Livv
Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 10 mars 2011, n° 10-00440

DIJON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Stanley Solutions de Sécurité (Sté)

Défendeur :

Coilliot

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vieillard

Conseillers :

Mme Vautrain, M. Lecuyer

Avocats :

SCP Fontaine Tranchand, Soulard, Mes Nizou Lesaffre, Gerbay, Benoit

TI Saint-Dizier, du 5 janv. 2010

5 janvier 2010

Monsieur Gérard Coilliot a signé le 25 mars 2000 avec la SA Cedi Sécurité (CEDI) un bon de commande valant contrat portant sur la mise en place d'un système d'alarme pour un montant de 3 805,97 euros TTC (24 965,52 francs).

Le matériel a été livré et complètement installé le 4 avril 2000.

Le 2 décembre 2003, Monsieur Coilliot a souscrit, toujours avec la société SA Cedi Sécurité, un contrat d'abonnement de télésurveillance pour une durée de 48 mois renouvelable par tacite reconduction par périodes d'un an moyennant des mensualités de 26 euros chacune, soit un coût global de 1 294 euros TTC (frais d'adhésion compris).

L'installation du matériel complémentaire nécessaire au relais avec le centre de télésurveillance a été effectuée le 12 décembre 2003.

Par télécopie du 17 avril 2009, Monsieur Coilliot a adressé à la société de télésurveillance une demande d'intervention suite au remplacement de la porte du garage de sa maison.

Un technicien du service après-vente est intervenu le 21 avril 2009 mais, constatant que le remontage du contact sur la nouvelle porte était impossible, a préconisé le passage d'un "commercial" qui a proposé la mise en place d'un nouveau matériel pour la somme de 600 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 mai 2009, Monsieur Coilliot a demandé la résiliation du contrat du 2 décembre 2003 pour inobservation des obligations de moyen et de résultat.

Par lettre du 26 mai 2009 la société ADT France a pris acte de la demande de résiliation et a invité Monsieur Coilliot à déconnecter sa centrale de sa ligne téléphonique.

Par acte d'huissier de justice en date du 16 juillet 2009, Monsieur Gérard Coilliot a fait assigner la SA ADT France afin, au visa de l' article L. 133-2 du Code de la consommation et des recommandations n° 97-01 et n° 01-02 de la commission des clauses abusives, de voir annuler les contrats du 25 mars 2000 et du 2 décembre 2003 et d'obtenir la condamnation de la défenderesse à lui payer les sommes de 6 143,47 euros outre 1 007 euros à titre de dommages et intérêts et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par conclusions postérieures, il a porté ses demandes à 4 913,52 euros en remboursement du crédit contracté pour l'acquisition du matériel et du chèque d'acompte du 17 avril 2000, 2 328,50 euros en remboursement des sommes telles que visées dans l'assignation, déduction faite de celle au titre de la vente du matériel, 2 500 euros à titre de dommages et intérêts et 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile .

Par jugement du 5 janvier 2010 le tribunal d'instance de Saint Dizier a :

- dit qu'il était compétent pour connaître du litige

- dit que les articles 3, 4-2 et 7-2 des conditions générales de vente du contrat du 25 mars 2000 étaient des clauses abusives

- en conséquence annulé ce contrat

- ordonné la restitution du matériel

- condamné la société ADT France à payer à Monsieur Coilliot la somme de 3 805,97 euros en remboursement de la vente du matériel d'alarme

- annulé le contrat du 2 décembre 2003

- condamné la société ADT France à payer à Monsieur Coilliot les sommes de :

1 294 euros au titre du contrat de télésurveillance

85,86 euros au titre de la facture du 12 décembre 2003

194,94 euros au titre de la facture du 12 janvier 2007

312 euros au titre de la facture du 9 février 2007

312 euros au titre de la facture du 1er janvier 2008

130 euros au titre de la facture du 1er janvier 2009

- ordonné l'exécution provisoire de la décision

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

- condamné la société ADT France à payer à Monsieur Coilliot la somme de 100 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile

- condamné la société ADT France aux dépens.

