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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 6 novembre 2012, n° 11-00317

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ecole chez soi (SAS)

Défendeur :

Koulali

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hascher

Conseillers :

M. Ciret, Mme Dias Da Silva Jarry

Avocats :

SCP Delvincourt-Caulier-Richard, SCP Fournier-Badre-Hyonne-Sens-Salis-Denis, Me Gaudeaux, Selarl Ifac

TI Troyes, du 20 janv. 2011

20 janvier 2011

FAITS ET PROCEDURE

La société par actions simplifiée (SAS) Ecole chez soi a pour objet de dispenser des formations et de l'enseignement à distance.

M. Karim Koulali a adressé le 10 janvier 2006 à la SAS Ecole chez soi un dossier de candidature, par lequel il demandait son inscription à la formation de collaborateur principal d'architecte.

S'agissant des modalités de paiement, il a opté pour la " formule D ", à savoir, un versement de " 516 euro à l'inscription puis 136 euro pendant 36 mois (le 5 du mois) ".

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 16 janvier 2006, la SAS Ecole chez soi a transmis à M. Koulali un bulletin d'inscription en deux exemplaires, une plaquette " Organiser ses études ", une facture proforma d'un montant de 5 412 euro toutes taxes comprises (TTC) et un dossier d'offre d'étalement des paiements.

Le 27 janvier 2006, M. Koulali a signé un bulletin d'inscription, un engagement financier et un plan de prélèvement, en faisant précéder sa signature, sur les deux premiers de ces documents, de la mention manuscrite " lu et approuvé " et a retourné le tout à la SAS Ecole chez soi en y joignant une autorisation de prélèvement et un relevé d'identité bancaire.

Ladite société a édité le 31 janvier 2006 une facture n°9454 pour un montant de 5.412 euro.

M. Koulalia mis fin aux prélèvements mensuels sans avoir résilié le contrat conclu avec la SAS Ecole chez soi dans les trois mois de la signature de celui-ci.

Cette société a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 30 octobre 2006, mis en demeure M. Koulali de régler le solde de la facture afférente à sa formation, soit 4.724 euro, mais ce dernier a répondu que sa " situation de précarité " ne lui permettait pas de procéder audit règlement.

Par courrier envoyé selon les mêmes modalités le 14 novembre 2006, la SAS Ecole chez soi a rappelé à M. Koulali qu'il n'avait pas résilié le contrat dans le délai de trois mois à compter de la signature de celui-ci, de sorte que, selon elle, l'intégralité du montant de la formation était due. Indiquant vouloir prendre en compte les difficultés financières de son élève, ladite société lui a proposé toutefois un échéancier.

Un rappel du 07 novembre 2007 avant contentieux et trois mises en demeure successives étant restés vains, la SAS Ecole chez soi a, par acte du 07 mai 2010 , assigné M. Koulali devant le tribunal d'Instance de Troyes en paiement, avec exécution provisoire, de la somme de 5.020 euro augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2010 et de celle de 500 euro pour frais non taxables.

Concluant au débouté de la SAS Ecole chez soi, M. Koulali a fait valoir, que, faute d'avoir comporté un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation prévue par la loi, le contrat du 27 janvier 2006 était nul en vertu de l'article L. 121-23 du Code de la consommation .

Par jugement rendu le 20 janvier 2011, le tribunal d'instance de Troyes a :

- débouté la SAS Ecole chez soi de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire,

- condamné la SAS Ecole chez soi aux dépens.

La SAS Ecole chez soi a régulièrement interjeté appel de cette décision le 07 février 2011.

MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions notifiées le 12 septembre 2011, la SAS Ecole chez soi sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de M. Koulali à lui payer la somme de 5 020 euro avec intérêts légaux à compter du 18 janvier 2010 ainsi qu'une indemnité de 800 euro pour frais non recouvrables. Soulignant que l'article L. 121-22 du Code de la consommation dispose que 'ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier', elle prétend que, le contrat d'enseignement à distance étant réglementé par les articles L 488-7 et suivants du Code de l'éducation , les dispositions de l'article L 121-23 du Code de la consommation sont exclues et ont donc été retenues à tort par le tribunal. Elle ajoute que M. Koulali ne s'est prévalu d'aucun cas fortuit ou force majeure l'empêchant de suivre l'enseignement auquel il avait souscrit.

