CA Orléans, ch. com., 13 mai 2004, n° 03-01013
ORLÉANS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dyadem (SA)
Défendeur :
Sier Chavanne (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Remery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
SCP Laval Lueger, Me Garnier
Avocats :
Me Le Guen, Selafa Deloitte, Touche
La société Sier Chavanne, imprimeur, a passé commande à la société Dyadem d'une imprimante Epson Aculaser C8500 sur la base d'un devis établi le 14 décembre 2001 pour un prix TTC de 10 979,28, mais sans mention de l'unité monétaire franc ou euro. Le matériel a été livré le 26 décembre 2001 et réglé dès le lendemain par l'acquéreur au moyen d'un chèque de 10 979,28 F. Ultérieurement, la société Dyadem a retourné le chèque à sa cliente et lui a adressé une facture de 10 979,28 euros en lui réclamant le versement de cette somme. La société Sier Chavanne ne s'étant pas acquittée de sa dette, la société Dyadem l'a assignée en paiement.
Par jugement du 4 février 2003, le Tribunal de commerce de Tours a prononcé la nullité du contrat de vente de l'imprimante pour manquement du vendeur à son devoir d'information, et avant dire-droit a désigné un " consultant " avec pour mission de dire si l'imprimante était en bon état de fonctionnement équivalent à un matériel neuf et dans le cas contraire de chiffrer la décote.
La société Dyadem a relevé appel.
Par ses dernières conclusions signifiées le 5 mars 2004, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, elle fait valoir que la société intimée avait connaissance du prix réel de l'imprimante puisqu'elle s'était précédemment rapprochée d'une entreprise concurrente qui lui avait fourni un devis de 61 882,52 F HT, et qu'elle s'est empressé de régler sa commande, sans attendre la facture. Elle réfute l'argumentation selon laquelle elle aurait manqué à son obligation de renseignement, alors que la société Sier Chavanne est un professionnel avisé.
Elle ajoute qu'à supposer qu'une méprise existât, celle-ci était inexcusable et insusceptible de remettre en cause le consentement de l'acquéreur et donc l'existence du contrat. Elle demande la condamnation de la société intimée à lui payer la somme de 10 979,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2002, outre celle de 1 524,50 euros pour résistance abusive en réparation de son préjudice financier, ainsi que 1 220 euros en remboursement de ses frais de procédure.
Par ses écritures du 9 janvier 2004, la société Sier Chavanne rappelle que par application des articles 1582 et 1583 du Code civil, il n'y a contrat de vente qu'en cas d'accord des parties sur la chose et le prix, ce qui n'est pas le cas en la circonstance dès lors que l'offre de prix ne précise pas la monnaie, le franc étant encore en vigueur, et que la passation de commande, antérieure à la livraison, est libellée en francs. Elle indique tenir l'imprimante litigieuse, dans son carton d'emballage et sous film plastique d'origine, à la disposition de l'appelante. Subsidiairement, elle affirme que le silence dc la société Dyadem sur l'unité monétaire est constitutif de réticence dolosive, et qu'en toute hypothèse, celle-ci n'a pas agi de bonne foi et est seule responsable de la situation qu'elle a créée. Elle conclut à la confirmation du jugement, et à l'allocation des sommes de 300 euros pour appel abusif et de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi
Attendu que par application des articles 1583 et 1591 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix et que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties;
Qu'en l'espèce, le devis établi par la société Dyadem porte sur un " total remisé " de 10 979,28 TTC, sans indiquer d'unité monétaire ; que la confirmation de commande adressée par la société Sier Chavanne le 21 décembre 2001 est ainsi libellée :
Prix non remisé : 10 200 F HT
Prix remisé 9 180 F HT
TVA 19,60 % : 1 799,28 F
Total : 10 979,28 F
Que force est de constater qu'il n'y a pas eu échange de consentement sur la prestation monétaire, l'acheteur entendant donner 10 979,28 F et le vendeur recevoir 10 979.28 euros pour le même produit ; que les deux parties ne se sont donc pas entendues sur le prix, de sorte que le contrat de vente ne s'est pas formé ;
Que par ces motifs substitués à ceux du tribunal, le jugement sera confirmé, les parties étant également renvoyées devant le tribunal pour la réalisation de la mesure d'instruction ;
Attendu que l'abus de procédure n'est pas caractérisé et qu'il n'y aura pas lieu à dommages-intérêts ; Qu'eu égard à la nature de l'affaire, chaque partie supportera ses propres frais et dépens d'appel, sans indemnité de procédure ;
Par ces motifs, substitués à ceux du tribunal, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Dit que la vente de l'imprimante Epson Aculaser C8500 ne s'est pas formée entre les sociétés Dyadem et Sier Chavanne ; Renvoie la cause et les parties devant le tribunal pour la réalisation de la mesure d'instruction Rejette les demandes des parties tendant à l'allocation de sommes pour procédure abusive ou présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile Dit que chaque partie supportera ses propres dépens d'appel.