérêts en sus de la restitution du prix ; que l'appel est abusif et justifie l'octroi de dommages et intérêts ;

Attendu qu'il résulte clairement des conclusions du rapport de l'expert, qui a fait un travail sérieux méritant d'être entériné, que la panne est une panne classique se traduisant par un jeu anormal de l'axe de turbo, suite à la dégradation du pallier de l'axe ; que l'emballement du moteur qui s'en est suivi, du fait du passage de l'huile dans les conduits d'admission, a provoqué des dommages irréversibles sur le moteur ; que les éléments recueillis par l'expert et communiqués par les parties démontrent une certaine fragilité du turbo sur ce groupe moteur F9Q, alors que le constructeur, dûment sollicité sur la modification technique apportée à celui-ci pour pouvoir échapper aux défauts pointés dans la note confidentielle de l'entreprise traitant des pannes de turbo sur ce modèle, n'a apporté aucune réponse à cette question ; qu'en définitive, la panne est due à la concomitance de deux facteurs, dont aucun n'est prépondérant, soit la qualité intrinsèque de la pièce et le manque de rigueur dans le respect de la périodicité des entretiens prévus, notamment concernant les vidanges et le remplacement périodique du filtre à air (page 14 du rapport) ;

Attendu qu'il en découle, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, que la cause tirée du défaut d'entretien n'apparaît nullement hypothétique, aucune pièce du dossier ne justifiant de vidange régulière selon la périodicité recommandée ;

Attendu, cependant que dans la mesure où le véhicule est, en tout état de cause, atteint d'un vice caché préexistant à la vente et générant une panne le rendant impropre à sa destination ou supposant des réparations tellement onéreuses, qu'elles en ont diminué notablement la valeur, puisqu'elles s'élèvent au titre du remplacement du moteur à un montant de 10 066,57 euro TTC, il échet de juger que le tribunal a prononcé, à juste titre, la résolution de la vente et a condamné la venderesse à restituer le prix, majoré du coût de la carte grise et du "tatouage" à hauteur de 15 707,61 euro, sans que des considérations tirées de l'usure du véhicule aient à être prises en compte, contrairement à ce que soutient le garage vendeur ;

Attendu que dans la mesure où le garage vendeur et le constructeur sont professionnels de l'automobile, présumés connaître l'existence du vice, ils sont redevables, ainsi que l'a relevé le premier juge, de tous dommages et intérêts envers l'acheteur (article 1645 du Code civil), sauf à les exonérer de ces conséquences pécuniaires à concurrence de la moitié, à proportion de la part respective des responsabilités déterminées par l'expert ;

Attendu, sur l'évaluation de ces préjudices, qu'il sera relevé, conformément à ce que soutiennent la venderesse et le constructeur, que le coût d'un véhicule de remplacement n'est en rien justifié par l'acheteur qui, tout en prouvant par la copie d'une carte grise s'être procuré un véhicule Peugeot, n'apporte aucun élément probant s'agissant de son prix, si ce n'est pour produire une pièce établie de sa main unilatéralement, qui apparaît être une demande d'immatriculation de son nouveau véhicule, faisant état d'un prix de 5 200 euro, qui n'a aucune valeur probante, alors qu'il y avait lieu de produire une facture, un acte de cession ou tout document ou attestation attestant de l'achat de ce véhicule et de son prix (annexe n° 35 de Me Tassel-Benchabane) ;

Attendu, pour le surplus, au titre des frais de location jusqu'à l'acquisition d'un véhicule le 18 février 2009, que l'évaluation du premier juge fixant le préjudice à 1 050 euro, soit 35 euro par jour, n'apparaît nullement exagéré au regard du type de véhicule utilisé sauf, en fonction de l'exonération partielle admise, à condamner in solidum le concessionnaire et la venderesse à payer à M. Laheurte la moitié de cette somme, soit 525 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2012, date du jugement et de débouter M. Laheurte pour le surplus, y compris au titre de sa demande additionnelle pour appel abusif ;

Sur l'appel en garantie de L'EPHL Longwy contre la SAS Renault :

Attendu que pour critiquer la décision du premier juge, en ce qu'il a rejeté son appel en garantie contre Renault au titre de la restitution du prix mais l'a admis au titre des dommages et intérêts, des dépens et de l'article 700, le vice étant imputable à un vice de fabrication reprochable au seul constructeur, la SAS EPHL Longwy estime qu'en cas de résolution de la vente pour vice de fabrication, la restitution du véhicule doit être faite par l'acheteur à Renault, qui doit lui garantir le remboursement du prix de vente ;

Attendu que pour conclure à la confirmation, Renault relève que le raisonnement adopté par la venderesse reviendrait à lui permettre de conserver une marge bénéficiaire sur une vente résolue ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a accueilli l'appel en garantie au titre des dommages et intérêts complémentaires, cet aspect de la décision n'étant pas remis en cause ;

Attendu, pour le surplus, que les prétentions de la venderesse contre le concessionnaire sont sans fondement, dès lors que ne doit le prix que celui à qui la chose est restitué (Cass. Com. du 3 février 1998 , Bull. Civ. IV n° 61) et que dans un contrat synallagmatique qui a été exécuté, les restitutions consécutives à la résolution constituent à leur tour un rapport synallagmatique qui doit s'exécuter "trait pour trait", sans que la société EPHL Longwy puisse artificiellement demander qu'en "cas de résolution de la vente du véhicule Renault Scénic (...) il appartiendra à la société Renault de reprendre à M. Laheurte le véhicule dont il est propriétaire et de lui rembourser le montant des indemnités qui seraient fixées par la décision judiciaire" ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Attendu que les prétentions de M. Laheurte ont été sérieusement modérées en appel et que l'appel en garantie de la société EPHL Longwy contre la SAS Renault demeure pour partie fondé, il convient de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens pour cette instance et il n'y a pas lieu de faire application des dispositions relatives à l'indemnisation des frais irrépétibles ;

Attendu, par ailleurs, que les prétentions de l'acheteur ont été validées globalement concernant la résolution de la vente et la restitution du prix, tout comme l'a été l'appel en garantie, les condamnations prononcées par le premier juge à ces titres seront confirmées.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement contradictoirement, sur mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare les appels recevables et partiellement bien fondés ; Confirme la décision entreprise, sous réserve que la SAS EPHL Longwy concession Citroën vient aux droits de la SAS Inglebert pour l'exécution des condamnations prononcées à son encontre ou à son profit par le premier juge, et sauf en ce qu'elle a condamné in solidum la SAS Inglebert et la SAS Renault à payer à M. Laheurte une somme de 6 250 euro (six mille deux cent cinquante euros) avec les intérêts au taux légal à compter du jugement ; Statuant de nouveau de ce seul chef : Condamne in solidum la SAS EPHL Longwy concession Citroën et la SAS Renault, prises en la personne de leur représentant légal respectif, à payer à Frédéric Laheurte une somme 525 euro (cinq cent vingt-cinq euros), avec les intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2012 ; Déboute Frédéric Laheurte pour le surplus, ainsi que de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ; Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens d'appel tant dans l'instance principale que dans l'instance sur appel en garantie.