Par écritures notifiées le 11 juillet 2011, M. Koulali conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame l'allocation d'une indemnité de 2 000,00 euro pour frais irrépétibles d'appel. Il fait valoir que l'appelante 'ne saurait prétendre que le contrat signé avec (lui) pour la formation à distance de collaborateur d'architecte échapperait à cette protection d'ordre public de tout consommateur démarché, au seul motif que l'article L. 121-17 du Code de la consommation édicterait des exclusions pour certains contrats visés dans le champ d'application de la directive européenne n° 97-7 du 20 mai 1997 ", car, 'il suffit de constater que les contrats d'enseignement à distance ne sont pas visées par l'article L. 121-17 du Code de la consommation'. Il ajoute que 'n'est pas davantage opérante la référence faite par l'appelante aux dispositions de l'article L. 444-8 du Code de l'éducation qui ne vise (...) que les conditions de résiliation du contrat d'enseignement à distance et aucunement la faculté de rétractation'. Il fait observer que 'la seule irrégularité faisant débat en l'occurrence est celle soulignée par (lui) devant le tribunal et qui est relative à l'absence dans le contrat signé du formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation (...), renonciation qui ne peut se confondre avec la résiliation du contrat au cours de son exécution'.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 28 août 2012.

SUR CE,

Attendu que les parties s'accordent pour dire que le contrat d'enseignement à distance n'entre pas dans les exclusions visées à l'article L. 121-17 du Code de la consommation , qui a transposé dans le droit positif français les exclusions prévues à la directive européenne n°97-7 du 20 mai 1997 ;

Qu'effectivement, ce texte de loi, figurant dans la partie législative dudit Code relative aux ventes de biens et fournitures de prestations de services à distance dispose que 'ne sont pas soumis aux dispositions de la présente section les contrats :

"1° Conclus par le moyen de distributeurs automatiques ou pour des prestations fournies dans des locaux commerciaux automatisés";

"2° Conclus avec les opérateurs de télécommunications pour l'utilisation des cabines téléphoniques publiques";

"3° Conclus pour la construction et la vente des biens immobiliers ou portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers, à l'exception de la location";

"4° Conclus lors d'une vente aux enchères publiques";

Attendu que l'appelante en déduit que, "le contrat d'enseignement à distance n'entrant pas dans les exclusions et la généralité de la définition de l'objet du contrat (biens ou services),il est permis de penser que ces contrats d'enseignement à distance relèvent du droit commun de la vente à distance", qu'il "convient donc de se reporter aux articles L. 121-21 et L. 121-22" du Code de la consommation et que, "dans la mesure où des textes spécifiques existent quant aux conditions de validité du contrat d'enseignement à distance au sens de l'article L. 121-22, en ce que celui-ci " fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier", à savoir ,les articles L. 488-7 et suivants du Code de l'éducation , les dispositions de l'article L. 121-23 retenues par le premier juge sont exclues;

Mais attendu que l'intimé fait, à juste titre, observer que la SAS Ecole chez soi entretient ainsi une confusion qui n'a pas lieu d'être, puisque le premier alinéa de l'article L. 121-22 est très clair, étant ainsi libellé : "ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les activités pour lesquelles le démarchage fait l'objet d'une réglementation par un texte législatif particulier";

Que force est, en effet, de constater qu'il n'existe aucun régime législatif particulier relatif au démarchage à domicile en vue de faire souscrire un contrat d'enseignement à distance ;

Qu'un tel démarchage à domicile relève, par conséquent, de l'article L. 121-23 du Code de la consommation , texte d'ordre public, qui édicte : "Les opérations visées à l'article L. 121-21 doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes : (...)"

"7° Faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26";

Or, attendu que, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir, d'une part, exactement relevé qu'il résultait du courrier de la SAS Ecole chez soi daté du 16 janvier 2006 qu'un conseiller d'étude avait proposé à M. Koulali, au domicile de celui-ci, la souscription du contrat de formation litigieux, et, d'autre part, constaté que celui-ci ne mentionnait pas la faculté de rétractation prévue par l'article L. 121-23 du Code de la consommation , le tribunal a décidé que ce contrat était nul et qu'en conséquence la SAS Ecole chez soi devait être déboutée de l'intégralité de ses demandes ;

Que le jugement déféré est donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que, succombant à titre principal, la SAS Ecole chez soi sera condamnée aux dépens d'appel et ne saurait donc voir prospérer sa demande pour frais irrépétibles d'appel;

Et attendu que, par son appel en définitive infondé, la SAS Ecole chez soi a contraint M. Koulali à exposer, pour faire défendre ses intérêts, des frais non taxables;

Que ceux-ci ne sauraient rester à la charge de l'intimé;

Qu'il y a lieu, en conséquence, d'allouer à ce dernier la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement rendu le 20 janvier 2011 par le Tribunal d'instance de TROYES en toutes ses dispositions, Condamne la société par actions simplifiée Ecole chez soi à payer à M. Karim Koulali la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , Déboute la société par actions simplifiée Ecole chez soi de sa demande pour frais irrépétibles d'appel, Condamne la société par actions simplifiée Ecole chez soi aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile