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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 18 juin 2013, n° 11-03036

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ardosa (SA)

Défendeur :

European Homes (SAS), International Constructions (SAS), Despres (SCP) (ès qualités), Bilheude (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Hubert

Conseillers :

Mmes Grua, Monge

Avocats :

SCP Dufourgburg-Guillot, SCP Bessy-Gaborel, SCP Chatteleyn, George, Mes Langlois, Kervadec, Herrou, Rocco

T.com Rennes, du 10 juin 2009

10 juin 2009

FAITS ET PROCÉDURE

Courant 1994-1995, la société European Homes a fait réaliser à Angers en tant que promoteur-vendeur un ensemble immobilier dénommé " Les terrasses de Grésillé " composé de 49 pavillons à usage d'habitation.

La construction a été confiée à la SARL International Constructions qui est intervenue comme entreprise principale et maître d'œuvre.

Celle-ci a notamment, par contrat du 12 juin 1995, sous-traité à M. Bilheude puis à la SARL Bilheude les travaux de couverture qui ont notamment consisté en la pose d'ardoises commandées auprès de la société Ardosa.

Déplorant des coulures d'oxyde sur les ardoises de leur toiture, M. FOURE et Mme Ottaviani, propriétaires d'un des pavillons de type " Agate " par acte authentique du 31 juillet 1997, ont obtenu en référé, par ordonnance du 12 août 1999, la désignation de M. AMIENS en qualité d'expert.

L'expert a déposé son rapport le 20 mai 2001.

Par acte d'huissier du 14 novembre 2001, les consorts Foure-Ottaviani ont fait assigner la société European Homes aux fins, à titre essentiel, de la voir condamner, avec intérêts au taux légal, à leur payer la somme de 75 000 fr. au titre du coût de remplacement des ardoises , celle de 25 000 fr. à titre de dommages-intérêts pour préjudice esthétique, celle de 2 000 fr. à titre de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance et celle de 15 000 fr. au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par actes des 13 et 14 février 2002, la société European Homes a fait appeler en garantie la société International Constructions, l'entreprise Bilheude ainsi que la compagnie AXA Courtage assureur dommages-ouvrage et assureur responsabilité civile biennale et décennale de la société European Homes dans le cadre d'une Police Unique de Chantier.

Par jugement rendu le 10 juin 2003, le tribunal de grande instance d'Angers a

- condamné la société European Homes à payer à M. Foure et Mme Ottaviani la somme de 11 433,68 euros au titre du coût de remplacement de leur toiture et celle de 3811,23 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

- condamné la société AXA Courtage, assureur dommages-ouvrage, à garantir la société European Homes du remplacement de la toiture à hauteur de 10 671,43 euros;

- condamné la société International Constructions à garantir la société European Homes de l'intégralité du préjudice de jouissance ;

- condamné l'entreprise ou la SARL Bilheude à garantir la société International Constructions de l'intégralité du préjudice de jouissance.

Par arrêt du 6 décembre 2004, la cour d'appel d'Angers, réformant le jugement, a débouté la société European Homes de sa demande en garantie contre la société AXA France et a dit irrecevables les demandes dirigées par la société International Constructions contre soit "l'entreprise Bilheude", soit M. Bilheude, soit la SARL Bilheude.

Par acte du 15 novembre 2005, la société European Homes a fait assigner la SARL Bilheude aux fins de la voir condamner à la garantir des condamnations prononcées contre elle par le jugement du 10 juin 2003.

Par actes des 30 mars et 3 avril 2006, la SARL Bilheude a appelé en garantie la SARL International Constructions et la société Ardosa.

Ces deux procédures ont été jointes le 7 septembre 2006.

La société European Homes a, pour l'essentiel, demandé la condamnation in solidum de la SARL Bilheude et de la société Ardosa à la garantir des sommes de 114 303,68 euros et de 3 811,23 euros outre les intérêts au taux légal à compter du paiement, et à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre leur condamnation aux dépens. Elle a fondé son action à l'encontre de la société Bilheude sur l'article 1382 du code civil et son action encontre de la société Ardosa sur le fondement de l'article 1604 du même code.

La SCP Desprès ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL Bilheude suivant jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 10 juin 2009 est intervenue volontairement la procédure.

Par jugement en date du 26 septembre 2011 le tribunal de grande instance d'Angers a

- condamné la SARL Bilheudeà garantir la société European Homes des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 10 juin 2003 ;

en conséquence,

- fixé la créance de la société European Homes au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Bilheude aux sommes de 11 433,68 euros et 3 811,23 euros outre les intérêts au taux légal à compter du paiement de ces sommes par la société European Homes ;

- condamné la SCP Desprès en qualité de liquidateur de la SARL Bilheude à payer à la société Eurpean Homes la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la société International Constructions et la SA Ardosa à garantir la SARL Bilheude de ces condamnations y compris de la condamnation au dépens à proportions respectives de 30 et 40 %;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la SCP Desprès en qualité de liquidateur de la SARL Bilheude aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société Ardosa a interjeté appel de ce jugement le 14 décembre 2011 intimant la société International Constructions, la société European Homes et la SCP Desprès ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bilheude suivant jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 10 juin 2009.

À la requête de la société Ardosa la déclaration d'appel a été signifiée le 21 février 2012 à la société International Constructions et à la société European Homes.

Le 16 mars 2012, la société Ardosa a fait signifier ses conclusions du 12 mars précédent à la société International Constructions et à la société European Homes.

Le 19 mars 2012, la société Ardosa a fait signifier ses conclusions du 12 mars précédent à la SCP Desprès ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bilheude.

Par acte d'huissier du 22 mai 2012, la société European Homes a fait signifier ses conclusions du 16 mai précédent à la SCP Desprès ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bilheude.

Par acte d'huissier du 25 mai 2012, la société International Constructions a fait signifier ses conclusions du 16 mai précédent à la SCP Desprès ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bilheude.

La SCP Desprès ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Bilheude suivant jugement du tribunal de commerce de Rennes en date du 10 juin 2009 n'a pas comparu.

Les autres parties ont conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2013.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement

- du 12 mars 2012 pour la société Ardosa,

- du 16 mai 2012 pour la société International Constructions,

- du 16 mai 2012 pour la société European Homes,

qui peuvent se résumer ainsi qu'il suit.

La société Aedosa demande à la cour

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Ardosaà garantir la société Bilheude et la SCP Desprès à hauteur de 40 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- de dire que l'action en garantie engagée par la société Bilheude à l'encontre de la société Ardosa et reprise par la SCP Desprès ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Bilheude ne pouvait être fondée que sur la garantie des vices cachés ;

En tout état de cause,

- de constater que la SCP Desprès ès qualités était irrecevable à se prévaloir de la garantie des vices cachés comme étant prescrite et, à tout le moins, mal fondée ;

En conséquence,

- de débouter la SCP Desprès ès qualités de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la société Ardosa;

- de condamner la SCP Desprès ès qualités au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- de condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Ardosa indique que l'expert judiciaire a conclu que les ardoises posées sur la toiture du pavillon des consorts Foure-Ottaviani n'étaient pas de classe A suivant la norme NFP32-302 et que les coulures de rouille constituent des désordres purement esthétiques. Elle précise que les ardoises de classe B livrées à la société Bilheude suite à sa commande et qui ont été posées par elle admettent la présence de pyrites oxydables avec coulures. Elle soutient donc avoir parfaitement satisfait la commande et affirme qu'il appartenait à la société Bilheude, professionnel de la couverture connaissant les risques de coulures, d'alerter son donneur d'ordre en lui préconisant de commander des ardoises de classe A afin d'éviter les désordres. Elle en déduit que la société Bilheude ne peut se prévaloir de la garantie des vices cachés.

