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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 15 janvier 2014, n° 11-02926

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

S+R Maschinenbau GmbH (Sté)

Défendeur :

Kretz (SARL), Groupama Grand Est, Serma (SARL), AGCO GmbH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vallens

Conseillers :

Mmes Schneider, Roubertou

Avocats :

Mes Boucon, Litas, Spieser, Higy, Cahn, Knaebel, Crovisier, Le Casble

TGI de Strasbourg, du 11 Avr. 2011

11 avril 2011

Le 19 septembre 2003, la SARL Kretz qui a pour activité les travaux agricoles et forestiers, a acquis auprès de la SARL Serma un tracteur de marque Fendt de type 926 au prix de 129 168 euro.

La SARL Serma avait elle-même commandé ce tracteur auprès de la société de droit allemand Agco GmbH par l'intermédiaire de son distributeur en FRANCE.

Parallèlement, la SARL Kretz s'est adressée à la société de droit allemand la société S+R Maschinenbau GmbH pour faire adapter ce tracteur aux travaux forestiers et notamment au défrichage en faisant poser un blindage.

Cette société s'est mise en rapport avec la société Agco GmbH pour réaliser ces travaux avant leur livraison, de manière à livrer à la SARL Kretz le tracteur avec son équipement.

Le 23 juin 2005, alors qu'un ouvrier de la SARL Kretz était en train de réaliser des travaux de broyage de souche avec ce tracteur, un départ de feu s'est produit au niveau du pot d'échappement et du réservoir de gazoil, et le tracteur a été détruit dans cet incendie.

Une expertise a été ordonnée en référé le 22 novembre 2005.

L'expert désigné M. Wurfel a conclu dans son rapport déposé le 5 février 2007 que l'incendie avait été causé par des débris résineux qui réchauffés par la ligne d'échappement, ont mis le feu au réservoir en matière synthétique.

La SARL Kretz a été indemnisée par son assureur la société Groupama Alsace devenue Groupama grand Est.

Par actes des 20 mars et 30 mai 2008, la SARL Kretz et la société Groupama ont fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Strasbourg sur le fondement des vices cachés et de l' obligation de conseil, la SARL Serma, la société Agco GmbH et la société S+R Maschinenbau GmbH pour obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 97 277,74 euro correspondant au coût des travaux chiffrés par l'expert.

La SARL Serma répliquait qu'elle avait vendu un tracteur " standard " indépendamment de tout équipement aux travaux de défrichage commandé directement auprès de la société S+R Maschinenbau GmbH, et à titre subsidiaire, elle appelait en garantie la société Agco GmbH et la société S+R Maschinenbau GmbH.

La société Agco GmbH soulevait l'irrecevabilité de la demande au motif qu'elle n'était pas le vendeur mais le fabricant, faisait valoir qu'elle n'avait pas de lien contractuel direct avec la SARL Kretz et subsidiairement, contestait l'existence de vices cachés.

La société S+R Maschinenbau GmbH répliquait qu'elle n'était pas débitrice de la garantie des vices cachés et qu'elle n'avait fait qu'équiper un tracteur des éléments que la SARL Kretz lui avait commandés.

Par jugement du 11 avril 2011, le Tribunal de grande instance a rejeté les demandes dirigées contre la SARL Serma et la société Agco GmbH en considérant que l'usage forestier n'était pas entré dans le champ contractuel.

Le tribunal a retenu la responsabilité de la société S+R Maschinenbau GmbH pour n'avoir pas demandé au fabricant la société Agco GmbH de remplacer le réservoir en matière synthétique par un réservoir en acier, ou n'avoir pas demandé une modification de la ligne d'échappement, ou encore pour n'avoir pas protégé le réservoir par une plaque en tôle.

Le tribunal a considéré que ce manquement à l' obligation de conseil était à l'origine du sinistre et a condamné la société S+R Maschinenbau GmbH à payer à la société Groupama la somme de 99 277,74 euro au titre du préjudice matériel et du préjudice né de l'immobilisation du tracteur, la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les frais et dépens de la procédure y compris les frais d'expertise.

La société S+R Maschinenbau GmbH a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Concluant à l'infirmation du jugement déféré, la société S+R Maschinenbau GmbH demande à la cour de débouter la SARL Kretz et la société Groupama de leurs demandes et de les condamner au paiement d'une somme de 6 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante fait valoir :

- qu'il résulte clairement des conclusions de l'expert que l'incendie a pour origine un vice de conception imputable au fabricant, à savoir la proximité entre la ligne d'échappement horizontale et le réservoir, et le défaut de prévision d'un réservoir en acier,

- que d'autres tracteurs à usage forestier ont subi des incendies dans les mêmes circonstances raison pour laquelle la société Agco GmbH a depuis lors modifié la ligne d'échappement sur ses nouveaux modèles en prétendant aujourd'hui que cette modification est la conséquence d'une amélioration apportée à la cabine, voire de nouvelles normes en matière de pollution,

- que selon l'expert, le blindage forestier qu'elle a mis en place n'a joué aucun rôle dans l'accumulation de résineux, et que d'ailleurs d'autres tracteurs Fendt ayant subi un incendie n'avaient pas fait l'objet de blindage, ce qui démontre que le tracteur était également impropre aux travaux agricoles,

- que la SARL Serma qui a livré le tracteur équipé du blindage, connaissait nécessairement l'activité forestière de la SARL Kretz apparaissant sur ses panneaux publicitaires et son site Internet, que l'ancienneté de leurs relations contractuelles le confirme, que par ailleurs, la société S+R Maschinenbau GmbH figure sur le tarif des produits de la marque Fendt,

- qu'en outre le 23 juin 2003, une réunion s'est tenue dans les locaux de la société S+R Maschinenbau GmbH en présence de M. Kretz et de M. Jung dirigeant de la SARL Serma, pour définir la protection adéquate pour l'utilisation du tracteur avec "un broyeur forestier",

- que la société Agco GmbH connaissait elle aussi la destination forestière du véhicule, pour avoir livré le tracteur à la société S+R Maschinenbau GmbH dont l'usine est située en face de la sienne,

- que pour sa part, elle n'est pas débitrice de la garantie des vices cachés qui ne pèse que sur le vendeur, et que selon les conclusions de l'expert, les travaux de bardage qu'elle a réalisés n'ont joué aucun rôle causal dans le sinistre,

- que son obligation de conseil ne portait que sur la protection du véhicule contre les risques de perforation, étant rappelé que la SARL Kretz est un professionnel qui a choisi les éléments de blindage en pleine connaissance de cause et sur les conseils de la SARL Serma, qu'elle ne pouvait procéder à aucune transformation du véhicule ni remplacer le réservoir synthétique par un réservoir en acier et ne pouvait identifier un risque lié à la conception d'un véhicule qu'elle n'a pas fabriqué,

- que par ailleurs, la SARL Kretz est un professionnel avis, qui a biffé sur le devis les éléments de blindage qu'elle ne souhaitait pas voir installer, qui connaissait le risque d'incendie pour avoir précédemment acquis au moins trois tracteurs auprès de la SARL Serma, lesquels ont subi des incendies alors qu'ils n'avaient pas été confiés à la société S+R Maschinenbau GmbH à des fins de blindage, et qui a manqué de loyauté en n'informant pas ses cocontractants des incendies survenus,

- que le jour du sinistre, les températures étaient caniculaires et que la SARL Kretz n'a pas procédé au nettoyage préalable du véhicule.

La SARL Kretz et la société Groupama Grand Est demandent à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner la société S+R Maschinenbau GmbH à leur payer la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et sur son appel provoqué, d'infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées contre la SARL Serma et la société Agco GmbH, et de condamner la SARL Serma et la société Agco GmbH in solidum avec la société S+R Maschinenbau GmbH à payer à la société Groupama la somme de 97 277,74 euro et à la SARL Kretz la somme de 2.200 euro, ainsi qu'une somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les intimées répliquent :

- que selon l'expert l'incendie a pour origine un vice caché engageant la responsabilité du fabricant, à savoir la présence d'un réservoir en matière synthétique qui a pris fin lorsque des débris résineux se sont accumulés entre la ligne d'échappement et la partie inférieure de la cabine,

- que la SARL Serma savait que le tracteur pouvait servir à un usage forestier moyennant quelques aménagements, connaissait l'activité sylvicole de la SARL Kretz et avait participé lors de la réunion du 23 juin 2003 à la définition de ces aménagements et qu'ainsi cette destination était bien entrée dans le champ contractue,

- que la société Agco GmbH ne pouvait ignorer que le tracteur allait subir des modifications et s'est même occupée de le transférer dans les locaux de la société S+R Maschinenbau GmbH; que selon l'expert, l'incendie a pour origine un vice caché imputable au concepteur, leur permettant d'exercer l'action en garantie de l'article 1641 du Code civil contre le vendeur originaire,

- que la société S+R Maschinenbau GmbH a elle-même participé à la conception, puis à la réalisation du produit fini livré à la SARL Kretz, et qu'en ne mettant pas en place un blindage suffisant et en ne remplaçant pas le réservoir synthétique par un réservoir en acier , elle a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, subsidiairement sur le fondement de l'obligation de conseil; qu'elle aurait dû attirer son attention sur le fait que le réservoir mal protégé et situé à proximité de la ligne d'échappement constituerait un important point de chauffe,

- que la SARL Kretz est un professionnel des travaux forestiers mais non de la mécanique ou des équipements automobiles, qu'aucun défaut d'entretien ne peut sérieusement lui être reproché et que rien ne permet de prétendre que d'autres tracteurs lui ayant appartenu ont été incendiés pour les mêmes causes,

- que la société Groupama a indemnisé son assurée la SARL Kretz en exécution du contrat d'assurance le 23 avril 2008 et se prévaut de la subrogation dans ses droits; que selon l'expert, le préjudice s'établit à la valeur de remplacement du tracteur vétusté déduite et aux travaux de remise en état du broyeur ainsi qu'à la privation de jouissance pendant la durée retenue par l'expert.

La SARL Serma soulève l'irrecevabilité subsidiairement la caducité de l'appel, conclut au rejet des appels principal et provoqué, à la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté toute demande dirigée contre elle, et à l'allocation d'une somme de 4.000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, plus subsidiairement en cas de condamnation, à ce que la cour fasse droit à ses appels en garantie dirigés contre la société S+R Maschinenbau GmbH et la société Agco GmbH.

La SARL Serma réplique :

- que toutes conséquences doivent être tirées de ce que l'appelante n'a pas déposé et notifié ses conclusions dans les délais exigés,

- que la société Groupama ne justifie pas de la recevabilité de sa demande par la production du contrat d'assurance et de la quittance subrogative, et que tiers au contrat de vente, elle ne peut se prévaloir du bénéfice de la garantie des vices cachés,

- que la procédure n'a pas été initiée à bref délai à compter de la vente intervenue en septembre 2003,

- que le jugement déféré a à juste titre écarté sa responsabilité alors qu'elle a vendu un tracteur à usage agricole et non forestier, qui a parfaitement fonctionné pendant plusieurs années,

- que l'expert n'a pu examiner que les débris calcinés du tracteur et prendre connaissance des conclusions de l'expert de la société Groupama qui n'a pas pu déterminer l'origine du sinistre , pour en tirer des conséquences très simplificatrices confondant la cause et la conséquence, pour conclure qu'était en cause la matière du réservoir; que l'expert n'a fourni aucune documentation technique ou argument de faisabilité ni justifié de l'avantage procuré par un réservoir en acier , sachant que tous les engins à usage agricole sont munis d'un réservoir synthétique,

- que l'incendie n'a pu se produire qu'à l'occasion d'une utilisation intensive par une journée très chaude dans une forêt de résineux, parce que le tracteur n'avait fait l'objet d'aucun nettoyage non seulement en cours de journée mais de longue date, et que la SARL Kretz sait très bien qu'un nettoyage est primordial avec ou sans blindage et que cette incurie deux ans après l'achat est seule à l'origine du sinistre,

- que contrairement à l'opinion de l'expert, le tracteur Fendt est d'une grande fiabilité et robustesse, qu'il répondait parfaitement à l'usage recherché par la SARL Kretz et que le plan éclaté produit montre que la ligne d'échappement est protégée par un élément de recouvrement en tôle,

- que l'expert n'a pas davantage tenu compte de l'objet même des travaux de la société S+R Maschinenbau GmbH, travaux d'envergure, entièrement sur mesure réalisés par un spécialiste du matériel forestier; que cette entreprise aurait pu répondre techniquement à la demande de l'utilisateur en rendant étanche la partie supérieure du blindage entourant l'échappement horizontal,

- qu'à supposer même qu'il existe un vice de conception dans la fourniture d''un réservoir synthétique, un tel vice est apparent, et de surcroît il ne peut être imputé qu'au fabricant ou au spécialiste des équipements forestiers, motif pour lequel elle dirige un appel en garantie contre les deux intimées.

L'intimée la société Agco GmbH demande à la cour de déclarer irrecevables les demandes de la SARL Kretz et la société Groupama fondées sur les dispositions de l'article 1641 du Code civil, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SARL Kretz et la société Groupama de leurs demandes dirigées contre elle, de constater qu'aucun vice caché ni manquement à l'obligation de conseil n'est caractérisé contre elle et de les condamner au paiement de la somme de 6 000 euro en application de l' article 700 du Code de procédure civile.

La société Agco GmbH réplique qu'elle n'est pas vendeur mais fabricant de tracteurs, que l'expert ne met nullement en cause la conformité du tracteur y compris le réservoir répondant aux normes européennes, et que la circonstance que le client utilisateur fasse faire par un tiers des transformations pour le destiner à un autre usage que celui pour lequel il a été fabriqué ne peut ressortir de sa responsabilité.

Elle souligne qu'elle n'est en rien intervenue dans la transformation du tracteur, et n'a ni approuvé ni homologué ces modifications.

Elle soutient que le tracteur de nouvelle génération conçu en 2007 est de conception totalement différente, et que la modification apportée à la fixation de l'échappement latéral est la conséquence de l'amélioration apportée à la cabine et des nouvelles normes de pollution et d'émission de CO2.

Elle conteste les conclusions de l'expert procédant d'une analyse technique insuffisante, en ce qu'il n'a pas vérifié les normes de fabrication pour un usage forestier et n'a pas davantage tiré les conséquences du non-respect des consignes d'entretien par la SARL Kretz de surcroît par un jour de forte chaleur.

Elle souligne la qualité de professionnel des travaux forestiers de la SARL Kretz qui aurait dû signaler cette transformation lors de la commande, et relève que le blindage mis en place constitue une réserve de débris végétaux hautement inflammable.

Elle fait valoir que si l'hypothèse d'un vice né de l'installation d'un réservoir en synthétique et non en acier devait être retenue, ce vice doit être qualifié d'apparent, et ne peut être imputé qu'à la société S+R Maschinenbau GmbH.

VU LES PIECES DE LA PROCEDURE

SUR LA RECEVABILITE

Attendu que selon les dispositions de l' article 914 du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est seul compétent pour se prononcer sur la caducité ou la recevabilité de l'appel ou encore la recevabilité des conclusions déposées par les partie, et que faute d'avoir invoqué ces exceptions de procédure devant le conseiller de la mise en état, la SARL Serma n'est pas recevable à invoquer devant la cour l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante;

Attendu que la société Groupama justifie de la recevabilité de sa demande par la production de la lettre d'acceptation et de subrogation du 15 avril 2008 par laquelle la SARL Kretz a déclaré accepter la somme de 144 714,74 euro correspondant à la valeur à neuf du tracteur et à la réparation du broyeur et a "subrogé (son assureur) dans ses droits et actions contre tous garants et responsables de ce sinistre à concurrence de la somme perçue";

Que cette lettre d'acceptation et de subrogation répond aux exigences de l'article L. 121-12 du Code des assurances et donne qualité à la société Groupama pour exercer les droits et actions de son assurée la SARL Kretz à l'encontre des personnes qu'elle estime responsables du sinistre.

Attendu que le délai d'action en garantie des vices cachés est celui en vigueur au moment de la vente, soit en septembre 2003 avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 février 2005 fixant le délai d'action à deux ans;

Que l'action devait être introduite dans un " bref délai" à compter de la découverte du vice, le point de départ de l'action se situant à la date à laquelle l'acheteur a eu une connaissance précise du vice affectant son bien;

Que dans l'hypothèse où une expertise est nécessaire pour déterminer la cause du sinistre, il est constant en jurisprudence que la connaissance du vice doit être fixée à la date de notification du rapport d'expertise judiciaire;

Que le rapport de M. Wurfel a été déposé le 5 février 2007 et qu'en considération de la nature du vice, du caractère technique de la recherche de responsabilité et de la multiplicité des intervenants susceptibles d'être mis en cause, l'action initiée par actes des 20 mars 2008 et 30 mai 2008 doit être déclarée recevable comme introduite dans le bref délai de l'article 1648 du Code civil;

SUR LES DIFFERENTES CAUSES DU SINISTRE

Attendu que si l'expert M. Wurfel a constaté que l'ensemble du tracteur " était entièrement brûlé", il a pu néanmoins examiner celui-ci et la configuration technique des différents éléments intervenus dans ce départ de feu comme le montrent les photographies prises lors des opérations d'expertise;

Que selon le salarié de la SARL Kretz, le départ de feu s'est produit "sur la partie latérale inférieure droite au niveau de l'échappement et du réservoir fixé sur le marche-pied";

Que l'expert a constaté que la ligne d'échappement horizontale passait à environ 30 mm de la partie droite de la cabine, qu'en partie inférieure de la partie d'échappement horizontale se trouvait logée la partie droite du réservoir synthétique pouvant contenir 530 litres de fuel;

Que l'expert a considéré que compte tenu de cette situation technique, il était certain que le réservoir synthétique avait pris feu par des débris de souches et résineux qui se sont accumulés entre la ligne d'échappement horizontale et le bord inférieur droit de la cabine, que ces débris ont été réchauffés par l'échappement et que leurs retombées sur le réservoir synthétique est à l'origine de l'incendie;

Que l'expert a formellement exclu que le blindage réalisé par la société S+R Maschinenbau GmbH ait pu jouer un rôle causal dans le départ de feu, même par accumulation de résidus;

Que l'expert conclut que "l'origine de l'incendie est l'allumage du réservoir synthétique sur son côté droit par des débris entre autres résineux qui ont été réchauffés par la ligne d'échappement horizontale en partie inférieure droite de la cabine; Cet incendie a pour origine un vice caché engageant la responsabilité du fabricant n'ayant pas prévu la mise en place d'un réservoir en acier";

Que ce faisant, l'expert incrimine le positionnement de ces éléments et la proximité entre la ligne d'échappement et le bord du réservoir en matière synthétique auquel le feu s'est communiqué, autant que la matière du réservoir qui a facilité cet embrasement;

Que ces causes identifiées par l'expert relèvent de la conception même du tracteur, et que si la matière du réservoir est retenue comme l'une des causes de l'incendie, pour autant ce vice de conception ne constitue pas un vice apparent puisque seule l'expertise a pu déterminer son rôle causal;

Qu'au demeurant la société Agco GmbH a depuis 2007 modifié le positionnement de la ligne d'échappement qui est plus éloignée du réservoir de carburant comme le montrent les photographies produites par la société S+R Maschinenbau GmbH;

Que cette modification notable est bien visible et a pour conséquence d'éliminer le vice retenu par l'expert, et qu'il est sans emport au regard de cette constatation de rechercher si la finalité poursuivie par la société Agco GmbH était de prévenir le risque d'incendie ou d'améliorer le confort de la cabine;

Attendu que les parties ont encore soutenu que la cause première de l'incendie serait le défaut d'entretien et de nettoyage du tracteur par la SARL Kretz qui aurait laissé s'accumuler une quantité importante de débris de résineux;

Que la SARL Serma en veut pour preuve le procès-verbal de constat de Me Moritz huissier de justice du 17 novembre 2011 montrant à cette date un tracteur de la SARL Kretz dont le blindage contient une grande accumulation de branchages, brindilles et matières végétales sèches;

Que cependant, l'état du tracteur le 17 novembre 2011 ne suffit pas à démontrer que le 23 juin 2005 le précédent tracteur se trouvait dans le même état d'entretien et qu'aucune pièce produite ne permet de faire l'amalgame entre l'état du nouveau tracteur le 17 novembre 2011 et celui du tracteur litigieux le jour du sinistre;

Que par ailleurs, une accumulation de résineux ou plus généralement de végétaux à certains endroits de la carrosserie peut se produire au cours d'une seule journée de travail, ce qui ne témoigne pas d'un défaut d'entretien fautif;

Qu'en revanche si la seule accumulation de végétaux entre le bord de la cabine et l'échappement peut générer un risque d'incendie, alors que cette accumulation est inhérente à l'usage même du véhicule, il doit en être déduit que la conception même du tracteur est en cause et mérite d'être réexaminée;

Attendu par ailleurs, que s'il est suggéré que plusieurs autres tracteurs ayant appartenu à la SARL Kretz ont péri dans des incendies survenus dans des conditions similaires, il n'est apporté aucun élément de preuve de ces incendies et de leurs causes, de sorte que la cour ne peut tirer aucune conséquence au regard d'une quelconque obligation de loyauté de la SARL Kretz à l'égard de ses cocontractants;

Attendu que l'usage agricole ou forestier du tracteur a été longuement discuté par les parties, la SARL Serma et la société Agco GmbH affirmant sur ce point que la vente n'avait porté que sur un tracteur "standard" à usage agricole et qu'un autre usage, qui n'est pas entré dans le champ contractuel, ne peut relever de la garantie;

Que cependant la documentation produite (équiper son tracteur agricole pour des travaux en forêt' pièce 7 de la SARL Serma) et les tarifs de la société S+R Maschinenbau GmbH figurant dans les catalogues de la SARL Serma et la société Agco GmbH témoignent de la polyvalence de ces tracteurs dits agricoles, pouvant par adjonction d'un blindage réalisé par des équipementiers spécialisés, être utilisés dans des travaux forestiers;

Que d'ailleurs les devis et facture de la société S+R Maschinenbau GmbH démontrent que le tracteur n'a pas subi une transformation, mais qu'il y a été ajouté des éléments de protection contre les risques de perforation (carter de protection, habillage moteur, arceau, tablier, grilles);

Qu'en toute hypothèse, il résulte abondamment des éléments de la cause que l'usage forestier a bien été envisagé entre les parties lors de la vente;

Que non seulement l'activité forestière de la SARL Kretz était connue de la SARL Serma, puisqu'elle figure de manière très apparente sur toute sa documentation commerciale, sur son site et même dans son cachet commercial tel que reproduit sur le bon de commande du tracteur (Entreprise de travaux agricoles et forestiers SARL Kretz), mais que le vendeur la SARL Serma a participé aux discussions entre la SARL Kretz et la société S+R Maschinenbau GmbH ayant pour objet de définir les éléments de protection nécessaires pour exécuter des travaux de débroussaillage;

Que les participants à cette réunion du 23 juin 2003 , M. Grosjean apporteur d'affaires pour le compte de la société S+R Maschinenbau GmbH et M. Zwick, salarié de cette société ont confirmé que M. Jung dirigeant de la SARL Serma était présent lors de cette réunion, et son nom figure d'ailleurs dans le compte-rendu de cette réunion;

Qu'il doit en être conclu que la SARL Serma connaissait l'usage auquel la SARL Kretz destinait le tracteur, voire même les éléments de protection qui allaient être mis en place par la société S+R Maschinenbau GmbH;

Que par ailleurs, il résulte des annonces produites (pièce 22 de l'appelante) que des tracteurs Fendt ne comportant aucun blindage et donc utilisés dans un usage purement agricole ont subi des incendies, ce qui démontre que le risque d'incendie n'est pas exclusivement lié à l'usage forestier;

Attendu que par ailleurs, outre la garantie des vices du véhicule, la SARL Kretz devait en outre bénéficier des conseils de son vendeur la SARL Serma qui en considération de l'usage forestier connu, de l'ancienneté de leurs relations d'affaires et de la connaissance qu'il avait nécessairement de précédents incendies subis par des tracteurs de la SARL Kretz aurait du rechercher avec la société Agco GmbH et avec la société S+R Maschinenbau GmbH toute solution pour prévenir, en tout cas réduire les risques d'incendie;

Que la SARL Kretz devait également bénéficier des conseils de la société S+R Maschinenbau GmbH qui dans le cadre de la protection qui devait être mise en place, devait envisager une protection du réservoir soit par une plaque de tôle soit par le remplacement du réservoir en matière synthétique par un réservoir en acier;

Que si l'obligation de conseil de la société S+R Maschinenbau GmbH se rapporte avant tout à la protection contre les risques de perforation, il n'en demeure pas moins que la protection du réservoir, lequel risque également d'être perforé lors de travaux de débroussaillage, aurait pu être envisagée par l'appelante et aurait été de nature à prévenir tant le risque de perforation que l'incendie;

Que par ailleurs, si les tracteurs " agricoles"sont également l'objet d'incendies, il est certain que les travaux forestiers et notamment le débroussaillage de résineux engendre un risque accru d'incendie, parce que l'accumulation de végétaux est plus importante et que les résineux sont plus inflammables;

Que dans cette mesure, l'obligation de conseil de la société S+R Maschinenbau GmbH qui précisément ne s'intéresse qu'aux spécificités liées à l'usage forestier aurait du également porter sur le risque d'incendie;

SUR LES PREJUDICES ET LES RESPONSABILITES A L'EGARD DE LA SOCIETE KRETZ

Attendu que bien que la société Groupama ait indemnisé son assurée la SARL Kretz pour la valeur à neuf du tracteur économiquement irréparable (144 714,74 euro), le recours subrogatoire exercé contre les différents responsables ne porte que sur la valeur du tracteur lors du sinistre (93 150 euro) augmenté des travaux de réparation du broyeur (4 127,74 euro) soit la somme de 97 277,74 euro;

Que par ailleurs, l'expert a évalué à 11 jours la durée d'immobilisation du tracteur, ce qui, sur la base d'un préjudice journalier de 200 euro, établit le préjudice d'immobilisation de la SARL Kretz à la somme de 2 200 euro;

1) A L 'EGARD DE LA SOCIETE S+R MASCHINENBAU

Attendu que la société S+R Maschinenbau GmbH, qui n'est tenue que d'une obligation de conseil dans le cadre du contrat d'entreprise la liant à la SARL Kretz et n'encourt aucune responsabilité au titre de la garantie des vices cachés, laquelle est prépondérante en l'espèce au vu des conclusions de l'expert, encourt une part de responsabilité mineure qui peut être évaluée à 10 %;

Qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société S+R Maschinenbau GmbH à payer :

- à la société Groupama la somme de 9 727,77 euro,

- à la SARL Kretz la somme de 220 euro.

2) A L'EGARD DE LA SOCIETE SERMA

Attendu que le vendeur la SARL Serma encourt une part de responsabilité prépondérante soit 90 % recouvrant à la fois son obligation de conseil et la garantie des vices cachés;

Qu'il résulte en effet des conclusions de l'expert rappelées ci-dessus que l'incendie trouve sa cause dans la conception même du tracteur dont la ligne d'échappement se situe à proximité du réservoir de carburant par ailleurs insuffisamment protégé, tracteur dont l'usage forestier a encore accru les risques encourus du fait de l'accumulation en grande quantité de résidus de résineux;

Que la SARL Serma est précisément au centre de cette problématique puisqu'elle répond des vices de conception du véhicule à l'égard de l'acheteur et qu'ayant une parfaite connaissance de l'usage du véhicule qu'allait en faire la SARL Kretz, et ayant de surcroît participé à la définition de la protection que requérait l'usage forestier, il lui incombait d'attirer son attention sur les risques d'incendie du véhicule ou sur les précautions particulières liées à cet usage;

Que si la SARL Kretz est un professionnel des travaux forestiers, elle ne l'est pas de la mécanique et de la conception des tracteurs, et que la SARL Serma qui est une professionnelle de la vente de tracteurs ne peut lui opposer une quelconque qualité de professionnelle en cette matière;

Que dans ces conditions, sa part de responsabilité, prépondérante, doit être chiffrée à 90 %;

Que la SARL Serma doit être condamnée à payer:

- à la société Groupama la somme de 87 549,96 euro,

- à la SARL Kretz la somme de 1 980 euro.

3) A L'EGARD DE LA SOCIETE AGCO

Attendu que la société Agco GmbH n'a aucun lien contractuel direct avec la SARL Kretz;

Qu'elle est le fabricant du tracteur Fendt et non son vendeur et n'est pas débitrice d'une obligation de conseil à l'égard de l'acheteur la SARL Kretz;

Que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Kretz et la société Groupama de leurs demandes à l'égard de la société Agco GmbH;

SUR LES APPELS EN GARANTIE

1) SUR L'APPEL EN GARANTIE DIRIGE PAR LA SOCIETE SERMA CONTRE LA SOCIETE AGCO

Attendu que tenue de la responsabilité légale des vices cachés à l'égard de l'acquéreur du tracteur, la SARL Serma n'a cependant aucune maîtrise du processus de conception et de fabrication, qui relève entièrement de la responsabilité du fabricant la société Agco GmbH;

Qu'il est sans emport de déterminer si la société Agco GmbH était elle aussi informée de l'usage forestier que l'acquéreur la SARL Kretz allait faire de ce tracteur, alors que la société Agco GmbH a évidemment envisagé cet usage , puisque comme l'indique l'expert, son catalogue contient les références et tarifs d'entreprises aptes à réaliser l'équipement de protection;

Qu'il lui appartient ainsi d'intégrer cet usage dans son processus de fabrication;

Que par ailleurs, il résulte tant des conclusions de l'expert que de la facture de la société S+R Maschinenbau GmbH que celle-ci n'a nullement transformé le tracteur mais l'a simplement équipé de plaques protectrices sans opérer aucune modification au niveau de la conception même du tracteur;

Que dans ces conditions, la société Agco GmbH répond intégralement à l'égard du vendeur la SARL Serma des vices cachés du véhicule;

Que pour autant l'appel en garantie ne peut couvrir les conséquences du manquement à l'obligation de conseil de la SARL Serma, qui lui est propre et qu'elle ne peut évidemment répercuter sur le fabricant;

Que la cause première de l'incendie du véhicule étant un vice de conception, il est manifeste que la part de responsabilité incombant au fabricant est prépondérante et doit être évaluée à 80 % des condamnations supportées par la SARL Serma;

2) SUR L'APPEL EN GARANTIE DIRIGE CONTRE LA SOCIETE S+R MASCHINENBAU

Attendu que la cour n'a retenu contre la société S+R Maschinenbau GmbH qu'un manquement à son obligation de conseil dans le cadre du contrat d'entreprise l'ayant liée à la SARL Kretz;

Que la cour n'a retenu aucune autre cause de responsabilité dans la survenance du sinistre à la charge de cette société et aucune part causale dans l'apposition des tôles de protection;

Que par ailleurs, la société Agco GmbH ayant été condamnée à garantir la SARL Serma des condamnations prononcées à concurrence de 80% de leurs montants, il en ressort que la SARL Serma ne supporte personnellement que les conséquences nées de son manquement à son devoir de conseil, manquement qui lui est propre et qu'elle ne peut répercuter sur la société S+R Maschinenbau GmbH;

Que l'appel en garantie doit être rejeté à l'encontre de la société S+R Maschinenbau GmbH;

SUR LES AUTRES DEMANDES

Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SARL Kretz et la société Groupama les frais exposés et non compris dans les dépens;

Qu'il convient de condamner la SARL Serma à leur payer la somme de 1500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Attendu que la cour ayant fait droit à l'appel en garantie de la SARL Serma à l'encontre de la société Agco GmbH, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SARL Serma les frais exposés et non compris dans les dépens;

Qu'il convient de condamner la société Agco GmbH à payer à la SARL Serma la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

Attendu que les dépens de la procédure de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la SARL Serma;

Que sur appel en garantie, la société Agco GmbH doit être condamnée à supporter ces dépens dans la limite de sa part de responsabilité;

Par ces motifs, LA COUR, Rappelle que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour apprécier de la recevabilité des conclusions, Déclare les appels recevables, Au fond les Dit partiellement fondés, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL Kretz et de la société Groupama à l'encontre de la société Agco GmbH, L'Infirme pour le surplus et statuant à nouveau, Dit et juge qu'à l'égard de la SARL Kretz et la société Groupama, la société S+R Maschinenbau GmbH encourt une part de responsabilité évaluée à 10 % et la SARL Serma encourt une part de responsabilité évaluée à 90 %, Condamne la société S+R Maschinenbau GmbH à payer à la société Groupama la somme de 9 727,77 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2008, Condamne la société S+R Maschinenbau GmbH à payer à la SARL Kretz la somme de 220 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2008, Condamne la SARL Serma à payer à la société Groupama la somme de 87 549,96 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2008, Condamne la SARL Serma à payer à la SARL Kretz la somme de 1.980 euro avec intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2008, Condamne la SARL Serma à payer à la SARL Kretz et la société Groupama pris in solidum la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Serma aux dépens de première instance et d'appel y compris ceux de la procédure de référé et de l'expertise, Condamne la société Agco GmbH à garantir la SARL Serma à hauteur de 80 % de leur montant de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la SARL Kretz et la société Groupama en principal, intérêts, et frais, Condamne la société Agco GmbH à payer à la SARL Serma la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Agco GmbH aux dépens nés de l'appel en garantie.