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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 7 mars 2014, n° 13-09525

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Aalto, Iuk Box (Sté)

Défendeur :

Tbwa/Paris (SAS), Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Aimar

Conseillers :

Mmes Nerot, Renard

Avocats :

Mes Penet-Weiller (ès qual.), Marçais, Fisselier, Boissavy, Flauraud, Lesage-Catel

TGI Paris 3e ch. sect. 3 du 12 avr. 2013

12 avril 2013

Madame Elina Aalto, jeune designer finlandaise, se prévaut de la réalisation d'un travail photographique consistant en la création, à partir d'une photographie de la ville de Tokyo, d'un dessin en noir et blanc représentant des immeubles (lequel a pu être reproduit sur des stores déroulants perforés au niveau des fenêtres d'immeubles) ainsi que d'une série intitulée "better view blind" incluant le dessin "Stockholm" (présentée en 2006, exposée et largement diffusée dans les médias en 2008) consistant, à partir de ce même travail photographique préalable et ce trait de dessin par ordinateur, en la création d'autres vues nocturnes de capitales et/ou de quartiers célèbres.

Par contrat du 18 novembre 2008, elle a cédé à la SARL Iuk Box les droits d'exploitation sur ses œuvres représentant, en particulier, les villes de Paris, Tokyo, Helsinski, Stockholm, Berlin, vendues en série limitée de 1 000 et à titre exclusif au prix unitaire moyen d'environ 500 euros.

Cette société a fait l'objet d'une procédure collective et Madame Penet-Weiller a été désignée en qualité de mandataire-liquidateur.

Ayant constaté, en juin 2009, que la société TBWA/Paris, agence de publicité, avait conçu une campagne publicitaire de la marque "Label 5" dont est titulaire la société COFEPP-Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation (exerçant sous l'enseigne CEPP), distributeur de vins et spiritueux, et estimé que les affiches des abribus ainsi que celles présentées à l'arrière des autobus parisiens reproduisaient, en indiquant le nom "Manhattan" les caractéristiques essentielles de son œuvre "Tokyo", Madame Aalto et la société Iuk Box ont adressé une mise en demeure d'usage au titulaire de la marque le 28 juillet 2009.

Une transaction est intervenue, non datée mais en novembre 2009 selon Madame Aalto, entre la créatrice, la société Iuk Box et la société TBWA/Paris afin de mettre un terme au différend portant sur l'affiche dénommée "Manhattan 2".

Estimant qu'une autre affiche diffusée, plus large, avait été exclue du protocole, tout comme d'autres affiches publicitaires pour ce même produit, qu'étaient, de plus, diffusés en juin 2010, à l'occasion d'une nouvelle campagne publicitaire, trois nouveaux visuels intitulés "Shanghaï", "5th Avenue" et "Brooklyn" qui reprenaient les caractéristiques essentielles de son œuvre et constituaient des déclinaisons illicites de l'affiche "Manhattan 2" et qu'a été reprise, en outre, sans autorisation la diffusion de l'affiche "Manhattan" à compter de décembre 2010, elles ont vainement adressé de nouvelles mises en demeure aux sociétés TBWA/Paris et COFEPP avant de les assigner en contrefaçon de droits d'auteur et pour voir sanctionner des faits de parasitisme selon actes des 16 et 17 mars 2011, étant précisé qu'en cours de procédure et dans le cadre d'une nouvelle campagne publicitaire initiée en juin 2012, elles ont constaté qu'étaient diffusées deux nouvelles affiches intitulées "World Mix", à leur sens contrefaisantes.

Par jugement contradictoire rendu le 12 avril 2013, le Tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :

- déclaré Madame Aalto et Madame Penet-Weiller, ès qualités, recevables à agir en contrefaçon de leurs droits d'auteur sur le dessin "Tokyo" mais irrecevables à agir à ce titre (faute d'originalité) sur le dessin "Stockholm",

- constaté que le second visuel "Manhattan 2" exploité en juin 2009 en 4x3 n'entre pas dans l'objet du protocole d'accord et qu'il constitue une contrefaçon des droits d'auteur détenus par les requérantes,

- débouté celles-ci de leur action en contrefaçon portant sur les visuels intitulés "Manhattan 1" (juin 2007), "London Night" (décembre 2007), "Hong-Kong Bay" (décembre 2008), "Manhattan" (décembre 2008), affiche "Manhattan" (juin 2009), "Hong-Kong Bay" (décembre 2009), "5th Avenue" (juin 2010), "Shanghaï" (juin 2010), "Brooklyn" (juin 2010) et "World Mix" (deux affiches, juin 2012) ainsi que de leur demande subsidiaire au titre du parasitisme,

- condamné in solidum les sociétés TBWA/Paris et COFEPP à verser à Madame Penet-Weiller la somme de 1 000 euros et à Madame Aalto celle de 500 euros en réparation, respectivement, de leurs préjudices patrimonial et moral,

- prononcé une interdiction d'usage portant sur l'affiche "Manhattan 2" en 4x3 exploitée en juin 2007,

- débouté les requérantes du surplus de leurs demandes et, en particulier, de communication de pièces, de retrait, de destruction et de publication judiciaire,

- condamné in solidum les sociétés défenderesses à verser à chacune des demanderesses la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens en disant que la société TBWA/Paris devra garantir intégralement la société COFEPP de l'ensemble des condamnations mises à sa charge.

Par dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2014, Madame Elina Aalto et Madame Brigitte Penet-Weiller, agissant ès qualités de mandataire-liquidateur de la société à responsabilité limitée Iuk Box, appelantes, demandent pur l'essentiel à la cour :

- de rejeter les demandes d'irrecevabilité et/ou de caducité et/ou de rejet des conclusions et/ou de rejet de pièces soulevées par les intimées au titre des pièces communiquées ultérieurement au 13 août 2013 et de déclarer recevables les 48 pièces communiquées par RPVA le 15 octobre 2013,

- de confirmer le jugement en ses dispositions qui leur sont favorables, de l'infirmer pour le surplus et,

- à titre principal, de considérer qu'elles sont recevables en leur action en contrefaçon de l'œuvre "Stockholm" et que les douze affiches litigieuses exploitées par les intimées constituent des contrefaçons des œuvres "Tokyo" et "Stockholm", de constater que la société TBWA ne rapporte pas la preuve du respect des termes du protocole et ne communique aucune pièce justifiant de l'étendue des exploitations de l'affiche "Manhattan 2" reproduite en son annexe 1 et qu'"elle devra communiquer ces pièces dans le cadre de la procédure d'appel", de prononcer les mesures d'interdiction, de retrait, de destruction de stock d'usage portant sur les douze affiches litigieuses, ceci sous astreinte, et de condamner in solidum les sociétés intimées à verser à Madame Penet-Weiller une somme totale de 513 800 euros (soit 40 800 euros x 11 affiches + 50 000 euros pour l'affiche "Manhattan 2" (juin 2009) + 50 000 euros au titre de la publicité audiovisuelle) et à Madame Aalto la somme de 90 000 euros en réparation, respectivement, de leurs préjudices patrimonial et moral,

- à titre subsidiaire, de condamner in solidum les intimées au versement des sommes de 150 000 euros et 85 000 euros au titre des actes de parasitisme commis au préjudice de Madame Penet-Weiller, ès qualités, et de Madame Aalto qui poursuit également à ce titre, la réparation du préjudice professionnel causé,

- plus subsidiairement, de condamner la société TBWA à leur verser la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de celle-ci à ses obligations de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du protocole transactionnel,

- en tout état de cause, de débouter les intimées de l'ensemble de leurs demandes, de leur ordonner de communiquer sous astreinte copie de tous leurs documents commerciaux, comptables et contractuels relatifs à l'exploitation des affiches litigieuses tels que spécifiés, d'ordonner une mesure de publication du dispositif de la décision à intervenir (par voie de presse et sur internet), ce sous astreinte, en les condamnant in solidum à leur verser la somme de 20 000 euros HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 8 janvier 2014, la société par actions simplifiée TBWA/Paris demande en substance à la cour, au visa des articles L. 111-1 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle, 1134 et 1382 du Code civil, 564 et 906 du Code de procédure civile :

- de déclarer irrecevable toute communication de pièces par les appelantes ultérieure au 13 août 2013, faute de communication simultanée de leurs pièces,

- de déclarer irrecevable, comme nouvelle en cause d'appel, la demande subsidiaire des appelantes formée sur un fondement contractuel,

- de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables, de débouter les appelantes de toutes leurs prétentions et, sur appel incident, de l'infirmer en ses dispositions qui lui sont défavorables, avec remboursement subséquent du montant des condamnations prononcées,

- de considérer qu'elle s'en rapporte à justice sur la demande de garantie formée par la société COFEPP,

- de condamner in solidum les appelantes à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter tous les dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 14 janvier 2014, la société anonyme à directoire COFEPP-Compagnie Financière Européenne de Prises de Participation exerçant sous l'enseigne CEPP demande pour l'essentiel à la cour :

- au visa des articles 906 et 909 du Code de procédure civile, de déclarer caduque la déclaration d'appel et nulles, subsidiairement irrecevables, les conclusions signifiées sans communication de pièces, plus subsidiairement de rejeter comme irrecevables toutes pièces communiquées tardivement en constatant l'absence de communication des pièces de l'appelante simultanément aux conclusions d'appel et même l'absence de toute communication en appel dans le délai imparti,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les demanderesses à l'action de leurs demandes fondées sur la contrefaçon et la concurrence déloyale et parasitaire,

- de l'infirmer en ce qu'il a condamné la société TBWA et elle-même du chef de la contrefaçon du droit d'auteur au titre de l'affiche 4x3 "Manhattan 2" et, en considération de l'autorité de chose jugée attachée à la transaction incluant cette affiche 4x3 (subsidiairement, au constat de l'absence de reproduction totale ou partielle du store "Tokyo"), de rejeter toutes demandes des appelantes de ce chef ; de l'infirmer également en ses dispositions relatives aux frais non répétibles et de rejeter les demandes des appelantes de ce chef ; subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société TBWA était tenue à garantie,

- de l'infirmer en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure ainsi que sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de condamner les appelantes à lui verser les sommes de 40 000 euros et de 25 000 euros à chacun de ces titres,

- de rejeter toutes prétentions des appelantes en les condamnant à supporter tous les dépens.

Sur ce,

Sur la procédure :

Sur le défaut de communication des pièces des appelantes simultanément à la signification de leurs conclusions d'appel :

Considérant que les demandes des sociétés intimées qui tendent à obtenir le prononcé de la caducité de la déclaration d'appel, ou, subsidiairement, de l'irrecevabilité de l'acte d'appel et/ou des conclusions des appelantes et, plus subsidiairement du rejet de l'intégralité des pièces par elles communiquées sont de nature à trouver leur fondement juridique :

- sur le principe du respect du contradictoire résultant notamment de l'article 6 § 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des articles 15 et 16 du Code de procédure civile ainsi que sur les dispositions combinées :

- de l'article 908 du Code de procédure civile selon lequel :

"à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure",

- de son article 911 imposant, sous la même sanction, que les conclusions soient notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe,

- de l'article 912 du même Code aux termes duquel :

"le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries",

- de l'article 906 alinéa 1er de ce Code qui dispose :

"les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie : en cas de pluralité de demandeurs ou d'intimés, elles doivent l'être à tous les avocats constitués", référence étant faite à l'avis rendu le 25 juin 2012 par la Cour de cassation portant sur la sanction du défaut de communication simultanée des pièces dans les délais prévus par les articles 908 et 909 du Code de procédure civile et qui a considéré que "doivent être écartées les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions",

- de l'article 132 du Code de procédure civile dont l'alinéa 3 a été abrogé, ce dont il résulte qu'une nouvelle communication des pièces versées aux débats en première instance est exigée en cause d'appel,

- et de l'article 909 de ce Code selon lequel :

"l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour conclure et former, le cas échéant, appel incident" ;

Que, factuellement, elles font valoir qu'en méconnaissance de ces dispositions, Madame Aalto et Maître Penet-Weiller, ès qualités, qui avaient relevé appel le 13 mai 2013, ont certes signifié leurs conclusions d'appel le 13 août 2013 mais non accompagnées des pièces justificatives qui les soutiennent ni de leur bordereau, ces pièces n'ayant été communiquées que le 17 octobre 2013 (puis retransmises par courriel du 9 janvier 2014 en raison de problèmes de transmission) en méconnaissance de cette formalité impérative et substantielle et passé même le délai qui était imparti aux intimées pour conclure à leur tour, de sorte que même si la cour venait à examiner les conclusions de l'appelante, elle ne pourrait que les débouter de leur appel ; que la société COFEPP ajoute qu'une nouvelle communication des pièces de première instance était d'autant plus nécessaire pour assurer son droit de se défendre que ces pièces ont varié et présentaient des défectuosités ;

Qu'en réplique, les appelantes objectent cumulativement que le bordereau de pièces visées dans les conclusions d'appel signifiées par RPVA a bien été établi le 13 août 2013 et précisait que l'ensemble des pièces visées ont été communiquées en première instance aux intimées, qu'aucune pièce nouvelle n'a été communiquée aux avocats dominus litis des intimées, que cela n'a d'ailleurs fait l'objet d'aucune contestation, d'aucune sommation de communiquer, d'aucune demande de leur part, que les intimées en avaient parfaitement connaissance à telle enseigne qu'elles en versent certaines aux débats, que ce défaut de communication de pièces ne leur a causé aucun grief, qu'elles ont pu répliquer (leurs conclusions du 10 octobre 2013 représentant 31 et 42 pages) et qu'elles ne sauraient leur interdire de communiquer des pièces dans le cadre de la procédure d'appel, que les 48 pièces effectivement communiquées le 15 octobre 2013 et non le 17 étaient en couleurs et non en noir et blanc, comme prétendu, que l'article 906 précité ne sanctionne pas l'irrecevabilité des conclusions signifiées et qu'aucune sanction spécifique n'est prévue en cas d'absence de communication simultanée si bien qu'il convient de se reporter aux articles 15 et 135 du Code de procédure civile ; qu'elles concluent que l'ensemble des demandes doivent être rejetées et que les 48 pièces communiquées par RPVA le 15 octobre 2013 doivent être déclarées recevables en l'absence de grief causé aux intimées ;

Considérant, ceci rappelé, que l'article 906 du Code de procédure civile ne prévoit aucune sanction au défaut de communication de pièces simultanément avec les conclusions d'appel et qu'il est constant qu'une obligation qui n'est assortie d'aucune sanction ne constitue pas une formalité substantielle d'ordre public ;

Qu'il n'en demeure pas moins qu'aux termes de l'article 15 du Code de procédure civile, "les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense" et que, selon l'article 135 du Code de procédure civile applicable devant la juridiction d'appel ainsi qu'en dispose l'article 749 du même Code, "le juge peut écarter du débat les pièces qui n'ont pas été communiquées en temps utile" ;

Qu'il n'est pas contesté, en l'espèce, qu'alors que les intimés ne disposaient que d'un délai de deux mois pour conclure et, éventuellement, former appel incident, à peine d'irrecevabilité de leurs conclusions dans un dossier pouvant être qualifié de complexe, les appelantes n'ont point communiqué leurs pièces simultanément à la notification de leurs conclusions d'appel, comme le veut l'article 906 du Code de procédure civile, mais plus de deux mois après la date de cette notification et que cette communication tardive a conduit les sociétés intimées à conclure dans le délai de deux mois qui leur était imparti pour ce faire sans avoir été rendues destinataires de ces pièces ;

Que les arguments de l'appelante destinés à démontrer que celle-ci n'a pas causé grief aux intimées doivent être considérés comme inopérants dès lors qu'aucune disposition procédurale ne prévoit l'excuse de non-communication de pièces qui permettrait aux parties intimées de conclure passé le délai de l'article 911 du Code de procédure civile, de sorte que pour éviter la sanction d'une irrecevabilité de leurs écritures et d'éventuelles demandes incidentes, elles se devaient de conclure dans les deux mois de l'article 909 de ce Code, qu'elles aient ou non reçu communication des pièces des appelantes ;

Qu'en imposant comme elle l'a fait aux intimées de répliquer, ceci de manière circonstanciée dès lors que le conseiller de la mise en état pouvait fixer à bref délai des dates de clôture de l'instruction de l'affaire et des plaidoiries, et de formaliser, par ailleurs, une demande incidente en ne disposant pas des éléments de preuve sur le fondement desquels elles entendaient justifier de leurs demandes, les appelantes ont manqué aux principes de la loyauté et de la contradiction qui constituent les règles essentielles de la procédure civile ;

Que, par ailleurs, et sauf à ajouter aux dispositions du Code de procédure civile, il appartient aux parties de respecter les règles de la procédure en leurs formes et délais, selon l'article 2 du Code de procédure civile, si bien que les appelantes ne peuvent valablement tirer argument du fait que les avocats constitués en cause d'appel étaient les mêmes que ceux constitués en première instance ;

Qu'en toute hypothèse, force est de relever que la lettre de l'article 906 sus-repris, rédigé sur le mode impératif dans le cadre spécifique de la procédure d'appel ne permet pas la faculté d'appréciation ouverte par l'article 135 également sus-repris ("le juge peut", "en temps utile") ;

Qu'il en résulte que doivent être rejetées les prétentions des intimées tendant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel ou le rejet des conclusions, sanctions expressément attachées à d'autres manquements procéduraux ; qu'en revanche, les pièces versées aux débats par les appelantes doivent être écartées des débats dans leur ensemble en ce qu'elles ne répondent pas à l'exigence de simultanéité posée par l'article 906 du Code de procédure civile ;

Sur l'exception de nouveauté :

Considérant que, visant les dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, la société TBWA se prévaut de l'irrecevabilité de la demande présentée par les appelantes en subsidiaire de leurs demandes en contrefaçon puis au titre du parasitisme et qui tend à voir sanctionner, sur le fondement des articles 1134 et 1135 du Code civil, un manquement aux obligations de bonne foi et de loyauté dans l'exécution du protocole transactionnel conclu en novembre 2009 :

Qu'elles font valoir que cette demande n'a été formée que dans leurs conclusions d'appel n° 2 du 10 décembre 2013, qu'elle est reprise dans leurs dernières conclusions, et qu'alors qu'elles agissaient sur un fondement délictuel, elles poursuivent sa condamnation au paiement de la somme de 150 000 euros, au profit de chacune, sur un fondement contractuel ;

Que les appelantes analysent cette fin de non-recevoir comme un moyen, pour cette intimée, de "pallier aux manquements flagrants à ses obligations de loyauté et de bonne foi" et répliquent que leur réclamation, formée sur un fondement contractuel, n'est que la résultante de l'absence de communication aux débats, par les intimées, des preuves du respect du protocole et des pièces communiquées dans le cadre de la présente procédure, ce qui démontre leur violation manifeste ;

Considérant, ceci rappelé, qu'aux termes de l'article 564 précité :

"A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait" ;

Qu'il n'est pas contesté que la demande litigieuse ne constitue pas l'une des exceptions limitativement énumérées par ce texte ;

Que cette prétention ne peut davantage être considérée comme une demande tendant aux mêmes fins qu'une demande soumise aux premiers juges, eût-elle un fondement différent, et ne peut donc échapper, en application de l'article 565 du même Code, au grief de nouveauté ;

Qu'en effet, alors qu'en première instance les demanderesses à l'action ne poursuivaient que des actes de contrefaçon de l'affiche "Manhattan 2" en ce qu'elle n'était pas entrée dans le périmètre du protocole et avait cependant été exploitée sans cession de droits et qu'elles ne demandaient aux premiers juges que de constater que la preuve n'était pas rapportée du respect du protocole ainsi que de l'exploitation de cette affiche outre le prononcé d'une mesure faisant injonction aux sociétés défenderesses de communiquer des documents commerciaux et comptables, elles incriminent en cause d'appel une exploitation fautive tenant à des exploitations postérieures au protocole qui auraient dû, selon elles, donner lieu à négociation et à rémunération à leur profit ;

Qu'il suit qu'à bon droit, la société TBWA se prévaut de l'irrecevabilité de cette demande ;

Sur la protection par le droit d'auteur des œuvres intitulées "Tokyo" et "Stockholm" :

Considérant que pour juger que l'œuvre "Tokyo" était éligible à la protection instaurée par les Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle tandis que l'œuvre "Stockholm" ne l'était pas, le tribunal, rappelant les dispositions des articles L. 111-1 et L. 112-1 de ce Code, a successivement considéré :

- s'agissant de la première, que l'année 2006 (date d'exposition du store "Tokyo") pouvait être retenue comme date certaine de création de l'œuvre achevée, que 'l'œuvre divulguée étant constituée d'un store et que ses caractéristiques, dans une combinaison qui ne se retrouvait dans aucune des œuvres antérieures opposées, portaient l'empreinte de la personnalité de Madame Aalto, relevant que ni sa qualité de créatrice ni la titularité des droits patrimoniaux revendiquée par la société Iuk Box n'étaient contestées,

- et, s'agissant de la seconde, que l'originalité n'en était pas caractérisée par les demanderesses à l'action, en sorte que leur action devait être considérée comme irrecevable ;

Considérant qu'en cause d'appel, il convient de relever que la société TBWA/Paris oriente son argumentation sur l'absence de contrefaçon et sur la portée du protocole transactionnel sans précisément débattre de la question de la protection de ces deux œuvres ;

Que, de son côté, la société COFEPP rappelle en préambule que le droit d'auteur ne protège pas une œuvre découlant d'un concept, d'un procédé en l'insérant dans un genre, un style, un courant ; que "le store Tokyo" appartient, à son sens, à un genre graphique consistant en une représentation schématique de ville la nuit par un contraste en blanc sur noir de formes géométriques de fenêtres et de formes d'immeubles, qu'il s'apparente en particulier aux illustrations de Bérénice Abott (1932) et est devenu d'une grande banalité ; que, décomposant le processus créatif conduisant à l'œuvre achevée (qu'elle identifie comme étant "le store percé de trous géométriques permettant l'utilisation de la lumière et de son évolution"), elle soutient qu'"il conviendra d'examiner si les visuels incriminés procèdent d'un tel traitement" ;

Qu'en ce qui concerne l'"œuvre Stockholm", elle porte la critique sur la volonté de Madame Aalto d'en isoler un détail, une route en courbe ou une bordure de quai qui, à l'évidence selon elle, ne procède d'aucune démarche créative, le positionnement de celle-ci étant dicté par la vue urbaine telle que représentée ;

Qu'en l'état de ces motifs et moyens, les appelantes qui poursuivent la confirmation du jugement sur l'œuvre "Tokyo" et son infirmation sur l'œuvre "Stockholm", précisent que les œuvres dont elles revendiquent la protection consistent en des dessins et non point des stores et s'attachent à décrire les différents stades de leur élaboration (prise de photographie, travail photographique par sélection d'éléments, dessin schématisé dont le stylet d'ordinateur n'est qu'une extension de la main de l'artiste) pour démontrer qu'elles ne peuvent être réduites à un procédé technique consistant à utiliser des formes géométriques carrées ou rectangulaires, blanches sur fond noir ;

Considérant, ceci exposé, que le droit d'auteur a vocation à protéger la forme finale d'une œuvre, telle qu'elle lui a été donnée par son créateur lorsqu'il procède à sa divulgation, et que le processus créatif - l'auteur puiserait-il dans des idées, de libre parcours, ou aurait-il recours à des techniques éprouvées - est indifférent pour accéder à cette protection, seule devant être recherchée l'originalité de l'œuvre formalisée ;

Que pour voir reconnaître qu'est protégeable l'œuvre finale que constitue le dessin "Tokyo", largement figuré dans leurs dernières conclusions, les appelantes revendiquent comme suit la combinaison des caractéristiques de celle-ci au fondement de son originalité :

- "le dessin selon des traits propres représentant une série d'immeubles modernes vue de face de la ville de Tokyo, dessin élaboré à partir d'une photographie, composée de toits d'immeubles en premier plan et d'une série de gratte-ciel de différentes tailles en second plan sur un fond noir uniquement,

- les formes géométriques carrées et rectangulaires servent à mettre en évidence l'architecture caractéristique de la ville et/ou un point de vue ou une époque architecturale spécifique,

- la représentation d'une vue de ville la nuit sur fond noir (ce qui est particulièrement caractéristique car aucun designer ne semble avoir représenté antérieurement des vues de villes uniquement sur un fond noir sans délimiter les contours des immeubles),

- la mise en évidence d'immeubles sur fond noir uniquement par des traits de dessin et une composition de formes blanches pour dessiner les fenêtres et créer ainsi la silhouette des immeubles avec un jeu sur l'intensité de la lumière en fonction de la taille de la fenêtre,

- la représentation se limite à des formes d'immeubles sans aucun environnement urbain, tels que des arbres, bancs ou autres, et sans que les contours des immeubles soient délimités autrement que par les fenêtres,

- le dessin fait ressortir l'architecture urbaine spécifique de la ville photographiée et son évolution, son dynamisme, son expansion et sa modernité,

- le dessin utilise une perspective en une et deux dimensions afin de lui donner une impression de ville en expansion,

- l'originalité tient au jeu existant entre les traits pleins et ceux plus fins, ainsi que le jeu des immeubles imbriqués et la forme particulière des immeubles reproduits, immeubles de composition moderne" ;

Qu'il y a lieu de considérer que le tribunal a pertinemment énoncé que ne pouvaient être tenues pour des œuvres susceptibles de ruiner l'originalité de ce dessin tel que finalisé, celles que lui opposaient les défenderesses à l'action, que les pièces en justifiant n'aient pas date certaine, qu'elles portent sur des œuvres postérieures à la date de 2006 retenue ou que celles-ci ne reprennent pas, dans la même combinaison, les caractéristiques revendiquées ;

Que l'examen du dessin "Tokyo" permet de considérer que, par le choix du jeu des lumières et des contrastes, par l'agencement spécifique du volume des immeubles qu'elle représente et qui contribue à une impression de profondeur, par le parti-pris de ne représenter que ces immeubles à l'exclusion de tout autre élément du paysage urbain, par la particularité du trait destiné à en limiter les contours qui accentue l'atmosphère nocturne de laquelle ils émergent et dans laquelle ils tendent à se fondre, l'auteur a imprégné cette œuvre de la touche qui lui est propre et qui révèle sa personnalité ; que cette œuvre est, par conséquent, éligible à la protection conférée par le droit d'auteur ;

Que pour voir, en second lieu, reconnaître que l'œuvre finale que constitue le dessin "Stockholm", également figuré dans leurs conclusions, peut, de la même façon, bénéficier de la protection du droit d'auteur, les appelantes revendiquent comme suit la combinaison des caractéristiques de cette œuvre au fondement de son originalité (page 30/79 de leurs dernières conclusions) :

- "un fond noir,

- un dessin schématisé reproduisant des immeubles sans contours éclairés de nuit qui reflètent l'architecture fonctionnelle moderne propre à la ville de Stockholm - alignement de perspectives avec vue de trois-quart et imbrication d'immeubles de différents niveaux à droite de la composition,

- originalité de la composition par la représentation d'une route par le biais d'un demi-cercle en bas à gauche du dessin, sous forme de double pointillé lumineux blanc sur fond noir,

- vues d'immeubles de nuit aux formes modernes rectangulaires,

- perspective et contraste d'immeubles éclairés de nuit par les seuls dessins de fenêtres de forme rectangulaire blanche plus ou moins accentuée sans aucun contour,

- le premier plan est constitué d'un alignement de cinq immeubles, de forme rectangulaire stricte, présentés de diagonale, à gauche de la composition, d'une délimitation parfaite sans contours et de surface plane, dont seule la façade du premier immeuble est mise en avant,

- ces immeubles étant entourés d'immeubles de forme rectangulaire de taille inférieure dont les éléments architecturaux sont mis en avant par le biais de fenêtres sous forme de rectangles, plus ou moins larges et accentués, de couleur blanche" ;

Que l'examen de ce dessin "Stockholm" révèle également que sont combinés des éléments ressortant des choix personnels de son auteur, tels la composition faite d'un alignement d'immeubles disposés selon un angle ouvert et de taille décroissante, dont les fenêtres au raz de la chaussée sont sur-représentées et justifient la présence du tracé lumineux d'une route, l'accentuation de la surface noire de laquelle se détachent les immeubles éclairés suggérant une ambiance urbaine nocturne, ou encore les contours particuliers de ces immeubles dont les pans latéraux se noient dans l'obscurité ;

Que cette œuvre ainsi formalisée portant l'empreinte de la personnalité de son auteur, elle satisfait aux conditions de la protection conférée par le droit d'auteur de sorte que le jugement qui en dispose autrement sera infirmé de ce chef ;

Sur la contrefaçon :

Considérant que les appelantes incriminent à ce titre douze affiches et visuels destinés à promouvoir le whisky commercialisé sous la marque "Label 5", dont une bouteille accompagnée d'un verre est toujours figurée au premier plan, et soutiennent que sont patentes les ressemblances entre les représentations nocturnes de grandes capitales figurant en fond d'affiche ou de visuel dans les campagnes publicitaires confiées par la société COFEPP à la société TBWA et les dessins intitulés "Tokyo" et (pour l'affiche "Shanghai") "Stockholm" ; que certains éléments sont copiés à l'identique, d'autres sont imités et que les ressemblances portent sur la reproduction de la composition caractéristique des œuvres "Better View Blind", de traits de dessin de l'artiste (formes géométriques, carrés blancs et rectangles blancs sur fond noir, absence de tout autre élément urbain), de la composition des immeubles et du thème, donnant une même "impression d'ensemble" ;

Qu'elles considèrent que le tribunal qui n'a pas retenu la contrefaçon, hormis le cas particulier de l'affiche "Manhattan 2" (campagne de juin 2009), n'a pas tiré les conséquences de ses constatations puisqu'en faisant mention "d'adaptation librement inspirées d'une œuvre préexistante", il reconnaissait la contrefaçon ; et qu'il est "évident" que la société TBWA n'aurait pas décliné les affiches de la campagne "Label 5" litigieuses si elle n'avait pas contrefait en premier lieu l'affiche "Manhattan 2" ;

Considérant, ceci rappelé, qu'il convient de procéder à l'examen de chacune des affiches incriminées (clairement reproduites en couleurs dans les conclusions des appelantes, sans contestation des intimées sur la fidélité de ces illustrations et leur datation), en regard des caractéristiques des œuvres "Tokyo" et "Stockholm" revendiquées et de porter une appréciation sur la reprise, dans la même combinaison, de ces caractéristiques, étant relevé que la notion d''impression d'ensemble' est étrangère au droit d'auteur ;

Sur les quatre affiches "Manhattan" :

Considérant que les appelantes mettent semblablement en exergue, pour ces quatre affiches, la reprise des caractéristiques suivantes du dessin "Tokyo" : un fond noir, un dessin sous forme de carrés et de rectangles de couleur blanche, l'utilisation uniquement de la forme géométrique de manière schématisée, la représentation d'immeubles avec impression de perspective, les traits de dessin identiques, la composition donnant une même "impression d'ensemble" de gratte-ciel, le dessin identique en haut de l'immeuble central avec étage surélevé affiné, la sur-accentuation par endroits de la lumière des fenêtres par un trait blanc plus soutenu ;

Que seules diffèrent les caractéristiques de l'affiche intitulée "Manhattan 2" (juin 2009) en format horizontal 4x3 ; que les appelantes ajoutent, en effet, aux éléments de reprises précités en faisant valoir que les ressemblances portent également sur la reproduction à l'identique de l'immeuble sur fond gauche de l'œuvre d'Elina Aalto, de l'immeuble de gauche représenté sous forme de perspective en plongée avec vue partielle du toit - immeuble du fond à gauche de forme rectangulaire avec un étage surélevé - immeuble avec deux étages de fenêtres sur-accentués ;

Considérant, ceci rappelé, qu'une affiche "Manhattan" constitue l'annexe 1 du protocole transactionnel signé entre les parties en novembre 2009 (pièce 6 - TBWA) par lequel, moyennant des concessions réciproques, elles sont convenues de mettre un terme à leur différend ;

Que les affiches verticales portées dans les conclusions de l'appelante en pages 43 (le mot "Label" étant calligraphié sans fantaisie, la partie droite du fond d'immeubles étant dans l'obscurité et cette illustration étant non datée) puis en page 45 (le mot "Label" étant figuré de manière fantaisiste mais le fond d'immeubles étant représenté de manière complète, l'illustration étant daté de juin 2009) semblent se rapporter, faute de plus amples pièces et d'observations des intimées sur ce point, à l'affiche figurant en annexe du protocole ;

Qu'aux termes de l'article 2052 du Code civil, la transaction a autorité de chose jugée entre les parties, si bien que la contrefaçon ne saurait être retenue ;

Considérant, s'agissant de l'affiche "Manhattan" (décembre 2008) figurant en page 44 des conclusions des appelantes qu'il ne peut être considéré qu'elle reprend, dans la même combinaison, les caractéristiques telles que revendiquées au fondement de l'originalité du dessin "Tokyo" tant, en dépit de quelques éléments de ressemblance, sont importantes leurs différences, qu'il s'agisse de la disposition des immeubles (linéaire et non imbriquée sur l'affiche) et uniquement rectangulaires sur l'affiche, des contours de ces immeubles (qui ne sont pas uniquement marqués par la présence de fenêtres sur l'affiche) ou encore de la masse du noir de fond (fortement représentée au bas de l'affiche et absente à cet emplacement sur le dessin) ; que la contrefaçon ne peut donc être retenue ;

Considérant, s'agissant de l'affiche rectangulaire intitulée "Manhattan 2" (juin 2009) exploitée en format 4x3 figurant en page 46 des conclusions des appelantes, que les intimées poursuivent l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que cette affiche n'entrait pas dans les prévisions du protocole et soutiennent qu'il n'est pas contesté que ce format contient "un peu plus d'immeubles sur les côtés" que le format vertical et que ces deux formats ont bien été exploités concomitamment mais que s'il ne figure pas en annexe du protocole (par suite d'une erreur manifeste, selon la société COFEPP), les appelantes avaient parfaite connaissance de l'exploitation du visuel tant en sa forme verticale pour les abribus qu'en son format horizontal 4x3 ;

Mais considérant que, par motifs pertinents que la cour fait siens, le tribunal a justement considéré qu'il n'était pas établi que Madame Aalto et la société Iuk Box aient eu connaissance de cette seconde affiche en signant le protocole, le procès-verbal d'huissier dressé les 4 et 5 novembre 2009 tendant à prouver le contraire et que, par conséquent, aucune autorité de chose jugée ne pouvait être opposée aux demandes formulées à ce titre ;

Que c'est également par justes motifs, que la cour adopte, que les premiers juges ont apprécié les caractéristiques respectives des œuvres opposées pour en conclure que cette affiche "Manhattan 2", en raison de l'importance des reprises, constituait une œuvre contrefaisante ;

Sur l'affiche "Fifth Avenue" dite aussi "Manhattan 3" :

Considérant que pour justifier leur grief de contrefaçon du dessin "Tokyo", les appelantes soutiennent que cette affiche (figurant en page 47 de leurs écritures) se caractérise par un fond noir, qu'est uniquement utilisée la forme géométrique de manière schématisée, que sont représentés des immeubles avec une impression de perspective, que les traits de dessin sont identiques, à l'instar de l'immeuble du fond de côté droit (forme de gratte-ciel avec un étage surélevé, du dessin de la façade d'immeubles et de la sur-accentuation par endroits (sur le chiffre 5 et les lettres Label) de la lumière des fenêtres au moyen de traits blancs, ajoutant que le fait d'avoir remplacé les carrés et les rectangles blancs par des "5" ne change rien à "l'impression d'ensemble" ;

Mais considérant que si la commune représentation d'immeubles modernes se détachant d'un fond uniformément noir et la présence de fenêtres de couleur blanche sur tous les étages de ces immeubles sont des éléments de ressemblance, les différences que relève la société COFEPP et qui tiennent à la disposition des immeubles (imbriqués ou alignés selon une diagonale/ massivement représentés en premier plan ou absents en cette partie de l'affiche) ou à la représentation des fenêtres par des "5" dont il ne peut être dit qu'ils remplacent les petits rectangles ou carrés de l'œuvre "Tokyo" tant ils sont importants par leur taille et leur nombre, ne peuvent être considérés comme étant de détail, étant ajouté, pour ce qui est de l'affiche intitulée "Fifth Avenue", que la tour représentée sur l'affiche et qui diffère notablement de la représentation géométrique de la tour tokyoïte s'inscrit naturellement dans l'environnement new-yorkais qui lui est propre ;

Que le grief de contrefaçon ne peut donc être retenu ;

Sur l'affiche "Brooklyn" :

Considérant que les appelantes (dont les conclusions contiennent en page 50 une représentation de cette affiche) se prévalent de ressemblances avec le dessin "Tokyo" tenant à la présence d'un fond noir, au dessin schématisé à partir de formes géométriques blanches uniquement, à la représentation d'un élément architectural spécifique permettant d'identifier la ville, par la représentation de traits blancs (l'utilisation du chiffre "5" servant uniquement à masquer la contrefaçon, selon elles) et à une même ligne de fuite entre les deux côtés du pont et les façades des immeubles en premier plan ;

Mais considérant qu'il suffit de se reporter aux caractéristiques telles que revendiquées par les appelantes, et reprises in extenso ci-avant, pour qualifier de particulièrement ténues les ressemblances entre le dessin "Tokyo" et cette affiche représentant la perspective qu'offre le pont de Brooklyn sur la chaussée et les tabliers duquel est inscrite en continuum la marque "Label 5" puisqu'elles se réduisent au contraste entre le blanc et le noir, la présence de deux lignes de fuite donnant à ces œuvres une perspective ; que leurs différences sont telles qu'il ne peut être considéré que cette affiche soit la contrefaçon du dessin "Tokyo" ;

Sur l'affiche "Hong-Kong Bay" :

Considérant que les appelantes (dont les conclusions contiennent en page 51 une représentation de cette affiche) font valoir que les ressemblances avec le dessin "Tokyo" portent sur la présence d'un fond noir, la reproduction d'immeubles en forme de gratte-ciel par des carrés et rectangles sur fond noir, donnant une même 'impression d'ensemble', ajoutant que la jonque et les lanternes représentées sont accessoires par rapport à la composition finale qu'elles ne modifient pas ;

Mais considérant que "l'impression d'ensemble" est, comme il a été dit, une notion étrangère au droit d'auteur et que la contrefaçon qui s'apprécie par les ressemblances ne peut être retenue que si une œuvre reprend, dans la même combinaison, l'ensemble des caractéristiques au fondement de l'originalité de l'œuvre première ; qu'en l'espèce, force est de considérer que les ressemblances se réduisent au contraste de noir et de blanc et à une même présence d'immeubles illuminés par des fenêtres blanches, mais disposés linéairement, dans un lointain horizon et selon des formes les plus variées sur l'affiche, fort éloignées de la représentation géométrique des immeubles composant le dessin "Tokyo" ; que, contrairement à ce qu'affirment les appelantes, les lampions et les jonques apparaissant au premier plan, sur-représentés, ne constituent pas des 'accessoires' mais des caractéristiques non négligeables de l'affiche ;

Qu'en l'absence, par conséquent, de reprise des caractéristiques du dessin "Tokyo", l'action en contrefaçon à ce titre ne peut prospérer ;

Sur l'affiche "London Bridge" :

Considérant que les appelantes (qui présentent cette œuvre en page 52 de leurs conclusions) soutiennent qu'elle contrefait le dessin "Tokyo" du fait de la figuration d'un fond noir, d'une représentation schématisée en blanc uniquement d'un monument à l'architecture spécifique symbole d'une capitale et de l'utilisation de repeints permettant une sur-accentuation par endroits dans le dessin ;

Mais considérant que les seules ressemblances entre les éléments caractérisant les deux œuvres opposées tiennent au contraste du noir de l'environnement et du blanc de l'éclairage ; qu'aucun immeuble, qu'aucune fenêtre ne sont représentés sur ce pont qui présente une silhouette ajourée et, du fait de la présence de filins, donne à voir des formes arrondies, absentes du dessin "Tokyo", si bien que cette affiche ne peut être qualifiée de contrefaisante ;

Sur les deux affiches World Mix (2012), visuels 1 et 2 :

Considérant que les appelantes (dont les conclusions contiennent en pages 53 et 54 deux illustrations de ces visuels) font valoir que le dessin "Tokyo" a été contrefait, incriminant, pour ce faire, la reprise d'un fond noir, la représentation de gratte-ciel de la ville afin de donner une impression de modernité, l'identité des traits de dessin, du travail sur l'architecture et l'expansion de la ville "avec impression d'ensemble identique", de l'accentuation par endroits avec des lignes de fuite identiques, ajoutant que si l'œuvre de Madame Aalto est "compressée", les mêmes traits n'en sont pas moins perceptibles ;

Mais considérant qu'hormis le contraste entre le fond noir et des éléments lumineux blancs et, par ailleurs, la présence d'immeubles mais de manière très lointaine dans ces deux affiches, la cour peine à trouver dans ces visuels une reprise de la combinaison des caractéristiques de ce dessin ; que la description qu'en fait la société COFEPP, à savoir : "une spectaculaire autoroute de dessins blancs de bouteilles et de verres sur fond noir qui se prolonge derrière la bouteille (visuel 1) ou dans la bouteille (visuel 2), ouverte de haut en bas, pour prendre la forme d'immeubles s'élançant vers le haut" met en évidence, comme le soutient l'intimée, des différences telles que, à ce nouveau titre, les appelantes échouent en leur action en contrefaçon ;

Sur l'affiche "Shanghai" :

Considérant, enfin, que les appelantes (dont les conclusions représentent, en page 49, ce visuel) incriminent à ce titre la reprise des caractéristiques tant du dessin "Tokyo" que du dessin "Stockholm" et tirent argument de la reprise du fond noir, de la représentation identique du dessin de l'immeuble du fond à droite situé sur l'affiche derrière la bouteille dans une forme étirée ou de l'étage surélevé d'un immeuble de premier plan ; que la reprise des éléments du dessin "Stockholm" tient, plus précisément, à la présence identique d'un dessin en pointillés, en demi-cercle, afin de représenter la route située en bas de la composition ; qu'elles indiquent que la substitution de "5" aux carrés et rectangles ne change rien à "l'impression d'ensemble" ;

Mais considérant qu'à admettre même cette présentation puisque le droit d'auteur n'a vocation qu'à protéger des œuvres précises, les seules ressemblances susceptibles d'être retenues portent sur le contraste du fond noir et de points lumineux figurés en blanc ainsi qu'à la présence d'une ligne courbe discontinue en bas du dessin "Stockholm" et de cette affiche ; que ces éléments présentent cependant des différences telles qu'elles se distinguent singulièrement des caractéristiques revendiquées, les immeubles n'épousant pas des formes géométriques et n'étant nullement imbriqués selon des tailles progressivement ascendantes mais se présentant de front et selon des hauteurs décroissantes et la ligne courbe incriminée, plus épaisse et moins incurvée étant constituée de "5" et non point de pointillés ;

Qu'ici aussi, la contrefaçon ne peut être retenue ;

Qu'il résulte, par conséquent, de tout ce qui précède que seule l'affiche rectangulaire "Manhattan 2" de format 4x3 peut être considérée comme contrefaisante en ce qu'elle n'a pas été visée dans le protocole conclu entre les parties en novembre 2009 mais cependant exploitée et en ce qu'elle reprend, dans la même combinaison, les caractéristiques fondant l'originalité du dessin "Tokyo" ;

Sur le parasitisme :

Considérant que les appelantes se prévalent subsidiairement de faits distincts de parasitisme commis à leur détriment, sans bourse délier, et reprochent aux sociétés intimées d'avoir délibérément repris, afin de garantir le succès des campagnes publicitaires menées, outre la notoriété attachée au nom de Madame Aalto, attestée par de nombreux documents relatifs à des manifestations durant lesquelles ses œuvres ont été exposées ou des articles de la presse européenne, l'ambiance, les formes et même le thème de ses œuvres ; qu'elles excipent, plus précisément, de l'utilisation du même traitement, avec cette même technique qui caractérise son œuvre, de représentations d'éléments blancs plus ou moins intenses mis en évidence par leur fond noir, de l'utilisation du même thème des villes ou monuments célèbres évoquant la modernité, avec même procédé de nommage, et de la reproduction à l'identique du même esprit ;

Considérant, ceci rappelé, que les appelantes disposent, comme il a été dit, d'un droit privatif sur les deux dessins revendiqués et que la cour a sanctionné la reprise non autorisée de la combinaison des caractéristiques formelles du dessin intitulé "Tokyo" dans l'affiche intitulée "Manhattan 2" et elle seule ; qu'elles ne peuvent à nouveau se prévaloir des caractéristiques formelles de ces deux œuvres et poursuivre, sur le terrain du parasitisme et le fondement de l'article 1382 du Code civil, la sanction de leur reprise en tirant argument des efforts créatifs que leur mise en forme leur a coûté ;

Qu'elles y ajoutent, certes, la reprise d'une thématique alliée au choix de nommer l'œuvre et de créer une ambiance urbaine nocturne ; qu'il s'agit cependant là d'un concept de libre disposition dont la reprise, pas plus qu'elle ne donne prise au droit d'auteur, ne peut être constitutive d'une appropriation fautive d'une valeur économique dans un contexte marqué par la liberté d'entreprendre, quand bien même les travaux de Madame Aalto, ce qui n'est au demeurant pas démontré et en tout cas contesté, seraient connus dans sa sphère d'activité, à savoir le design ;

Que, comme en première instance, les appelantes seront déboutées de leur demande fondée sur la faute civile ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que les appelantes poursuivent la majoration des indemnités qui leur ont été allouées par les premiers juges, Maître Penet-Weiller sollicitant, au titre de l'exploitation contrefaisante de l'affiche horizontale "Manhattan 2" l'allocation d'une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et Madame Aalto celle de la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral subi pour l'ensemble des douze affiches incriminées ;

Mais considérant que les éléments sur lesquels les appelantes s'appuient ne sont pas justifiés ni même chiffrés, s'agissant des gains manqués, pertes subies et redevances susceptibles d'être négociées ;

Qu'en revanche, c'est par motifs pertinents que la cour fait siens que le tribunal a évalué à 600 le nombre d'affiches contrefaisantes et leur durée d'exploitation, jugé que cette évaluation rendait inutile la demande de production de pièces par ailleurs sollicitée, estimé qu'une dilution de la valeur attractive des œuvres avait pu être causée, tenu compte du nombre d'affiches et des sommes retenues dans le cadre du protocole, considéré que n'était pas démontrée l'exploitation de l'œuvre contrefaisante sur internet, et fixé comme il l'a fait le montant de la réparation des préjudices, patrimonial et moral, respectivement subis par la société Iuk Box et Madame Aalto, en rejetant les demandes de réparation en nature, hormis, en tant que de besoin, celle qui portait sur l'affiche contrefaisante ;

Qu'il convient donc lieu de confirmer le jugement de ce chef, étant ajouté qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes versées en exécution de cette décision et que la garantie intégrale bénéficiant à la société COFEPP n'est pas contestée par la société TBWA ;

Sur les autres demandes :

Considérant, sur la demande indemnitaire à nouveau formée par la société COFEPP et fondée sur l'abus de procédure, que la teneur de la présente décision conduit à considérer que les appelantes ont pu, sans faute, ester en justice, si bien qu'elle sera déboutée de cette prétention et le jugement confirmé à ce titre ;

Considérant qu'en raison de la succombance partielle des parties, l'équité ne conduit pas à faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une quelconque d'entre elles ;

Que chacune supportera la charge de ses propres dépens ;

Par ces motifs, Ecarte des débats l'ensemble des 48 pièces tardivement communiquées par les appelantes en application de l'article 906 du Code de procédure civile ; Déclare irrecevable, comme nouvelle, la demande au titre de la responsabilité contractuelle formée à titre très subsidiaire par les appelantes, en application de l'article 564 du Code de procédure civile ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement, sauf en ce qu'il a déclaré "irrecevable" l'action en contrefaçon de l'œuvre intitulée "Stockholm", faute d'originalité démontrée de ce dessin, et, statuant à nouveau en y ajoutant ; Dit que le dessin "Stockholm" créé par Madame Elina Aalto et dont les droits patrimoniaux ont fait l'objet d'une cession à la société Iuk Box, représentée à l'instance par son mandataire-liquidateur, Madame Brigitte Penet-Weiller, est éligible à la protection instaurée par les Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle ; Déboute les parties de l'ensemble de leurs autres prétentions ; Rejette les demandes réciproques des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Laisse à chacune des parties à l'instance la charge de ses propres dépens d'appel.