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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 17 mars 2014, n° 12-03602

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

L'ile aux fées (EURL)

Défendeur :

Selarl Corre et Courtoux (ès qual.), Mondys (EURL), Grenke Location (SAS), Mondys (EURL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Litique

Conseillers :

Mmes Wolf, Fabreguettes

Avocats :

Mes Spieser, Boucon

TI Strasbourg, du 11 mai 2012

11 mai 2012

Le 26 juin 2009, l'EURL Ile aux fées, qui exploite un commerce de textile à Paris, et la SAS Grenke Location ont signé un contrat de location de longue durée, en l'occurrence une durée ferme de 63 mois, portant sur un matériel de télésurveillance à usage professionnel, moyennant le paiement d'un loyer trimestriel de 460,70 euros.

Ce matériel a été fourni et installé par l'EURL Mondys.

A compter du 20 avril 2010, l'EURL Ile aux fées a cessé de régler les loyers et la SAS Grenke a dont procédé à la résiliation anticipée du contrat et demandé par mise en demeure le paiement des loyers échus impayés et à titre d'indemnité de résiliation les loyers à échoir, soit une créance totale de 7 192,63 euros, et la restitution du matériel loué.

La locataire n'ayant pas réagi, la SAS Grenke Location a assigné l'EURL Ile aux fées devant le Tribunal d'instance de Strasbourg pour demander sa condamnation à lui payer cette créance, avec les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, outre une somme de 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et à lui restituer sous astreinte le matériel visé au contrat de location.

L'EURL Ile aux fées a appelé en intervention forcée et en garantie l'EURL Mondys et par jugement en date du 11 mai 2012, le tribunal a fait droit à la demande de la SAS Grenke Location, sauf en ce qui concerne les frais non répétibles et a débouté l'EURL Ile aux fées de son appel en garantie formé contre l'EURL Mondys et de sa demande de résolution du contrat de vidéo surveillance et de maintenance signé avec cette société.

Il a aussi débouté l'EURL Mondys de sa demande en paiement des redevances non réglées en exécution du contrat de vidéo surveillance, à défaut de contrepartie et de clause prévoyant une indemnité en cas de résiliation anticipée.

L'EURL Ile aux fées a interjeté appel le 9 juillet 2012 et, après que l'appel ait été déclaré recevable par le conseiller chargé de la mise en état par ordonnance en date du 18 décembre 2012 et que la procédure ait été déclarée interrompue par ce même Magistrat le temps de la mise en cause du liquidateur de l'EURL Mondys, admise au bénéfice de la liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 12 septembre 2012, l'appelante a conclu à l'infirmation de ce jugement et demande :

- à titre principal la résolution du contrat la liant à l'EURL Mondys et, à raison du caractère indivisible des deux contrats, la résolution du contrat la liant à Grenke pour défaut de cause ou d'objet et le rejet des prétentions de cette société ;

- à titre subsidiaire que soit déclaré non écrit l'article 11 du contrat de location de longue durée de la société Grenke par application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation et le débouté de sa demande en versement d'une indemnité de résiliation ;

- à titre infiniment subsidiaire la réduction de la clause pénale que constitue cette clause au montant raisonnable de 261,90 euros.

Elle demande aussi en tout état de cause la condamnation de l'EURL Mondys à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et la condamnation de la SAS Grenke Location et de l'EURL Mondys aux entiers dépens et à lui payer solidairement une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en faisant valoir en substance que :

- elle a été démarchée par l'EURL Mondys pour l'installation d'une vidéosurveillance et la location du matériel et a donc signé deux contrats, un contrat d'abonnement de télésurveillance avec Mondys et un contrat de location de longue durée, les deux pour une durée de cinq ans et pour un loyer unique de 460,70 euros, mais a constaté le prélèvement dans ses comptes, outre du loyer convenu avec Grenke, de divers montants par Mondys ; ces prélèvements indus d'un montant total de 2 995 euros justifient la résiliation du contrat de vidéosurveillance et en raison de son interdépendance et de son indivisibilité la résiliation du contrat de location dès lors que c'est Mondys qui l'a mise en relation avec Grenke et que c'est un loyer unique aux deux sociétés qui a été convenu ;

- dès qu'elle a adressé une mise en demeure à Mondys pour demander la résiliation du contrat de vidéosurveillance, celle-ci a arrêté toute prestation et donc le matériel installé n'a plus d'utilité, ce qui prive le contrat de location d'objet et de cause ;

- elle doit être considérée comme un consommateur dès lors que l'objet du contrat n'avait pas de rapport direct avec son activité professionnelle et elle est donc fondée à invoquer sur le fondement du Code de la consommation le caractère abusif de la clause de résiliation insérée dans le contrat de location ;

- cette clause est en outre une clause pénale manifestement excessive.

La SAS Grenke Location demande la confirmation du jugement et la condamnation de l'EURL Ile aux fées aux entiers dépens et à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en soutenant pour l'essentiel que :

- elle ne peut se prononcer sur l'exécution du contrat de vidéosurveillance auquel elle n'est pas partie, mais ce contrat versé aux débats par l'EURL Mondys prévoit bien le versement de redevances de sorte qu'il n'y a pas eu faute contractuelle de cette dernière ;

- l'EURL Ile aux fées a convenu dans le contrat de location que le contrat était en rapport direct avec son activité professionnelle et que les biens étaient loués à usage professionnel, de sorte que la législation sur les clauses abusives ne peut trouver application ;

- l'EURL Ile aux fées n'avait aucun motif légitime à cesser le paiement des loyers mais elle a même cherché à induire le tribunal en erreur en ne produisant pas le contrat conclu avec Mondys et n'a toujours pas restitué le matériel ;

- l'indemnité de résiliation n'est pas excessive au regard de son préjudice puisqu'elle a payé le matériel loué, perdu le bénéfice escompté de la location et engagé de nombreux frais.

L'EURL Mondys, représentée par son liquidateur, la Selarl Corre et Courtoux, dûment assigné le 12 avril 2013, n'a pas constitué avocat.

Sur ce, LA COUR,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments,

Compte tenu des arguments développés par l'EURL Ile aux fées en cause d'appel, il sera d'abord statué sur l'action dirigée par elle à titre principal contre l'EURL Mondys avec les conséquences qu'elle entend en tirer, puis sur le bien-fondé de l'action de la SAS Grenke Location contre l'appelante.

- sur l'action dirigée par l'EURL Ile aux fées contre l'EURL Mondys

L'appelante reprend à hauteur d'appel sa demande de résolution judiciaire du contrat la liant à l'EURL Mondys, mais ne demande plus le remboursement par cette société de la somme de 2 995 euros qu'elle estimait lui avoir versée à tort.

Le premier juge a débouté l'EURL Ile aux fées de cette demande de résolution au constat qu'elle ne justifiait ni d'une inexécution fautive par l'EURL Mondys du contrat de prestations de services liant les deux sociétés, ni du fait qu'elle aurait payé une somme supérieure à celle convenue contractuellement avec cette société.

Il convient de relever que, alors que l'appelante ne produisait et ne produit toujours que des documents relatifs à la location du matériel, dont un "contrat/commande société" à l'en tête de Mondys prévoyant les modalités de cette location, avec droit pour cette dernière de céder ce contrat à l'organisme de financement de son choix, et le contrat souscrit par elle dans ce cadre avec la SAS Grenke Location après installation du matériel, l'EURL Mondys a produit après sa mise en cause un contrat distinct conclut entre elle et l'EURL Ile aux fées portant sur des prestations de télésurveillance, maintenance, télémaintenance et télémaintenance des lignes techniques moyennant le versement de quatre redevances annuelles sans rapport avec les loyers dus à Grenke pour la location du matériel.

L'EURL Ile aux fées ne justifie toujours pas à hauteur d'appel que ce contrat distinct dont elle avait d'abord tu l'existence n'aurait plus reçu exécution par la faute de l'EURL Mondys, alors qu'elle reconnaît que c'est elle qui a décidé unilatéralement d'arrêter tout paiement à compter d'avril 2010, tant au titre de la location du matériel que des prestations de surveillance que la société Mondys a alors interrompues.

Il n'existait donc pas de motif de prononcer la résolution demandée si ce n'est aux torts de l'EURL Ile aux fées puisqu'elle ne payait plus les redevances convenues.

Il sera néanmoins constaté que le contrat entre l'EURL Ile aux fées et l'EURL Mondys s'est trouvé rompu de plein droit par la liquidation judiciaire de cette société, qui n'est plus en mesure d'assurer les prestations prévues.

Il n'y a pas lieu pour autant de prononcer corrélativement la résolution judiciaire du contrat de location liant l'EURL Ile aux fées à la SAS Grenke Location, car il n'y a pas lieu de considérer que les deux contrats sont interdépendants.

Contrairement à ce que prétend l'appelante il n'avait pas été convenu d'une rémunération unique aux deux contrats, comme l'a prouvé la production par l'EURL Mondys du contrat de prestations de services, qui prévoit des redevances propres distinctes du loyer afférent à la location du matériel.

Par ailleurs, les deux contrats n'ont pas le même objet, celui conclut avec la SAS Grenke Location se limitant à la mise à disposition sous forme d'une location de longue durée du matériel de télésurveillance fourni et installé par l'EURL Mondys, l'autre concernant les prestations de télésurveillance et la maintenance de ce matériel, observation étant faite que ces services ne relevaient pas du domaine de compétence de la société Grenke et qu'en cas de défaillance de l'EURL Mondys ils pouvaient être confiés à une autre société de télésurveillance.

Enfin, le premier juge a à juste titre rappelé qu'il résulte des dispositions contractuelles liant l'EURL Ile aux fées à la SAS Grenke Location qui forment la loi des parties que le locataire a indiqué avoir choisi le matériel sous sa seule responsabilité, que la responsabilité du bailleur est exclue en cas de défaillance du fournisseur et qu'il était dans la commune intention des parties que les deux contrats de prestations de services et de louage soient divisibles et indépendants.

- sur l'action dirigée par la SAS Grenke Location contre l'EURL Ile aux fées

La SAS Grenke Location, comme l'a relevé le premier juge, a suffisamment justifié du bien-fondé de sa demande en produisant le contrat de location de longue durée du 25 juin 2009 la liant à l'EURL Ile aux fées, la confirmation de livraison du matériel signée par cette dernière le 26 juin 2009, la facture d'acquisition par elle-même auprès de Mondys du matériel en date du 29 juin 2009 et la mise en demeure adressée à la locataire le 18 juin 2010 pour lui demander le paiement des loyers en retard et de l'indemnité de résiliation correspondant aux mensualités à échoir en application de l'article 11 du contrat.

La clause contenue par cet article ne peut être considérée comme abusive dès lors que l'EURL Ile aux fées n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui ne s'applique pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales.

Il doit en effet être considéré que les prestations de télésurveillance confiées par elle à l'EURL Mondys, avec location du matériel correspondant, avaient un rapport direct avec son activité dans la mesure où elles avaient pour objet de protéger son commerce des vols et de tous incidents dommageables à l'entreprise.

Par ailleurs, si la disposition de l'article 11, librement acceptée par la locataire, constitue une clause pénale, la Cour estime que cette clause ne peut être considérée comme manifestement excessive et donc donner lieu à réduction en application des dispositions de l'article 1152 du Code civil dès lors que l'indemnité prévue n'excède pas en l'occurrence la légitime rémunération que la SAS Grenke Location pouvait espérer si le contrat s'était poursuivi jusqu'à son terme, sans incident de paiement du locataire.

Cette indemnité compense très exactement le préjudice financier subi par la bailleresse par suite de la résiliation anticipée du contrat du fait de la défaillance de la locataire.

En l'espèce, elle permet l'amortissement du coût du matériel que la société Grenke a payé au comptant pour la mettre à disposition de l'appelante et indemnise la perte du bénéfice qu'elle pouvait tirer de sa location.

Le jugement entrepris mérite donc confirmation en ce qu'il a condamné l'EURL Ile aux fées au paiement de l'entière créance réclamée par la SAS Grenke Location, soit la somme de 7 192,63 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2010, date de réception de la mise en demeure, ainsi qu'à restituer sous astreinte le matériel loué.

A défaut d'une interdépendance des contrats, il n'y a pas lieu à garantie de l'EURL Mondys pour le paiement de cette créance.

L'EURL Ile aux fées, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

L'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : Constate la résiliation du contrat de prestations de services liant l'EURL Ile aux fées à l'EURL Mondys du fait de la liquidation judiciaire de cette société ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Déboute les parties de leurs autres prétentions respectives ; Condamne l'EURL Ile aux fées aux dépens d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.