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Décisions

Cass. crim., 23 mars 2010, n° 09-84.291

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Chaumont

Avocat général :

M. Lucazeau

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié

Dijon, ch. corr., du 28 mai 2009

28 mai 2009

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Michel, la société Laboratoires Vendôme, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 28 mai 2009, qui, pour publicité de nature à induire en erreur et tromperie, les a condamnés respectivement à 5 000 euros et à 30 000 euros d'amende ; - Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, L. 121-1, L. 213-1, L. 215-9, L. 215-11 du Code de la consommation, préliminaire, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X et les Laboratoires Vendôme coupables de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie ;

" aux motifs, d'une part, que le fait que Michel X et Christophe Y n'aient pas été formellement avisés, contrairement aux exigences de l'article L. 215-11 du Code de la consommation, de la faculté de présenter des observations et réclamer une expertise contradictoire, ne justifie pas, par contre, l'annulation de la procédure ; qu'il est en effet établi que les intéressés, avisés des résultats de l'analyse lors de leurs auditions à l'initiative du parquet, n'ont formé aucune contestation d'ordre technique, Michel X ayant expressément renoncé à une contre-analyse ;

" et aux motifs, d'autre part, qu'il ressort du dossier que si les références à un " concentré de Méditerranée " et aux " maîtres savonniers " ne peuvent être incriminées, renvoyant pour la première à une zone géographique sur un mode emphatique et sans revendication de fabrication et, pour la seconde, à un savoir-faire dénué de reconnaissance réglementaire, il est par contre établi que le savon liquide à l'huile essentielle de lavande contenait un antibactérien de synthèse, le chlorure de benzethenium, alors qu'il était présenté comme comportant un antibactérien naturel ; que la société Laboratoires Vendôme, qui a défini ce produit, ne peut valablement invoquer la fraude dont elle aurait été victime de la part du fournisseur puisqu'il lui appartenait, en qualité de professionnel disposant des moyens de contrôles nécessaires, de s'assurer de la conformité des composants utilisés ; qu'en outre, et contrairement à ses explications, elle a été avisée dès le mois de janvier 2005, soit antérieurement aux premiers actes de l'enquête, de la difficulté, le retrait par son fournisseur du " citricidal " employé étant intervenu dans un contexte déjà marqué par des interrogations sur les pouvoirs antiseptiques des extraits de pamplemousse utilisés ; que, par ailleurs, il est constant que les produits litigieux ne contenaient que des pourcentages infimes d'huile d'olive (1 % jusqu'au mois de décembre 2003, puis 0, 1 % pour le savon solide, 0, 68 % d'acides gras transformés pour le savon liquide) et d'huile essentielle de lavande (0, 00098 % pour le savon solide, 0, 006 % pour le savon liquide), alors que ces matières nobles, connues pour leurs vertus antioxydantes et apaisantes, ont été volontairement mises en avant par la société Laboratoires Vendôme, induisant ainsi une image déformée de la réalité ; qu'il s'ensuit que ces faits sont constitutifs des délits de tromperie sur les qualités substantielles et la composition, et de publicité comportant dans une présentation de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles et la composition ;

" alors que la condamnation par la cour d'appel de Michel X et des Laboratoires Vendôme des chefs de publicité de nature à induire en erreur et de tromperie ne reposant, selon les constatations de l'arrêt, que sur les analyses non contradictoires réalisées par les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, lesquelles sont privées de valeur probante en raison de la méconnaissance des formalités substantielles de l' article L. 215-11 du Code de la consommation , la cassation est encourue pour défaut de base légale " ;

Vu les articles L. 215-11 du Code de la consommation et 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, dans le cas où la présomption de fraude ou de falsification résulte de l'analyse faite au laboratoire, l'auteur présumé de la fraude ou de la falsification est avisé, par le procureur de la République, qu'il peut prendre communication du rapport du laboratoire et qu'un délai de trois jours francs lui est imparti pour présenter ses observations et faire connaître qu'il réclame l'expertise contradictoire prévue à l' article L. 215-9 du Code de la consommation ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une enquête diligentée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la société Laboratoires Vendôme ainsi que Michel X, son directeur général, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs de tromperie et de publicité de nature à induire en erreur sur la composition de savons commercialisés sous la marque Le Petit marseillais ; qu'ils ont été relaxés du premier de ces délits et déclarés coupables du second par jugement dont ils ont relevé appel, ainsi que le ministère public ;

Attendu que, dans leurs conclusions déposées en appel, les prévenus ont exposé qu'à l'occasion de leurs investigations, les agents avaient prélevé des échantillons de savons qu'ils avaient confiés au laboratoire de la DGCCRF ; qu'ils ont fait valoir qu'ils n'avaient pas été avisés par le procureur de la République de la possibilité d'obtenir la communication du rapport du laboratoire, de présenter des observations dans le délai de trois jours francs, et de réclamer l'expertise contradictoire prévue à l' article L. 215-9 du Code de la consommation ; qu'ils ont, en outre, soutenu que le rapport figurant au dossier faisait apparaître " de graves anomalies " ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, tendant à l'annulation de la procédure, et déclarer les prévenus coupables, les juges du second degré énoncent que Michel X, avisé des résultats de l'analyse de la DGCCRF lors de son audition à l'initiative du parquet, n'a élevé aucune contestation et qu'il a expressément renoncé à une contre-analyse ; qu'ils ajoutent que, contrairement à ce qui était annoncé sur l'emballage, le produit antibactérien incorporé dans le savon liquide à l'huile essentielle de lavande n'était pas d'origine naturelle et que la quantité d'huiles d'olive et de lavande composant les savons " à l'huile d'olive " ou " à l'huile essentielle de lavande " était infime ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'analyse faite au laboratoire de la DGCCRF sur laquelle elle a fondé sa conviction, était dépourvue de valeur probante, les prescriptions de l'article L. 215-11 du Code de la consommation, destinées à en garantir le caractère contradictoire, n'ayant pas été observées, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens proposés : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Dijon, en date du 28 mai 2009, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Dijon et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.