CA Versailles, 3e ch., 19 septembre 2013, n° 11-02031
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Clément'In (SARL)
Défendeur :
Travagli, Société Nationale de Services Automobiles Assistance (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valantin
Conseillers :
Mmes de Martel, Souciet
Avocats :
Mes Jullien, Citrey, Dumeau, Borget, Buquet-Roussel, Marx
La SARL Clément'In est appelante d'un jugement rendu le 11 février 2011 par le Tribunal de grande instance de Nanterre dans un litige l'opposant à M. Georges Travagli et la SAS Nationale de Services Automobiles (NSA).
M. Travagli a acquis auprès de la SARL Clément'In, le 7 novembre 2007, un véhicule BMW, année 2004, au prix de 19 990 euro. Le contrat de vente était assorti d'une garantie de 12 mois par la SAS NSA.
Des dysfonctionnements de la boîte de vitesse automatique ont été relevés le 27 mars et le 6 mai 2008. Une première expertise, en mai 2008, ne relevait pas d'anomalie.
Le 5 juillet 2008, la boîte de vitesses s'est bloquée sur autoroute en la position "drive" c'est à dire en marche. Une nouvelle expertise a été diligentée en septembre, mentionnant que la panne, toujours présente sur le véhicule, lui conférait un caractère de dangerosité la rendant impropre à la circulation. Son remplacement devait être pris en charge par le constructeur selon ce même rapport. La société BMW n'a cependant pas été mise en cause. Elle a été convoquée aux opérations d'expertise mais a décliné la proposition.
Une expertise judiciaire a alors été diligentée à la demande de l'acheteur. L'expert, M. BRUN a déposé son rapport le 21 octobre 2009. Il souligne, qu'avant l'acquisition, le véhicule était la propriété d'une société de locations, ce dont M. Travagli dit n'avoir pas été informé.
M. Travagli. a fait assigner la SARL Clément'In et la SAS NSA devant le Tribunal de grande instance de Nanterre en résolution de la vente pour vice caché au visa de l'article 1641 du Code civil.
Par jugement du 11 février 2011, le tribunal a :
- dit que le véhicule vendu à M. Travagli comportait un vice caché ;
- prononcé la résolution de la vente, dit que M. Travagli devra restituer le véhicule et la SARL Clément'In la somme de 19 990 euro ;
- condamné la SARL Clément'In à payer à l'acheteur, la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- mis hors de cause la SAS NSA et condamné la SARL Clément'In à lui payer la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- débouté les parties pour le surplus ;
- prononcé l'exécution provisoire.
Les premiers juges ont considéré que, selon le rapport d'expertise du 21 octobre 2009 de M. Brun, le véhicule a été vendu à M. Travagli sans l'informer qu'il s'agissait d'une ancienne voiture de location et sans présenter l'historique des révisions effectuées qui n'ont pas été faites dans le réseau concessionnaire BMW par souci d'économie, alors qu'il était nécessaire de l'équiper d'appareillages spécialisés seulement présents dans le réseau BMW.
Selon le jugement, la boîte de vitesses présentait bien une anomalie, une intervention étant nécessaire afin de remplacer le calculateur qui gère le fonctionnement de la boîte de vitesses. Le vendeur aurait dû assister son client dans la résolution de son problème. Selon le rapport d'expert, M. Travagli n'aurait pas acquis cette voiture s'il avait été informé des conditions d'utilisation et de maintenance.
La SARL Clément'In a interjeté appel du jugement. M. Travagli a formé un appel incident.
