CA Papeete, ch. civ., 11 mai 2006, n° 166/CIV/01
PAPEETE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Ellul
Conseillers :
Mmes Lassus-Ignacio, Pinet-Uriot
Avocats :
Me Quinquis, Loyant
Faits et procédure :
Par acte authentique dressé par Me Cormier, notaire, le 11 mai 1999, Mmes Marcelline Raitoru P et Denise Tetuahutia P y désignées comme " le donateur" ont fait donation à Melle Patricia H " d'une quotité de ses droits soit un deux cent cinquante sixième lui appartenant dans les biens immobiliers ci-après dénommé l'immeuble (savoir 2 parcelles de terre sises à Pirae de 2ha 11a et 27 ca et 10 ha 44a 85ca) étant précisé que la quotité ci-dessus indiquée correspond à la donation par chacune de Mme Marcelline et Denise de 5/32 et 1/80 de leurs droits dans ledit immeuble ".(sic)
Le 20 octobre 2000 les donatrices ont saisi le Tribunal de première instance de Papeete pour voir prononcer la nullité de cette donation en soutenant qu'il y avait eu erreur sur la désignation des droits cédés, ayant eu pour leur part l'intention de ne donner que la parcelle limitrophe à celle de M. Jacques T, concubin de la Melle Patricia H.
Contestant la thèse des donatrices, celle-ci précisant que la cession de la parcelle limitrophe à M. T ne présentait pour elle aucun intérêt, a conclu à leur déboutement.
Par jugement contradictoire en date du 5 juin 2000, considérant que " les circonstances de l'espèce permettent de dire que le consentement des dames P a été déterminé par l'idée fausse qu'elles avaient de la nature des droits dont elles croyaient se dépouiller au profit de Melle H lesquels droits ne leur permettent pas de faire correspondre présentement les 1/256e cédé à une parcelle particulière " et d'autre part que " l'ignorance ou la maîtrise imparfaite des conséquences attachées au statut de l'indivision est constitutive d'une erreur de droit pouvant justifier l'annulation ", le Tribunal de première instance de Papeete a annulé la donation.
Selon requête motivée enregistrée le 26 avril 2001 Melle H a relevé appel de cette décision et a encore conclu le 14 mars 2003 et le 24 septembre 2004 pour en solliciter l'infirmation pure et simple ainsi que ta condamnation des intimées au paiement de la somme de 120 000 FCFP au titre de ses frais irrépétibles en s'attachant essentiellement à faire valoir d'une part que celles-ci n'ont pas commis d'erreur de droit ce d'autant que l'acte qui a été rédigé par un notaire ne comporte aucune ambiguïté, qu'il leur a été relu et traduit en tahitien et d'autre part que ta preuve du dol viciant le consentement n'a pas été rapportée.
Mmes Denise et Marcelline P ont conclu à la confirmation du jugement déféré ainsi qu'à la condamnation de Melle H au paiement de la somme de 200 000 FCFP au titre de leurs frais irrépétibles.
Au soutien de leurs prétentions elles s'attachent à faire valoir qu'elles n'ont pas eu l'initiative de la donation pour avoir été démarchées par le concubin de Melle H dont les explications les ont induites en erreur et qu'en définitive leur consentement a bien été vicié contrairement à ce que celle-ci soutient.
Motifs de la décision,
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas discutée et qu'aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité ;
Attendu que selon l'article 938 au Code civil la donation sera parfaite par le seul consentement des parties ; que les articles 1109 et suivants du même Code relatif aux vices du consentement en matière de contrat concernent tous les actes juridiques dont les libéralités sans exception ;
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure et des explications fournies par les parties, que Melle Patricia H désireuse de construire sa maison sur une parcelle de terre lui appartenant constituant le lot n° 166 de la terre Aufenua à Pirae et désirant " assurer sa tranquillité " a " voulu maîtriser " la parcelle de terre jouxtant ce lot, parcelle inconstructible formant un triangle de 490 m2 dépendant de la terre Fareere d'une superficie globale de 12ha 56a et 12ca appartenant aux consorts P ; que c'est donc dans ces circonstances qu'elle chargea M. T d'aller parlementer avec Mme P afin de les convaincre à lui faire donation de cette parcelle ;
Attendu que dans ses écritures du 16 novembre 1999 déposées en première instance, Melle H exposait que la première entrevue du 19 avril 1999 " s'était plutôt mal passée et a failli tourner court " au motif qu'elles avaient mal réagi en apprenant notamment que leur frère avait fait don de tous ses droits à une SCI sans demander leur consentement, mais "une fois l'orage passé " (sis), elles avaient finalement consenti, en quelque sorte par dépit pour imiter leur frère, à lui faire donation de la totalité de tous leurs droits sur la terre Fareere; quelle y précisait aussi qu'elles avaient refusé de signer le premier acte de donation préparé par Me Cormier, puis s'étaient finalement " ravisées sur la cession de la totalité de leurs droits dans la terre de Fareere" alors que telle était leur volonté première ; que c'est dans ces circonstances qu'elles avaient accepté de signer l'acte litigieux où il est question non plus de la donation de la totalité de la terre Fareere, mais seulement de la parcelle de 490 m2 en représentant le 1/256e ;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède, que Mmes P qui n'étaient pas animées à l'origine d'une volonté spontanée de consentir une libéralité à Mme H ont, à l'évidence sur ses insistances sinon sous sa pression, finalement accepté de lui donner non pas une parcelle quelconque de la terre Fareere mais une parcelle bien individualisée, celle quasiment enclavée et inconstructible jouxtant la sienne; que c'est donc à juste titre qu'elles soutiennent que l'acte de donation litigieux ne respecte nullement leur volonté ;
Attendu qu'en effet cet acte quand bien même leur aurait-il était relu et traduit en langue tahitienne comme y mentionné, ne désigne nullement la parcelle dont elles entendaient faire donation mais, dans un jargon difficilement compréhensible pour des non initiées, fait simplement état de ce que le " donateur fait donation entre vifs " " d'une quotité de ses droits soit un deux cent cinquante sixième (1/256) lui appartenant dans les biens ci-après dénommés (2 parcelles de terre sises à Pirae d'une superficie respective de 2ha 11a 27ca et 10ha 44a 85ca) l'immeuble et dont la désignation suit étant précisé que la quotité ci-dessus de mesdames Marcelline et Denise M de cinq cent trente deuxièmes (5/32) de un quatre vingtième (1/80) de leurs droits dans ledit immeuble "; que quand bien même Mmes P, profanes en matière juridique, ont pu comprendre qu'elles cédaient tout ou partie de leurs droits dans une terre en indivision, rien ne permet de considérer faute de précision dans l'acte, qu'on leur ait bien spécifié que du fait de cette indivision elles n'étaient pas propriétaires de la parcelle dont elles entendaient faire donation ;
Attendu que c'est donc par des motifs pertinents, qu'il convient d'adopter, que le premier juge considérant qu'elles avaient commis une erreur de fait ou de droit (ou les deux à la fois) viciant leur consentement, a prononcé la nullité de la donation ; que le jugement querellé sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'équité ne commande pas d'allouer à Mmes P une indemnité au titre de l'article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Par ces motifs, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort ; - Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; - Déboute Mmes P de leur demande au titre de article 407 du Code de procédure civile de la Polynésie française ; - Condamne Mme H aux dépens d'appel.