CA Amiens, 1re ch. sect. 2, 25 mai 2010, n° 09-01342
AMIENS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bianchi
Défendeur :
Benni
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. de Lageneste
Conseiller :
Mme Dubaele
Avoués :
Me Caussain, SCP Selosse Bouvet André
Avocats :
Me Leclercq, SCP Bachy & Delpierre
Le 25 février 2006, M. Ahmed Benni a acquis auprès de M. Nicolas Bianchi un véhicule automobile d'occasion de marque Renault Clio immatriculé 8486 XG 02. M. Bianchi avait lui-même acquis ce véhicule auprès de M. Mohammed Elmtallak par un contrat de vente du 17 juillet 2004. Le 26 octobre 2006, les services de la gendarmerie de Villers Cotteret ont procédé à la saisie de ce véhicule dans le cadre d'une enquête préliminaire pour vol.
Invoquant une erreur du consentement commise sur les qualités substantielles de la chose vendue, M. Benni a fait assigner M. Bianchi devant le Tribunal de grande instance de Soissons en restitution du prix de vente et en paiement de sommes au titre des frais d'entretien et d'immatriculation du véhicule et de la privation de jouissance.
Par un jugement du 5 décembre 2008, le Tribunal d'instance de Soissons a pour l'essentiel :
- prononcé la nullité du contrat de vente et donné acte à M. Benni de son impossibilité matérielle de procéder à la restitution du véhicule vendu;
- déclaré M. Bianchi tenu de payer in solidum avec M. Mohammed Elmtallak, régulièrement appelé dans la cause, à M. Benni la somme de 7 000 euros;
- condamné M. Mohammed Elmtallak à garantir entièrement M. Bianchi de cette condamnation (le jugement devra être rectifié en ce qu'il désigne M. Benni au lieu de M. Bianchi);
- ordonné l'exécution provisoire du jugement;
- condamné M. Bianchi à verser à M. Benni une indemnité de 700 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- condamné M. Elmtallak à verser à M. Bianchi une indemnité de 700 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné in solidum M. Bianchi et M. Elmtallak aux dépens de première instance.
Parallèlement à cette instance civile, M. Bianchi a déposé une plainte pour escroquerie contre M. Elmtallak, lequel a été condamné pour ces faits par un jugement définitif du 21 janvier 2008, le Tribunal correctionnel de Soissons.
M. Bianchi a formé appel du jugement le 19 mars 2009 en limitant son appel aux dispositions de cette décision concernant les condamnations prononcées au profit de M. Benni. Aux termes d'ultimes conclusions du 22 octobre 2009, expressément visées, il prie la cour, par réformation partielle du jugement de ce chef, de dire qu'en conséquence de l'annulation du contrat de vente, M. Benni sera tenu de lui restituer le véhicule objet de la vente, de dire que, faute pour celui-ci de restituer le véhicule, il sera tenu de lui restituer la somme de 7 000 euros correspondant à la valeur contractuelle du véhicule, d'ordonner la compensation entre ces deux sommes, de débouter M. Benni de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement en ses autres dispositions et, y ajoutant, de condamner M. Benni à lui régler une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et de le condamner à supporter les dépens d'appel.
Dans des conclusions en réponse du 6 août 2009, expressément visées, M. Ahmed Benni prie la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à voir constater que le prix de vente du véhicule est de 7 200 euros au lieu de 7 000 euros et, faisant appel incident de ces chefs, de condamner M. Bianchi à lui régler la somme de 805, 60 euros au titre des frais d'immatriculation et d'entretien du véhicule, outre la somme forfaitaire de 1 800 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires en réparation notamment de la perte de la jouissance du véhicule depuis le mois d'octobre 2006 et une somme de 1 000 euros pour ses frais d'instance par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Il sollicite en outre la condamnation de M. Bianchi à supporter les entiers dépens. L'affaire a été clôturée en cet état et a été fixée à l'audience du 23 mars 2010 par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 décembre 2009.
Ceci exposé, LA COUR,
Sur la demande de restitution du véhicule vendu :
Les parties ne remettent pas en cause le prononcé de l'annulation de la vente pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue par application de l'article 1110 du Code civil.
