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Décisions

CA Lyon, 6e ch., 5 décembre 2013, n° 11-03406

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Paul Mathieu (SAS)

Défendeur :

Royon (Epoux), Nissan West Europe (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cuny

Conseillers :

M. Goursaud, Mme Collin-Jelensperger

Avocats :

Mes Rose, Sadurni, Gaucher, SCP Belin de Chantemele-Andres & Laneyrie

TI Montbrison, du 17 mars 2011

17 mars 2011

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 18 janvier 2008, Monsieur et Madame Royon ont acheté un véhicule Nissan Trail auprès du garage Nissan à Annonay.

Le 12 avril 2009, alors que Monsieur Royon circulait sur l'autoroute, une avarie du turbo compresseur a provoqué un emballement du moteur qu'il n'est parvenu à arrêter qu'en déclenchant la troisième vitesse et en faisant caler le moteur.

La société Nissan West Europe, constructeur, a accepté de prendre en charge la réparation du turbo compresseur dont le remplacement a été effectué par la société Paul Mathieu dans le cadre de la garantie constructeur.

Celui-ci a constaté à cette occasion un problème sur le 3e rapport de la boîte à vitesses.

Une expertise amiable a été organisée à la demande du garage Mathieu, réalisée en l'absence de la société Nissan West Europe, et cette dernière a refusé de prendre en charge les dégâts occasionnés à la boîte de vitesses.

Par exploit du 18 mars 2010, les époux Royon ont engagé une action en vue d'obtenir la prise en charge de la réparation de la boîte de vitesses devant le Tribunal d'instance de Montbrison, action dirigée contre la société Nissan West Europe et la société Paul Mathieu qu'ils ont fondée sur les dispositions des articles 1386-1 et suivants du Code civil pour la première et 1147 du Code civil pour la seconde.

Par jugement en date du 17 mars 2011, le Tribunal d'instance de Montbrison a retenu la responsabilité de la société Nissan West Europe sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux en retenant que le dysfonctionnement de la boîte de vitesses était directement lié à l'avarie du turbo compresseur et celle de la société Paul Mathieu sur celui de l'article 1147 du Code civil pour manquement à son obligation générale d'information.

Il a condamné les deux sociétés à payer aux époux Royon la somme de 4 623,07 euro au titre des réparations nécessaires de la boîte de vitesses, celle de 1 500 euro au titre du préjudice de jouissance et celle de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, l'exécution provisoire étant ordonnée.

Par déclaration au greffe en date du 12 mai 2011, la société Paul Mathieu a interjeté appel de ce jugement.

Par un arrêt en date du 25 octobre 2012, auquel il est expressément référé pour un exposé plus complet des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour d'appel de ce siège avant dire droit, a ordonné la réouverture des débats, afin que les parties s'expliquent sur la non-application à l'espèce du moyen tiré de la responsabilité des produits défectueux, a révoqué l'ordonnance de clôture et a renvoyé la cause à la mise en état.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées le 25 mars 2013, la société Paul Mathieu demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- dire qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil et qu'elle n'est à l'origine d'aucun désordre subi par le véhicule de Monsieur et Madame Royon,

En conséquence,

- débouter les époux Royon de leurs demandes à son encontre,

- dire subsidiairement, que la société Nissan West Europe devra la relever et garantir de toutes condamnations éventuelles,

- condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Paul Mathieu qui reprend son argumentation développée devant la cour avant la réouverture des débats à savoir qu'elle n'est pas à l'origine des désordres constatés sur le véhicule et qu'elle a correctement rempli son obligation de conseil en informant les époux Royon lors de la restitution du véhicule que la boîte de vitesses était bruyante et que d'ailleurs l'expertise constate que les dommages entrent dans le cadre de la garantie constructeur au même titre que le turbo compresseur et que donc la remise en état de la boîte incombe exclusivement à la société Nissan West Europe, n'a pas présenté d'observations particulières sur la non application en l'espèce du moyen de la responsabilité des produits défectueux telle que soulevée par la cour.

