Cass. crim., 15 juin 2010, n° 09-85.715
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Louvel
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Mabrouk, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 3 octobre 2008, qui, pour détention de denrées corrompues nuisibles à la santé, infraction au Code rural relative aux échanges intracommunautaires de produits d'origine animale et contraventions connexes au Code rural et au Code de la consommation, l'a condamné à 2 000 euros d'amende, trois amendes de 300 euros et une amende de 200 euros ; Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 429, 431, 537, 591 et 593 du Code de procédure pénale et R. 215-2 du Code de la consommation, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Mabrouk X coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné au paiement d'une amende délictuelle de 2 000 euros pour l'infraction de détention de denrée alimentaire, boisson ou produit agricole falsifié ou corrompu et nuisible à la santé, ainsi que pour l'infraction d'échange intracommunautaire de denrées animales ou d'origine animale sans présentation des documents sanitaires, de salubrité ou de provenance lors du contrôle à destination et au paiement d'une amende contraventionnelle de 300 euros pour l'infraction de manipulation, entreposage ou vente de denrées animales ou d'origine animale dans des locaux non protégés contre les souillures ou toute autre source de contamination, d'une amende contraventionnelle de 300 euros pour l'infraction de manipulation, entreposage ou vente de denrées animales ou d'origine animale dans des locaux mal aménagés créant un risque d'insalubrité, d'une amende contraventionnelle de 300 euros pour l'infraction de non déclaration d'un établissement de traitement de denrées animales ou d'origine animale et d'une amende contraventionnelle de 200 euros pour l'infraction de commercialisation de viande bovine sans étiquetage obligatoire conforme ;
"aux motifs que le rapport d'inspection établi le 29 août 2006 par le chef du service de la sécurité sanitaire des aliments précise que les constatations effectuées lors du contrôle de la boucherie gérée par le prévenu l'ont été par les agents de son service en présence de deux gendarmes de la brigade de recherches de Roubaix dont l'identité est précisée ; que le procès-verbal établi le 25 août 2006 mentionne l'identité des deux inspecteurs auprès de la direction départementale des services vétérinaires requis le 21 août 2006 par le service enquêteur ; qu'ainsi, il doit être constaté que les agents intervenus à l'occasion de ce contrôle étaient habilités à le faire, et qu'il s'agissait d'autorités qualifiées au sens de l'article L. 215-1 du Code de la consommation ; que les mentions détaillées par l'article R. 215-5 du Code de la consommation ne sont édictées par ce texte que pour les procès-verbaux relatifs aux prélèvement dont les agents verbalisateurs ont, éventuellement, l'initiative, au cours des opérations de contrôle ; qu'il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 215-2 établis à l'occasion des " contrôles élémentaires, dans le but d'identifier les marchandises ou de déceler leurs éventuelles non-conformité aux caractéristiques qu'elles doivent posséder " sont soumis à un tel formalisme ; que l'absence de signature des agents des services vétérinaires ne peut, en conséquence, au contraire de ce que soutient le prévenu dans ses conclusions écrites, conduire à considérer que la matérialité du délit n'est pas établie ; que, sur l'infraction de détention de denrées corrompues ou toxiques et nuisibles à la santé de l'homme ou de l'animal, les agents de la direction départementale des services vétérinaires du Nord ont constaté la présence dans la chambre froide de plusieurs plateaux contenant de pli des viandes corrompues, ou poisseuses, dont le contenu est détaillé dans le rapport d'inspection établi le 29 août 2006 ; que le prévenu a reconnu, parmi les constatations effectuée, que " certaines étaient véridiques et inexcusables ", se contentant d'indiquer que le saucisson moisi n'était pas en étalage mais en chambre froide ; que la procédure établit ainsi suffisamment la matérialité de l'infraction poursuivie