Par ordonnance du 8 juillet 2011, la SARL Clément'In a été déboutée de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire, cette dernière étant toutefois suspendue pour consignation sous 15 jours de la signification, à la Caisse de dépôts et consignations, de la somme de 22 990 euro.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 janvier 2012, la SARL Clément'In demande à la cour de désigner un expert automobile du ressort de la cour d'appel avec pour mission, dans le respect du contradictoire de déterminer les responsabilités encourues et évaluer le coût des travaux nécessaires ;
- infirmer purement et simplement le jugement de première instance et débouter M. Travagli de son appel incident ;
- ordonner la main levée de la somme de 22 990 euro consignée par elle auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, en exécution de l'ordonnance du 1er président de la cour d'appel du 8 juillet 2011 ;
- la relever de l'intégralité des condamnations mises à sa charge en première instance et la mettre hors de cause ;
- dire et juger la responsabilité contractuelle de la SAS NSA engagée à l'égard de M. Travagli, pour refus de prise en charge des travaux de remise en état de son véhicule, à charge pour elle de se retourner contre le constructeur ;
- condamner la SAS NSA à supporter l'intégralité des condamnations mises à sa charge par le jugement déféré comme suit :
1°) acquérir le véhicule de M. Travagli au prix de 19 990 euro, et/ou ;
2°) procéder à l'intégralité des réparations requises qu'elle ne conteste pas et restituer le véhicule à M. Travagli en parfait état de fonctionnement ;
3°) supporter l'intégralité des condamnations, frais et dépens mis à sa charge au titre du jugement déféré ;
- condamner en tout état de cause la SAS NSA ou tout autre succombant à lui payer les intérêts à 1,5 fois le taux légal sur la somme de 22 990 euro consignée par elle le 13 juillet 2011 auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, en exécution de l'Ordonnance du 8 juillet 2011, à titre de dommages et intérêts.
Elle soutient que le vice de la chose existait, ne serait-ce qu'en germe au moment de la vente. Elle se fonde à cet effet sur l'article 1641 du Code civil et le rapport d'expert de M. Brun. Le véhicule était bien affecté d'un vice le rendant impropre à son usage, qui préexistait à la vente et relevait de la responsabilité du constructeur.
Dans ses dernières conclusions visées le 5 mars 2012, M. Georges Travagli demande à la cour de constater que les opérations d'expertises se sont déroulées de manière parfaitement contradictoire ;
- constater que la SARL Clément'In n'y a pas participé bien que régulièrement convoquée et ne s'y est pas fait représenter ;
- constater que la SARL Clément'In n'apporte aucun élément nouveau qui justifierait qu'un nouvel expert soit nommé ;
- constater que l'attitude procédurale de la SARL Clément'In tend à essayer de retarder autant que faire se peut, la décision à intervenir sur son propre appel ;
- dire dans ces conditions qu'il n'y a pas lieu à nouvelle expertise ;
au fond et par conclusions du 22 décembre 2011, il concluait à la confirmation du jugement s'agissant du vice caché et de la résolution de la vente, ainsi qu'à la condamnation de la SARL Clément'In au paiement d'une somme de 4.777,70 euro à titre de dommages-intérêts par application de l'article 1645 du Code civil et 6 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile (frais de première instance) et 3 000 euro au titre des frais d'appel. A titre très subsidiaire, il invoque un vice du consentement.
Il est inexact selon M. Travagli, de dire que les dysfonctionnements n'ont pas été constatés par l'expert judiciaire ou que l'expert n'a pas procédé à l'essai du véhicule, dès lors que l'appelant n'en rapporte pas la preuve.
Dans ses dernières conclusions visées le 13 mars 2012, la SAS SNA demande à la cour de confirmer en tous points le jugement.
Elle soutient qu'il n'existe aucune contestation sur le fait que le véhicule était entaché d'un vice lors de la vente. Sa propre responsabilité ne peut être mise en jeu dès lors que les stipulations contractuelles excluaient la garantie en cas de vice caché.
La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la demande d'expertise
La SARL Clément'In a demandé, à titre principal, la désignation d'un expert ; elle reproche à Monsieur Brun de n'avoir pas constaté par lui-même le dysfonctionnement de la boîte de vitesses automatique et d'ériger un défaut d'information en vice caché.
Il résulte cependant du rapport de l'expert judiciaire qu'un essai a bien été réalisé en présence du demandeur, mais il est vrai qu'aucune anomalie ne s'est produite pendant l'essai. Cependant, les tests électroniques effectués par le garage Loiseau et surtout au sein des établissements BMW à Villacoublay (p. 10 du rapport), dans le cadre de l'expertise, ont permis de constater la réalité des dysfonctionnements.
Les constatations de l'expert sont suffisantes. M. Travagli fait à juste titre observer que la SARL Clément'In était absente et non représentée aux réunions d'expertise des 10 juillet et 7 septembre 2009, en sorte qu'elle est en mauvaise position pour critiquer le rapport d'expertise.
Par ailleurs, il appartient au juge de qualifier l'existence d'un vice caché sans s'en remettre à l'appréciation de l'expert dont seules les constatations techniques sont utiles à l'établissement de cette qualification juridique.
