CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 18 avril 2013, n° 11-13001
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Bouvet
Défendeur :
Boucault
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sadot
Conseillers :
Mmes Lefevre, Cléroy
Avocats :
Mes Bettan, Charollois, Autier, Nabonne
Le 8 juin 2009, M. Dominique Bouvet a accepté le devis présenté par M. Philippe Boucault artisan exerçant sous l'enseigne BPSF et relatif à la fourniture et à la pose d'un store banne pour la somme de 3 522,65 euro TTC. Le store a été installé le 13 juillet 2009 et le prix a été intégralement payé.
Par un second devis accepté le 31 juillet 2009, M. Dominique Bouvet a commandé la fourniture et la pose d'une porte de garage sectionnelle motorisée avec liaison électrique et un automatisme de portail, pour un prix de 4 410,96 euro TTC.
Sur ce prix, seul l'acompte de 1 500 euro a été réglé, M. Dominique Bouvet refusant de régler la facture présentée le 6 octobre 2009 en raison d'un défaut de conformité de la toile du store banne.
C'est dans ces conditions que M. Dominique Bouvet a, par acte du 21 mai 2010, saisi le Tribunal d'instance de Palaiseau afin d'obtenir le remplacement de cette toile et d'être dispensé de régler le solde de la facture d'octobre 2009.
Par jugement en date du 14 juin 2011, cette juridiction a débouté M. Dominique Bouvet de sa demande, constatant son absence à l'audience de plaidoiries et l'a condamné au paiement de la somme de 2 910,96 euro avec intérêts à taux légal à compter du 23 décembre 2009, d'une indemnité de procédure de 500 euro et des dépens.
M. Dominique Bouvet a relevé appel de cette décision, le 8 juillet 2011. Dans le dernier état de ses conclusions du 3 avril 2012, il demande à la cour, infirmant la décision déférée, d'enjoindre sous astreinte à M. Philippe Boucault de procéder à la dépose et au remplacement de la toile du store banne. Il demande également à être dispensé du règlement du solde de la facture du 6 octobre 2009, l'allocation d'une somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts et d'une indemnité de procédure de 2 000 euro et la condamnation de M. Philippe Boucault aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il reprend les termes du constat d'huissier dressé le 15 avril 2010 qui décrit la déformation de la toile du store ainsi que les dysfonctionnements du portail, dont le décalage de la crémaillère provoque l'arrêt de la course du portail qui demeure entrouvert.
Il fonde sa demande sur les dispositions des articles L. 211-4 du Code de la consommation et 1641 du Code civil, dont il rappelle la teneur, ajoutant que les devis contiennent une garantie qui s'applique aux vices de fonctionnement, en déduisant le bien-fondé de l'intégralité de sa demande.
Dans ses écritures du 26 février 2013, M. Philippe Boucault demande à la cour de confirmer le jugement rendu et de condamner M. Dominique Bouvet au paiement d'une indemnité de procédure de 3 000 euro et aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il dit, s'appuyant sur les conclusions du technicien désigné par son assureur protection juridique, que certes la toile plisse d'où son aspect inesthétique mais il a réalisé les travaux, dans les règles de l'art. S'agissant du portail, il conteste que M. Dominique Bouvet puisse prétendre ne pas régler le solde du prix au motif que le store ne lui donnerait pas satisfaction, alors même qu'il s'agit de conventions distinctes et qu'il a, dès l'examen contradictoire des désordres, accepté de remplacer la crémaillère défectueuse Il explique qu'il a aussi accepté de changer la toile du store, contactant pour ce faire son fournisseur, mais qu'aucun accord n'a pu être formalisé dans la mesure où M. Dominique Bouvet n'avait pas réglé la facture de la porte du garage. Enfin, il s'oppose fermement à sa condamnation au titre des dépens ou de frais irrépétibles de l'appelant, rappelant sa défaillance devant le premier juge.
Sur ce, LA COUR,
Considérant en premier lieu, que l'article L. 211-4 du Code de la consommation dispose que "le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance" l'article suivant lui imposant "de livrer une chose présentant les caractéristiques définies d'un commun accord par les parties et celles que l'acheteur peut légitimement attendre, eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur (...) notamment dans la publicité ou l'étiquetage" ;
Qu'il s'ensuit que la chose livrée doit être conforme à la commande tant sur le plan fonctionnel qu'esthétique, et dès lors, la commande d'une chose neuve s'entendant d'une chose sans défaut, la non-conformité peut résulter d'une différence minime, voire même simplement esthétique, par rapport aux caractéristiques contractuellement prévues ou aux attentes légitimes de l'acheteur ;
Qu'en l'espèce, l'aspect inesthétique de la toile est admis par M. Philippe Boucault qui produit, pour sa défense, les conclusions du technicien nommé par son assureur ; que celui-ci conclut que ce désordre est bien réel et il décrit un gaufrage important de la toile à proximité des coutures ainsi que des plis, accentués par la couleur claire de la toile, la poussière et les salissures s'accumulant dans les creux ; que les photographies annexées au constat d'huissier du 15 avril 2010 permettent d'ailleurs à la cour de se convaincre de la réalité et de l'importance de ce désordre, le gaufrage et le plissage de la toile étant visibles, y compris à distance ;
Que M. Philippe Boucault ne peut pas arguer du fait que le technicien n'incrimine nullement ses prestations, la pose ayant été, selon lui, faite selon les règles de l'art mais qu'il suspecte un vice de fabrication de la toile ; qu'en effet, en tant qu'installateur et vendeur de cette toile, il répond légalement, sans pouvoir s'en exonérer contractuellement, du vice de la chose ;
Qu'en conséquence, M. Philippe Boucault évoquant d'ailleurs la possibilité de procéder au remplacement de la toile, celle-ci sera ordonnée, dans les termes du dispositif ci-dessous, et ce, en application de l'article L. 211-9 du Code de la consommation ;
Considérant en second lieu, que contrairement aux affirmations de M. Philippe Boucault, M. Dominique Bouvet ne se contente pas d'exciper des imperfections de la toile du store, qu'il affirme (dernier aliéna du §1-8) qu'il est 'bien fondé en ses réclamations, compte tenu du défaut de conformité et des vices de fonctionnement qui se révèlent, tant sur le store que sur la porte de garage' et prétend de ce fait, être dispensé du règlement du solde du prix du portail, au visa de l'article L. 211-10 du Code de la consommation ;
Que ce texte dispose que l'acheteur peut rendre le bien et se faire restituer le prix ou garder le bien et se faire rendre une partie du prix, notamment si la solution demandée, proposée ou convenue en application de l'article L. 211-9 (la réparation ou le remplacement) ne peut être mise en œuvre dans le mois suivant la réclamation de l'acheteur ;
Que les prestations commandées (la fourniture et la pose du store banne et la pose et la fourniture d'une porte du garage et d'un automatisme de portail) faisant l'objet de conventions distinctes, M. Dominique Bouvet ne peut fonder cette demande de dispense, que sur le défaut de conformité du portail, objet de la facture du 6 octobre 2009 ;
Qu'il ressort tant des constatations de l'huissier commis en avril 2010 et que de celles du technicien commis par l'assureur de M. Philippe Boucault, l'existence d'un écart de l'ordre du millimètre entre le dormant et le linteau en partie haute de la porte du garage et la fermeture incomplète du portail liée à un décalage de la crémaillère ; que M. Philippe Boucault avait lors de la réunion sur place, le 29 septembre 2010 accepté de procéder à la pose d'un joint afin de masquer le jour entre dormant et linteau et de changer la crémaillère défectueuse, travaux qu'il subordonnait illégitimement au règlement préalable du solde de sa facture ; qu'il s'ensuit que M. Dominique Bouvet peut prétendre conserver la porte et le matériel posé, en l'état et obtenir la restitution d'une partie du prix soit en l'espèce, 600euro, montant auquel la cour peut évaluer les travaux nécessaires à la perfection des travaux, eu égard au montant facturé au titre de la motorisation du portail (1 269 euro) ;
Que M. Dominique Bouvet peut donc retenir une somme de 600 euro sur la facture présentée par M. Philippe Boucault, le 6 octobre 2009 et sa condamnation au paiement du solde dû doit donc être limitée à la somme de 2 310,96 euro avec intérêts à taux légal à compter du 23 décembre 2009 ;
Considérant que M. Dominique Bouvet prétend également à l'allocation de dommages et intérêts, sans pour autant alléguer du moindre préjudice et encore moins de le caractériser, le fait que l'article L. 211-11 du Code de la consommation réserve la possibilité d'obtenir des dommages et intérêts en cas d'application des dispositions des deux articles précédant ne le dispensant nullement de faire la preuve d'un préjudice ; qu'il sera donc débouté de ce chef de demande ;
Considérant que l'instance d'appel ayant été rendue nécessaire par l'absence de M. Dominique Bouvet en première instance alors même qu'il était demandeur, les dépens de l'instance resteront à sa charge ;
Considérant enfin, qu'aucune considération d'équité ne commande d'appliquer tant en première instance qu'en cause d'appel les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et chaque partie déboutée de sa demande indemnitaire en cause d'appel ;
Par ces motifs, Infirme le jugement rendu le 14 juin 2011 par le Tribunal d'instance de Palaiseau ; Statuant à nouveau Constate que M. Dominique Bouvet peut, en application de l'article L. 211-9 du Code de la consommation, retenir une somme de 600 euro sur le prix des prestations commandées le 31 juillet 2009 ; Par conséquent, déduction faite de la somme précitée, condamne M. Dominique Bouvet à payer à M. Philippe Boucault la somme de 2 310,96 euro avec intérêts à taux légal à compter du 23 décembre 2009 ; Fait injonction à M. Philippe Boucault de déposer la toile du store banne installé en exécution du devis accepté par M. Dominique Bouvet le 9 juin 2009 et de la remplacer par une toile présentant les caractéristiques contractuelles et ce dans les quatre-vingt-dix jours de la signification de la présente décision et à compter du 91e jour, sous astreinte de 50 euro par jour de retard pendant 90 jours, délai à l'issue duquel il sera à nouveau statué par le juge compétent saisi par la partie la plus diligente ; Déboute M. Dominique Bouvet de sa demande de dommages et intérêts ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Dominique Bouvet aux dépens de l'instance et dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.