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Décisions

Cass. crim., 15 janvier 2013, n° 12-82.320

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Fossier

Avocats :

SCP Odent, Poulet

Paris, 10e ch., pôle 4, du 5 mars 2012

5 mars 2012

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par M. Michel X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, chambre 4-10, en date du 5 mars 2012, qui, pour infractions au Code de la consommation et au Code rural et de la pêche maritime, l'a condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis, 200 euros d'amende avec sursis, vingt-deux amendes de 75 euros avec sursis, 150 euros d'amende avec sursis et a ordonné une mesure d'affichage ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'agissant sur la plainte d'un consommateur, les agents d'une direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont opéré un contrôle au rayon de poissonnerie traditionnelle d'un hypermarché et ont relevé notamment la présence de rougets corrompus ; que M. X, responsable de ce rayon, subdélégataire de pouvoirs s'agissant des règles d'hygiène et de sécurité ainsi que des conditions de vente de produits, a été poursuivi pour infractions au Code de la consommation et au Code rural et de la pêche maritime ; qu'il a cessé d'appartenir au personnel de la société propriétaire de l'hypermarché ; qu'il a été condamné, tant en première instance que sur son appel, à diverses amendes ; que la cour d'appel a en outre ordonné l'affichage de la condamnation pendant une durée de quinze jours au rayon poissonnerie du magasin ;

En cet état :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3 du Code pénal, L. 216-3 du Code de la consommation, 459, 512 et 593 du Code de procédure pénale, 9 de la Déclaration des Droits de l'Homme et 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ensemble le principe de personnalité des peines, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la peine complémentaire d'affichage pour une durée de quinze jours au rayon poissonnerie du magasin Carrefour de Chelles ;

"aux motifs que, c'est par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et des circonstances de la cause, exactement rapportés dans la décision déférée, que les premiers juges ont, à bon droit, retenu M. X dans les liens de la prévention ; que le jugement sera donc confirmé sur la déclaration de culpabilité ; qu'il le sera aussi sur la peine complémentaire d'affichage attachée à l'infraction, même si la société Carrefour n'a pas été poursuivie ;

"1) alors qu'aux termes de l'article 111-3, alinéa 2, du Code pénal, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'il résulte du principe de la légalité criminelle que les juges ne peuvent prononcer une peine d'une durée supérieure à celle fixée par la loi ; que l'article L. 216-3 du Code de la consommation permet au juge pénal d'ordonner une peine complémentaire d'affichage d'une durée maximale de sept jours ; qu'en confirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait ordonné l'affichage de la décision au rayon poissonnerie de l'hypermarché Carrefour de Chelles durant quinze jours, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble le principe de la légalité criminelle ;

"2) alors que l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, ainsi que les dispositions de l'article 459 du Code de procédure pénale, commandent aux juges du fond de répondre aux moyens péremptoires soulevés par les parties ; qu'en l'espèce, l'exposant faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposées et de ce chef délaissées, que la peine d'affichage n'était plus justifiée, dès lors qu'il avait quitté, non seulement l'établissement mais encore la société Carrefour ; qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs ;

"3) alors qu'en application du principe de personnalité des peines, qui résulte des articles 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, nul ne peut subir une peine sans avoir été déclaré pénalement responsable ; qu'en l'espèce, l'exposant n'étant plus employé dans aucun établissement de la société Carrefour, la peine d'affichage a pour unique vocation de sanctionner ladite société, alors même que, n'ayant pas été poursuivie, elle n'a eu à répondre d'aucune infraction et n'a en conséquence pas été déclarée pénalement coupable ; qu'en ordonnant l'affichage de la décision de condamnation du demandeur au rayon poissonnerie de son ancien employeur, la cour d'appel a violé le principe de personnalité des peines et les articles susvisés" ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu qu'en prononçant la peine complémentaire de l'affichage, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre le prévenu dans le détail de son argumentation, lequel ne saurait se faire un grief de ce que cette peine porterait atteinte aux intérêts de la société qui l'employait, n'a fait qu'user d'une faculté prévue par la loi ; d'où il suit que le grief doit être écarté ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article L. 216-3 du Code de la consommation ; - Attendu que les juges ne sauraient prononcer une peine d'une durée supérieure à celle fixée par la loi ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, la cour d'appel, après avoir déclaré le prévenu coupable de détention de denrées alimentaires qu'il savait corrompues, a, notamment, ordonné l'affichage de la décision pendant quinze jours ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le temps pendant lequel l'affichage doit être maintenu, ne peut, aux termes de l'article L. 216-3 du Code de la consommation , excéder sept jours, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du Code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs : Casse et annule, en ses seules dispositions ayant ordonné l'affichage de la condamnation pendant quinze jours, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Paris, en date du 5 mars 2012, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Fixe à sept jours la durée de l'affichage de la décision ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Ordonne l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.