Dans le dernier état de leurs écritures déposées le 29 janvier 2013, Monsieur et Madame Royon, intimés, demandent à la cour de :

Vu les articles 1641 et 1147 du Code civil,

- confirmer le jugement du Tribunal d'instance de Montbrison du 17/03/2011 en ce qu'il a dit que la SAS Nissan West Europe et la SAS P Mathieu sont responsables du préjudice subi par eux et en ce qu'il les a condamnés in solidum à leur payer les sommes de 4 723,07 euro au titre des réparations nécessaires de la boîte de vitesse, 1 500 euro au titre du préjudice de jouissance et 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu l'article 566 du Code de procédure civile,

- réactualiser leur préjudice compte tenu de la procédure d'appel et du fait que leurs préjudices perdurent,

- condamner en conséquence in solidum la société Nissan West Europe et la société Paul Mathieu à leur payer la somme supplémentaire de 100 euro au titre des réparations nécessaires de la boîte à vitesse vu le dernier devis versé aux débats,

- les condamner in solidum au paiement d'une somme supplémentaire de 1 500 euro au titre du trouble de jouissance qui perdure depuis le prononcé du jugement et du fait de l'appel,

- les condamner in solidum au paiement d'une somme supplémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d'appel, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance.

Monsieur et Madame Royon qui reprennent leur argumentation initiale quant au manquement de la société Paul Mathieu à son obligation de conseil pour ne pas avoir sollicité auprès de la société Nissan West Europe la prise en charge des conséquences de la défaillance du turbo compresseur sur la boîte de vitesse, font valoir s'agissant de leurs demandes dirigées contre la société Nissan West Europe que celle-ci doit sa garantie au titre des vices cachés telle que prévue par l'article 1641 du Code civil en relevant notamment que le véhicule Nissan était affecté d'un vice caché sur le turbo compresseur dont elle connaissait l'existence puisqu'elle a accepté de prendre en charge le changement de cet équipement, ce qui équivaut à reconnaissance de garantie, et qu'elle connaissait également la fragilité du turbo compresseur dont elle assure une garantie pendant cinq ans.

Dans le dernier état de ses conclusions déposées au greffe le 25 mars 2013, la société Nissan West Europe demande à la cour de :

- Vu les articles 1641 et suivants du Code civil,

Sur la réouverture des débats,

- considérer, conformément au champ d'application des dispositions régissant la responsabilité du fait des produits défectueux, que les époux Royon ne peuvent solliciter la prise en charge des frais de remise en état du véhicule, bien prétendument - défectueux - lui-même,

- constater que les époux Royon prennent acte de l'irrecevabilité de leurs demandes dirigées à son encontre sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, compte tenu des dispositions de l'article 1 386-2 du Code civil,

En conséquence,

- déclarer mal fondée l'action des époux Royon,

- débouter les époux Royon de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter le Garage Mathieu de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- considérer que la réouverture des débats était strictement limitée au moyen soulevé d'office par la cour d'appel de céans suivant arrêt avant dire droit du 25 octobre 2012,

- considérer, par voie de conséquence, que les dernières écritures régularisées par les époux Royon visant, pour la première fois, un nouveau fondement juridique tenant en la garantie légale des vices cachés sont irrecevables,

- considérer, si par extraordinaire, le nouveau fondement juridique allégué était considéré comme étant recevable, que les demandes des époux Royon fondées sur la garantie légale des vices cachés doivent être rejetées, faute pour ceux-ci d'avoir respecté le délai de deux ans imparti par l'article 1648 du Code civil, et de rapporter la preuve, incontestable, de l'existence d'un vice précis et déterminé à l'origine du désordre survenu, antérieur à la première mise en circulation du véhicule et présentant un caractère de gravité suffisant,

En conséquence,

- considérer ce nouveau fondement juridique allégué par les époux Royon à l'occasion de la réouverture des débats pourtant strictement limité au seul moyen soulevé d'office par la cour d'appel de céans, irrecevable,

- considérer irrecevable, et à tout le moins mal fondée, l'action des époux Royon dirigée à son encontre sur un tel fondement,

- la recevoir en son appel incident,

- le déclarer bien fondé et y faire droit,

- infirmer le jugement du Tribunal d'instance de Montbrison du 17 mars 2011,

et statuant à nouveau,

- considérer qu'elle est une société dont l'objet social consiste uniquement à importer en France des véhicules et pièces détachées de ladite marque, aux fins de revente sur le territoire national, à un réseau de concessionnaires et d'agents agréés,

- considérer qu'à ce titre, elle n'est en rien réparateur de véhicules, et qu'elle n'est donc tenue ni d'une obligation de réparation laquelle est de résultat, ni d'une obligation de conseil et de renseignement, sur l'étendue des réparations à engager, laquelle est également de résultat,

- considérer que les dispositions de l'article 1147 du Code civil sont inopérantes à son égard

- considérer que les époux Royon ne sauraient diriger leur action à son encontre alors qu'elle est simple fournisseur professionnel et non pas producteur, selon l'article 1386-7 du Code civil,

En conséquence,

- Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée l'action des époux Royon,

- les débouter de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter le Garage Mathieu de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