Rien ne justifie la désignation d'un nouvel expert ; la SARL Clément'In n'apporte aucun élément sérieux et objectif dans ce sens ; les autres parties s'opposent à cette mesure, dénonçant une volonté dilatoire de la SARL Clément'In.
Il ne peut être soutenu une atteinte au principe du contradictoire, l'absence de la SARL Clément'In aux opérations d'expertise ne résultant pas d'un défaut de convocation régulière des parties.
La SARL Clément'In sera déboutée de sa demande.
- Sur la garantie des vices cachés
Selon l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.
Les vices invoqués par l'acheteur sont d'une part, une anomalie dans la boîte de vitesses, d'autre part, le fait qu'il s'agissait d'une voiture ayant appartenu à une société de location de voitures, et enfin l'absence d'entretien du véhicule dans le réseau BMW par la société de location, ces deux dernières circonstances n'ayant pas été portées à la connaissance de l'acheteur.
Le fait pour le véhicule d'avoir appartenu à une société de location qui ne l'a pas entretenu dans le réseau ne saurait à soi seul constituer un vice caché. Si le véhicule ne présente aucun vice de fonctionnement, aucun "défaut", le principe de la sécurité des transactions - s'agissant en l'espèce d'un véhicule d'occasion- s'oppose à ce que la simple appartenance antérieure du véhicule à une société de location, si le véhicule a été correctement entretenu, même hors du réseau, constitue un vice caché. Si l'acheteur entend invoquer un vice de son consentement, il convient pour lui de demander l'annulation de la vente et non sa résolution. Ce fondement est d'ailleurs invoqué par lui à titre très subsidiaire.
Cependant, il résulte du rapport de l'expert judiciaire, que le véhicule connaît un dysfonctionnement intermittent de la boîte de vitesses nécessitant son remplacement et sa reprogrammation électronique, le coût de l'opération dépassant 6 000 euro. Il s'agit donc d'un vice grave.
Ce défaut est décrit avec précision par l'expert (p. 26/27 du rapport) : la boîte de vitesses reste par intermittence bloquée sur le rapport n° 4 en fonctionnement dégradé, le voyant d'anomalie s'allume. Un tel vice ne pouvait apparaître à l'acheteur, profane, lors de l'achat ; il s'agit bien d'un vice caché.
Etudiant les causes de ce défaut, l'expert évoque le kilométrage du véhicule (cependant inférieur à 50 000 km) mais aussi les conditions d'utilisation (antérieures à la vente) et la mauvaise fiabilité de la boîte de vitesse ; l'expert insiste sur le mauvais entretien du véhicule par le précédent propriétaire qui n'a pas assuré l'entretien du véhicule dans le réseau. Ce mauvais entretien établit l'antériorité du vice par rapport à la vente. Ces désordres se sont en effet manifestés, dès l'achat du véhicule.
Enfin, ces dysfonctionnements rendent le véhicule impropre à son usage et même dangereux selon le rapport BCA, confirmé par l'expert judiciaire.
Il convient donc de confirmer le jugement qui prononce la résolution de la vente en raison d'un vice caché et ordonne les restitutions d'usage.
- Sur les dommages-intérêts
La SARL Clément'In a été condamnée à payer à M. Travagli la somme de 1 000 euro au titre de l'immobilisation du véhicule. M. Travagli sollicite le paiement d'une somme de 4 777 euro. Cette somme n'est cependant pas justifiée, à l'exception des frais d'intervention BMW (125,58 euro + 477,32 euro) compris dans la somme de 1 000 euro. L'immobilisation totale du véhicule n'est pas en effet établie. Le jugement sera confirmé sur ce point.
- Sur la responsabilité de la SAS NSA
Il n'est pas contesté que la garantie de la SAS NSA ne couvre pas le vice caché. Le jugement sera donc confirmé, également sur ce point.
- Sur les frais irrépétibles
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. Travagli et de la SAS NSA les frais non compris dans les dépens de l'instance.
La SARL Clément'In sera condamnée à payer à M. Travagli la somme de 2 000 euro et à la SAS NSA la somme de 1 000 euro.
Par ces motifs : LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nanterre le 11 février 2011 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Condamne la SARL Clément'In à payer à M. Georges Travagli la somme de 2 000 euro et à la SAS NSA la somme de 1 000 euro, par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais d'appel, Condamne la SARL Clément'In aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.