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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 21 mars 2013, n° 12-01892

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Seguin

Défendeur :

Navarro

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Sadot

Conseillers :

Mmes Lefevre, Cléroy

Avocats :

Mes Patrimonio, Mingam

TI Paris, 16e arrdt., du 11 oct. 2011

11 octobre 2011

Par jugement réputé contradictoire en date du 11 octobre 2011, le Tribunal d'instance de Paris (16e arrondissement) a condamné Mme Florence Seguin à payer à M. Gérard Navarro la somme de 4 080 euro au titre de soins dentaires restés impayés, outre les intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2010, une indemnité de procédure de 600 euro et les dépens de l'instance.

Mme Florence Seguin a relevé appel de cette décision, le 31 janvier 2012. Dans le dernier état de ses conclusions du 1er août 2012, elle prie la cour de déclarer valable et non caduque sa déclaration d'appel, de débouter M. Gérard Navarro de l'intégralité de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 500 euro à titre de dommages et intérêts et de celle de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Elle prétend avoir régulièrement signifié ses conclusions d'appel, dans le délai de trois mois, par la voie électronique, relevant que ce mode de signification a d'ailleurs été utilisé par le conseil de son adversaire. Au fond, elle soutient que M. Gérard Navarro lui devait une information préalable sur le prix et le niveau de prise en charge, tant en vertu des articles L. 111-1 et L. 122-3 du Code de la consommation que de celui de l'article L. 111-3 (en réalité L. 1111-3) du Code de la santé publique. Elle retient que celui-ci ne justifie pas lui avoir adressé un devis ajoutant qu'il ne l'a pas avisé que les soins dentaires allaient atteindre un montant aussi exorbitant et relevant qu'il ne justifie d'ailleurs pas de la réalisation de prestations pour le montant réclamé. Elle nie que son accord sur le coût des prestations, excluant que celui-ci puisse être déduit du courrier adressé par son époux, celui-ci étant étranger au litige dont est saisie la cour. Elle relève enfin, que le devis présenté pour la première fois en cause d'appel n'est pas signé et que la preuve de la réalité des soins n'est pas apportée, ajoutant qu'en demandant le paiement de prestations consécutives à un constat nul, M. Gérard Navarro a commis un abus de droit dont elle sollicite la sanction.

Dans ses écritures du 27 juillet 2012, M. Gérard Navarro demande à la cour de constater l'irrégularité de la signification des conclusions d'appel et en conséquence de prononcer la caducité de la déclaration d'appel et de déclarer définitif le jugement déféré. Subsidiairement, il sollicite la confirmation du dit jugement sollicitant de la cour l'allocation d'une somme complémentaire de 500 euro pour appel abusif et d'une indemnité de procédure de 1 000 euro, les dépens étant mis à la charge de Mme Florence Seguin.

Il soutient l'irrégularité de la signification des conclusions d'appel de Mme Florence Seguin, par la voie électronique, en déduisant que faute de conclusions régulières dans le délai de l'article 908 du Code de procédure civile, sa déclaration d'appel est irrecevable.

Au fond, il relève que Mme Florence Seguin ne va pas jusqu'à affirmer que les soins dont le paiement est sollicité, ne lui ont pas été dispensés. Il dit lui avoir dispensé nombre de soins en janvier et février 2009, l'ayant au préalable adressée à un de ses confrères pour passer les examens préparatoires à la pose d'implants (l'analyse tomendisitométrique de la mandibule), Mme Florence Seguin n'ayant jamais répondu à ses relances et mises en demeure et étant d'ailleurs défaillante devant le premier juge. Il fait valoir qu'il lui a remis un devis, dont il ne retrouve pas l'exemplaire signé, mais qui a nécessairement été accepté par sa patiente puisqu'elle est venue recevoir les soins qui y figuraient. Il conteste dès lors l'absence de commande préalable, affirmant que le mail que lui a adressé l'époux de Mme Florence Seguin évoque les modalités de remboursement des soins de celle-ci et n'émet aucune contestation quant à leur coût. Il estime être confronté à un défaut de paiement qu'il doit, comme d'autres, faire sanctionner en justice.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la demande de constatation de la caducité de l'appel en conséquence du non-respect par l'appelant des dispositions de l'article 908 du Code de procédure civile doit être présentée devant le conseiller chargé de la mise en état ; qu'il convient donc de déclarer irrecevable la prétention formée de ce chef seulement devant la cour par M. Gérard Navarro, étant relevé que les conseils de l'une et l'autre des parties ont signifié leurs conclusions par la voie électronique, ce dont il peut être déduit qu'ils avaient préalablement expressément consenti à ce mode de signification ainsi que le prévoit l'article 748-2 du Code de procédure civile, ce qui exclut que M. Gérard Navarro puisse se prévaloir d'une quelconque irrégularité ;

Considérant que Mme Florence Seguin ne dément à aucun moment que M. Gérard Navarro lui a prodigué les soins, objet de la facture contestée ; qu'elle se contente, lorsqu'elle affirme l'insuffisance de la preuve apporter par M. Gérard Navarro de relever qu'elle n'a jamais été avisée du coût des prestations, disant notamment que le devis présenté en cause d'appel " n'a pas été porté à sa connaissance avant la réalisation des prestations ", M. Gérard Navarro étant dans l'incapacité de prouver qu'elle aurait donné son accord sur le montant réclamé (page 5) ;

Que les dispositions des articles L. 111-1 et L. 122-3 du Code de la consommation qui pour le premier pose le principe d'une information préalable du consommateur par le professionnel vendeur de biens ou prestataire de services et pour le second prohibe certaines pratiques commerciales comme celle communément désignée sous le terme d'envoi forcé, n'ont pas vocation à régir les relations entre un patient et un professionnel de santé organisées par des dispositions du Code de la santé publique, étant relevé que l'absence de commande, qui ne doit pas être assimilée à l'absence d'écrit, ne peut être retenue s'agissant de soins dentaires qui supposent sinon la participation active du patient à tout le moins qu'il se rende aux rendez-vous fixés par le praticien ;

Considérant que Mme Florence Seguin prétend également à l'application des dispositions de l'article L. 1111-3 du Code de la santé publique, dans sa rédaction applicable avant la loi du 10 août 2011 ; que selon ce texte, "les professionnels de santé d'exercice libéral doivent, avant l'exécution d'un acte, informer le patient de son coût et des conditions de son remboursement par les régimes obligatoires d'assurance maladie (...). Une information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués ainsi que la nature et le montant du dépassement facturé doit être obligatoirement remise par le professionnel de santé à son patient dès lors que ses honoraires dépassent un seuil fixé par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la sécurité sociale, sauf si le professionnel prescrit un acte à réaliser lors d'une consultation ultérieure, auquel cas il est tenu de remettre à son patient l'information préalable susmentionnée, y compris si ses honoraires sont inférieurs au seuil fixé par l'arrêté précité. L'inobservation de cette obligation peut faire l'objet d'une sanction financière égale au dépassement facturé, mise en œuvre selon la procédure mentionnée à l'article L. 162-1-14 du Code de la sécurité sociale" ;

Que le devis présenté par M. Gérard Navarro n'est pas signé par Mme Florence Seguin, la cour ne peut que constater non seulement la violation de cette disposition légale mais aussi l'absence de preuve d'un accord des parties sur le prix des soins, étant rappelé que la fixation du prix n'est pas une condition de validité du contrat de louage de services ; que dès lors, la cour ne peut pas, comme le sollicite l'appelante, rejeter la demande en paiement dont elle est saisie, au seul motif qu'il n'y aurait pas eu de devis écrit, qu'il lui appartient de déterminer le montant des honoraires dus au praticien eu égard à l'étendue des services fournis et à sa qualification professionnelle ;

Qu'il convient donc d'ordonner une consultation dans les termes du dispositif ci-dessous et ce aux frais avancés de M. Gérard Navarro qui y a principalement intérêt ;

Par ces motifs : Déboute M. Gérard Navarro de sa demande tendant à voir constater la caducité de l'appel de Mme Florence Seguin et, de ce fait, le caractère définitif de la décision déférée ; Sur le surplus, avant dire droit : Ordonne une consultation ; Commet pour y procéder Manoux Sylvie <adresse> <tél> <email> avec pour mission : Se faire remettre la facture présentée par M. Gérard Navarro et le " certificat " établi le 10 juin 2010 ainsi que, après avoir recueilli l'accord de Mme Florence Seguin le dossier dentaire tenu par M. Gérard Navarro Décrire les soins prodigués à Mme Florence Seguin au regard de son dossier dentaire et des pièces précitées (facture et certificat) et en cas de refus de Mme Florence Seguin de voir communiquer son dossier dentaire, sur ces seules pièces ; Préciser eu égard à la nomenclature de la sécurité sociale applicable au jour de la réalisation des soins, leur tarification ainsi que les tarifs communément pratiqués par les chirurgiens-dentistes parisiens (au besoin sous forme de " fourchette ") ; Donner son avis sur les sommes facturées en prenant en compte le service fourni, la qualification professionnelle et la notoriété du praticien ; Dit que M. Gérard Navarro sera tenu de verser au consultant, la somme de 1 500 euro à valoir sur sa rémunération avant le 1er juin 2013 et dit que le technicien déposera sa consultation au greffe de la chambre, avant le 1er octobre 2013 ; Réserve les dépens.