CA Saint-Denis de la Reunion, ch. civ., 1 février 2013, n° 11-00276
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Créatis (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ferrière
Conseillers :
Mmes Raynaud, Jouarnard
Avocats :
Mes Antoine, Avril
LA COUR
La SA Créatis a signé avec la SA Panorimmo une convention de partenariat le 19 septembre 2001 aux termes de laquelle elle s'engageait à financer les prestations fournies par cette dernière à des personnes désireuses de vendre un bien moyennant la perception d'une commission.
Se prévalant d'un contrat de prêt souscrit le 8 décembre 2001, dans ce cadre, par Christian X d'un montant de 35 880 f (5 469,87 euro) destiné à financer une prestation de service confiée à la société Panorimmo et consistant dans la diffusion d'une offre de vente d'un bien immobilier, la SA Créatis a obtenu une ordonnance du 16 février 2004, enjoignant à Christian X à lui payer la somme de 5 469,87 euro avec intérêts aux taux légal à compter du 27 décembre 2002 outre les frais.
Sur opposition de Christian X, le Tribunal d'instance de Saint-Denis, par jugement du 18 décembre 2006, statuant au vu d'une expertise graphologique admettant l'authenticité de la signature de l'emprunteur, a toutefois débouté la SA Créatis de ses prétentions à défaut par elle de justifier le versement de la somme empruntée, la signature d'un contrat de prestation de service et que la vente de l'immeuble a été réalisée suite aux prestations fournies par Panorimmo.
La cour d'appel, saisie sur déclaration d'appel de la SA Créatis, dans un arrêt rendu le 28 novembre 2009 et après avoir invité les parties à s'expliquer sur les dispositions des articles L. 121-26 et L. 311-22 du Code de la consommation relatifs au démarchage à domicile, a condamné Christian X à payer à la SA Créatis la somme de 5 469,87 euro en principal et a débouté la SA Créatis du surplus de ses demandes en relevant que sont applicables, non pas les dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation qui régissent les ventes à domicile à crédit, mais celles résultant des articles L. 341-27 du Code monétaire et financier et L. 311-27 et L. 311-28 du Code de la consommation relatives aux crédits affectés et que ces dispositions n'interdisent pas la signature d'une autorisation de prélèvement sur compte bancaire ou postal.
Sur pourvoi de Christian X, la première Chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 6 janvier 2011 a cassé cette décision au motif :
" Qu'en statuant ainsi, quand l'offre de crédit acceptée le 8 décembre 2001, était soumise, en l'absence de réglementation alors applicable au démarchage relatif aux opérations de crédit conclues en vue de financer des biens et prestations de service, aux dispositions des articles L. 121-21 et suivant du Code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés, les premiers par refus d'application et les seconds par fausse application".
1- Dans ses dernières conclusions déposées le 27 mars 2012, Christian X demande à la cour d'appel de confirmer la décision qui a débouté la SA Créatis qui ne justifiait pas du versement de la somme qu'elle soutient lui avoir prêtée et que le bien avait été vendu suite à la prestation rendue par la société Panorimmo.
A titre subsidiaire, s'appuyant sur l'arrêt rendu par la Cour de cassation, elle soutient que l'opération principale et son accessoire le crédit souscrit, sont intervenus lors d'un démarchage et qu'ainsi étaient interdites non seulement toute remise de fonds mais encore toute autorisation de prélèvement bancaire avant l'expiration du délai légal de rétractation et qu'ainsi doit être prononcée la nullité de l'offre de crédit. Il réclame la condamnation de la SA Créatis au paiement de la somme de 3 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
A titre infiniment subsidiaire il demande :
- que la SA Créatis soit invitée à s'expliquer sur le versement des prétendus fonds à un tiers alors qu'il s'agit d'un crédit à la consommation,
- qu'il lui soit donné acte qu'il a porté plainte pour escroquerie,
- que l'expertise graphologique soit annulée en l'absence de prestation de serment de l'expert,
- que soit désigné un nouvel expert inscrit auprès de la cour de cassation.
2- La SA Créatis a conclu par des écritures déposées le 15 novembre 2011 après signification au conseil de Christian X le 10 novembre, en demandant à la cour d'appel de déclarer irrecevable toute contestation relative à la prestation de service en l'absence en la cause de la SA Panorimmo et de réformer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de ses prétentions en condamnant Christian X à lui payer la somme de 5 469,87 euro avec intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2002 et celle de 48,61 euro au titre des frais.
A titre subsidiaire au cas où la cour d'appel viendrait annuler l'acte de prêt, de remettre les parties en leur état antérieur et de condamner Christian X à lui restituer la somme de 5 469,87 euro prêtée.
En toute hypothèse elle réclame sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens avec distraction au profit de Maître A.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 septembre 2012.
SUR CE :
Il résulte de l'examen des pièces versées au débat que le prêt octroyé par la SA Créatis à Christian X l'a été pour financer la prestation de service souscrite à titre principal avec la SA Panorimmo comme en fait foi la référence de l'ordre de mission n° 6483 sur l'acte de prêt, prestation qui de toute évidence a été commandée lors d'un démarchage à domicile comme en attestent la concomitance des dates de conclusions de ces actes, le lieu de conclusion des actes (Saint-Denis lieu du domicile de l'emprunteur) et l'objet du financement (crédit affecté). Il y est précisé que ce crédit octroyé sans intérêts devait être remboursé in fine par l'emprunteur soit lors de la vente de l'immeuble soit à l'expiration d'un délai de 24 mois si le bien n'était pas vendu et ce, par prélèvement d'office sur son compte bancaire ou postal.
Avant de se prononcer sur l'exécution de cette convention, doit être examinée la demande subsidiaire de l'intimé relative à son annulation.
L'opération principale résultant de la prestation de service commandée à la SA Panorimmo et son accessoire (son financement par la SA Créatis) étant intervenus à la suite d'un démarchage à domicile, ils se trouvent soumis aux dispositions de l'article L. 121-26 du Code de la consommation aux termes desquelles "avant l'expiration du délai de réflexion, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelconque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de service de quelque nature que ce soit.".
Il est traditionnellement jugé que l'autorisation de prélèvement bancaire doit être considérée comme une contrepartie au sens du texte précité et ce peu important qu'une telle autorisation puisse être révoquée par la suite par le signataire.
En l'espèce l'offre de prêt du 8 décembre 2001 mentionne une autorisation de remboursement par prélèvement automatique dont l'existence n'est pas contestée par la SA Créatis.
Elle doit donc être annulée et la SA Créatis ne peut pas prétendre au remboursement de la somme prêtée.
De même elle ne peut exiger, du fait de l'annulation du contrat de prêt, la restitution des fonds prêtés à Christian X qui ne les a pas perçus et qui ont été versés à la SA Panorimmo comme en fait foi la fiche comptable fournie par l'appelante.
Le jugement rendu le 18 décembre 2006 par le Tribunal d'instance de Saint-Denis sera donc confirmé en toutes ses dispositions par substitution de motifs.
La SA Créatis supportera les dépens. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée en vertu de ce texte à verser à Christian X une somme qu'il est équitable de fixer à 1700 euro.
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et sur renvoi de cassation. Confirme le jugement rendu le 8 décembre 2006 par le Tribunal d'instance de Saint-Denis en toutes ses dispositions par substitution de motifs. Y ajoutant Déclare nulle l'offre de prêt du 18 décembre 2001 et Déboute la SA Créatis de sa demande de restitution des fonds prêtés. Déboute la SA Créatis de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SA Créatis à verser à Christian X la somme de mille sept cents euros (1 700 euro) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la SA Créatis aux dépens.