Cass. crim., 20 février 1986, n° 84-91.600
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
UFC
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ledoux
Rapporteur :
M. Leydet
Avocat général :
M. de Sablet
Avocats :
SCP Waquet, Me Cossa
LA COUR : - Sur les pourvois formés par X Jean-Pierre, X Elisabeth, Y Hélène épouse Z, A Roland, B Fred, l'Union fédérale des consommateurs, parties civiles, contre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 9e Chambre, en date du 17 février 1984 qui, ayant relaxé C Serge du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, les a déboutés de leurs demandes ; - Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le pourvoi de l'Union fédérale des consommateurs : - Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
Sur les pourvois de X Jean-Pierre, X Elisabeth, Y Hélène épouse Z, A Roland, B Fred : - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation et fausse application des articles 6, 7 et 8 du Code de procédure pénale, 44-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'action publique éteinte par prescription en ce qui concerne les actes de publicité fausse ou de nature à induire en erreur commis par le prévenu entre le 1er janvier 1974 et la fin du mois de mai 1974 ;
" aux motifs que la date de la diffusion de la publicité délictueuse constitue le point de départ de la prescription ; que c'est le 7 juin 1977, date qui constate le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile et fixe le montant de la consignation, qu'il faut retenir comme date interruptive de la prescription ; que les faits de publicité fausse ou de nature à induire en erreur reprochés au prévenu se situant tous antérieurement au 7 juin 1974, l'action publique est éteinte par prescription ;
" alors, d'une part, que le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur constitué par la diffusion par quelque moyen que ce soit de publicités comportant des allégations mensongères suppose, en ce qui concerne l'auteur de l'infraction, une action se prolongeant dans le temps et donc une réitération constante de la volonté coupable, après l'acte initial de mise en circulation de la publicité délictueuse, et implique du côté de la victime, lorsque comme en l'espèce la publicité porte sur la vente d'appartements en état futur d'achèvement, une impossibilité d'agir tant que les éléments constitutifs du délit ne sont pas apparus ; que dès lors le délai de prescription de l'action publique ne commence à courir qu'à compter du jour où la diffusion a cessé ou, tout au moins, du jour de la réception des travaux faisant apparaître que les avantages promis par la publicité étaient illusoires et mensongers ; qu'en déclarant cependant que la date de la diffusion de la publicité constitue le point de départ de la prescription, la cour a violé les textes visés au moyen ;
" alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, par l'effet du dépôt sans équivoque le 16 mai 1977 d'une plainte avec offre de se constituer partie civile ayant donné lieu dans le délai fixé par le magistrat instructeur au versement de la consignation prévue, la prescription de l'action publique s'est trouvée interrompue à cette date ; que dès lors en retenant la date du 7 juin 1977 comme interruptive de la prescription, la cour d'appel a une fois de plus fait une fausse application des textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ; - Attendu d'une part, qu'en matière de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, le point de départ du délai de prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action ;
Attendu d'autre part que la prescription de l'action publique est interrompue par le dépôt constaté sans équivoque d'une plainte avec déclaration expresse de constitution de partie civile, dès lors que la consignation prévue par l'article 88 du Code de procédure pénale a été ultérieurement versée dans le délai fixé ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le 16 mai 1977 le juge d'instruction a été saisi d'une plainte avec constitution de partie civile, assortie d'une offre expresse de consignation, émanant de plusieurs personnes ayant acquis un appartement dans un ensemble immobilier ; que celles-ci qui, au cours de l'année 1974 s'étaient engagées au vu des renseignements contenus dans des dépliants publicitaires qui leur avaient été remis, avaient, au moment de leur entrée dans les lieux, constaté que certaines des promesses figurant dans ladite publicité n'avaient pas été tenues ; que cette plainte, portée du chef de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, était dirigée contre les représentants de la société qui avait construit ledit ensemble ; que le 7 juin 1977 le magistrat instructeur a rendu une ordonnance donnant acte aux intéressés de leur constitution de partie civile, fixant le montant de la consignation prescrite par l'article 88 du Code de procédure pénale et impartissant aux parties civiles un délai de quinze jours pour le versement de ladite somme ; que ce versement ayant été effectué le 24 juin 1977, le juge d'instruction l'a constaté le même jour par un procès-verbal qui a été suivi, le 28 juin 1977, d'un réquisitoire introductif contre personne non dénommée du chef d'infraction à la loi du 27 décembre 1973 ; qu'à l'issue de l'information, C a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de publicité de nature à induire en erreur ;
Attendu que pour infirmer le jugement qui avait retenu la culpabilité du prévenu, la juridiction du second degré relève d'abord que les seuls faits que les plaignants ont pu poursuivre sont ceux qui ont été commis au plus tard à la date de leur contrat de réservation et qui consistent dans les remises qui leur ont été faites des plaquettes publicitaires en cause ; qu'elle retient ensuite que la date de cette diffusion constitue le point de départ de la prescription, et qu'ayant constaté que les contrats de réservation avaient tous été conclus antérieurement au 7 juin 1974, elle en déduit que l'action publique était éteinte par la prescription le 7 juin 1977, date où le juge d'instruction a constaté le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile et fixé le montant de la consignation ;
Mais attendu qu'en s'abstenant de rechercher la date à laquelle les parties civiles avaient eu la possibilité de constater la fausseté du contenu de la publicité incriminée et en refusant de reconnaître un caractère interruptif de prescription au dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile ayant donné lieu au versement dans le délai imparti de la consignation fixée par ordonnance du juge d'instruction, la cour d'appel a méconnu les deux principes ci-dessus rappelés et privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs, Rejette le pourvoi de l'Union fédérale des consommateurs ; Sur les pourvois de X Jean-Pierre, X Elisabeth, Y Hélène épouse Z, A Roland et B Fred, Sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé, Casse et annule sur les intérêts civils seulement l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Versailles en date du 17 février 1984, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et pour qu'il soit statué à nouveau dans les limites de la cassation prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris.