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Décisions

CA Nîmes, 1re ch. civ. A, 27 juin 2013, n° 12-04005

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Béthanie

Défendeur :

Desk Sud (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bruzy

Conseillers :

M. Berthet, Mme Hebrard

Avocats :

SCP Beraud-Lecat-Bouchet, Selarl Vajou, Me Renaud

TGI Privas, du 9 août 2012

9 août 2012

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 septembre 2012 l'association Béthanie a régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 9 août 2012 par le Tribunal de grande instance de Privas l'ayant condamnée à payer à la SAS Desk Sud la somme de 25 541,78 euro avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009 au titre de l'indemnité de résiliation anticipée due à la suite de la résiliation le 2 décembre 2009 de ses contrats de maintenance portant sur du matériel d'impression avec versement de loyers trimestriels signés le 20 octobre 2005 ainsi, après débouté de toutes ses prétentions, qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions du 21 mars 2013 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'appelante sollicite la cour au visa des articles L. 132-1 du Code de la consommation, 1134 alinéa 3 et 1152 du Code civil, de dire que l'indemnité de résiliation prévue au contrat de maintenance correspond à des clauses abusives, que les clauses III relative à la durée du contrat et IX relative à la résiliation de ce contrat, créent un véritable déséquilibre à son détriment et en conséquence de juger ces clauses réputées non écrites et de débouter la SAS Desk Sud de toutes ses demandes.

À titre subsidiaire, la cour jugera que la somme de 25 541,78 euro est admissible à la législation relative aux clauses pénales, que le montant prévu dans les conditions générales est égal à 1 525 euro TTC, que cette somme correspond à un montant disproportionné et qu'il devra être très fortement réduit par l'appréciation souveraine de la cour à 1 euro. La SAS Desk Sud sera condamnée aux entiers dépens avec distraction au profit de son conseil ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses écritures en réplique du 20 décembre 2012 auxquelles il est également explicitement renvoyé, la SAS Desk Sud, au visa des articles 1134, 1147, 1152 et 1184 du Code civil, L. 132-1 du Code de la consommation, conclut à titre principal, à l'inapplicabilité au cas d'espèce de la réglementation sur les clauses abusives, à la non qualification de clause pénale de la clause 9.2 prévoyant une indemnité de résiliation anticipée et en conséquence à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et au débouté de l'association Béthanie de l'intégralité de ses moyens, fins et conclusions.

À titre subsidiaire si la cour jugeait que la réglementation sur les clauses abusives est applicable et/ou qualifiait la clause 9.2 de clause pénale, celle-ci fera droit à son appel incident et jugera que les clauses des conditions générales des contrats de maintenance copies ne présentent pas de caractère abusif, que l'indemnité de résiliation anticipée ne présente pas de caractère excessif et en conséquence déboutera l'association Béthanie de ses demandes ;

En tout état de cause la cour condamnera l'association Béthanie au paiement de la somme de 25 541,78 euro outre intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009, au titre de l'indemnité de résiliation anticipée, déboutera cette association de toutes ses demandes et la condamnera aux entiers dépens de l'instance dont distraction profit de son conseil ainsi qu'à lui payer la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 12 avril 2013 avec effet différé au 17 avril 2013.

Sur ce,

Il n'est pas soumis à la cour par l'association Béthanie un moyen qui n'ait été examiné par le premier juge.

Aux termes des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Les parties s'accordent sur la non exclusion des personnes morales de la catégorie des non professionnels et sur la définition du professionnel qui est celui qui conclut un contrat ayant un rapport direct avec son activité professionnelle.

Au regard de ces éléments, l'association Béthanie soutient qu'elle intervient dans le domaine de l'éducation spécialisée, domaine totalement étranger au monde des imprimantes des photocopieurs, des vendeurs, loueurs ou réparateurs de photocopieurs et qu'en conséquence, le droit de la consommation et plus particulièrement l'article L. 132-1 précité lui est applicable.

En l'espèce cependant, la cour ne peut que constater que l'association Béthanie a signé le 20 octobre 2005 quatorze bons de commande auprès de la SAS Desk Sud portant sur des copieurs numériques avec chargeurs, magasins, meubles et serveurs réseaux, financés au moyen de locations avec option d'achat, avec contrat de maintenance copies d'une durée de 63 mois prenant effet au jour de l'installation des équipements.

L'objet du contrat, l'achat d'un matériel d'impression destiné tant à son siège social qu'à ses différents établissements en France, a bien un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par l'association Béthanie puisqu'il a été signé dans le cadre de cette activité professionnelle et qu'il permet incontestablement d'améliorer les conditions d'exercice de cette activité.

Dans ces conditions c'est à juste titre que le premier juge, par une motivation aucunement hésitante, a qualifié l'association Béthanie de " professionnel " et jugé que les dispositions du Code de la consommation et plus particulièrement l'article L. 132-1 de ce Code n'était pas applicable dans les relations contractuelles entre l'association Béthanie et la SAS Desk Sud.

Les conditions générales du contrat de maintenance copies stipulent au paragraphe III durée du contrat, que le contrat prend effet au jour de l'installation de l'équipement pour une durée irrévocable de 63 mois prévue aux conditions particulières. Ce contrat est renouvelable par tacite reconduction par période successive de 12 mois au-delà des 63 mois sauf si le client en a effectué la résiliation trois mois avant la date d'échéance par courrier recommandé avec accusé de réception.

L'article IX résiliation du contrat - 9.2 de ces mêmes conditions générales, ajoute qu'en cas de résiliation anticipée, et tel est le cas de l'association Béthanie par lettre recommandée avec avis de réception du 2 décembre 2009, une indemnité de résiliation est due par le client à la SAS Desk Sud qui se cumule avec les intérêts de retard et la clause pénale énoncée à l'article7 ainsi que les frais de retrait de l'équipement et indemnités sur consommables et/ou pièces non restituées conformément à l'article 8.3. Cette redevance relevé compteur est égale au chiffre d'affaires réalisé sur les 12 derniers mois à compter de la lettre de résiliation avec un montant minimum de 1 525 euro.

Soutenant que cette indemnité de résiliation constitue une clause pénale, l'association appelante sur le fondement de l'article 1152 du Code civil, requiert la modération de la peine prévue et sa réduction à 1 euro ou à tout le moins au montant minimum de 1 525 euro.

L'article 1152 du Code civil prévoit que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

Consacrée aux articles 1226 à 1233 du Code civil, la clause pénale se définit comme " la clause d'un contrat par laquelle les parties évaluent forfaitairement et à l'avance l' indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractée ".

L'article 1229, alinéa 1er du Code civil précise également que " la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale ".

Il est constant que le juge peut qualifier de clause pénale une stipulation non expressément nommée comme telle par les parties.

Cependant, la clause stipulant une indemnité pour le remboursement anticipé d'un prêt tel en l'espèce, ne peut être considérée comme une clause pénale puisque le remboursement anticipé ne constitue pas de la part de l'emprunteur une inexécution du contrat mais l'exercice d'une faculté convenue entre les parties, exercice qui dépend de la seule volonté de l'emprunteur. Une telle indemnité dans cette hypothèse de résiliation anticipée est destinée à indemniser le prêteur des conséquences économiques résultant du bouleversement de l'économie du contrat.

L'article 9.2 des conditions générales des contrats de maintenance copies justifie d'ailleurs cette indemnité de résiliation anticipée par le fait que le contrat tant par sa durée que par ses équipements entretenus a été à l'origine de l'engagement par Desk Sud de personnels hautement qualifiés et du maintien en stock de pièces détachées et de consommables afin de faire face à ses obligations contractuelles, et ce pendant la durée initialement prévue comme irrévocable du contrat.

La jurisprudence citée par l'appelante ne concerne que des situations où la défaillance de l'emprunteur est à l'origine de la résiliation et où l'indemnité de résiliation sanctionne l'inexécution par l'emprunteur de son obligation de payer les loyers. Elle n'est pas applicable à sa situation contractuelle.

Le tribunal qui a jugé que cette clause stipulant une indemnité pour remboursement anticipé d'un prêt n'a pas le caractère de clause pénale mérite de ce chef confirmation.

Il le sera encore en ce qu'appliquant les clauses du contrat, il a condamné l'association Béthanie à payer la SAS Desk Sud la somme de 25 541,78 euro TTC soit 21 350 euro HT au titre des indemnités de résiliation anticipée avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2009, date de la première réclamation par lettre recommandée avec avis de réception. Ce montant représente 14 fois - 14 étant le nombre de contrats de maintenance copies dénoncés par l'association Béthanie- la somme minimum de 1 525 HT prévue contractuellement.

La base de calcul est très clairement définie par l'article 9.2 des conditions générales des contrats de maintenance copies " redevance relevé compteurs ". L'appelante fait par erreur référence à une indemnité " égale à la somme totale des forfaits normalement dus jusqu'au terme du contrat avec un minimum de 1 525 euro " qui correspond au " forfait relevé compteur " qui n'est pas l'option retenue dans les contrats. De plus, elle fait une confusion en évoquant le nombre de loyers restant à courir à la date de la résiliation anticipée, parfaitement étranger au calcul de l'indemnité de résiliation.

Enfin l'association Béthanie en invoquant en tout dernier lieu le principe suivant lequel " la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice " entend une nouvelle fois obtenir du juge qu'il réduise au regard du préjudice réellement subi, l'indemnisation du prêteur contractuellement prévue dans l'hypothèse de la résiliation anticipée, faisant fi de la clause contractuelle librement acceptée qui interdit d'allouer à la SAS Desk Sud une somme plus forte ni moindre que celle définie à titre de dommages et intérêts et sur laquelle il a déjà été statué qu'elle n'avait pas le caractère de clause pénale.

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, en matière civile, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare l'association Béthanie recevable en son appel, Confirme le jugement déféré ; Déboute les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires ; Condamne l'association Béthanie aux dépens d'appel ; Accorde à la Selarl Emmanuelle Vajou, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la SAS Desk Sud.