Les premiers juges ont fait une juste appréciation des circonstances de la cause en constatant que M. Benni se trouve dans l'impossibilité de restituer à M. Bianchi le véhicule vendu compte tenu de son origine frauduleuse et de sa saisie dans le cadre d'une enquête préliminaire, circonstance qui ne saurait pour autant priver M. Benni, acquéreur de bonne foi, d'une juste indemnisation du préjudice résultant de l'annulation de la vente.
Il appartient à M. Bianchi d'obtenir la réparation de son propre préjudice résultant de l'impossibilité de se faire restituer le véhicule auprès de son propre vendeur, M. Elmtallak, lequel a été condamné à le garantir de la condamnation prononcée au bénéfice de M. Benni dans le cadre de la présente instance, étant relevé que le dispositif du jugement comporte de ce chef une erreur matérielle qu'il convient de rectifier d'office.
Les pièces produites aux débats permettent de fixer à 7 200 euros le prix de vente du véhicule encaissé par M. Bianchi le 25 février 2006 sur son compte de dépôt ouvert auprès de la Caisse d'Epargne de Picardie.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. Bianchi à restituer à M. Benni le prix de vente du véhicule, sauf à fixer cette somme à 7 200 euros, ainsi que le demande M. Benni, et en ce qu'il a constaté que M. Benni se trouve dans l'impossibilité de restituer le véhicule vendu.
Sur les autres demandes d'indemnisation formées par M. Benni :
L'annulation de la vente ne peut ouvrir droit à l'allocation de dommages et intérêts, sauf lorsque le vice du consentement a été provoqué par la faute du contractant.
En l'espèce, l'enquête de gendarmerie a établi que M. Bianchi ignorait la provenance frauduleuse du véhicule qui avait été maquillé avant son immatriculation par la préfecture de l'Oise et aucune charge n'a été retenue contre lui dans le cadre de la procédure devant les juridictions répressives. En l'absence d'une faute de nature à engager la responsabilité du vendeur, le premier juge a, par de justes motifs adoptés par la cour, débouté M. Benni de sa demande tendant à la condamnation de M. Bianchi à lui rembourser les frais d'entretien et de réparation engagés sur le véhicule, ainsi que son préjudice de jouissance.
En conséquence, M. Benni apparaît mal fondé en son appel incident et le jugement mérite confirmation de ce chef.
Sur les dépens et les frais d'instance :
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. Bianchi et M. Elmtallak in solidum à supporter les dépens de première instance, condamné M. Bianchi à verser à M. Benni une indemnité de 700 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné M. Elmtallak à verser à M. Bianchi une indemnité de 700 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Bianchi, appelant principal, succombant en ses prétentions devant la cour, il convient de le condamner à supporter les dépens d'appel et de le débouter de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'équité commande de condamner M. Bianchi à verser à M. Benni une indemnité complémentaire de 1 000 euros pour ses frais de procès exposés en appel.
Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - Constate l'erreur matérielle contenue dans le dispositif du jugement rendu le 5 décembre 2008 par le Tribunal d'instance de Soissons ; - En ordonne d'office la rectification et dit qu'il convient de lire " condamne M. Mohammed Elmtallak à garantir entièrement M. Nicolas Bianchi de cette condamnation " au lieu de : " condamne M. Mohammed Elmtallak à garantir entièrement M. Ahmed Benni de cette condamnation "; Confirme le jugement ainsi rectifié, sauf en ce qu'il a fixé la restitution du prix de vente à 7 000 euros ; - L'infirme de ce chef ; Statuant à nouveau, - Condamne M. Nicolas Bianchi à verser à M. Ahmed Benni une somme de 7 200 euros au titre de la restitution du prix de vente et une indemnité de 1 000 euros pour ses frais de procès exposés en appel ; - Déboute M. Nicolas Bianchi de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne M. Nicolas Bianchi aux dépens d'appel ; Accorde au profit de la SCP Selosse Bouvet André, avoués à la cour, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.