A titre plus subsidiaire,

- constater que le dysfonctionnement survenu n'a en aucun cas occasionné la survenance d'un accident, du fait d'un prétendu défaut de sécurité,

- considérer que les époux Royon ne rapportent pas la preuve incontestable d'une prétendue défectuosité du turbo compresseur du véhicule,

- considérer que le document établi par les soins d'un Expert librement choisi et rémunéré par l'assurance protection juridique des époux Royon eux-mêmes ne requiert pas les conditions d'objectivité et d'impartialité nécessaire à tout rapport d'expertise, celui-ci s'avérant, par ailleurs, sommaire, lapidaire, insuffisant et au surplus techniquement erroné,

- considérer qu'il n'existe aucun lien de causalité direct et immédiat entre le prétendu défaut et les dommages dont les époux Royon réclament l'indemnisation,

- considérer conformément au champ d'application des dispositions régissant la responsabilité du fait du produit défectueux, que les époux Royon ne peuvent solliciter la prise en charge des frais de remise en état du véhicule, bien - prétendument - défectueux lui-même,

En conséquence,

- déclarer mal fondée l'action des époux Royon,

- débouter les époux Royon de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter le Garage Mathieu de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- considérer que l'action des époux Royon, si elle venait à être fondée sur la garantie légale des vices cachés, ne saurait, de la même manière, prospérer, compte tenu qu'il n'est en rien rapporté la preuve, incontestable, de l'existence d'un vice précis et déterminé, antérieur a la première mise en circulation du véhicule, et de surcroît présentant un caractère de gravité suffisant de nature à rendre le véhicule impropre à sa destination,

En conséquence,

- débouter les époux Royon de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter le Garage Mathieu de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

A titre encore plus subsidiaire,

- considérer que les préjudices allégués par les époux Royon ne sont en rien établis, ni dans le principe ni dans le montant,

- considérer que les époux Royon bénéficient, dans le cadre de la présente procédure, d'une assurance protection juridique, laquelle prend en charge l'ensemble des frais et dépens inhérents à la présente affaire,

- constater que la société Groupama Rhône Alpes n'est pas partie à la présente procédure,

- considérer que les époux Royon ne peuvent solliciter l'allocation de sommes qu'ils n'ont, en réalité, pas déboursées,

En conséquence,

- débouter les époux Royon de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- débouter le Garage Mathieu de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

En tout état de cause,

- condamner les époux Royon à lui verser la somme de 3 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile , ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Guillaume, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 juin 2013 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 22 octobre 2013.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur la garantie de la société Nissan West Europe :

Il convient de constater que dans le dernier état de leurs prétentions, Monsieur et Madame Royon ne sollicitent plus l'application des articles 1386-1 et suivants du Code civil et fondent désormais leur prétentions à l'encontre de la société Nissan West Europe sur les articles 1641 et suivants du Code civil.

Dès lors que la clôture a été révoquée et l'affaire renvoyée à la mise en état, il n'était pas interdit aux parties de soulever un nouveau moyen.

Ainsi, nonobstant le fait que la réouverture des débats ait porté sur l'application à l'espèce des dispositions des articles 1386-1 du Code civil, Monsieur et Madame Royon étaient en droit d'invoquer ce nouveau moyen et leur demande n'est pas irrecevable de ce chef.

L'article 1648 du Code civil dispose que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

En l'espèce, le point de départ du délai de prescription peut être fixé au plus tard au jour du rapport de l'expertise amiable diligentée à la demande de leur assureur, soit le 12 février 2010, correspondant à la date de la connaissance du vice par l'acquéreur.

Selon l'article 2241 du Code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.

L'action a été introduite par une assignation du 18 mars 2010, donc moins de deux ans après le 12 février 2010, peu important que la demande ait été initialement fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux soit sur un fondement différent de celui des vices cachés aujourd'hui invoqué.

En effet, la cour relève que la demande, qu'elle soit fondée sur l'article 1386-1 ou sur celui de l'article 1641 du Code civil, avait le même objet à savoir le remboursement du coût de la réparation découlant d'un défaut affectant le véhicule et l'indemnisation du préjudice en découlant de sorte que l'effet interruptif de prescription attaché à cette seule et unique action s'est prolongé pendant toute la durée de l'instance.

Par ailleurs, le véhicule litigieux a été acquis auprès d'un garage Nissan et la société Nissan ne conteste pas sa qualité de vendeur.

Il convient en conséquence de déclarer recevable la demande de Monsieur et Madame Royon vis-à-vis de la société Nissan West Europe y compris en ce qu'elle est fondée sur les vices cachés.

En application de l'article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Monsieur et Madame Royon versent aux débats un rapport d'expertise établi par Monsieur Christophe Renest à la demande de leur assureur et la société P Mathieu produit de son côté un rapport établi par le Cabinet Degot à la demande de son assureur.

Selon ce dernier rapport établi le 18 décembre 2009, le turbo compresseur du véhicule acquis par les époux Royon a présenté une avarie qui a provoqué un emballement du moteur et malgré la coupure du contact, le moteur ne s'est pas arrêté ce qui a contraint Monsieur Royon qui conduisait le véhicule de faire " caler " le moteur en enclenchant une vitesse de manière à éviter la destruction du moteur.

Le garagiste Mathieu a procédé au remplacement de ce turbo compresseur dans le cadre de la garantie constructeur et a constaté, au cours d'un essai routier suivant cette intervention, que la boîte de vitesses était bruyante.

L'expert relève que la boîte présentait une avarie au passage du 3e rapport et retient ce désordre comme la conséquence du calage du véhicule lors de l'emballement du moteur le 12 avril 2009.

Il estime que ce calage était motivé et nécessaire pour préserver le moteur.

Le rapport de Monsieur Renest, en date du 12 février 2010 parvient à la même conclusion en relevant qu'il s'est produit une défaillance du turbo compresseur, que l'intervention de Monsieur Royon consistant à faire caler le moteur afin d'en éviter sa destruction a entraîné la dégradation du système de synchronisation du 3e rapport et que la manipulation ainsi opérée a permis d'éviter la casse du moteur consécutive à la défaillance du turbo compresseur.

Il est constant que ces rapports d'expertise n'ont pas été établis au contradictoire de la société Nissan, cette dernière bien qu'invitée à participer aux opérations d'expertise, n'ayant pas jugé utile de le faire.

Ces documents qui n'ont pas valeur d'expertise contradictoire n'en constituent pas moins un élément de preuve valable qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats dès lors qu'ils ont été soumis à la libre discussion des parties.

La société Nissan West Europe ne verse aux débats aucun élément technique de nature à contredire les conclusions de ces rapports.

Elle conteste les causes de la défaillance du turbo compresseur en relevant notamment qu'une lubrification insuffisante ou au contraire un excès de lubrification, voire un autre problème d'entretien, auraient pu être à l'origine du sinistre.

Toutefois, en acceptant de prendre en charge le remplacement de ce turbo compresseur elle a implicitement admis le défaut affectant celui-ci.

Il est d'ailleurs produit aux débats une extension de garantie établie par la société Nissan West Europe en octobre 2008 en raison de ce que le service qualité avait identifié un défaut pouvant affecter le turbo compresseur du moteur YD22 de certains X-Trail T 30.

Par ailleurs, les deux experts mandatés par les assureurs des autres parties ont examiné la boîte de vitesses litigieuse et parviennent tous deux à la même conclusion selon laquelle l'endommagement de la boîte est consécutif à la manœuvre de calage réalisé par Monsieur Royon laquelle était la seule possible pour éviter un endommagement irréversible du moteur.

En l'état de ces deux rapports parfaitement concordants, qu'aucun élément technique produit par la société Nissan West Europe ne vient contredire, la cour estime que la preuve de l'origine du défaut de la boîte de vitesses allégué par les époux Royon est suffisamment établie.

Il en résulte un lien de causalité direct entre le défaut affectant le turbo compresseur que la société Nissan West Europe a accepté de prendre en charge et la panne de la boîte de vitesses, objet de la présente action.

Il s'agit assurément d'un vice caché pour Monsieur et Madame Royon, acquéreurs du véhicule, qui présente un caractère de gravité certain puisqu'il empêche le véhicule de rouler s'il n'y est pas remédié et rend de ce fait le véhicule impropre à sa destination.

Les conditions de l'action en garantie pour défauts cachés de la chose vendue sont donc réunies en l'espèce, ce qui rend recevable et fondée à l'encontre de la société Nissan West Europe la demande en paiement d'une partie du prix formée par les époux Royon à hauteur du coût de la réparation de la boîte de vitesse.

En application de l'article 1645 du Code civil, le vendeur qui connaissait les vices de la chose est tenu de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

En sa qualité de vendeur professionnel, la société Nissan West Europe était tenue de connaître les vices de la chose vendue et elle est donc redevable de tous dommages et intérêts à l'encontre des époux Royon.

* Sur la responsabilité de la société P Mathieu :

Monsieur et Madame Royon se prévalent à l'encontre du garagiste qui a pris en charge la réparation du véhicule d'un manquement à son obligation de conseil.

Il est constant comme résultant des rapports d'expertise que la société P Mathieu a identifié au cours de son intervention un problème affectant la boîte de vitesse puisqu'il en a fait état auprès de Monsieur et Madame Royon, en leur indiquant que cela pouvait être dû à une autre cause et que cela pouvait passer à l'utilisation.

Tel ne fut pas le cas et il est certain que le garagiste n'aurait pas dû leur restituer le véhicule dans cet état.

En n'attirant pas l'attention des époux Royon sur la nécessité de faire procéder immédiatement à cette réparation, la société P Mathieu, tenue à une obligation générale d'information, notamment sur la nécessité d'informer son client sur l'opportunité d'effectuer ou non des réparations, a manqué à son obligation de conseil et engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ainsi que l'a justement retenu le premier juge.

* Sur les demandes en paiement des époux Royon :

Ces derniers sollicitent le coût de la réparation de la boîte de vitesses ainsi que l'indemnisation d'un préjudice de jouissance.

Il est incontestable en effet qu'en raison des désordres affectant la boîte de vitesses et à la suite de la carence d'information du garagiste Mathieu sur la nécessité de réparer immédiatement la boîte de vitesses, ces derniers qui se sont trouvés contraints pendant des mois d'utiliser leur véhicule dans des mauvaises conditions, notamment de bruit et sans pouvoir utiliser la 3e vitesse, ont subi un préjudice de jouissance qui peut être évalué à ce jour, au regard des éléments d'appréciation dont dispose la cour, à 1 500 euro.

La société P Mathieu ne peut par contre être tenue pour responsable du désordre affectant la boîte elle-même qui résulte des conséquences d'un défaut affectant le turbo compresseur et non pas d'une mauvaise intervention de sa part et la société Nissan sera en conséquence seule condamnée à payer à Monsieur et Madame Royon la somme de 4 723,40 euro, coût de la réparation de la boîte de vitesses, justifié par un devis réactualisé produit aux débats.

Le défaut du turbo compresseur, à l'origine de la défaillance de la boîte de vitesse et la faute de la société P Mathieu ont concouru indistinctement au préjudice de jouissance subi par Monsieur et Madame Royon et le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société P Mathieu et la société Nissan West Europe à leur payer la somme de 1 500 euro.

* sur la demande en garantie de la société P Mathieu à l'encontre de la société P Mathieu [sic] :

Cette action qui est fondée sur les dispositions des articles 1382 et suivants du Code civil repose sur une faute imputable à la société Nissan West Europe.

En l'espèce, la faute de société Nissan West Europe qui a vendu un véhicule défectueux est établie.

Au regard des éléments de l'espèce et des fautes respectives des parties qui ont concouru dans une proportion équivalente à la survenance du dommage, la cour estime équitable de condamner la société Nissan West Europe à garantir la société P Mathieu des condamnations mises à sa charge à concurrence de la moitié.

* Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Monsieur et Madame Royon la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile mise à la charge de la société Nissan West Europe et de la société P Mathieu in solidum et condamné ces dernières aux dépens de première instance.

La cour n'estime pas, eu égard à la solution finale donnée au litige, que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.

En raison des condamnations prononcées à l'encontre de ces deux parties, il convient par contre de condamner la société P Mathieu et la société Nissan West Europe in solidum aux dépens de l'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a : - condamné la société Nissan West Europe à payer à Monsieur et Madame Royon une somme au titre des réparations nécessaires de la boîte de vitesses, - condamné in solidum la société P Mathieu et la société Nissan West Europe à payer à Monsieur et Madame Royon la somme de 1 500 euro au titre de leur préjudice de jouissance, - condamné in solidum la société Nissan West Europe et la société P Mathieu à payer à Monsieur et Madame Royon la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné in solidum la société Nissan West Europe et la société P Mathieu aux dépens de la première instance, Réformant le jugement sur le surplus et statuant de nouveau, Déboute Monsieur et Madame Royon de leur demande en paiement du coût de réparation de la boîte de vitesses en tant que formée à l'encontre de la société P Mathieu. Dit que le coût des réparations de la boîte de vitesses du véhicule Nissan s'élève à 4 723,40 euro et condamne en conséquence, la société Nissan West Europe à payer à Monsieur et Madame Royon la somme de quatre mille sept cent vingt trois euros quarante (4 723,40 euro) à ce titre. Condamne la société Nissan West Europe à garantir la société P Mathieu des condamnations mises à sa charge à concurrence de la moitié. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel. Condamne la société P Mathieu et la société Nissan West Europe in solidum aux dépens de l'instance d'appel, la société P Mathieu étant garantie de cette condamnation à concurrence de la moitié, et accorde aux avocats de la cause en appel qui en ont fait la demande, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.