CA Rennes, 2e ch., 17 janvier 2013, n° 10-05232
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Pizzalla
Défendeur :
Performance 4 X 4 Organisation (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Le Bail
Conseillers :
Mmes Le Brun, Le Potier
Avocats :
SCP Castres Colleu Perot Le Couls Bouvet, Selarl Avocat Luc Bourges, Mes Roulleaux, Cotel
I Faits et procédure :
Le 10 mars 2007, Monsieur Louis Pizzalla a reçu une offre de la SARL Performance 4 X 4 organisation pour l'acquisition d'un véhicule 4 X 4 d'occasion, de type Jeep Wrangler. Cette offre était adressée par courrier électronique, pour un prix de 10 500 euro payable à raison de 50 % à la commande et le reste à la livraison. Le prix incluait le véhicule, la fourniture de pièces, la réalisation de travaux de peinture ainsi que les frais de livraison chez Monsieur Pizzalla.
Monsieur Pizzalla a effectué un virement de 5 250 euro le 12 mars 2007. La livraison est intervenue nuitamment le 24 mars 2007, avec remise des factures et d'un contrôle technique remontant au 22 décembre 2006, établi au nom d'une société Économique Auto 45.
Dès le lendemain, Monsieur Pizzalla a constaté que les amortisseurs étaient percés et il a reçu des amortisseurs de rechange adressés par la SARL Performance 4 X 4 organisation. Monsieur Pizzalla a ensuite dû changer le filtre à essence qui était perforé par la corrosion, puis la batterie. Ayant constaté la perforation par corrosion des ailes, puis le 17 avril 2007, un endommagement grave du soubassement du véhicule par corrosion perforante, Monsieur Pizzalla a fait appel à son assurance pour organiser une expertise amiable contradictoire.
La SARL Performance 4 X 4 organisation n'a pas participé aux opérations d'expertise qui se sont déroulées le 14 décembre 2007. Elle n'a pas fait valoir d'observations sur le rapport qui lui a été adressé le 14 janvier 2008.
Sur la base de ce rapport décrivant un véhicule impropre à la circulation, vu la corrosion perforante sur le châssis, diminuant fortement sa rigidité et pouvant provoquer sa rupture, et vu la corrosion présente sur les tuyaux de frein pouvant provoquer une perte de freinage, Monsieur Pizzalla a fait assigner la SARL Performance 4 X 4 organisation, par acte d'huissier du 31 mars 2008, pour voir prononcer la résolution de la vente et obtenir la restitution du prix, outre paiement des frais exposés pour 1 079,64 euro et 3 000 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi que 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 25 mars 2010, le Tribunal de grande instance de Nantes a :
- Rejeté les demandes de Monsieur Louis Pizzalla ;
- Condamné Monsieur Louis Pizzalla aux dépens et autorisé la SCP Lallement, qui l'a demandé, à recouvrer ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;
- Laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Monsieur Louis Pizzalla a déclaré faire appel de cette décision, le 8 juillet 2010 à l'encontre de la SARL Performance 4 X 4 organisation.
Il a conclu le 8 novembre 2010, au visa des articles 1583, 1602, 1642, 1645 et 1147 du Code civil et de l'article L 111-1 du Code de la consommation,
en demandant à la cour :
- Recevant l'appel et y faisant droit ;
- Infirmer le jugement déféré et statuant de nouveau ;
- Dire Monsieur Pizzalla recevable et bien fondé en sa demande de résolution de la vente intervenue entre la SARL Performance 4 X 4 organisation et Monsieur Pizzalla
- Condamner la SARL Performance 4 X 4 organisation à restituer à Monsieur Pizzalla le prix de vente du véhicule soit 10 500 euro avec intérêts de droit à compter du 12 mars 2007 pour la moitié du prix et du 24 mars 2077 pour la seconde moitié ;
- Ordonner la restitution du véhicule à la SARL Performance 4 X 4 organisation aux frais et diligences de cette dernière ;
- Condamner la SARL Performance 4 X 4 organisation à payer à Monsieur Pizzalla la somme de 1 079,64 euro au titre des frais exposés pour le véhicule, somme à parfaire sur justificatifs des frais d'assurance qui seront arrêtés au jour de la restitution effective ;
- Condamner la SARL Performance 4 X 4 organisation à payer à Monsieur Pizzalla la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice subi ;
- Condamner la SARL Performance 4 X 4 organisation à payer à Monsieur Pizzalla la somme de 3 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la SARL Performance 4 X 4 organisation en tous les dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La SARL Performance 4 X 4 organisation a conclu le 2 mars 2012, au visa des articles 1583, 1602, 1641, 1642, 1645, 1134 et 1147 du Code civil et de l'arrêté du 18 juin 1991 relatif à la mise en place et à l'organisation du contrôle technique pris en application du décret n° 91-369 du 15 avril 1991 et de la convention des contrôles techniques, 1147 et 1641 et suivants du Code civil, en demandant à la cour de :