La SAS European Homes demande à la cour, au visa des articles 1382 et suivants, et 1604 et suivants du code civil, et, à titre subsidiaire, des articles 1642 et suivants du code civil,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société European Homes au passif de la liquidation judiciaire de la société Bilheude,

en effet,

- constater que la SARL Bilheude a réalisé les travaux de toiture du pavillon des consorts Foure Ottaviani en sous-traitance de la société International Constructions ;

- constater qu'elle n'a pas livré des tuiles conformes aux prescriptions du marché ;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCP Desprès ès qualités à verser à la société concluante la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance aux dépens de première instance ;

- d'infirmer la décision au titre de la garantie sollicitée à l'encontre de la société Ardosa,

en effet,

- constater, dire et juger que les ardoises fournies par la société Ardosa ne sont pas conformes à l'usage auquel elles étaient destinées,

- de constater, dire et juger que la société Ardosa a manqué à ses obligations de délivrance et de conseil ;

À titre subsidiaire,

- de constater, dire et juger que sa responsabilité étant engagée sur le fondement de vices cachés ;

En conséquence,

- de condamner in solidum la société International Constructions et la société Ardosa à garantir la société European Homes des condamnations qui ont été prononcées à son encontre au titre du désordre en toiture des consorts Foure Ottaviani lesquelles s'élèvent à la somme de 11 433,68 euros au titre du remplacement de la toiture et 3 811,23 euros au titre du trouble de jouissance outre intérêts au taux légal à compter du paiement, la créance de la société European Homes étant fixée à ces montants au passif de la liquidation judiciaire de la société Bilheude ;

- de condamner in solidum les mêmes avec la SCP Desprès ès qualités à régler à la société European Homes la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum la SCP Desprès ès qualités, la société International Constructions et la société Ardosaaux entiers dépens recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La société European Homes sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Bilheude à la garantir intégralement, sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil, des condamnations mises à sa charge au titre des désordres affectant la toiture du pavillon des consorts Foure-Ottaviani. Elle considère que le rapport d'expertise judiciaire lui est opposable. Elle insiste sur la faute du couvreur sous-traitant qui a manqué à son devoir d'information à son égard en ce qui concerne la qualité des ardoises et le risque de désordres, et qui a posé des ardoises de classe B et non de classe A alors qu'il savait que de telles ardoises n'étaient pas de premier choix comme prévu au contrat. Il soutient que le terme de " premier choix " retenu par l'entreprise Bilheude dans sa soumission ne veut rien dire.

S'agissant de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Ardosa fournisseur des ardoises litigieuse, la société European Homes fait valoir que le sous-acquéreur hérite des actions de ses cocontractants pour défauts de conformité et de conseil.

Elle soutient en outre disposer d'une action sur le fondement du vice caché à l'encontre de la société Ardosa qu'elle a assigné le 30 mars 2006 dans un bref délai puisque l'assignation au fond à la société Bilheude a été délivrée le 15 novembre 2005. Elle fait grief à la société Ardosa d'avoir vendu des ardoises manifestement inaptes à assurer leurs fonctions tant sur le plan esthétique que sur le plan de leurs qualités intrinsèques.

La société International Constructions demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1792 et suivants du code civil,

- de réformer le jugement entrepris après avoir constaté que :

- la société International Constructions est intervenue en qualité d'entreprise générale ;

- qu'elle n'est pas un professionnel de la couverture ;

- qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité ;

en effet,

- constater, dire et juger que le rapport de M. AMIENS est opposable à la société Bilheude qui a pu en discuter les termes dans le cadre de la présente instance ;

- constater que la société Bilheude était tenue à une obligation de résultat et à une obligation d'information et un devoir de conseil à son égard ;

- constater que la société Bilheude a failli à l'ensemble de ses obligations contractuelles ;

En conséquence,

- de débouter la société Bilheude de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre d'International Constructions ;

- de décharger cette dernière de toutes condamnations entreprises à son encontre et de la placer hors de cause ;

Par ailleurs,

- de constater, dire et juger que la société Ardosa se trouve directement à l'origine du sinistre ;

et,

- de confirmer la décision en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société Ardosa;

le cas échéant,

- de dire et de juger que sa responsabilité est prépondérante et de réformer la décision en ce sens;

En tout état de cause,

- de condamner la société Ardosa ou toutes parties succombant à payer à la société International Constructions la somme de 3 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

La société International Constructions fait observer qu'elle n'a exécuté elle-même aucun travaux et qu'elle a sous-traité l'intégralité des lots de la construction à divers intervenants spécialisés dans chacun d'eux.

