CA Paris, 14e ch. B, 15 juin 2007, n° 06-22236
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Magimix (SARL)
Défendeur :
Billpa (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Feydeau
Conseillers :
Mmes Provost-Lopin, Darbois
Avocats :
SCP Bourdais-Virenque-Oudinot, SCP Gerigny-Freneaux, Mes Greffe, Frenaux
Vu l'appel formé le 19 décembre 2006 par la SAS Magimix de l'ordonnance de référé rendue le 28 novembre 2006 par le président du tribunal de commerce de Paris qui, au visa de l'article 873 du nouveau code de procédure civile, lui a ordonné d'honorer, dans les conditions de tarifs et de délais habituels entre les parties, les commandes n° 9567, 9641 et 9721 de la société Billpa et toutes autres commandes qui lui seront passées par cette société pendant une durée de six mois sous astreinte de 1 000 euro par jour de retard pendant 60 jours à compter de la huitaine de la signification de l'ordonnance, a dit qu'il lui en sera référé pour la liquidation et/ou le renouvellement de l'astreinte, a rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties et l'a condamnée aux dépens et à payer à la SARL Billpa la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 22 février 2007 de l'appelante tendant, par voie d'infirmation, au rejet de l'ensemble des demandes formées par la société Billpa et à la condamnation de cette dernière au paiement des sommes de 15 000 euro pour procédure abusive et de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les conclusions en date du 25 avril 2007 de l'intimée tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise, au rejet des demandes de la société Magimix et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Sur ce, La Cour,
Considérant qu'il ressort des écritures des parties et des pièces versées aux débats que la SARL Billpa, qui exerce une activité de grossiste dans le domaine de la distribution de produits électroniques et électroménagers pour le grand public, est cliente depuis plusieurs années de la SAS Magimix, exerçant le commerce de petits appareils électroménagers, en particulier de machines à café expresso dont elle est leader sur le marché ;
Qu'en 2002, le fils des créateurs de la société Billpa a constitué la SARL MACBIL, pour exercer une activité de distribution au détail de produits électroniques et électroménagers par l'intermédiaire du réseau Internet, dont le principal fournisseur est la société Billpa avec laquelle elle partage ses locaux ;
Qu'à la suite de la campagne publicitaire effectuée au mois de novembre 2005 à l'occasion des fêtes de fin d'année, par la société Macbil offrant à la vente, notamment, les machines à café expresso Magimix, la société Magimix a, par acte du 1er décembre 2005 , saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une action en contrefaçon de marque, publicité mensongère et concurrence déloyale ;
Qu'elle a, en outre, par lettre du 22 décembre 2005, refusé de donner suite à la commande n° 7594 de la société Billpa portant sur 1 000 cafetières Nespresso M 100 ;
Qu'après reprise des livraisons durant les premiers mois de l'année 2006, la société Magimix a, par lettres des 2 octobre et 6 novembre 2006 -répondant à une mise en demeure du 25 octobre-, refusé d'honorer respectivement sept commandes portant sur 410 cafetières et trois commandes portant, notamment, sur 213, 5 et 12 cafetières ;
Que c'est dans ces conditions, que la société Billpa a saisi le juge des référés d'une demande tendant, sur le fondement des articles L. 420-1 et L. 420-7 du code de commerce, 81 du traité CE, L. 442-6 du code de commerce et 873 du nouveau code de procédure civile, à ce qu'il soit, notamment, ordonné sous astreinte à la société Magimix d'honorer les trois dernières commandes susvisées et toutes autres commandes pendant une durée de six mois ;
Considérant qu'au soutien de son appel de l'ordonnance qui a fait droit à cette demande, la société Magimix fait valoir, pour l'essentiel, que le refus de vente qu'elle a opposé à la société Billpa était justifié et qu'elle a décidé de recourir depuis le 1er janvier 2007 à la distribution sélective de ses produits ;
Considérant que, si le refus de vente, qui repose sur la liberté contractuelle, ne constitue pas, en soi, une faute et que celui qui l'oppose n'a pas à en donner le motif, il dégénère en abus s'il intervient sans qu'aucune circonstance ne justifie une brusque interruption des relations contractuelles ;
Considérant qu'il ressort des courriers échangés entre les parties que la société Magimix a refusé d'honorer des commandes qu'elle estimait d'une importance anormale et sans rapport avec l'activité habituelle de la société Billpa et en raison du fait qu'elle aurait identifié celle-ci comme étant le principal fournisseur de la société MACBIL à l'encontre de laquelle elle avait engagé la procédure susvisée ;
Considérant, cependant, que les commandes litigieuses ont été passées par la société Billpa à partir du mois de septembre 2006 et portaient sur 640 cafetières et divers autres articles, dans la prévision des fêtes de fin d'année ;
Que devant le succès important que connaît auprès du public la machine à café expresso, la quantité d'articles commandés n'apparaît ni anormal ni disproportionné avec l'activité habituelle de ladite société qui, en sa qualité de grossiste en produits électroménagers, réalise ses meilleurs résultats en fin d'année et doit être en mesure de répondre, au cours de la même période, aux sollicitations de ses propres clients distributeurs ;
Que, par ailleurs, si l'intimée ne conteste pas être le principal fournisseur de la société MACBIL, elle est cependant étrangère à la procédure engagée à l'encontre de cette dernière par la société Magimix du fait de l'offre de sa machine à café et n'a pas à en subir les conséquences pour les autres produits qu'elle propose à la vente ;
Qu'enfin, le réseau de distribution sélective n'ayant été mis en place qu'à compter du 1er janvier 2007, le refus d'honorer les commandes ne pouvait être justifié par le fait que la société Billpa revend les produits à un distributeur pratiquant la vente au détail en ligne ;
Que, dans ces conditions, le refus de vente, qui a mis brusquement un terme à des relations anciennes, se révèle abusif et a causé à la société Billpa un trouble manifestement illicite ;
Considérant que les pouvoirs conférés au juge des référés par l'article 873 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile de prononcer les mesures de remise en état qui s'imposent pour faire cesser un tel trouble l'autorise à prescrire la continuation des relations commerciales irrégulièrement rompues ;
Qu'il y a lieu, en conséquence, par ces motifs se substituant à ceux du premier juge, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné à la société Magimix d'honorer, dans les conditions de tarifs et de délais habituels entre les parties, les commandes n° 9567, 9641 et 9721 de la société Billpa et toutes autres commandes qui lui seront passées par cette société sauf à limiter la durée de cette mesure au 31 décembre 2006 ;
Qu'en effet, la décision de mise en place du réseau de distribution sélective s'imposant à tous les partenaires de la société appelante, la société Billpa n'établit pas le caractère discriminatoire de cette mesure à son égard, de sorte que, le caractère illicite du trouble allégué n'étant plus manifeste à compter de la date précitée, elle est mal fondée à solliciter la poursuite, après le 31 décembre 2006, des relations commerciales aux conditions antérieures ;
Considérant que le sens de cet arrêt conduit à confirmer l'ordonnance pour le surplus et, chacune des parties obtenant partiellement gain de cause en appel, à leur laisser la charge de leurs propres dépens d'appel, à rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par l'appelante ainsi que les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs, Confirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne la durée de la mesure ordonnée ; Statuant à nouveau de ce chef, Limite la mesure ordonnée à la SAS Magimix aux commandes passées par la SARL Billpa jusqu'au 31 décembre 2006 ; Rejette la demande de dommages-intérêts formée par la SAS Magimix ; Rejette les demandes formées en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.