Livv
Décisions

CA Rouen, 2e ch., 2 février 2006, n° 04-02799

ROUEN

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bignon

Conseillers :

M. Lottin, Mme Lagrange

Avocats :

SCP Duval Bart, Me Couppey

TI Pont-Audemer, du 18 mai 2004

18 mai 2004

Exposé du litige :

Selon un devis signé par M. X, M. Y, exerçant notamment une activité de terrassements et de démolitions, s'est engagé, gratuitement, à intervenir avec des engins pour enlever du compost de lapins se trouvant dans trois bâtiments appartenant à M. X, à démolir des murs où étaient posées des cages à lapins à l'intérieur de ses bâtiments, ces matériaux devant être déposés et nivelés sur une plate-forme extérieure, et à transporter le compost de lapins, ce compost restant sa propriété.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 17 janvier 2003, et déposée aux services de la poste le 18 février 2003, M. Y a mis en demeure M. X de lui payer trois factures impayées des 31 décembre 2001 (n° 278 d'un montant de 2 840,50 F, soit 433,03 euro), 30 novembre 2002 (n° 703 d'un montant de 3 588 euro) et 17 février 2003 (n° 723 d'un montant de 1 435,20 euro), correspondant à la mise en place et au compactage de silex et de "tout venant" sous ses bâtiments, mentionnant le paiement d'un acompte de 1 220 euro sur la facture du 30 novembre 2002.

Par acte d'huissier en date du 18 avril 2003, M. Y a assigné M. X en paiement d'une somme de 4 236,23 euro au titre des factures partiellement payées.

Le 22 août 2003, M. X a payé une somme de 215,20 euro.

Devant le tribunal, M. X a, notamment, invoqué la nullité de l'assignation, les dispositions de l'article L. 122-3 du Code de la consommation, réclamé la restitution de la somme de 1 220 euro versée à titre d'acompte et la condamnation de M. Y à retirer le compost déposé devant sa propriété.

M. Y a invoqué la nullité de la convention du 17 juillet 2001 en soutenant que le compost étant impropre à tout usage horticole, il y avait erreur sur la qualité substantielle de la contrepartie prévue et donc un enrichissement sans cause de M. X.

Par jugement rendu le 18 mai 2004, le Tribunal d'instance de Pont-Audemer a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation invoquée par M. X,

- débouté M. Y de sa demande en paiement, faute de démontrer l'existence d'une obligation de M. X,

- condamné M. Y à restituer à M. X la somme de 1 435,20 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné M. Y, sous astreinte provisoire de 10 euro par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement, à retirer à ses frais le compost déposé devant la propriété de M. X,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné M. Y à payer les dépens et à payer à M. X la somme de 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

M. Y a interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 3 septembre 2004, le Tribunal de commerce de Lisieux a ouvert la procédure de redressement judiciaire de M. Y.

Pour l'exposé des prétentions et moyens de l'appelant, il est renvoyé aux conclusions de M. Y et de M. Z, représentant des créanciers au redressement judiciaire de M. Y, du 1er août 2005.

Bien que régulièrement assigné par acte d'huissier délivré à sa personne le 25 août 2005, M. X n'a pas régulièrement constitué avoué avant le prononcé de l'ordonnance de clôture en date du 18 novembre 2005. Il sera donc statué par arrêt réputé contradictoire.

Sur ce, LA COUR,

Sur la convention du 17 juillet 2001 et la condamnation prononcée au profit de M. X :

Attendu que M. Y expose que le devis du 17 juillet 2001, signé par M. X, prévoit qu'il interviendra pour l'enlèvement du compost de lapins se trouvant dans les trois bâtiments, la démolition des murs où étaient posées les cages à lapins à l'intérieur de ceux-ci, les matériaux étant déposés et nivelés sur la plate-forme extérieure créée et, qu'en contrepartie de la gratuité des travaux, le compost de lapins qu'il devait transporter resterait sa propriété ;

Qu'il prétend que M. X lui avait vanté les qualités de son compost qui, selon lui, avait une valeur marchande alors que ce compost s'est révélé sans aucune valeur, de sorte que son consentement a été vicié ;

Qu'il fait valoir, en outre, que M. X n'a pas déclaré sa créance au passif ;

Attendu, ceci étant exposé, qu'à considérer même que M. Y ait fait de la valeur marchande du compost un élément essentiel de son engagement, aucune pièce ne démontre que le compost litigieux en était dépourvu ;

Qu'il s'ensuit que la demande tendant à l'annulation de la convention conclue le 17 juillet 2001 sera rejetée ;

Attendu, toutefois, que M. Y fait l'objet d'une procédure collective ouverte par un jugement du 3 septembre 2004 ; que les dispositions du jugement ayant prononcé des condamnations au profit de M. X ne peuvent qu'être infirmées ;

Attendu que M. X n'ayant pas déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire de M. Y au titre de l'enlèvement du compost de lapins, la créance est éteinte ;

Sur la demande tendant au paiement des factures partiellement payées :

Attendu que M. Y expose qu'après les travaux d'enlèvement du compost et de démolition, il a effectué des travaux de reprises, de mise en place et de compactage de matériaux ("tout venant") préalablement livrés ; qu'il prétend que ces travaux, qui n'ont fait l'objet d'aucun devis, ont fait l'objet de trois factures en dates des 31 décembre 2001, 30 novembre 2002 et 17 février 2003 ;

Attendu que, pour décider que les dispositions de l'article L. 122-3 du Code de la consommation sont en l'espèce applicables, le tribunal a retenu que M. Y est un professionnel du terrassement, alors que M. X est désigné dans le devis du 17 juillet 2001 en son nom personnel ;

Attendu, cependant, qu'il est constant que M. X exerce son activité à titre individuel ;

Qu'il résulte de ses conclusions mêmes devant le premier juge qu'au moment où les travaux ont été réalisés, M. X cessait son activité d'éleveur de lapins pour se consacrer à une activité d'hivernage de caravanes et de camping-cars et que les travaux litigieux ont été entrepris à l'effet d'aménager les hangars pour l'exercice de cette activité ;

Qu'au surplus, M. Y justifie que M. X exerce actuellement cette activité ;

Qu'il s'ensuit que les dispositions de l'article L. 122-3 du Code de la consommation ne trouvent pas à s'appliquer, les travaux litigieux ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle de M. X ;

Attendu, surabondamment, qu'après l'exécution des travaux, M. X a effectué un paiement partiel de 1 220 euro ; qu'après l'introduction de l'instance, M. X a encore payé la somme de 215,20 euro ;

Qu'ayant partiellement payé les travaux exécutés, M. X ne peut sérieusement dénier les avoir expressément commandés ;

Qu'il s'ensuit que les dispositions du jugement ayant débouté M. Y de sa demande en paiement et l'ayant condamné à restituer à M. X la somme de 1 435,20 euro seront infirmées ;

Que M. X sera condamné à payer à M. Y le solde des travaux restant dus, soit la somme de 4 021,03 euro ;

Attendu que seul l'avis de dépôt, en date du 18 février 2003, de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception est produit et non l'avis de réception par le destinataire ;

Que, dès lors, les intérêts au taux légal seront alloués à compter de l'assignation du 18 avril 2003 ;

Par ces motifs : Infirme le jugement entrepris sauf en celle de ses dispositions ayant rejeté l'exception de nullité de l'assignation ; Et statuant à nouveau pour le surplus, Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 4 021,03 euro avec les intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2003, Déboute M. Y de sa demande tendant à l'annulation de la convention conclue le 18 juillet 2001, Déclare éteinte la créance de M. X à l'encontre de M. Y ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. X à payer à M. Y la somme de 200 euro ; Condamne M. X à payer les dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.