La SA ADT France a interjeté appel par déclaration enregistrée au greffe le 18 février 2010.

Aux termes de ses dernières écritures déposées le 14 janvier 2011, auxquelles il est fait référence par application de l'article 455 du Code de procédure civile, la SA Stanley Solutions de Sécurité (anciennement dénommée ADT France) demande à la cour de :

- lui donner acte de ce que la société ADT France se dénomme désormais Stanley Solutions de Sécurité

- réformant le jugement entrepris,

- débouter Monsieur Coilliot de toutes ses demandes

- le condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

- le condamner en tous les dépens.

Elle fait valoir :

Sur l'irrecevabilité des demandes de Monsieur Coilliot pour défaut de qualité à agir à son encontre

que l'intimé a signé les contrats avec la société CEDI et que la circonstance que cette société lui ait ponctuellement délégué quelques prestations, telles que des interventions de maintenance et de facturation, ne peut interférer sur la règle de l'effet relatif des contrats édictée par l'article 1165 du Code civil

que Monsieur Coilliot ne produit pas la lettre du 2004 sur laquelle le tribunal s'est appuyé pour motiver sa décision

que Monsieur Coilliot se prévaut d'un contrat de location gérance passé entre elle et la société CEDI mais qu'en matière de location-gérance les contrats en cours au moment de la location-gérance sont inopposables au locataire contre lequel les créanciers du bailleur ne disposent d'aucun recours

que l'autocollant ADT apposé sur le matériel ne saurait fonder la qualité à agir de Monsieur Coilliot à son encontre

que l'appartenance à un même groupe est sans incidence, les deux sociétés CEDI et ADT ou Stanley étant des entités juridiques différentes

que la théorie du mandat apparent n'est pas davantage pertinente en l'espèce, Monsieur Coilliot ayant alors dû agir contre le mandant, la société CEDI

Sur le fond

A/ sur le prétendu manquement à l'obligation d'information et au devoir de loyauté et de bonne foi

que ces obligations ont été respectées comme le démontrent les dispositions de l'article 1 du contrat

que Monsieur Coilliot lui reproche d'avoir attiré son attention sur un fait inéluctable, en l'espèce le progrès technologique sans fin qui n'épargne pas les systèmes d'alarme, et donc d'avoir respecté son obligation d'information

qu'à la première page du contrat d'abonnement Monsieur Coilliot reconnaît avoir eu une description précise des prestations prévues ; qu'il a donc signé ce contrat en pleine connaissance de cause et que la profession qu'il exerce laisse penser qu'il disposait des compétences nécessaires pour solliciter d'éventuels renseignements complémentaires

qu'elle a toujours exécuté le contrat de bonne foi ainsi qu'en témoigne le lettre adressée le 26 mai 2009 à l'intimé

B/ sur les prétendus manquements aux règles du démarchage à domicile : que le contrat contenait un bordereau de rétractation détachable permettant à Monsieur Coilliot d'utiliser la faculté de renonciation à la commande dans les 7 jours de celle-ci ; que la prise d'effet du contrat a bien évidemment débuté à l'issue de ce délai

C/ sur la prétendue indissociabilité du contrat de fourniture et du contrat d'abonnement : que ces contrats sont dissociables, l'acquisition du matériel ayant pu se faire auprès d'un autre prestataire que CEDI, et que le demandeur n'apporte aucune preuve de la volonté prétendue des parties de rendre les contrats indissociables, ces contrats ne contenant aucune clause en ce sens

D/ sur la prétendue nullité du contrat de fourniture et du contrat d'abonnement pour cause de présence de clauses abusives :

qu'en invoquant les dispositions relatives aux clauses abusives Monsieur Coilliot ne cherche nullement à obtenir réparation d'un préjudice qui résulterait par exemple d'un dysfonctionnement majeur rendant les matériels installés totalement inutilisables ; qu'il est seulement animé d'une volonté capricieuse de se faire justice et d'obtenir à bon compte l'annulation des contrats et par voie de conséquence le remboursement des sommes versées ; que les recommandations de la CCA ne présentent aucun caractère normatif

que s'il est vrai que le cas fortuit n'est pas nécessairement bien défini juridiquement, il n'en est pas moins que les praticiens l'assimilent à la force majeure et que la clause qui exonère le prestataire en ce cas n'est pas abusive

qu'en tout état de cause cette clause serait réputée non écrite et ne pourrait entraîner l'annulation du contrat

que la caractérisation du caractère abusif de la clause 4-2 par le tribunal est totalement incompréhensible dès lors que juridiquement un contrat est formé dès l'échange des consentements ; que le Code de la consommation prévoit un délai de rétractation afin de créer une exception permettant au consommateur de revenir sur son engagement

E/ sur les prétendus préjudices : que le préjudice invoqué est tout à fait fantaisiste et ne peut donner lieu à une quelconque réparation.

Par conclusions déposées le 1er septembre 2010, auxquelles il est pareillement fait référence, Monsieur Gérard Coilliot demande à la cour de :

débouter la société Stanley Solutions de toutes ses demandes

la condamner à lui payer la somme de 4 913,52 euros au titre du coût total de l'acquisition du matériel effectuée par contrat du 25 mars 2000 et la somme de 2 328,50 euros correspondant aux sommes engagées par suite du contrat du 2 décembre 2003

infirmant quant à la demande de dommages et intérêts, faire droit à sa demande à ce titre et condamner la société appelante à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il observe :

qu'il a bien évidemment qualité pour agir mais que l'appelante entend seulement voir juger qu'elle ne peut être destinataire de cette action

que les éléments du dossier prouvent que la société Stanley a pris en charge dans sa globalité l'exécution des contrats en cours, démontrant à tout le moins sa volonté d'agir en qualité de gérant d'affaires ; qu'elle se garde bien de préciser la date de la mise en location gérance et qu'en toute hypothèse la cour remarquera que les conditions générales figurant au dos des factures et documents contractuels des sociétés ADT France et Cedi Sécurité sont identiques et méritent tout autant une annulation ; que la société CEDI appartient au groupe TYCO International / ADT ; que les factures ont été émises par ADT France qui a été bénéficiaire des mensualités qu'il a versées ; qu'enfin elle a accusé réception et procédé à la résiliation du contrat ; que les factures de maintenance se présentent d'une manière identique à celles initialement émises par la société CEDI ; que conformément aux articles 144-1 et suivants du Code de commerce le gérant libre exploite l'affaire sous sa seule autorité et à ses risques et périls ; que la société ADT est donc bien son co-contractant et qu'il a intérêt à agir à son encontre ; qu'en toute hypothèse elle peut être engagée sur le fondement du mandat apparent

que le contrat du 25 mars 2000 devra être annulé en ce qu'il comporte des clauses abusives : l'article 4-2 qui stipule que le contrat est définitif dès la signature du bon de commande, en opposition avec l' article L. 121-25 du Code de la consommation , l'article 3 qui fait référence aux cas fortuits dont aucune définition précise n'est donnée, l'article 7-2 dont il ressort que les exclusions sont nombreuses et non limitatives et permettent à la société ADT d'échapper à la majorité de ses obligations, l'article 9 qui porte sur la responsabilité du prestataire et son désengagement pratiquement dans tous les cas et nature de sinistre

que s'agissant du contrat du 2 décembre 2003 la clause fixant la durée de l'engagement doit être déclarée nulle et ce conformément à la jurisprudence ; qu'il est indissociable du contrat de fourniture de matériel et qu'il devra être annulé en considération de l'annulation du premier contrat

qu'en toute hypothèse les clauses qui figurent dans ce contrat sont tout aussi abusives et justifient qu'une nullité soit prononcée

que l'attitude de la partie adverse, qui n'a pas hésité à établir un contrat en violation des dispositions légales, lui cause un préjudice qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que le tribunal a prononcé la nullité du contrat souscrit le 25 mars 2000 et celle, subséquente, du contrat du 2 décembre 2003, au motif que l'exécution de ce second contrat était intrinsèquement liée à l'exécution du contrat relatif à la fourniture de matériel ;

Mais attendu d'une part que le contrat du 25 mars 2000 a été passé entre la société Cedi Sécurité et Monsieur Coilliot ; qu'or ce dernier a assigné la SA ADT France, désormais dénommée Stanley Solutions de Sécurité ; que cette société fait valoir que les demandes de Monsieur Coilliot sont irrecevables à son égard, en application de l'article 1165 du Code civil qui dispose que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ;

Qu'elle justifie en effet par les pièces qu'elle produit aux débats que le fonds de commerce de 'prestations de services de télésurveillance' exercé par la SA ADT France lui a été loué par la société Cedi Sécurité et que la société ADT France a donc la qualité de locataire gérant, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'intimé ;

Qu'or il est constant que les dettes et contrats du loueur sont inopposables au locataire, ceci étant la conséquence normale du changement de personne juridique de l'exploitant, sans qu'il soit tenu compte de l'identité de l'entreprise ;

Que Monsieur Coilliot n'est donc pas fondé à faire supporter par la société Stanley Solutions de Sécurité les conséquences de l'annulation du contrat passé avec la seule société Cedi Sécurité dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve que ce contrat, à exécution instantanée, aurait été repris par le locataire gérant ;

Que sa demande à ce titre doit donc être déclarée irrecevable ;

Attendu en revanche que le contrat du 2 décembre 2003, contrat d'abonnement de télésurveillance à exécution successive, a été passé entre Monsieur Coilliot et la société Cedi Sécurité, mais agissant sous la dénomination commerciale Tyco/ Fire & Security/ ADT ; qu'il est signé avec la mention 'pour Cedi Sécurité le mandataire ADT CEDI', ce qui laisse penser que la société ADT était partie à ce contrat, au moins en qualité de mandataire de la société CEDI ; qu'en outre la société ADT Télésurveillance, absorbée par la suite par la société ADT France, ancienne dénomination de Stanley Solutions de Sécurité, a poursuivi l'exécution de ce contrat, comme en témoignent les factures établies à son nom ;

Que l'action en nullité du contrat d'abonnement de télésurveillance engagée par Monsieur Coilliot à son encontre est donc recevable ;

Attendu que l'intimé soutient à juste titre que ce contrat contient des clauses abusives, telles celles relatives à sa durée et à l'exclusion de responsabilité du prestataire, définie de manière trop large et imprécise, et aboutissant en réalité à ce que cette responsabilité ne puisse jamais être mise en œuvre ;

Que le contrat ne saurait subsister sans ces clauses, notamment la seconde, et qu'il doit donc être annulé ;

Que cette annulation ne saurait avoir pour effet d'entraîner celle du contrat de fourniture de matériel, l'antériorité de trois ans de ce contrat établissant leur totale indépendance, en ce sens en tout cas que le premier contrat pouvait parfaitement s'exécuter, ce qui a été le cas, sans le second ;

Qu'en conséquence de l'annulation du contrat du 2 décembre 2003 Monsieur Coilliot est fondé à solliciter paiement de la somme de 2 328,50 euros selon le décompte effectué par le premier juge dans le dispositif du jugement ;

Attendu que l'intimé succombant partiellement en cause d'appel, la somme allouée au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile sera limitée à 500 euros

Par ces motifs, Donne acte à la société Stanley Solutions de Sécurité de ce que la société ADT France se dénomme désormais " Stanley Solutions de Sécurité " ; Infirme le jugement rendu le 5 janvier 2010 par le tribunal d'instance de Saint-Dizier mais seulement en ce qu'il a annulé le contrat du 25 mars 2000 et condamné à ce titre la société ADT France à payer à Monsieur Gérard Coilliot la somme de 3 805,97 euros en remboursement de la vente du matériel d'alarme ; Statuant à nouveau de ce chef, Déclare la demande de Monsieur Gérard Coilliot au titre du contrat en date du 25 mars 2000 irrecevable à l'encontre de la SA Stanley Solutions de Sécurité ; Confirme pour le surplus ; Condamne la SA Stanley Solutions de Sécurité à payer à Monsieur Gérard Coilliot la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la SA Stanley Solutions de Sécurité aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Gerbay, Avoué, conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile.