CA Caen, 1re ch. civ., 10 septembre 2013, n° 11-01843
CAEN
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Renault Equipements (SARL)
Défendeur :
GAEC Paris, Galva 60 (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maussion
Conseillers :
Mme Serrin, M. Jaillet
Avocats :
SCP Terrade, Dartois, SCP Prunet, SCP Parrot-Lechevallier-Rousseau, SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte, Mes Colonna d'Istria, Lallement
Faits, procédure et prétentions
Il convient de se référer pour le rappel des faits et de la procédure antérieure aux énonciations du jugement déféré et aux conclusions déposées le 20 novembre 2012 par la SARL Renault Equipements, le 12 novembre 2012 par le GAEC Paris et le 19 novembre 2012 par la société Galva 60 pour l'exposé des prétentions des parties devant la cour.
Il suffit de rappeler que le GAEC Paris s'est plaint de désordres affectant les boxes qui lui ont été vendus et livrés en janvier 2002 par la société Renault Equipements, qu'une expertise judiciaire confiée à M. Terpereau a été ordonnée en février 2007 et que le GAEC a fait assigner en décembre 2008 la société Renault Equipements devant le Tribunal de grande instance de Coutances sur le fondement des articles 1147, 1626, 1642 et suivants du Code civil pour obtenir réparation.
La société Renault Equipements a, en avril 2009, appelé en garantie la société Galva 60 galvanisateur des installations.
Par jugement du 19 mai 2011 (dont appel), le Tribunal de grande instance de Coutances a :
- déclaré la SARL Renault Equipements responsable envers le GAEC Paris pour manquement à son obligation d'information et de conseil sur le fondement de l'article 1147 du Code civil,
- condamné la SARL Renault Equipements à payer au GAEC Paris la somme de 35.885 euro outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- condamné la SARL Renault Equipements à payer au GAEC Paris la somme de 5 000 euro au titre de son préjudice futur,
- débouté le GAEC Paris du surplus de ses demandes,
- débouté la SARL Renault Equipements de son action en garantie à l'égard de la société Galva 60,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné la SARL Renault Equipements à payer la somme de 2 000 euro au GAEC Paris et la somme de 1 000 euro à la société Galva 60 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SARL Renault Equipements aux entiers dépens.
Motifs de la cour
Le GAEC Paris fonde sa demande d'indemnisation à l'encontre de la société Renault Equipements sur les dispositions des articles 1147 et 1641 du Code civil et, subsidiairement, à l'encontre de la société Galva 60 sur celles de l'article 1382 du même Code.
Le rapport d'expertise judiciaire auquel est annexé celui de l'organisme de contrôle Cete Apave permet d'identifier techniquement les désordres affectant les boxes vendus par la société Renault Equipements au GAEC Paris.
En revanche l'avis d'ailleurs évolutif de l'expert sur les responsabilités n'engage pas la cour.
Il est constant que toutes les parties basses intérieures des boxes en contact avec la litière sont plus ou moins rouillées et que cette corrosion est liée à l'humidité ambiante du milieu.
Selon le laboratoire Cete Apave l'attaque intensive du fumier, de l'urine, de l'eau, des produits désinfectants, de la paille humide et des résidus de fourrage peut empêcher le développement des couches protectrices sur la surface du zinc.
De l'avis de l'expert, la corrosion est susceptible de détruire assez rapidement certains éléments métalliques des planches de bois qui constituent les cloisons des boxes.
Et cette destruction peut avoir, dit-il, des conséquences sur la fonction même des boxes.
Le désordre constaté après la vente est donc de nature à rendre, à terme, la chose vendue impropre à l'usage auquel elle est destinée au sens de l'article 1641 du Code civil.
Mais force est de constater que l'acquéreur ne fait pas, en l'occurrence la démonstration de l'antériorité du vice.
Il apparaît au contraire que ce sont les conditions défectueuses d'utilisation des boxes fournis par la société Renault Equipements qui sont à l'origine de la corrosion.
Il appartient en effet à l'utilisateur professionnel spécialisé dans l'élevage des chevaux d'entretenir normalement les installations destinées à les accueillir afin d'assurer aux animaux un environnement sain.
Les règles primaires d'hygiène qui sont rappelées dans le Code du sport et qui incluent l'entretien quotidien des litières, le stockage du fumier à l'extérieur, l'évacuation des eaux résiduelles, n'ont manifestement pas été respectées en l'espèce au regard de la nature et de la localisation des désordres.
Et ce n'est pas l'avis de personnes qui vantent, de façon générale, la qualité de la prise en charge des animaux qui suffit à démontrer le contraire s'agissant des boxes litigieux.
Contrairement à l'avis de l'expert qu'a suivi le tribunal, la cour considère que la société Renault Equipements n'était pas tenue à un devoir particulier d'information à cet égard puisque le GAEC, en sa qualité de professionnel du milieu équestre, ne pouvait méconnaître ses obligations en matière d'entretien des boxes.
Ce n'est pas parce que la société Renault Equipements a proposé en juin 2006, de faire regalvaniser 22 façades extérieures pivotantes qu'elle a reconnu l'existence d'un vice caché antérieur à la vente.
Enfin, le constat dressé par l'huissier Levesque le 30 mai 2012 (10 ans après la livraison des boxes et 4 ans après le dépôt du rapport d'expertise) ne suffit pas à démontrer que la corrosion accélérée a eu une autre cause que celle d'un défaut d'entretien.
L'huissier a relevé des points blanchâtres, disséminés sur la galvanisation, apparaissant sur de "nombreux profilés et d'autres éléments" et des traces importantes de rouilles sur les traverses et les côtés des boxes.
Mais s'agissant de "points blanchâtres", l'expert judiciaire avait indiqué dans son rapport qu'ils étaient liés au stockage humide lors de la galvanisation et ne remettaient pas en cause la bonne tenue de celle-ci.
Pour le surplus les constatations de l'huissier sont trop imprécises pour démontrer que des traces de rouille existeraient désormais en partie haute : les photographies concernent essentiellement les parties inférieures des boxes.
Il n'est pas, par ailleurs, établi que la société Renault Equipements ait utilisé un produit anti-adhérent pour les projections de soudure qui aurait empêché la bonne galvanisation aux endroits où il a été déposé ; les soupçons de l'expert n'ont pas été confirmés par les analyses techniques qui ont été effectuées et la corrosion n'affecte pas seulement les zones de soudure.
Il n'est pas davantage démontré que la société Galva 60 ait pratiqué une galvanisation défectueuse :
Là encore, l'hypothèse émise par l'expert dans son pré-rapport n'a pas été retenue dès lors que l'ensemble des mesures effectuées par le laboratoire a caractérisé des épaisseurs de galvanisation acceptables au regard de la norme ISO : 199.
Dès lors la conclusion de l'expert estimant que la protection des boxes par galvanisation a été insuffisante ou inadaptée n'est pas convaincante.
En fonction de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que la demande du GAEC Paris ne peut prospérer sur aucun des fondements avancés : garantie des vices cachés et manquement à une obligation contractuelle de mise en garde à l'encontre de la société Renault Equipements, responsabilité pour faute prouvée à l'encontre de la société Galva 60.
Il n'y a pas lieu, en conséquence d'examiner l'appel en garantie de la société Renault Equipements à l'encontre de la société Galva 60.
Le jugement déféré, dès lors, sera infirmé.
Le GAEC Paris qui succombe en ses demandes sera condamné aux dépens.
Il apparaît équitable d'y ajouter au profit de ses adversaires des indemnités pour frais irrépétibles telles que fixées au dispositif de l'arrêt.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement déféré, Déboute le GAEC Paris de l'ensemble de ses demandes. Condamne le GAEC Paris aux dépens avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit des auxiliaires de justice de la cause. Condamne le GAEC Paris à payer : - à la société Renault Equipements la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile. - à la société Galva la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile.