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Décisions

CA Aix-en-Provence, 11e ch. A, 24 mai 2013, n° 11-19278

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Abrisud (SAS)

Défendeur :

Gojosso

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Isouard

Conseillers :

M. Djiknavorian, Mme Perez

Avocats :

Mes Daval-Guedj Maud, Cohen, de Pins, Forno, Scordopoulos, SCP Cohen Guedj, SCP Maynard Simoni

TI Martigues, du 27 sept. 2011

27 septembre 2011

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 18 avril 2008, Monsieur Gojosso a commandé un abri de piscine pour la somme de 7 800 euro TTC à la société Abri Sud, l'abri étant livré et posé le 17 octobre 2008.

Cet abri ne fonctionnant pas normalement, une expertise judiciaire a été ordonnée, après quoi M. Gojosso a saisi le 5 mars 2010, le tribunal d'instance sur le fondement des vices cachés, en demandant la dépose de l'abri et son remplacement par un modèle équivalent.

En cours de procédure, par de nouvelles conclusions du 11 février 2011, M. Gojosso a renoncé à se prévaloir de la théorie des vices cachés et a fondé sa demande sur la garantie légale de conformité prévue aux articles L. 211-4 et suivants du Code de la consommation.

Par jugement du 27 septembre 2011, il a été fait droit la demande et la société Abri Sud a été condamnée au paiement de la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts, ce avec exécution provisoire, outre les frais de procès.

La SAS Abri Sud a fait appel de la décision et au principal, conclut à l'irrecevabilité de la demande comme prescrite par application de l'article L. 211-12 du Code de la consommation et à l'infirmation du jugement. Elle a conclu au débouté de Monsieur Gojosso de ses demandes et à sa condamnation à lui restituer la somme de 17 682 euro.

La société Abri Sud considère qu'ayant formalisé pour la première fois ses demandes sur le nouveau fondement le 11 février 2011, cette demande encourt la prescription biennale.

Elle a ajouté que c'est à tort que le tribunal a considéré que la société Abri Sud avait manqué à ses obligations légales et conventionnelles.

Sur le fond, la société Abri Sud considère que l'abri ne présente aucun défaut pouvant donner lieu à la garantie de conformité.

Elle expose que les roulettes reposent de chaque côté sur la partie inclinée de la margelle, qu'elle a fabriqué un abri en tout point conforme à la commande, que ce soit en dimension comme en caractéristiques techniques, qu'une fois l'abri sur place, Monsieur Gojosso a exigé que l'abri soit retaillé et que le système a fonctionné normalement.

L'appelante précise que la piscine n'est pas un rectangle parfait, comportant un faux équerrage et considère qu'il s'agit d'un problème inhérent à la piscine, indiquant qu'un précédent abri avait donné satisfaction. Elle ajoute que la margelle présente un décalage vers l'extérieur ainsi qu'en asymétrie.

La société Abri Sud se prévaut des dispositions de l'article L. 211-9 du Code de la consommation sur le caractère disproportionné de la réparation expliquant avoir procédé et en exécution du jugement, à la dépose de l'abri litigieux et à la pose d'un nouvel abri d'un modèle équivalent, cette intervention lui ayant coûté 10 182 euro.

M. Gojosso a conclu à la confirmation du jugement sauf concernant les dommages et intérêts supplémentaires pour appel abusif.

Il a répondu que la société Abri Sud avait une obligation de conseil et sur le fondement du rapport d'expertise, considéré que celle-ci n'avait pas délivré un bien conforme au contrat.

Il a contesté le caractère disproportionné du remplacement du bien exposant que l'abri tel qu'il a été fabriqué est irréparable.

Motifs de la décision :

1. La prescription :

La société Abri Sud expose que par jugement avant dire droit du 10 août 2010, le tribunal d'instance, considérant que l'action de M. Gojosso fondée sur les vices cachés se heurtait au caractère apparent du vice, détecté par l'acheteur à la livraison de l'ouvrage et a invité les parties à conclure sur la garantie de conformité prévue par le Code de la consommation.

Par conclusions du 11 février 2011, M. Gojosso a renoncé à se prévaloir du fondement de sa demande au titre des vices cachés et a fondé sa demande sur la garantie de conformité prévue à l'article L. 211-4 du Code de la consommation, demande à laquelle la société Abri Sud oppose la prescription biennale tirée de l'article L. 211-12 du même Code, rappelant que l'abri de piscine a été livré le 17 octobre 2008.

Monsieur Gojosso fait valoir, d'une part, que le moyen soulevé par la société Abri Sud constitue une demande nouvelle et d'autre part, en application de l'article 2241 du Code civil, que la demande en justice même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion, rappelant qu'une ordonnance de référé a été rendue le 4 août 2009.

S'agissant de ce que M. Gojosso qualifie de demande nouvelle, il s'agit en fait d'un moyen soulevé par la société Abri Sud et qui comme tel échappe aux dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile, le moyen tiré de la prescription en application de l'article 2248 du Code civil pouvant par ailleurs être opposé en tout état de cause, même devant la cour d'appel. Aucune irrecevabilité n'est par conséquent encourue s'agissant d'un moyen constitutif d'une fin de non recevoir.

S'agissant de la procédure de référé, nul doute que la demande d'expertise devant le juge des référés équivaut à une citation en justice, alors que les moyens de l'action ne sont pas encore développés.

Néanmoins, la société Abri Sud le conteste, comme elle conteste l'argumentation de l'adversaire qui indique que c'est cette expertise qui a défini que l'abri n'était pas conforme, observant que le tribunal a rappelé que les vices dénoncés étaient apparents lors de la livraison de l'ouvrage et que dès lors Monsieur Gojosso n'avait pas besoin d'une expertise judiciaire pour agir sur le fondement de la garantie légale de conformité.

Cette argumentation ne contredit cependant pas les dispositions de l'article 2241 du Code civil qui prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, cette demande justifiant l'interruption de la prescription en ce qu'elle caractérise la manifestation de volonté du créancier destinée à faire valoir son droit.

L'assignation en référé délivrée le 14 mai 2009 a par conséquent interrompu la prescription et la modification du fondement de sa demande ayant été formée par conclusions du 11 février 2011, et la SAS Abri Sud est déboutée du moyen tendant à faire déclarer la demande de M. Gojosso irrecevable.

2. Sur le fond :

Par une appréciation détaillée et précise, le premier juge a considéré que l'abri de piscine installé au domicile de M. Gojosso n'était pas conforme au contrat, c'est-à-dire en ce qu'il n'était pas propre à l'usage habituellement attendu d'un bien semblable.

Si la société Abri Sud affirme qu'elle a livré un abri en tous points conforme à la commande, l'expert Lert a notamment mis en évidence une erreur de conception en ce que l'abri aurait dû être conçu pour inclure les margelles en partie inclinées afin de permettre au roulement de s'effectuer sur une surface plane et horizontale, ces constatations révélant que bien que conforme à la commande, cet abri ne rendait pas l'usage attendu.

La société Abri Sud, tenue d'une obligation de conseil et d'information, ne peut non plus se retrancher derrière le fait que M. Gojosso a demandé que cet abri soit retaillé alors qu'elle n'établit pas l'avoir informé des conséquences de la modification proposée, modification qui, au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du Code de la consommation devaient en tout état de cause être refusées par le professionnel.

L'expert a également précisé en quoi l'existence d'un faux équerrage de la piscine se rattachait au problème de conception de l'abri. La société Abri Sud indique qu'il s'agit d'un défaut de la piscine et non de l'abri, en référence aux dispositions de l'article L. 211-8 du Code de la consommation selon lesquels la conformité ne peut être contestée par l'acheteur qui invoque un défaut qu'il connaissait.

Il ne s'agit pas d'un défaut que M. Gojosso aurait caché à la société, mais d'une simple difficulté technique dont celle-ci a pu se convaincre lors du mesurage de la piscine, et qu'elle connaissait pour avoir déjà posé un précédent abri.

Ces seules constatations ainsi que celles effectuées par le premier juge établissent l'absence de conformité de l'abri de piscine commandé par M. Gojosso.

3. La réparation :

La société Abri Sud expose qu'en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire, elle a procédé à la dépose de l'abri et à la pose d'un nouvel abri conformément au jugement, soit un coût total de 9 800 euro auquel s'ajoutent les dommages et intérêts pour 7 500 euro et l'indemnité pour frais de procès.

L'appelante considère que le remplacement de l'abri entraîne un coût manifestement disproportionné par rapport à sa réparation.

Si aux termes de l'article L. 211-9 du Code de la consommation, alors qu'en cas de défaut de conformité, l'acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien, le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l'acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l'autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l'importance du défaut, encore faut-il que la réparation soit possible, ce qui n'est pas le cas en l'espèce s'agissant d'un problème de conception, l'expert n'ayant envisagé que le remplacement de l'abri.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré qu'il convenait de déposer l'abri non conforme afin de le remplacer par un autre d'un modèle équivalent respectant les dimensions de la piscine et les préconisations de l'expert.

4. Les dommages et intérêts :

La société Abri Sud sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts à M. Gojosso pour n'avoir pu utiliser sa piscine pendant trois ans.

En fait, le premier juge a considéré non pas que M. Gojosso n'avait pu utiliser sa piscine mais un trouble de jouissance anormalement long puisque s'étalant sur trois années.

Lorsque M. Gojosso fait valoir qu'il n'a pas pu utiliser sa piscine depuis la pose de son abri, piscine moins utilisée en 2009, l'on doit comprendre qu'il y a eu une utilisation moindre que celle escomptée s'il y avait eu un abri fonctionnant normalement par un réchauffement de l'eau et permettant d'optimiser sur une plus longue durée, l'utilisation de la piscine.

Ce trouble de jouissance légitimement retenu par le premier juge doit être cependant ramené à la somme de 2 500 euro en ce qu'il est limité à l'absence d'un abri de piscine conforme n'empêchant pas l'utilisation de la piscine.

M. Gojosso sollicite des dommages et intérêts complémentaires pour résistance abusive considérant comme abusive la procédure d'appel initiée par la société Abri Sud, demande à laquelle il ne saurait être fait droit sur ce fondement, l'exercice d'une voie de recours ne constituant que l'exercice d'un droit dont il n'est pas justifié du caractère abusif.

La demande est rejetée.

La SAS Abri Sud doit par contre être condamnée au paiement de la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort, Déclare la SAS Abri Sud recevable à soulever le moyen tiré de la prescription de l'article L. 211-12 du Code de la consommation mais l'en déboute ; En conséquence, déclare recevable la demande de M. Gojosso fondée sur la garantie de conformité ; Confirme le jugement du 27 septembre 2011 prononcé par le Tribunal d'instance de Martigues sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts ; Y ajoutant : Condamne la SAS Abri Sud à payer à M. Gojosso la somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts ; Rejette la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par M. Gojosso ; Confirme ce jugement en toutes ses autres dispositions non contraires ; Condamne la SAS Abri Sud à payer à M. Gojosso la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la SAS Abri Sud aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.