Livv
Décisions

Cass. com., 25 mars 2014, n° 13-13.705

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

SFR (SA), Corbion

Défendeur :

Féridis (SARL), Ange

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Tréard

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton

Angers, 1re ch., sect. A, du 23 oct. 201…

23 octobre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 23 octobre 2012), que pour les besoins de l'exploitation de son réseau de radiotéléphonie mobile, la société Française du radiotéléphone (la société SFR) a obtenu de divers propriétaires de parcelles de terre une convention de mise à disposition d'un emplacement destiné à accueillir ses installations de télécommunication ; qu'estimant que ses cocontractants avaient été démarchés en vue d'acquérir les emplacements mis à sa disposition de manière à la fois irrégulière et déloyale, par un ancien salarié, M. Angé, et la société Féridis, la société SFR et MM. Corbion les ont tous deux fait assigner pour voir déclarer nul le contrat conclu avec la société Féridis et obtenir le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant d'une concurrence déloyale ou parasitaire ;

Sur le second moyen : - Attendu que la société SFR et MM. Corbion font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société SFR à l'encontre de la société Féridis et de M. Angé, alors, selon le moyen : 1°) que le seul fait pour un opérateur économique de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise suffit à établir le parasitisme ; qu'en affirmant que le parasitisme économique suppose de profiter du savoir-faire et des investissements d'une entreprise, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) constitue du parasitisme le fait de se placer dans le sillage d'une société en tirant profit de sa notoriété ; qu'il n'est pas nécessaire que la société parasitée justifie avoir conçu et développé un concept original dans son domaine d'activité ou qu'elle bénéficie d'un droit exclusif ; qu'en retenant, pour exclure tout parasitisme, " qu'il faut que soit préalablement établie l'existence d'une technique ayant nécessité des efforts tant intellectuels que financiers importants et représentant une valeur économique importante " ou encore que " la société SFR ne bénéficiait d'aucun contrat d'exclusivité avec les propriétaires de ces emplacements ", la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3°) qu'en se bornant à affirmer que la société Féridis n'avait pas cherché à se placer dans le sillage de la société SFR, sans vérifier comme elle y avait été invitée, si l'opération d'achat des terrains loués à SFR n'était pas subordonnée au maintien des baux en cours avec SFR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que les bailleurs de la société SFR ont été déterminés dans leur choix de vendre leurs parcelles par le prix qui leur a été proposé plus que par l'identité de leur acquéreur, ce dont il résultait que la transaction reprochée procédait d'un autre motif que l'usurpation de la notoriété du réseau SFR, et relevé qu'aucune clause d'exclusivité n'était imposée aux propriétaires des parcelles au bénéfice de la société SFR, de sorte que la cession de ces terrains était soumise au jeu de la libre concurrence, peu important que le maintien des baux en cours fût une condition déterminante pour leur acquéreur, la cour d'appel en a justement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations et appréciations rendaient inopérantes, que les actes de parasitisme allégués n'étaient pas caractérisés ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que le bien-fondé d'une action en concurrence déloyale est subordonné à l'existence d'un fait fautif générateur d'un préjudice ; Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts fondée sur un démarchage des bailleurs de la société SFR intervenu en méconnaissance de la loyauté voulue par les usages, l'arrêt énonce que l'action en concurrence déloyale ne peut être admise que lorsqu'il apparaît qu'une entreprise a cherché à profiter de manière illégitime de la réputation d'autrui, le risque de confusion trouvant sa source dans une imitation, et retient qu'il n'existe aucun risque de cette nature entre la société SFR, exploitant un réseau de radiotéléphonie, et la société Féridis, marchand de biens ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ajouté à la loi une restriction qu'il ne contient pas, a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de la société SFR formée à l'encontre de la société Féridis et de M. Angé au titre d'une concurrence déloyale, l'arrêt n° 268 rendu le 23 octobre 2012 entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rennes.