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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 19 septembre 2013, n° 12-01348

CHAMBÉRY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Allorent

Défendeur :

Automobiles Peugeot (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mertz

Conseillers :

Mme Thomassin, M. Madinier

Avocats :

Mes Unal, Dormeval, Barety

TI Annemasse, du 20 mars 2012

20 mars 2012

Faits, procédure et prétentions des parties :

Monsieur Daniel Allorent, propriétaire d'une Peugeot depuis le 8 août 2006, modèle 807 qu'il avait acquis auprès d'un collaborateur de la marque, a été victime d'une panne, le 13 février 2009 qu'il a fait réparer après remorquage par le garage G2M Motors à Annemasse pour le prix de 3 270,94 TTC.

Il a assigné la société Peugeot pour obtenir la prise en charge de ces frais.

Le Tribunal d'instance d'Annemasse, le 20 mars 2012, a :

- débouté Monsieur Allorent de l'intégralité de ses demandes,

- rejeté les demandes de frais irrépétibles,

- condamné Monsieur Allorent aux dépens.

Le tribunal retenait qu'aucun lien contractuel avec la société Peugeot n'était établi et sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, qu'aucune faute n'était démontrée.

Monsieur Daniel Allorent a fait appel de la décision par déclaration au greffe le 25 juin 2012.

Ses moyens et conclusions étant exposés dans des conclusions du 30 avril 2013, Monsieur Daniel Allorent demande à la cour de :

- infirmer le Jugement rendu par le Tribunal d'instance d'Annemasse le 20 mars 2012 en toutes dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger que le véhicule Peugeot 807, immatriculé 9684 ZQ 74, propriété de Monsieur Allorent, est porteur d'un vice caché,

En conséquence, retenir la responsabilité de la société Automobiles Peugeot et déclarer recevable l'action indemnitaire sollicitée par Monsieur Allorent sur le fondement des dispositions de l'article 1645 du Code civil,

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la société Automobiles Peugeot a engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre de Monsieur Allorent Daniel, sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du Code civil,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la société Automobiles Peugeot a engagé sa responsabilité délictuelle à l'encontre de Monsieur Allorent Daniel, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil,

En conséquence,

- condamner la société Automobiles Peugeot à lui verser la somme de 3 270,94 euro, correspondant au remboursement de la facture de réparation,

- condamner, en outre, la société Automobiles Peugeot à lui verser la somme de 306,71 euro TTC correspondant au remboursement de la location du véhicule du 1er au 10 mars 2009,

- condamner, en outre, la société Automobiles Peugeot à lui verser la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts, tous chefs de préjudices confondus,

En tout état de cause,

- condamner la société Automobiles Peugeot à lui verser la somme de 1 500 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- condamner la même aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Agnès Unal, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il invoque la garantie des vices cachés à l'encontre de la société Peugeot car les ventes successives ne privent pas le dernier acquéreur de son recours si le vice existait au moment de la première vente. Or, en l'espèce, s'agissant du système de distribution par la désolidarisation du pignon de distribution, le constructeur serait en cause, à défaut pour le véhicule d'avoir atteint 120 000 km ou 5 ans. Il invoque également la responsabilité pour faute de la société Peugeot, le défaut d'assemblage en usine du pignon de distribution/arbre à cames, lui étant imputable. Le fait que l'expertise amiable ne soit pas contradictoire serait le fait de la société Peugeot qui convoquée a refusé de s'y rendre et qui lors du débat judiciaire a été à même d'en critiquer les conclusions. Le vice aurait d'ailleurs été dénoncé par diverses revues automobiles. Il reproche également à cette société tenue d'un devoir de conseil de n'avoir pas pris les mesures pour que les pièces démontées soient conservées et d'avoir tardé à prendre position sur les réclamations de Monsieur Allorent alors qu'elle n'ignorait pas la difficulté. Il demande réparation du préjudice subi, donc le coût des réparations auxquelles il ajoute un préjudice moral et de jouissance. A titre infiniment subsidiaire, il conviendrait d'ordonner une expertise judiciaire.

La société Automobiles Peugeot, dans des conclusions en date du 4 juin 2013, demande à la cour de :

- dire que l'action en garantie des vices cachés n'est pas ouverte à Monsieur Allorent dont le véhicule était en parfait état de marche depuis le 23 février 2009,

- dire qu'il ne rapporte pas la preuve d'un vice caché antérieur à la vente ou la preuve d'une faute contractuelle imputable à la société Automobiles Peugeot ayant un lien causal avec le préjudice qu'il invoque,

En conséquence,

- confirmer le jugement rendu,

- condamner Monsieur Allorent à lui payer la somme de 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Dormeval.

La société Peugeot indique que le véhicule a été mis en circulation pour la première fois le 5 octobre 2005. Elle souligne que l'expertise Tuaz n'a pu se réaliser, les pièces n'ayant pas été conservées par le garagiste. Elle justifie son refus d'aller à l'expertise amiable par le fait que le client avait autorisé les travaux, et que rien ne pourrait être constaté, les pièces ayant disparu. La cour ne pourrait donc se fonder exclusivement sur un document non contradictoire qui ne pourra être pallié par une nouvelle expertise, en raison de l'absence des pièces défectueuses.

