Cass. com., 11 mars 2014, n° 12-35.107
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Fonderies française de chauffage (SA) , Bondroit (ès qual.)
Défendeur :
Nicolas , Moriquet , Lecherf , Chauffage Paris Normandie (SARL) , Proxitherm Ile-de-France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Le Bras
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Delvolvé, SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 11 octobre 2012), que la société Fonderies françaises de chauffage (la société FFC) qui a pour activité la vente, l'installation, le dépannage et l'entretien d'appareils de chauffage, a employé M. Nicolas en qualité de responsable régional du service après-vente de la région Paris-Normandie-Bretagne et MM. Lecherf et Moriquet, en qualité de technicien dépanneur des régions Normandie et Paris-Ouest, jusqu'à la démission de ces derniers suivie, le 29 août 2007, du licenciement de M. Nicolas ; que ce dernier s'est associé le 4 septembre 2007 avec MM. Moriquet et Lecherf, pour créer la société Chauffage Paris Normandie (la société CPN) ; que se plaignant de la concurrence déloyale de la société CPN, la société FFC a assigné cette dernière ainsi que ses trois associés en paiement de dommages-intérêts ; que la société Proxitherm Ile de France (la société Proxitherm) cessionnaire de la branche d'activité du service après-vente de la société FFC et M. Bondroit, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société FFC, sont intervenus volontairement à l'instance ;
Sur le premier moyen : - Attendu que la société FFC et M. Bondroit, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir partiellement fait droit à leur demande en ne retenant que les actes de concurrence déloyale commis par la société CPN en se présentant auprès de certains clients comme le successeur de la société FFC, alors, selon le moyen : 1°) que l'arrêt qui se borne, au titre de sa motivation, à reproduire sur les points en litige les conclusions d'appel de la partie aux prétentions de laquelle il fait droit ne statue que par une apparence de motivation faisant peser un doute légitime sur l'impartialité de la juridiction ; qu'en l'espèce, pour écarter toute concurrence déloyale par démarchage systématique de clientèle, détournement de fichiers clients et données techniques et commerciales, la cour d'appel s'est bornée à adopter la thèse de la société CPN et de MM. Nicolas, Moriquet et Lecherf en reproduisant des extraits de leurs écritures ; qu'elle a ainsi statué par une apparence de motivation faisant peser un doute légitime sur l'impartialité de sa juridiction et violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble l'article 455 du code de procédure civile ; 2°) qu'en tout état de cause, en se déterminant ainsi au seul regard des conclusions et pièces de la société CPN et de MM. Nicolas, Moriquet et Lecherf, sans répondre aux conclusions de la société FFC et M. Bondroit, ès qualités, qui avaient précisément exposé les manœuvres constitutives de concurrence déloyale commises à leur détriment, ni analyser, ne serait-ce que sommairement, les nombreuses pièces probantes produites à l'appui de ces écritures, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'il n'est pas interdit à un juge de motiver sa décision notamment en reprenant à son compte une partie des arguments avancés par une partie ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que la société CPN avait commis un acte de concurrence déloyale en se présentant auprès de certains clients comme le successeur de la société FFC et qu'il n'était pas établi d'autres actes de concurrence déloyale, notamment par démarchage systématique de clientèle, détournement de fichiers clients et données techniques et commerciales, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, ni de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle a décidé d'écarter, a statué comme elle a fait ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen : - Attendu que la société FFC et M. Bondroit, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable leur action en responsabilité pour concurrence déloyale formée contre MM. Nicolas, Moriquet et Lecherf alors, selon le moyen, que le salarié qui a participé à la création d'une entreprise concurrente est personnellement responsable à l'égard de son ancien employeur des actes de concurrence déloyale commis à l'occasion de cette création ; que cette responsabilité personnelle s'apprécie indépendamment de celle de la société concurrente nouvellement créée ; qu'en l'espèce, la société FFC et M. Bondroit, ès qualités, ont mis en cause la responsabilité personnelle de MM. Moriquet, Nicolas et Lecherf pour avoir constitué une société concurrente tandis qu'ils lui étaient encore liés par leurs contrats de travail et accompagné cette constitution d'actes de détournement de clientèle et dénigrement de leur ancien employeur ; que cependant, la cour d'appel s'est bornée à apprécier le comportement de MM. Moriquet, Nicolas et Lecherf au sein de la société nouvellement créée pour en déduire l'absence de faute détachable de leurs fonctions dans celle-ci ; que ce faisant, elle s'est abstenue d'apprécier le comportement personnel de MM. Moriquet, Nicolas et Lecherf dénoncé ; qu'elle a violé, par refus d'application, l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les demandes formées contre MM. Nicolas, Moriquet et Lecherf n'étaient pas fondées sur des manquements aux obligations découlant des contrats de travail les ayant liés à la société FFC, mais seulement sur des actes de concurrence que ceux-ci auraient commis dans le cadre de leur activité au sein de la société CPN dont ils sont respectivement gérant et associés, c'est à bon droit que la cour d'appel a recherché s'ils avaient, dans l'exercice de cette activité, commis des fautes personnelles de nature à engager leur responsabilité personnelle en leur qualité de gérant ou d'associés de cette société ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.