ci-dessus rappelée, caractérisée en tous ses éléments et qu'il en résulte que c'est juste titre que le tribunal a retenu la culpabilité de Mabrouk X de ce chef ; que, sur l'absence de documents sanitaires de salubrité ou de provenance lors du contrôle à destination à la suite d'échanges intracommunautaires de denrées animales ou d'origine animale, les inspecteurs vétérinaires ont relevé que la boucherie gérée par le prévenu était régulièrement approvisionnée par un fournisseur belge sans toutefois que soient présentés les documents sanitaires, de salubrité ou de provenance ; que le prévenu a souligné qu'il disposait de tous les documents de douane nécessaires et qu'il a fourni deux déclarations simplifiées établies à la demande expresse du cabinet comptable en charge de sa comptabilité, le 7 janvier 2006 et le 29 juin 2006, mentionnant des valeurs fiscales de 56 408 euros pour l'ensemble de l'année 2005 et 47 230 euros pour les six premiers mois de l'année 2006 ; que ces documents douaniers sont distincts de ceux exigés par les dispositions des articles L. 236-1 et suivants du Code rural visés par la prévention relatives aux conditions sanitaires et que les déclarations simplifiées mentionnées ne peuvent être confondues avec la documentation sanitaire devant être présentée en cas de contrôle à destination ; que la régularisation intervenue depuis le contrôle, par définition postérieure à l'intervention des services compétents, est au cas d'espèce indifférente s'agissant de la commission de l'infraction poursuivie ; que la procédure établit ainsi suffisamment la matérialité de l'infraction poursuivie ci-dessus rappelée, caractérisée en tous ses éléments et que c'est à juste titre que le tribunal a retenu la culpabilité de Mabrouk X de ce chef ; que, sur les autres infractions, le rapport d'inspection établi le 29 août 2006 détaille les nombreuses non-conformités constatées au niveau du sol du laboratoire, des plafonds et des murs et qu'ont été relevées, notamment, des fuites d'eau et de nombreuses traces de matière en putréfaction et de projections de viandes séchées ; que le prévenu a déclaré, en commentant les photographies prises à l'occasion du contrôle dont son établissement a fait l'objet le 25 août 2006 : " c'est juste sale visuellement mais pas sale en vérité " mais également "sur la photographie n° 4, on voit des cartons pourris mais je n'ai pas mauvaise conscience, je les mange les dattes, elles sont bonnes" ; que de telles explications n'ont pas la force suffisante permettant au prévenu de priver d'intérêt les constatations effectuées, les agents ayant ainsi que rappelé ci-dessus, constaté que l'aménagement des locaux ne permettait pas de prévenir un risque d'insalubrité et que ces locaux n'étaient pas protégés contre les souillures ou toute source de contamination ; qu'il y a lieu de souligner que le défaut d'étiquetage conforme et l'absence de déclaration préalable auprès de la direction départementale des services vétérinaires du Nord pour son activité de boucherie relevés par les inspecteurs, ne sont pas contestés par le prévenu ; que la procédure établit ainsi suffisamment la matérialité des infractions ci-dessus rappelées ;
"1) alors que les procès-verbaux établis par des agents n'ayant pas eux-mêmes constaté les infractions qui y sont rapportées, ne disposent pas de la force probante particulière prévue à l'article 431 du Code de procédure pénale et ne permettent donc pas de caractériser à eux-seuls l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que le rapport d'inspection du 29 août 2009 avait été établi et signé, non par les agents ayant personnellement visité la boucherie et constaté les infractions, mais par le chef du service de la sécurité sanitaire des aliments, lequel n'était pas présent lors de l'inspection ; qu'elle ne pouvait dès lors attribuer à ce rapport d'inspection la force probante particulière reconnue par l'article 431 du Code de procédure pénale aux procès-verbaux de constatation des infractions, ni retenir, comme elle l'a fait, la culpabilité du prévenu sur la seule base des mentions de ce rapport ;
"2) alors que ne constitue pas un procès-verbal de constatation des infractions auquel s'attache la force probante particulière prévue à l'article 431 du Code de procédure pénale , le "rapport d'inspection" établi et signé par le chef du service de la sécurité sanitaire des aliments, sur la base des déclarations que lui ont rapportées, postérieurement à l'inspection, les agents de son service ayant personnellement procédé à celle-ci ; qu'en attribuant à ce rapport la même valeur qu'à un procès-verbal de constatation des infractions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3) alors que la seule existence, dans le dossier, d'un procès-verbal régulier, dressé par les officiers de police judiciaire présents lors des opérations de contrôle et indiquant l'identité des agents des services vétérinaires ayant réalisé les contrôles, ne saurait pallier l'absence de tout procès-verbal de constatation des infractions établi par ceux-ci ; que l'arrêt attaqué, qui a jugé l'inverse, encourt à cet égard encore la cassation ;
"4) alors qu'il en va d'autant plus ainsi lorsque, comme en l'espèce, le procès-verbal établi par les officiers de police judiciaire ne décrit pas de manière précise et circonstanciée les infractions qui ont été relevées par les agents ayant personnellement réalisé les contrôles" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 18 août 2006, les services de gendarmerie qui s'étaient rendus pour l'exécution d'une commission rogatoire dans la boucherie à l'enseigne "Chez Rabah, le halal de A à Z" exploitée par la société Groupe Zed, ont constaté, de manière incidente, des manquements aux règles de propreté et d'hygiène ;
Attendu qu'un contrôle du magasin a été opéré le 25 août 2006 par deux enquêteurs de la gendarmerie assistés de deux inspecteurs de la direction départementale des services vétérinaires ; que le procès-verbal établi par les enquêteurs énumère les anomalies constatées et mentionne que le rapport d'inspection des services vétérinaires développant les infractions relevées est joint au procès-verbal ; que ce rapport d'inspection a été signé le 29 août 2006 par le chef de service des inspecteurs ayant effectué les constatations ;
Attendu que Mabrouk X, gérant de la société exploitant le magasin, a été poursuivi pour avoir, le 25 août 2006, détenu plusieurs dizaines de kilogrammes de viande corrompue nuisible à la santé, procédé à des échanges intracommunautaires de produits d'origine animale sans être en mesure de présenter les registres et certificats de salubrité attestant de leur provenance et contrevenu à la réglementation sanitaire du Code rural et du Code de la consommation en matière de denrée animale ;
Attendu que le prévenu a fait valoir, pour conclure à sa relaxe, qu'à défaut de procès-verbal signé des agents ayant personnellement procédé aux constations du 25 août 2006, la matérialité des faits n'était pas établie ;
Attendu que, pour écarter ce moyen de défense et déclarer le prévenu coupable des infractions, la cour d'appel énonce que le rapport du 29 août indique que les constatations ont été opérées par les deux agents de la direction des services vétérinaires en présence des deux gendarmes dont le nom est précisé ; que le procès-verbal établi le 25 août par ces derniers mentionne l'identité des deux inspecteurs de la direction des services vétérinaires, lesquels sont des autorités qualifiées au sens de l'article L. 215-2 du Code de la consommation ;
Que les juges ajoutent que les procès-verbaux établis en application de l'article R. 215-2 du Code de la consommation ne sont pas soumis au formalisme prévu par l'article R. 215-5 qui ne vise que les procès-verbaux dressés en cas de prélèvement et que l'absence de signature des deux agents ne prive pas le rapport de force probante ;
Attendu qu'en cet état, l'arrêt n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'en effet, s'il est vrai que les procès-verbaux et rapports établis par des agents n'ayant pas constaté eux-mêmes les infractions sont dépourvus de la force probante particulière prévue par les articles 429 et 431 du Code de procédure pénale, leurs énonciations valent à titre de simples renseignements et peuvent suffire à fonder à elles seules la conviction des juges ; d'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.