Elle conteste être tenue d'une obligation de conseil envers chaque utilisateur de sa marque lors de l'intervention d'un garagiste réparateur. Uniquement pour être complète, sur le préjudice, elle souligne le cumul existant entre la perte de jouissance et les frais de location d'un véhicule de remplacement et conteste l'existence d'un préjudice moral.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2013.

Motivation de la décision :

* sur la garantie des vices cachés :

Les dispositions de l'article 1641 du Code civil mettent à la charge du vendeur, une obligation de garantie à raison des défauts cachés qui rendent la chose impropre à son usage ou le diminue tellement que le prix d'achat n'aurait pas été aussi élevé si l'acquéreur les avait connus.

Il est exact qu'en cas d'acquisitions successives, l'action en garantie est transmise à chacun des sous acquéreurs dès lors que les vices cachés existaient à la vente initiale.

Le véhicule en cause, mis en circulation pour la première fois, le 5 octobre 2005, appartenait à l'origine à un collaborateur de la marque Peugeot, Monsieur Scherrer, lequel l'a vendu à Monsieur Allorent, le 8 août 2006, selon les termes de l'expertise amiable, ou le 5 février 2009, date qui figure sur la carte grise au nom de Monsieur Allorent.

Il revient donc à Monsieur Allorent qui invoque un vice caché d'apporter la démonstration qu'au moment de la vente au premier acquéreur, en octobre 2005, le vice existait, car Monsieur Scherrer n'est pas à la cause mais il ne peut détenir plus de droit que lui.

L'expert amiable avait préalablement convoqué à ses opérations la société Peugeot qui n'a pas estimé nécessaire de se déplacer après l'offre commerciale de prise en charge partielle des frais, pour un montant de 1 602,64 euro TTC. Son travail a été soumis à la discussion contradictoire des parties au cours du procès, il pourrait servir de base à la décision judiciaire qui y puiserait les éléments de conviction. Cependant, comme il l'indique, l'expert a été privé de démonstration technique, il n'a pu faire aucun constat, car les pièces n'ont pas été conservées après leur démontage. Ses conclusions ne se basent que sur des hypothèses : une avarie technique particulière ou un défaut d'assemblage depuis l'origine en atelier.

Monsieur Allorent ne communique pas aux débats, le carnet d'entretien qui seul peut justifier du bon suivi et de l'entretien régulier de l'automobile par un professionnel y compris lorsque Monsieur Scherrer en était propriétaire. En l'état, la cause de la panne reste ignorée, le seul fait que l'automobile ait parcouru 53 000 km et soit tombée en panne de système de distribution avant 5 ans ou 120 000 km est insuffisant à démontrer le vice caché dès la vente initiale, étant rappelé que Monsieur Allorent a contracté avec Monsieur Scherrer et qu'il n'a pas de lien contractuel avec la société Peugeot.

* sur la faute de la société Peugeot :

Le défaut d'assemblage en usine du pignon de distribution/arbre à cames n'est qu'une hypothèse non vérifiable en l'état, il ne peut donc baser la responsabilité de la société Peugeot.

* sur le manquement au devoir de conseil :

Monsieur Allorent fait grief à la société Peugeot de n'avoir pas veillé à la conservation des pièces démontées et d'avoir tardé à prendre position sur la prise en charge du dommage. Sur ces points, la cour estime que le délai de réponse de la société Peugeot n'a rien d'excessif puisque d'environ un mois et que n'ayant pas de lien contractuel avec le propriétaire automobile, il ne lui revenait pas de mettre en place la conservation des pièces. Le garagiste qui a procédé aux réparations pouvait lui, envisager cette précaution alors que Monsieur Allorent avait exprimé par écrit sa volonté de faire prendre en charge les frais par le constructeur, et le client lui-même aurait été plus diligent s'il avait précisé cette nécessaire mesure conservatoire au garagiste. La responsabilité de ce chef de la société Peugeot n'est pas établie.

* sur la demande subsidiaire :

La cour n'est saisie que par le dispositif des conclusions lequel ne reprend pas la demande d'expertise nouvelle formée à titre subsidiaire par Monsieur Allorent en page 11 de ses écritures, quoiqu'il en soit, les pièces défectueuses n'ayant pas été conservées, cette mesure d'instruction est inutile.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la société Peugeot les frais irrépétibles engagés dans l'instance, une somme de 1 000 euro lui sera accordée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront donc à la charge de l'appelant qui succombe en son recours.

Par ces motifs : LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et par décision contradictoire, Confirme la décision déférée, Y ajoutant, Condamne Monsieur Daniel Allorent à payer à la société Peugeot une somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Le Condamne aux dépens d'appel avec distraction au profit de Me Dormeval.