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Décisions

CA Versailles, 3e ch., 19 janvier 2012, n° 09-09861

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Hertz France (SAS)

Défendeur :

Massala

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valantin

Conseillers :

Mme de Martel, Souciet

Avoués :

SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod, SCP Keime Guttin Jarry

Avocats :

Mes Nicolai-Loty, Okanga Souna

TGI Nanterre, 6e ch., du 13 nov. 2009

13 novembre 2009

La SAS Hertz France est appelante d'un jugement rendu le 13 novembre 2009 par le Tribunal de grande instance de Nanterre dans un litige l'opposant à Mme Liliane Massala.

Par contrat conclu le 7 juillet 2007, Mme Liliane Massala a loué à l'aéroport de Roissy, auprès de la SAS Hertz France un véhicule automobile Opel Zafira devant être restitué le 17 juillet 2007.

La locataire, alors enceinte, et seul conducteur désigné sur le contrat de location, a confié le volant du véhicule à son mari lors de leur arrivée à l'aéroport Roissy Charles de Gaule.

Sur l'autoroute A1, le véhicule a été volé puis retrouvé totalement brûlé le 11 juillet 2007.

Reprochant à Mme Liliane Massala de ne pas avoir respecté les stipulations contractuelles concernant le conducteur du véhicule, le délai de déclaration du vol et de ses circonstances, la SAS Hertz France l'a fait assigner par acte du 15 septembre 2008 afin de la voir notamment condamnée à lui payer la somme de 15 186 euro avec intérêts au taux légal à compter du 10 octobre 2007.

Par jugement du 13 novembre 2009, le Tribunal de grande instance de Nanterre a :

- débouté la SAS Hertz France de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la SAS Hertz France à payer à Mme Liliane Massala la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Le tribunal a déclaré abusive et par conséquent non écrite la clause de l'article 4 du contrat de location, cette disposition causant un déséquilibre au détriment du preneur se voyant en effet obligé de supporter une charge financière très importante en cas de survenance d'un risque. Le tribunal a également jugé qu'aucune faute du preneur ne permettait d'engager sa responsabilité. Il a estimé en outre que les manquements reprochés au preneur n'avaient aucun lien avec les faits qui ont justifié la perte du véhicule, puisque ce véhicule a fait l'objet d'une agression par de faux policiers qui sont partis avec le véhicule volé.

La SAS Hertz France a régulièrement interjeté appel de ce jugement et dans ses dernières conclusions visées le 17 novembre 2011, demande à la cour :

- d'infirmer la décision et de la décharger des condamnations prononcées contre elle,

- de condamner Mme Liliane Massala à lui payer la somme de 15 186 euro en réparation de son préjudice, outre 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société invoque le caractère non abusif des dispositions de l'article 4 des conditions générales. Elle estime que le preneur a manqué à ses obligations contractuelles.

Par arrêt du 12 mai 2011, la cour d'appel (3e chambre) a ordonné la réouverture des débats et invité la partie la plus diligente à produire le rapport d'enquête et le résultat de la plainte relative au vol du 7 juillet 2007.

Dans ses dernières écritures visées le 14 novembre 2011, Mme Liliane Massala sollicite de la cour :

- l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- la condamnation de la SAS Hertz France à lui payer la somme de 2 000 euro pour procédure abusive,

- la confirmation du jugement entrepris pour le surplus,

- la condamnation de la SAS Hertz France à lui payer la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A l'appui de son appel formé contre le jugement qui a déclaré abusives, au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, les clauses contenues dans les articles 4.1 et 4.2 des conditions générales de location, la SAS Hertz France invoque la présence de l'adverbe "notamment" dans le libellé de cet article, qui signifierait, selon elle, la possibilité d'une prise en charge seulement partielle par le preneur des frais qu'elle énumère :

"votre responsabilité pourra comprendre notamment le coût des réparations , la perte de valeur du véhicule , la perte de revenus locatifs, les frais de remorquage et de stockage du véhicule ainsi que des frais de dossier correspondant au coût subi par Hertz en relation avec toute réclamation relative au dommage causé au véhicule ...".

Cependant ce "notamment" indique plutôt que d'autres frais que ceux énoncés par la SAS Hertz France -s'il en existe- pourraient être mis à la charge du preneur. Cet adverbe n'indique nullement une prise en charge seulement partielle des conséquences du dommage causé au véhicule.

En mettant à la charge du preneur, "tout le préjudice et tous les coûts" et donc la totalité des risques, l'article 4.1 crée, au détriment du non professionnel, consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, car la sanction est disproportionnée et au demeurant mal définie si l'on se fie au sens donné par le locateur au mot "notamment", au regard de l'avantage procuré consistant en l'usage d'un véhicule pour quelques jours contre rémunération.

Il s'agit d'une clause abusive, ainsi que l'a exprimé le tribunal, au regard de l'article L. 132-2 du Code de la consommation. Le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant de l'article 4.2 des conditions générales, la SAS Hertz France considère qu'il ne constitue pas une clause abusive. La société reconnaît que Mme Liliane Massala a souscrit la garantie optionnelle visée à l'article 4.2 des conditions générales, mais elle considère que la responsabilité de sa cliente serait limitée si, et seulement si, elle avait respecté les conditions de location du contrat ce qui n'est pas le cas puisque le conducteur -son mari- n'était pas autorisé. Elle reproche à Mme Liliane Massala d'avoir laissé son mari prendre le volant sans raison légitime.

Le fait de soumettre la garantie souscrite au preneur, d'une part au respect de "l'ensemble des termes du contrat" expression vague, d'autre part, à la condition que le dommage ou le vol ne soit pas consécutif à une faute grave commise par le preneur ou... imputable à tout conducteur non agréé, crée également un déséquilibre significatif au sein du contrat, tel que défini par l'article L. 132-1 du Code de la consommation, eu égard à l'avantage consenti à titre onéreux par la SAS Hertz France. Cette disposition conduit en effet le preneur à prendre des risques considérables en conduisant un véhicule de location. Cette clause doit donc être considérée comme étant abusive. Elle ne peut servir de support aux demandes de la SAS Hertz France.

Mme Liliane Massala, dans ses dernières écritures, fait état des clauses déclarées abusives et, à ce titre, proscrites par la commission des clauses abusives dans sa recommandation du 14 juin 1996 relative aux locations de véhicules automobiles. Les clauses litigieuses sont en effet citées au titre de celles que la commission déclare abusives.

Le tribunal a donc à juste titre envisagé la responsabilité de Mme Liliane Massala sur le seul fondement de droit commun de l'article 1732 du Code civil.

- Responsabilité de Mme Lliane Massala sur le fondement de l'article 1732 du Code civil

Sur le fondement de cette disposition, le preneur répond des dégradations du véhicule, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.

S'agissant de la conduite du véhicule par une autre personne que Mme Liliane Massala ; s'il est vrai que les règles contractuelles n'ont pas été respectées par Mme Liliane Massala puisque son mari, conducteur non autorisé a pris le volant, il ne peut résulter de cette situation une prise en charge illimitée des conséquences du sinistre par le preneur.

Celui-ci en effet ne répond que des dégradations qui ont eu lieu par sa faute.

Or la procédure pénale, versée aux débats confirme la thèse du vol tel que décrit par les époux Massala, même si les auteurs du vol n'ont pas été retrouvés et que la plainte a été, pour cette raison, classée. La non restitution des clés est également suffisamment justifiée par la procédure pénale versée aux débats.

Quel qu'ait été le conducteur de ce véhicule, il aurait été arrêté dans les mêmes conditions sur l'autoroute. Le fait pour Mme Liliane Massala d'avoir laissé son mari prendre le volant n'est donc pas à l'origine des dégradations subies par le véhicule. Aucune faute ne peut être imputée au conducteur non agréé, en lien avec les dégradations; aucune faute contractuelle ne peut être reprochée à Mme Liliane Massala en lien avec les dégradations du véhicule.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions, ces seuls éléments suffisant à le justifier.

- Sur les dommages-intérêts demandés par Mme Liliane Massala

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et il ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. Tel n'est pas le cas s'agissant des demandes de la SAS Hertz France. Le jugement sera confirmé, qui a débouté Mme Liliane Massala de sa demande de dommages-intérêts. Elle sera déboutée de sa demande reformée en appel.

- Sur les frais irrépétibles

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Mme Liliane Massala, les frais exposés par elle et non compris dans les dépens de l'instance.

Par ces motifs, LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, Vu l'arrêt avant dire droit rendu par la Cour d'appel de Versailles le 12 mai 2011, Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Nanterre le13 novembre 2009 en toutes ses dispositions, Y ajoutant, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions, Condamne la SAS Hertz France aux dépens d'appel et autorise la SCP Keime Guttin Jarry, avoués, à procéder à leur recouvrement dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.