Elle rappelle que la société sous-traitante Bilheude était contractuellement tenue à son égard d'une obligation de résultat de délivrer un ouvrage exempt de vice ainsi que d'une obligation de conseil et d'un devoir d'information. Elle soutient que les " ardoises d'Espagne de premier choix " prévues au devis soumis à la société Bilheude s'entendaient d'ardoises de classe supérieure, c'est-à-dire de classe A. Elle ajoute que le contrat de sous-traitance précisait que tous les matériaux utilisés devaient être de première qualité et conformes aux normes françaises. Elle considère que le couvreur est seul responsable des désordres apparus plusieurs mois après la réception alors qu'il ne l'avait pas informée que les ardoises de classe B qu'il mettait en œuvre étaient susceptibles de présenter des traces de pyrites. Elle affirme que les désordres affectant la couverture du pavillon des consorts Foure-Ottaviani résultent du vice caché affectant les ardoises livrées par la société Ardosa en relevant d'une part que la couverture du pavillon témoin réalisée par la société Bilheude ne présente pas de coulures de rouille et que le phénomène n'est pas généralisé à l'ensemble du pavillon. Elle en déduit que la classe des ardoises et l'imprécision des documents descriptifs sont indifférentes.

La société International Constructions reproche aussi à la société Ardosa d'avoir failli à son obligation de renseignements en s'abstenant de s'assurer de l'adaptation technique du produit aux besoins de son client.

Elle en déduit que la société Ardosa doivent être déclarée responsable en totalité du sinistre.

La société International Constructions s'oppose à la demande de garantie dirigée à son encontre par la société Bilheude sur le fondement de la responsabilité contractuelle en l'absence de démonstration d'une faute de sa part. Elle rappelle n'être qu'une entreprise générale et affirme qu'il appartenait à la société Bilheude, spécialiste de la couverture, de faire préciser le CCTP et de lui proposer d'elle-même des ardoises de classe A correspondant au premier " choix ". Elle estime donc que la société Bilheude a failli à ses obligations contractuelles, non seulement à son obligation de résultat mais aussi à son devoir de conseil et à son obligation d'information. Elle fait valoir qu'il était impossible d'imaginer que les ardoises seraient défectueuses.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La SCP Desprès ès qualités de liquidateur judiciaire à la liquidation judiciaire de la société BILHEUDE n'étant pas comparante en appel et l'inopposabilité du rapport d'expertise judiciaire n'étant pas invoquée en cause d'appel par la société Ardosa, la cour ne peut que confirmer la décision des premiers juges selon laquelle le rapport d'expertise de M. AMIENS est acquis aux débats.

Pour la même raison, en l'absence de comparution de la SCP Desprès ès qualités, la cour confirmera la condamnation de la SARL Bilheude à garantir la société European Homes des condamnations prononcées à son encontre par le jugement du 10 juin 2003 ainsi que la fixation de la créance au passif de la liquidation judiciaire.

Par ailleurs, en cause d'appel, les parties ne contestent ni les constatations ni les conclusions de l'expert judiciaire.

Ce dernier a mis en évidence les taches de rouille affectant l'intégralité de la toiture du pavillon des consorts Foure-Ottaviani. Il a relevé que ce pavillon fait partie des derniers construits qui, contrairement aux pavillons précédemment édifiés, présentent tous le même désordre. Il a indiqué d'une part que le terme " premier choix " ne définit pas la qualité des ardoises, et d'autre part que la mise en œuvre d'ardoises de classe B n'est pas contraire aux normes bien que la présence de pyrites de fer tolérée dans celles-ci fait encourir un risque esthétique de coulures de rouille.

Comme l'ont à juste titre indiqué les premiers juges, la société Bilheude qui a proposé par devis de réaliser des couvertures en ardoises d'Espagne premier choix aurait dû, en sa qualité de professionnelle de la couverture, avant de commander et de poser des ardoises de classe B, conseiller la société European Homes , promoteur -vendeur, et l'informer des désordres esthétiques pouvant résulter de l'oxydation des pyrites de fer susceptibles d'être incluses dans les ardoises naturelles de cette classe.

La société Bilheude reproche à la société Ardosa de lui avoir livré, à son insu, des ardoises de qualité inférieure. Elle fonde aussi son recours à l'encontre de son fournisseur sur la garantie des vices cachés due par le vendeur.

La société Ardosa conteste tout manquement à son obligation de délivrance et invoque la prescription et l'absence de fondement de l'action en garantie des vices.

L'article 1648 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 17 février 2005, seule applicable en l'espèce, prévoyait que l'action résultant des vices rédhibitoires devait être intentée par l'acquéreur dans un bref délai suivant la nature des vices et l'usage du lieu où la vente avait été faite. Il était admis que, en matière d'action récursoire, le bref délai dont disposait le vendeur intermédiaire pour agir à l'encontre de son fournisseur courait à compter de sa propre assignation au fond, c'est-à-dire à compter du jour où il avait intérêt à agir.

En l'espèce, la première action au fond recevable a été engagée à l'encontre de la SARL Bilheude par assignation du 15 novembre 2005. Cette société ayant elle-même assigné la société Ardosa le 3 avril 2006, son action fondée sur la garantie des vices cachés est recevable pour avoir été engagée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du code de civil.

Il résulte du rapport d'expertise que les ardoises de classe B vendues par la société Ardosa à la société Bilheude remplissent leur office premier de couverture en l'absence de perte d'étanchéité de la toiture pouvant résulter de pyrites oxydables traversantes. Il s'en déduit que la couverture du pavillon des consorts Foure - Ottaviani n'est pas impropre à sa destination au sens de l'article 1641 du code civil et que la responsabilité de la société Ardosa ne peut être engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Cependant, la toiture litigieuse est atteinte d'un désordre d'une particulière gravité puisqu'elle a perdu sa couleur d'origine au point que ce désordre est qualifié par l'expert de "spectaculaire" et d' "affreux barbouillage de rouille" et que ce dernier considère que la seule solution réparatoire envisageable est la réfection intégrale de la couverture avec pose d'ardoises de classe A. Si la société Bilheude, couvreur professionnel, en achetant des ardoises de classe B a sciemment toléré la présence éventuelle de pyrites oxydables non traversantes dont elle doit assumer les conséquences dommageables, elle était en droit d'attendre de son fournisseur qu'il lui livre, pour la dernière tranche de construction du lotissement " Les terrasses de Grésillé " des ardoises de cette classe de la même qualité que celles antérieurement livrées pour le pavillon témoin et les tranches précédentes qui n'avaient pas généré de désordres. La concentration exceptionnelle de pyrites oxydables dans le lot d'ardoises de classe B livrées par la société Ardosa ayant servi à la couverture du pavillon des consorts Foure-Ottaviani résulte, selon l'expert, de la qualité insuffisante du schiste utilisé par la société Ardosa pour la production de ce lot.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont imputé à faute à la société Ardosa le fait de n'avoir pas fait les vérifications nécessaires au maintien de la qualité des ardoises de classe B livrées, et que ce manquement à son obligation de délivrance justifie sa condamnation à garantir la SARL Bilheude à hauteur de 40 % .

La société European Home allègue qu'elle hérite des actions de ses cocontractants pour fonder son recours en garantie à l'encontre de la société Ardosa sur le fondement de la garantie des vices cachés. En l'absence de vice caché, le rejet de ce recours sera confirmé en appel.

Dans le dispositif de ses conclusions d'appel, la société European Homes sollicite la condamnation in solidum de la société Ardosa et de la société International Constructions à la garantir des condamnations prononcées par le jugement du 10 juin 2003. Au constat que la société European Homes n'invoque aucun moyen de fait et de droit à l'encontre de la société International Constructions, la cour ne pourra que rejeter son recours en garantie à l'encontre de cette société.

La société Bilheude fonde son recours à l'encontre de la société International Constructions sur la responsabilité contractuelle en raison du contrat de sous-traitance du 12 juin 1995 en faisant valoir qu'elle aurait dû préciser ou faire préciser par le promoteur-vendeur la classe des ardoises à utiliser. La société International Constructions conteste toute responsabilité et sollicite la garantie intégrale de la société BILHEUDE au motif que cette dernière était tenue de poser les ardoises de classe A et que, non professionnelle de la couverture, il ne peut lui être reproché de n'avoir pas fait préciser le CCTP en ce qui concerne la classe des ardoises, cette obligation pesant sur la société sous-traitante.

Il n'est pas contesté d'une part que la société International Constructions est intervenue à la fois comme entreprise principale et comme maître d'œuvre, et d'autre part que la nature des ardoises de couverture n'est évoquée contractuellement que dans le devis de l'entreprise Bilheude dans les termes : "ardoises d'Espagne premier choix" alors que le contrat de sous-traitance n'y fait aucune référence.

C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que, en l'absence d'éléments permettant d'identifier le concepteur de l'opération et le rédacteur des documents techniques, la mission de maîtrise d'œuvre confiée à la société International Constructions dépassait le pilotage et la coordination des travaux. En outre, dans le cadre du contrat de maîtrise d'œuvre du 22 décembre 1994, lors de la phase d'exécution des travaux, il appartenait à cette société de s'assurer que les approvisionnements essentiels avaient été effectués aux dates prévues ainsi que de la qualité des fournitures (page 2/5). Dans le cadre de sa mission, la société International Constructions devait donc s'assurer de la qualité des ardoises fournies et, en cas d'imprécision, faire préciser cette qualité. Au vu du rapport d'expertise de M. AMIENS, c'est à tort qu'elle affirme que des ardoises " premier choix " ne peuvent être que des ardoises classe A alors que l'expert indique qu'une telle spécification est dépourvue de valeur normative et ne permet pas de déterminer la classe des ardoises de couverture à utiliser.

Il en résulte que, en sa qualité de maître d'œuvre signataire du contrat de sous-traitance, il appartenait à la société International Constructions de ne pas se contenter de la mention " premier choix " figurant au devis proposé par la société BILHEUDE, et de faire préciser expressément, dans le CCTP et le devis, la classe des ardoises à mettre en œuvre. Elle ne peut s'abriter derrière sa qualité d'entreprise générale non spécialisée dans la couverture pour s'exonérer de sa responsabilité en invoquant l'absence de connaissances relatives à la classification des ardoises naturelles. En effet, il lui incombait de définir, ou de faire définir par le promoteur vendeur, de façon dépourvue de toute ambiguïté au regard des normes applicables, la qualité des ardoises de couverture qu'elle devait contractuellement vérifier.

En conséquence, la cour considère que les premiers juges ont, par des motifs pertinents, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties en caractérisant comme ci-dessus indiqué la faute de la société International Constructions, et en la condamnant à garantir la SARL Bilheude à hauteur de 30 % et en rejetant pour les mêmes raisons son appel en garantie à l'encontre du couvreur sous-traitant .

En confirmant en toutes ses dispositions le jugement déféré, la cour condamnera la société Ardosa aux dépens d'appel. Cette société succombant en son appel principal et les sociétés intimées comparantes succombant en leurs appel incidents, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune d'elles la charge de ses frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs, La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 septembre 2011 par le tribunal de grande instance d'Angers; Y ajoutant, Déboute les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires présentées en cause d'appel, en ce compris leurs demandes fondées sur l' article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Ardosa au paiement des entiers dépens d'appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l' article 699 du code de procédure civile .