- Déclarer Monsieur Pizzalla recevable mais mal fondé en ses demandes et l'en débouter ;
- Constater que le contrôle technique du 22 décembre 2006 comporte tous les défauts présentés par le véhicule et que dès lors ces défauts constituent des vices apparents rendant irrecevable l'action engagée par Monsieur Pizzalla ;
- Dire et juger irrecevable l'action de Monsieur Pizzalla pour défaut d'intérêt à agir ;
-En conséquence,
- Débouter Monsieur Pizzalla de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions contraires ;
- Confirmer le jugement déféré ;
- Recevoir la SARL Performance 4 X 4 organisation en sa demande reconventionnelle et allouer à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi par elle une somme de 3 000 euro ;
- Subsidiairement, si la résolution de la vente devait tout de même être prononcée,
- Dire et juger que la SARL Performance 4 X 4 organisation ne sera tenue qu'à la restitution du prix soit 8 000 euro à l'exclusion du coût des travaux somptuaires et non justifiés que Monsieur Pizzalla a engagés sur le véhicule et à la condition d'une restitution par celui-ci dans l'état où il était le jour de la vente et à l'exclusion de toute autre somme eu égard à sa bonne foi ;
- Ordonner à Monsieur Pizzalla de remettre à la SARL Performance 4 X 4 organisation la carte grise et les clefs du véhicule ;
En toutes hypothèses,
- Condamner Monsieur Pizzalla à payer à la SARL Performance 4 X 4 organisation la somme de 2 500 euro par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner le même aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP Luc Bourges conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 20 septembre 2012.
II Motifs :
Monsieur Pizzalla critique le jugement déféré en ce qu'il se fonde essentiellement sur le rapport de contrôle technique remis lors de la vente et dont il est retenu qu'il suffit à établir la connaissance par l'acquéreur de l'importance de la corrosion affectant le véhicule et du risque créé s'il n'effectuait pas les réparations nécessaires.
Monsieur Pizzalla fait valoir que le contrôle technique lui a été remis lors de la livraison et ne lui donnait pas d'informations sur l'état réel du véhicule, en ne mentionnant que des anomalies mineures et ne nécessitant pas de contre visite, sans rapport avec la gravité de la corrosion du dessous de caisse et des tuyaux de frein, telle que constatée par l'expert, avec des frais de remise en état dépassant le prix d'achat du véhicule.
Monsieur Pizzalla soutient que les défauts n'étaient pas apparents lors de la vente, qui est intervenue dès la rencontre des volontés, le 12 mars 2007, au moment de la commande avec paiement de la moitié du prix et sans remise du contrôle technique, ce document n'ayant été produit que le 24 mars 2007, lors de la livraison.
Monsieur Pizzalla oppose les dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation prévoyant, au moment de la vente en mars 2007, que "Tout professionnel vendeur de bien ou prestataire de services doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service". Ce texte précise, depuis le 25 juillet 2010, que "En cas de litige, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté cette obligation", cette précision étant conforme à la jurisprudence antérieure.
La SARL Performance 4 X 4 organisation précise que le véhicule a été acheté au prix de 8 000 euro et non 10 500 euro comme indiqué par Monsieur Pizzalla, dont elle considère que l'action n'a pas été engagée à bref délai, par une assignation du 31 mars 2008 alors que les défauts du véhicule se sont manifestés dès le mois de mars 2007 et qu'aucune expertise n'a été sollicitée en référé, au contradictoire de l'intimée.
La SARL Performance 4 X 4 organisation oppose la vétusté normale du véhicule qui a été mis en service le 2 juin 1993 et affichait 115 140 km au compteur, tandis que le contrôle technique mentionnait des anomalies de nature à attirer l'attention de l'acquéreur, même profane, sur les vices affectant le véhicule et qu'il a acceptés.
La SARL Performance 4 X 4 organisation indique que le véhicule a été acheté par Monsieur Pizzalla à un prix inférieur à celui du marché, en étant averti des défauts importants qui l'affectaient et qui nécessitaient des réparations, mises en œuvre avant même l'examen par l'expert dont elle conteste les constatations et l'analyse, trop succinctes.
Sur la résolution de la vente :
En vertu de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ainsi que des articles 1315 et 1602 du Code civil, le vendeur professionnel est tenu envers l'acquéreur, avant la conclusion du contrat, d'une obligation de renseignement et d'information sur les caractéristiques essentielles du bien vendu et il doit apporter la preuve de l'exécution de son obligation.
En l'espèce, la vente est intervenue le 12 mars 2007, lors de l'acceptation de l'offre par Monsieur Pizzalla qui a payé la moitié du prix du véhicule, dont la livraison est intervenue le 24 mars 2007. La SARL Performance 4 X 4 organisation devait être en possession du contrôle technique, établi le 22 décembre 2006. Elle n'a pas informé l'acquéreur des défauts de corrosion déjà repérés au niveau des longerons et des brancards, ainsi que l'infrastructure et du soubassement. Et elle soutient désormais que ces mentions caractérisent l'existence d'un vice apparent dont l'acquéreur ne pourrait, à ce titre, se prévaloir.
En n'informant pas Monsieur Pizzalla de l'état réel du véhicule lors de la vente, la SARL Performance 4 X 4 organisation a failli à son obligation de professionnel qui ne pouvait ignorer le vice de corrosion généralisée qui affectait le véhicule et dont elle doit la garantie, au-delà de la vétusté dont elle se prévaut pour un véhicule d'occasion. Ce vice était de nature à entraver l'usage du véhicule et à dissuader l'acquéreur de procéder à son achat ou d'en payer le prix demandé. Il se trouve confirmé par les constatations de l'expert, suffisant à établir l'état de corrosion avancé du véhicule, déjà constaté dans les semaines ayant suivi l'achat du véhicule sur lequel Monsieur Pizzalla a dû assurer le remplacement de pièces nécessaires à l'usage immédiat du véhicule, mais en refusant légitimement la réalisation de travaux de plus grande ampleur et finalement l'usage du véhicule dont la sécurité n'était plus assurée.
S'agissant d'une vente conclue en mars 2007, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans le délai de 2 ans à compter de la découverte du vice et non à bref délai ainsi que le soutient la SARL Performance 4 X 4 organisation.
Par application des articles 1644 et 1645 du Code civil, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de prononcer la résolution de la vente réclamée par Monsieur Pizzalla. Cette résolution emporte la restitution du prix perçu par la SARL Performance 4 X 4 organisation, soit la somme de 10 500 euro correspondant au prix du véhicule et des pièces d'occasion équipant le véhicule, dont la restitution est ordonnée aux frais et diligences du vendeur qui connaissait les vices de la chose et se trouve tenu des dommages-intérêts envers l'acquéreur.
La restitution du véhicule s'opère dans l'état où il se trouve au moment de la résolution La somme demandée à titre de restitution porte intérêts au taux légal à compter de la réclamation formée par Monsieur Pizzalla, par l'assignation du 31 mars 2008.
Monsieur Pizzalla ne justifie pas des "frais exposés pour le véhicule" et dont il réclame l'indemnisation à hauteur de 1 079,64 euro. Il n'explicite d'aucune façon et n'établit pas le "préjudice subi" dont il réclame l'indemnisation à hauteur de 5 000 euro. Il convient de le débouter de sa demande de dommages-intérêts.
Sur les frais et dépens :
La SARL Performance 4 X 4 organisation qui succombe est condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à Monsieur Pizzalla la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR : Infirme le jugement déféré ; Statuant de nouveau, - Prononce la résolution de la vente du véhicule de type Jeep Wrangler, intervenue le 12 mars 2007 entre la SARL Performance 4 X 4 organisation et Monsieur Louis Pizzalla ; - Condamne la SARL Performance 4 X 4 organisation à payer à Monsieur Louis Pizzalla la somme 10 500 euro au titre de la restitution du prix de la vente, avec intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2008 ; - Ordonne la restitution du véhicule à la SARL Performance 4 X 4 organisation, aux frais et diligences de la SARL Performance 4 X 4 organisation ; - Déboute Monsieur Louis Pizzalla de sa demande de dommages-intérêts pour l'indemnisation "des frais exposés pour le véhicule" et du "préjudice subi" ; - Condamne la SARL Performance 4 X 4 organisation à payer à Monsieur Louis Pizzalla la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne la SARL Performance 4 X 4 organisation aux entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.