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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 9 avril 2014, n° 12-18387

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Théron

Défendeur :

Picard Surgelés (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Rajbaut

Conseillers :

Mmes Chokron, Gaber

Avocats :

Mes Dumont, Mercier, Bernabe, Barrue, Greffe

TGI Paris, du 27 sept. 2012

27 septembre 2012

Vu le jugement rendu contradictoirement le 27 septembre 2012 par le Tribunal de grande instance de Paris.

Vu l'appel interjeté le 15 octobre 2012 par M. François Théron.

Vu les dernières conclusions de M. François Théron, signifiées le 17 décembre 2013.

Vu les dernières conclusions de la SA Picard Surgelés, signifiées le 13 janvier 2014.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 janvier 2014.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Considérant que, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ;

Considérant qu'il suffit de rappeler que la SA Picard Surgelés est spécialisée dans le commerce de détail de produits alimentaires surgelés qu'elle diffuse dans les différents magasins de son réseau ;

Que M. François Théron exerce depuis 1977 la profession de glacier sous la marque " Les Gourmandises de la Charlotte " ;

Que le 2 janvier 1992 la SA Picard Surgelés et sa société mère Decelle Participations (devenue Cardec) ont engagé M. François Théron en qualité de " responsable recherche produits " à hauteur des deux tiers de son temps et de " responsable recherche marketing " à hauteur du tiers restant ;

Que le 2 mars 1992 M. François Théron a cédé à la société Decelle Participations " les droits exclusifs d'exploitation de son nom patronymique F. Théron ou François Théron, pour son enregistrement et son exploitation à titre de marque dans le domaine agro-alimentaire entendu au sens large, y compris la restauration et l'hôtellerie, ainsi que pour son utilisation dans ce domaine à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne " ;

Que la société Decelle Participations a ensuite déposé les marques françaises suivantes :

- marque verbale " François Théron " le 3 mars 1992 sous le numéro 92 408 387 pour désigner des produits et services en classes 5, 29, 30, 31, 32 et 38,

- marque semi-figurative en couleurs "François Théron" le 3 mars 1992 sous le numéro 92 408 386 pour désigner des produits et services en classes 29, 30 et 32,

- marque verbale "François Théron" le 25 mars 1992 sous le numéro 92 411 995 pour désigner des produits et services en classes 35, 41 et 42,

- marque semi-figurative "François Théron" le 24 décembre 1996 sous le numéro 96 657 000 pour désigner des produits et services en classes 29, 30 et 32 ;

Qu'à la suite du licenciement de M. François Théron le 1er décembre 1994, les parties ont signé une transaction le 8 décembre 1994 ;

Que M. François Théron a fait immatriculer le 2 février 1995 la société Grain de sel qui s'est vue confier par la SA Picard Surgelés, les 12 octobre 2001 et 21 mai 2003 des missions de conseil et d'assistance technique et créative ;

Qu'à la suite de la rupture des relations commerciales entre les sociétés Picard Surgelés et Grain de sel le 2 juillet 2008, M. François Théron a, par lettre du 5 novembre 2008, demandé que la propriété de la marque "François Théron" lui soit restituée ;

Que M. François Théron a par la suite fait assigner le 26 novembre 2010 la SA Picard Surgelés en déchéance de ses droits sur les marques sus visées pour déceptivité et défaut d'exploitation et en dommages et intérêts ;

Considérant que le jugement entrepris a, en substance :

- rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SA Picard Surgelés,

- déclaré M. François Théron recevable en sa demande de déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur les marques n° 92 408 387, 92 411 995, 92 408 386 et 96 657 000 sur le fondement de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle,

- déclaré M. François Théron recevable en sa demande de déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur les marques n° 92 408 387, 92 408 386 et 96 657 000 sur le fondement de l'article L. 714-6 b) du Code de la propriété intellectuelle,

- débouté M. François Théron de sa demande de déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur les marques n° 92 406 387, 92 408 386 et 96 657 000 sur le fondement de l'article L. 714-6 b) du Code de la propriété intellectuelle,

- annulé les procès-verbaux de constat dressés les 13 janvier, 19 janvier et 17 mars 2009,

- débouté M. François Théron de ses demandes en dommages et intérêts, en prononcé de mesures d'interdiction et en publication judiciaire,

- prononcé la déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur :

- la marque française "François Théron" n° 92 408 387 pour les produits et services suivants visés à son enregistrement : " Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; produits diététiques, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ", à compter du 8 août 1997,

- la marque française "François Théron" n° 92 408 386 pour la totalité des services visés à son enregistrement, à compter du 12 septembre 1997,

- la marque française semi-figurative "François Théron" n° 92 408 386 pour les produits suivants visés à son enregistrement : " semi-conserves, conserves ; viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; sauces à salade ; sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; plats préparés à base de viande, de poisson ou de légumes ; Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ", à compter du 8 août 1997,

- la marque française semi-figurative "François Théron" n° 96 657 000 pour les produits suivants visés à son enregistrement : " Viande, poisson, volaille (à l'exception des volailles abattues du genre gallus) et gibier ; extraits de viande ; huiles et graisses comestibles ; Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales ; pain, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments) ; sauces à salades ; épices ; Boissons non alcooliques et préparations pour faire des boissons (à l'exception de celles à base de café, de thé ou de cacao, des boissons lactées) ; eaux minérales et gazeuses ; sirops ", à compter du 7 juin 2002,

- dit que sa décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'INPI aux fins d'inscription au registre national des marques par la partie la plus diligente,

- condamné M. François Théron à payer à la SA Picard Surgelés la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'image subi,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de sa décision,

- condamné M. François Théron à payer à la SA Picard Surgelés la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que M. François Théron a été engagé le 2 janvier 1992 par les sociétés Cardec (ex Decelle Participations) et Picard Surgelés puis, suite au transfert de ses contrats de travail, est entré le 1er septembre 1992 au service de la SARL Papille Concepts en qualité de responsable recherche marketing produits ;

Considérant que par ailleurs M. François Théron a par acte sous seing privé du 2 mars 1992, conclu avec la SA Decelle Participations un " acte de cession des droits d'exploitation [de son] nom patronymique " ;

Considérant que suite à cette cession de droits, la société Decelle Participations a déposé les marques françaises "François Théron" objet du présent litige ;

Considérant que le 1er décembre 1994 M. François Théron s'est vu notifier un licenciement pour motif économique ;

Considérant que la présente action en déchéance des marques "François Théron" est fondée sur les dispositions de l'article L. 714-6 b) du Code de la propriété intellectuelle au motif que ces marques seraient devenues trompeuses du fait que M. François Théron a cessé d'être associé à la conception ou la fabrication des produits désignés par les marques portant son nom ; que M. François Théron en conclut que ces marques sont devenues déceptives et encourent la déchéance ;

Considérant que M. François Théron ajoute que ces marques encourent également la déchéance pour défaut d'exploitation pour de nombreux produits et services ; qu'il conclut à la confirmation sur ce point du jugement entrepris ;

I : SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR TIRÉE DE L'AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE :

Considérant qu'à titre principal la SA Picard Surgelés reprend devant la cour sa fin de non-recevoir dont elle a été déboutée par les premiers juges, fondée sur l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction du 8 décembre 1994 s'opposant à ce que M. François Théron diligente une procédure aux fins de lui contester le droit à exploiter son nom patronymique ;

Considérant que M. François Théron conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré recevable à solliciter la déchéance des marques "François Théron" en faisant valoir que la transaction signée entre la société Decelle Participations et lui le 8 décembre 1994 ne concernait que son licenciement ;

Considérant que suite à son licenciement pour motif économique qui lui a été notifié le 1er décembre 1994, M. François Théron a signé le 8 décembre 1994 avec la SARL Papille Concepts, agissant tant en son nom que pour le compte des sociétés Cardec (ex Decelle Participations) et Picard Surgelés, une transaction par laquelle il renonce à toute action relative à son licenciement contre le versement de certaines sommes à titre d'indemnités de préavis, de congés payés, d'encadrement, d'avantages en nature, et de licenciement " incluant tous dommages-intérêts se rapportant à l'ensemble de la relation contractuelle ayant existé entre les parties y inclus l'acte de cession des droits d'exploitation du nom patronymique " ;

Considérant que par cette transaction M. François Théron " déclare renoncer à l'égard de la société Decelle Participations devenue Cardec, ainsi qu'à l'égard de tous tiers titulaires des droits sur le nom, à toute contestation et/ou action relative à l'acte de cession des droits d'exploitation de son nom patronymique en date du 2 mars 1992, ce pour quelque cause que ce soit et à quel (sic) titre que ce soit " ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 2048 du Code civil, la transaction se renferme dans son objet, la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entendant que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ;

Considérant qu'en l'espèce la transaction du 8 décembre 1994 a pour seul objet de fixer le montant du préjudice subi par M. François Théron en sa qualité de salarié, résultant de la rupture de son contrat de travail compte tenu notamment de la cession des droits d'exploitation de son nom patronymique qu'il avait consentie le 2 mars 1992 au regard de ses contrats de travail signés le 2 janvier 1992 ; qu'à cette date aucune contestation n'était née quant aux conditions d'exploitation de ces marques ;

Considérant dès lors que cette transaction ne rend pas irrecevable la présente demande de M. François Théron en déchéance de marques pour déceptivité et inexploitation ;

II : SUR LA FIN DE NON-RECEVOIR TIRÉE DE LA GARANTIE DU FAIT PERSONNEL :

Considérant qu'à titre subsidiaire la SA Picard Surgelés soulève l'irrecevabilité des demandes en déchéance en raison de la garantie du fait personnel prévue par l'article 1628 du Code civil dans la mesure où le cédant de droits sur des marques constituées par son nom patronymique est irrecevable à agir en une action en déchéance tendant à l'éviction de l'acquéreur ;

Considérant que M. François Théron fait valoir qu'aucune fin de non-recevoir ne peut être tirée de la garantie du fait personnel puisqu'aucun contrat de cession de marques n'a été conclu entre les parties ;

Considérant que l'acte conclu le 2 mars 1992 entre M. François Théron et la SA Decelle Participations s'analyse comme la cession, par M. François Théron, des " droits exclusifs d'exploitation de son nom patronymique F. Théron ou François Théron, pour son enregistrement et son exploitation à titre de marque dans le domaine agro-alimentaire entendu au sens large, y compris la restauration et l'hôtellerie, ainsi que pour son utilisation dans ce domaine à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne " ;

Considérant que le principe de l'inaliénabilité et de l'imprescriptibilité du nom patronymique, qui empêche son titulaire d'en disposer librement pour identifier au même titre une autre personne physique, ne s'oppose pas à la conclusion d'un accord portant sur l'utilisation de ce nom comme marque, dénomination sociale ou nom commercial ;

Considérant qu'en se détachant de la personne physique qui le porte, le nom cédé à titre de marque devient un objet de propriété incorporelle et que de ce fait la cession des droits attachés à cette propriété obéit aux règles générales de la vente ;

Considérant qu'ainsi le cédant s'oblige, conformément aux dispositions de l'article 1628 du Code civil, à une garantie d'éviction envers le cessionnaire en s'abstenant de tout acte de nature à troubler la propriété, la possession ou la détention de l'acquéreur ; qu'il s'ensuit que le cédant s'interdit de porter atteinte aux droits cédés ;

Considérant que le résultat de la présente action en déchéance de marques, si elle était accueillie, serait l'éviction du cessionnaire des marques, la SA Picard Surgelés, au profit du cédant, M. François Théron ;

Considérant dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 1628 susvisé, M. François Théron est irrecevable à agir en déchéance pour déceptivité ou défaut d'exploitation des marques qu'il a cédées à la SA Picard Surgelés ;

Considérant qu'en conséquence le jugement entrepris, qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la garantie du fait personnel, sera infirmé et que statuant à nouveau, M. François Théron sera déclaré irrecevable en son action en déchéance de marques et en l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

III : SUR LES DEMANDES DE M. FRANÇOIS THÉRON POUR PRATIQUE COMMERCIALE DÉLOYALE :

Considérant que M. François Théron demande en outre réparation, au visa de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, du préjudice subi en raison de l'utilisation trompeuse faite par la SA Picard Surgelés des attributs de sa personne en faisant valoir que les conditions de commercialisation des produits portant la marque "François Théron" sont incontestablement de nature à induire en erreur le public dans la mesure où les conditionnements comportent des mentions apparaissant comme étant écrites de sa main, sous sa signature, accompagnées d'un "conseil de dégustation" apparaissant comme une recommandation personnelle de sa part ;

Qu'il se voit ainsi faussement attribuer aux yeux des consommateurs un rôle dans la création des produits commercialisés par la SA Picard Surgelés, et le garant de leur qualité, ce qui n'est plus le cas ;

Qu'il conclut à l'infirmation du jugement entrepris qui l'a débouté de ce chef de demande et réclame la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que la SA Picard Surgelés réplique que selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne une marque composée du nom patronymique et du prénom d'une personne ne peut être considérée à elle seule de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance de la marchandise qu'elle désigne ;

Qu'elle fait valoir que M. François Théron n'intervient plus dans la conception et l'élaboration des recettes commercialisées sous la marque "François Théron" depuis 1995 à l'exception de trois missions confiées à la société Grain de sel et qu'il ne bénéficie d'aucune notoriété en dehors de la SA Picard Surgelés ;

Qu'elle ajoute qu'il n'y a aucune manœuvre ou tromperie de sa part et que M. François Théron n'apporte aucune preuve sur l'utilisation de sa signature ;

Considérant ceci exposé, que l'article L. 121-1 du Code de la consommation dispose qu'une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ;

Considérant que la dénomination "François Théron" sur les produits commercialisés par la SA Picard Surgelés ne peut être considérée comme étant, à elle seule, de nature à tromper le public sur la nature, la qualité ou la provenance des produits qu'elle désigne ;

Considérant qu'il n'est pas démontré, dans la présentation de la marque "François Théron" sur ses produits, une volonté de la SA Picard Surgelés de faire croire au consommateur que M. François Théron participe à l'élaboration des produits portant ladite marque ;

Considérant qu'il convient en premier lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les procès-verbaux de constat d'huissier des 13 janvier, 19 janvier et 17 mars 2009 ; qu'en effet l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer en date du 23 décembre 2008 n'autorisait expressément l'huissier de justice qu'à relater "la conversation téléphonique que tout tiers pourrait avoir avec notamment le service consommateurs du Groupe Picard" alors qu'il ressort des procès-verbaux de constat que les appels téléphoniques ont été passés en présence de M. François Théron qui a lui-même appelé directement ce service consommateurs lors des opérations du 17 mars 2009 ; qu'ainsi l'huissier a outrepassé les termes de l'ordonnance autorisant ces opérations de constat ;

Considérant par ailleurs que les conditionnements des produits commercialisés sous la marque "François Théron" ne font que représenter la marque semi-figurative n° 96 657 000 dont la police de caractères reproduit une écriture manuscrite sans pour autant reprendre ou imiter la signature de M. François Théron ; que les autres mentions telles que " le retour aux vraies saveurs " ne sont pas entre guillemets et ne sont pas attribuées, même indirectement, à M. François Théron ;

Considérant de même que la mention " Maîtres glaciers " (au pluriel) figurant aux catalogues de la SA Picard Surgelés ne saurait s'appliquer à la personne de M. François Théron alors surtout que, rédigée au pluriel, elle concerne également les autres marques de crèmes glacées Ben & Jerry's et Häagen-Dazs commercialisées par cette société ; que les autres mentions " Les glaces François Théron " ou " Les mini-pots François Théron " figurant à ces catalogues font référence sans aucune ambiguïté à la marque "François Théron" et non pas à la personne de M. François Théron ;

Considérant que les articles de presse laissant entendre que M. François Théron continuerait à participer à l'élaboration des glaces commercialisées sous la marque "François Théron" ne sont pas le fait de la SA Picard Surgelés qui a, au contraire, toujours réagi à de tels articles en rappelant à ces organes de presse que M. François Théron " n'a jamais participé à l'élaboration des recettes commercialisées sous la marque Picard Surgelés " (lettre du 18 juin 2012 à la revue " Maisons Côté Sud ") et qu'il " ne collabore plus, depuis de nombreuses années, avec [cette] société quant à l'élaboration de produits quelconques " (lettre du 20 décembre 2013 à la revue " Marie Claire ") ;

Considérant enfin qu'en ce qui concerne la prétendue dégradation de la qualité des produits commercialisés sous la marque "François Théron", à la supposer établie, il sera rappelé que la seule fonction assignée à une marque est de garantir au consommateur l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance ;

Considérant qu'il s'ensuit que la marque constituée du nom et du prénom d'une personne physique n'est pas, pour le consommateur, la garantie d'une qualité déterminée, supposée tenir à la personnalité de qui elle emprunte le nom ;

Considérant dès lors que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. François Théron de sa demande en dommages et intérêts pour pratique commerciale déloyale ;

II : SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SA PICARD SURGELÉS :

Considérant que M. François Théron soutient que si la SA Picard Surgelés souhaitait critiquer les propos qu'il a tenus, elle aurait dû agir sur le terrain de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, ce qu'elle n'a pas fait alors que ces dispositions sont d'ordre public ; qu'en outre les éléments relatifs à l'acte de cession de son nom patronymique ne sont pas confidentiels et qu'il avait la liberté d'en faire état ; qu'il n'a donc pas violé l'obligation de confidentialité prévu par la transaction du 8 décembre 1994 ;

Considérant que la SA Picard Surgelés réplique que M. François Théron a diffusé par voie télévisée et sur Internet sur la prétendue " spoliation de ses droits sur son nom " et a diffusé les termes de l'accord écrit qu'il avait signé avec elle, ces divulgations participant d'une déloyauté flagrante de la part de M. François Théron ;

Qu'elle réclame à ce titre la somme de 100 000 euro de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

Considérant ceci exposé, que l'article 4 de la transaction du 8 décembre 1994 stipule que " les parties soussignées s'obligent à conserver à la présente transaction un caractère confidentiel et s'interdisent en conséquence d'en faire état directement ou indirectement ou de la communiquer pour quelque que ce soit (sic) à des tiers. Par ailleurs, Monsieur François Théron s'engage, à l'issue des relations contractuelles, à conserver la discrétion la plus absolue sur tout ce qui a trait à l'activité de la société. Il s'interdit, en particulier, de communiquer à qui que ce soit, des renseignements de toute nature propres à la société qu'il aura pu recueillir dans le cadre ou à l'occasion des relations contractuelles " ;

Considérant qu'il ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 25 mai 2009 que M. François Théron a mis en ligne sur Internet un blog à l'adresse <http://francoistheron.over-blog.fr> où il écrit : " le 2 mars 1992, François Théron étant salarié, vend son patronyme "François Théron", pour la somme symbolique de 3 045 euro, la réelle contrepartie étant les actions de l'usine qu'on lui a promis et qui est en cours d'étude ", qu'il ajoute : " Picard possède tout : le nom, le savoir-faire, la caution et l'image de François Théron, le succès, la notoriété et le CA de la Gamme François Théron. C'est à ce moment précis, alors que toute la partie patrimoine de François Théron est totalement transférée sans contreparties... que Monsieur Olivier Decelle annonce à celui-ci son intention de le licencier pour " motif économique " ! " ;

Considérant que M. François Théron communique encore dans son blog des renseignements sur les conventions qu'il a conclues, par l'intermédiaire de la société Grain de sel, avec la SA Picard Surgelés : " le 10 janvier 1995, Monsieur Olivier Decelle, reprenant conscience de ses besoins stratégiques (...) décide de proposer in fine à François Théron de reprendre immédiatement ses mêmes missions, mais en tant que consultant extérieur " freelance ". Monsieur Olivier Decelle garantit à François Théron, un budget d'honoraires minimum prévisionnels de Grain de sel pour Picard de l'ordre de 1 000 000 F/an, ainsi que des Honoraires qu'il percevra chez les sous-traitants fournisseurs surgelés " ;

Considérant qu'il apparaît que M. François Théron a ainsi manqué à son engagement contractuel de confidentialité quant à la transaction du 8 décembre 1994 et à l'activité de la SA Picard Surgelés et que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu de ce fait sa responsabilité contractuelle en allouant à la SA Picard Surgelés la somme de 30 000 euro, correctement évaluée au vu des éléments de la cause, à titre de dommages et intérêts ; que le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef ;

III : SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant que M. François Théron étant perdant en ses demandes, le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a rejeté ses demandes d'interdiction et de publication judiciaire ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la SA Picard Surgelés la somme complémentaire de 10 000 euro au titre des frais par elle exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles de première instance ;

Considérant que M. François Théron sera pour sa part, débouté de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que M. François Théron, partie perdante en son appel, sera condamné au paiement des dépens d'appel, le jugement entrepris étant par ailleurs confirmé en ce qu'il a statué sur la charge des dépens de la procédure de première instance ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SA Picard Surgelés et déclaré recevable M. François Théron en ses demandes de déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur les marques françaises "François Théron" n° 92 408 387, 92 411 995, 92 408 386 et 96 657 000 et prononcé la déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur ces marques pour un certain nombre de produits et services visés à leur enregistrement et statuant à nouveau de ces chefs : Vu l'article 1628 du Code civil ; Déclare irrecevables M. François Théron en l'ensemble de ses demandes en déchéance des droits de la SA Picard Surgelés sur les marques françaises "François Théron" n° 92 408 387, 92 411 995, 92 408 386 et 96 657 000 pour déceptivité et défaut d'exploitation ; Confirme pour le surplus le jugement entrepris ; Y ajoutant : Condamne M. François Théron à payer à la SA Picard Surgelés la somme complémentaire de dix mille euros (10 000 euro) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens ; Déboute M. François Théron de sa demande en paiement au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. François Théron aux dépens de la procédure d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.