Cass. com., 26 novembre 2013, n° 12-25.191
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Safe & Web Company (Sté), Centre équestre de La Serre (Sté)
Défendeur :
Locam (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Blondel, SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament
LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Safe & Web Company que sur le pourvoi provoqué relevé par la société Centre équestre de La Serre ; - Donne acte à la société Safe & Web Company du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Locam ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 24 mai 2012), que par actes du 28 mai 1999 la société Centre équestre de La Serre a conclu auprès de la société Safe & Web Company (la société Safe & Web) un contrat de prestation de services internet et une convention de location financière de matériels et de logiciels ; que ce second contrat a été cédé par la société Safe & Web à la société Locam ; que des difficultés étant survenues relativement au bon fonctionnement du site internet, la société Centre équestre de La Serre, après s'être plainte auprès de la société Safe & Web et s'être abstenue de régler les redevances de location, a fait assigner les sociétés Safe & Web et Locam en annulation des deux contrats pour défaut de cause réelle et sérieuse, subsidiairement en résolution du contrat de prestations de services et en résiliation du contrat de location financière ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal en ce qu'il est dirigé contre la société Centre équestre de La Serre : - Attendu que la société Safe & Web fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la résolution du contrat de prestation de services et de l'avoir condamnée au paiement de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1°) que la réception sans réserve d'un site internet couvre ses défauts de conformité apparents ; que la cour d'appel qui, pour prononcer la résolution du contrat de prestations de services conclu entre la société Safe and Web et la société Centre équestre de La Serre et condamner la première à verser à la seconde des dommages et intérêts, s'est bornée, après avoir relevé que les parties avaient signé un procès-verbal de réception sans émettre aucune réserve, à relever, d'une part, que le site internet ne fonctionnait pas et d'autre part, que la conformité d'un site internet ne peut s'apprécier au moment de la seule démonstration mais exige une utilisation d'une certaine durée, sans préciser la nature des défauts affectant le site internet et sans rechercher concrètement si ces derniers pouvaient ou non être décelés lors de la réception, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil ; 2°) que le caractère apparent du défaut affectant l'ouvrage livré s'apprécie in concreto au regard des compétences et connaissances du maître de l'ouvrage ; qu'en se bornant, pour prononcer la résolution du contrat de prestations de services conclu entre la société Safe and Web et la société Centre équestre de La Serre et condamner la première à verser à la seconde des dommages-intérêts, à relever que la conformité d'un site internet ne peut s'apprécier au moment de la seule démonstration mais exige une utilisation d'une certaine durée et que la société Safe and Web n'apportait aucun élément sur les visites et démarches effectuées antérieurement à la livraison et leurs comptes-rendus, quand la mise en œuvre d'un site internet nécessite une maquette, des essais, des ajustements , sans rechercher, comme l'y invitait expressément l'exposante, si la société Centre équestre de La Serre n'avait pas reconnu, après la démonstration du site, lors de la signature du procès-verbal de réception, être parfaitement informée des modalités d'utilisation du site de sorte qu'elle était en mesure de déceler les défauts affectant ce dernier lors de la réception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1184 du Code civil ;
Mais attendu que l'obligation de délivrance de produits complexes n'est pleinement exécutée qu'une fois réalisée la mise au point effective de la chose vendue ; qu'après avoir analysé les correspondances échangées et le constat d'huissier de justice dressé le 1er février 2010, l'arrêt retient qu'en dépit des protestations formulées, tant avant qu'après la signature du procès-verbal de livraison, par la société Centre équestre de La Serre sur l'absence de conformité des matériels et progiciels et sur la mise en œuvre du site, la société Safe & Web n'avait pas réagi aux réclamations de sa cliente; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire, sans procéder à la recherche visée par la seconde branche, que la société Safe & Web avait failli à son obligation de délivrance et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la recevabilité du pourvoi provoqué de la société Centre équestre de La Serre, contestée par la société Locam : - Attendu que la société Locam conteste la recevabilité du pourvoi provoqué de la société Centre équestre de La Serre au motif qu'il a été formé après que la société Safe & Web, demanderesse au pourvoi principal, se fut désistée de son pourvoi en ce qu'il était dirigé contre la société Locam ;
Mais attendu qu'en application des articles 549, 614 et 1010 du Code de procédure civile, le pourvoi provoqué formé dans le délai du mémoire en défense, par un défendeur contre un codéfendeur à l'égard duquel le demandeur principal s'est préalablement désisté, est recevable ;
Et sur le pourvoi provoqué, après avis donné aux parties : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que pour décider que le contrat de location financière cédé par la société Safe & Web à la société Locam est indépendant du contrat de prestations de services, la cour d'appel retient que l'article 2 c) des conditions générales stipule que les deux contrats sont indépendants ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les deux contrats s'inscrivaient dans une opération incluant une location financière ce dont il résultait que, ces deux contrats étant interdépendants, cet article devait être réputé non écrit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat liant la société Centre équestre de La Serre à la société Locam et condamné la première au paiement d'une indemnité de résiliation, l'arrêt rendu le 24 mai 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Bourges, autrement composée.