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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 mai 2014, n° 12-03776

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Plasti Services (SARL)

Défendeur :

A.S. Pool (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Nicoletis

Avocats :

Mes Dauchel, Baffou, Boccon Gibod, Bonon

T. com. Rennes, du 17 janv. 2012

17 janvier 2012

La SAS A.S. Pool (anciennement dénommée "Abriblue"), fabricant de piscines et de matériels de piscines, a sous-traité, depuis 2006, à la SARL Plasti Services la réalisation sur mesure et en série de composants plastiques de volets de piscine.

Dans le cadre de ces relations, la société Plasti Services a fabriqué des moules conformément aux plans fournis par la société A.S. Pool.

Le 11 octobre 2007 un "accord de confidentialité de l'information" a été signé entre les deux sociétés.

Par courriels des 21 et 27 juillet la société A.S. Pool a demandé la restitution de huit moules.

Par courriel du 7 septembre 2009, la société A.S. Pool a ajouté à sa précédente liste cinq nouveaux moules, en précisant " Au moment où nous vous avons fait la demande pour la liste ci-dessus, nous avions encore des pièces en commande sur certains moules, nous ne vous avons dont pas demandé les moules correspondants, à ce jour, vous devez savoir soldé ou être sur le point d'avoir soldé toutes nos commandes, nous vous demandons donc de rajouter pour enlèvement les moules suivants : ...".

Par courriel du 16 septembre 2009, la société Plasti Services a adressé à la société A.S. Pool "...un état des opérations que nous souhaitons solder ...montant total HT 57 021,80 euro... avant que vous ne procédiez à un enlèvement des outillages, des matières et produits en stocks en fin de semaine 38" ;

Le 17 septembre 2009, la société Plasti Services a émis une facture rectificative d'un montant de 9 196,91 euro TTC.

Par courriel du 23 septembre 2009, la société A.S. Pool a contesté les "frais de développement et de mise au point des pièces et outillages 2008/2009" mentionnés dans la facture du 17 septembre 2009, en souhaitant que ce point soit éclairci et la situation débloquée, précisant "Nous ne pouvons désormais tolérer plus longtemps le fait que vous refusiez de nous restituer nos moules."

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 octobre 2009, la société A.S. Pool a mis en demeure la société Plasti Services de lui restituer sous huit jours les outillages lui appartenant, dont elle avait déjà demandé restitution.

Par courrier du 14 octobre 2009, la société Plasti Services a répondu que la société A.S. Pool lui était encore redevable de la somme de 36 682,61 euro à laquelle s'ajoute une facture du même jour d'un montant de 21 114,42 euro, soit une somme de 56 795,03 euro. L'appelante terminait son courrier en indiquant " Maintenant sans aucune raison technique ou financière vous voulez nous quitter. Qui va payer le préjudice commercial. Pour conclure, tous vos moules sont à votre disposition et prêts à être emportés, à condition que l'ensemble de nos créances soient payées, ce qui est tout à fait normal dans ce type de séparation." Le 14 octobre 2009, la société Plasti Services a émis une facture d'un montant de 21 114,42 euro TTC.

La société Plasti Services a restitué les moules après paiement de la facture du 14 octobre 2009 de 21 114,42 euro et du règlement partiel, à hauteur de 3 184,90 euro, de la facture du 17 septembre 2009.

Par acte du 2 mars 2010, la société Plasti Services a fait assigner la société A.S. Pool devant le Tribunal de commerce de Niort qui, par jugement du 17 novembre 2010, s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Rennes.

Par jugement du 17 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Rennes a :

- donné acte à la société A.S. Pool de ce qu'elle accepte le désistement de la société Plasti Services de sa demande de paiement de la somme de 5 362 euro,

- constaté que la société Plasti Services ne démontre pas la prétendue brutalité de la rupture reprochée, ni un préjudice directe qui en résulterait,

- constaté que la société Plasti Services n'était liée par aucun engagement d'exclusivité au bénéfice de la société A.S. Pool ;

- débouté la société Plasti Services de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Plasti Services au paiement d'une somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et déboutés la société A.S. Pool du surplus de sa demande.

Le 28 février 2012, par la société Plasti Services a interjeté appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 22 mai 2012, par lesquelles la société Plasti Services demande à la cour de : au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce et 1382 du Code civil,

- réformer le jugement,

- fixer à titre principal la date de rupture des relations entre la société A.S. Pool, anciennement dénommée Abriblue, et la société Plasti Services, au 5 octobre 2009,

Dans cette hypothèse,

- dire et juger que la rupture est intervenue sans préavis,

A titre subsidiaire,

- fixer la date de rupture au 21 juillet 2009,

Dans cette hypothèse,

- dire et juger que le préavis de rupture a été d'une durée insuffisante,

Dans les deux hypothèses,

- condamner la société A.S. Pool à réparer le préjudice découlant de la rupture brutale de la relation,

En conséquence,

- condamner la société A.S. Pool à lui payer, à titre principal,

* la somme de 184 873 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis de rupture en considération de la perte de marge,

* la somme de 124 044 euro à titre d'indemnité compensatrice de préavis de rupture en considération de la perte de chiffre d'affaires,

- condamner la société A.S. Pool à lui verser une indemnité de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la société A.S. Pool en tous les dépens.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 23 juillet 2012, par lesquelles la société A.S. Pool demande à la cour de :

- confirmer le jugement,

- constater que la société Plasti Services ne démontre pas la prétendue brutalité de la rupture reprochée, ni un préjudice direct qui en résulterait,

- constater que la société Plasti Services n'était liée par aucun engagement d'exclusivité au bénéfice de la société A.S. Pool,

- débouter la société Plasti Services de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Plasti Services au paiement d'une indemnité de 7 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens, qui pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Cela étant exposé, LA COUR :

Sur la rupture de la relation commerciale :

Considérant que la société Plasti Services soutient que la relation commerciale qui était établie depuis quatre années a été rompue par la société A.S. Pool sans préavis, même non écrit ; qu'avant la mise en demeure du 5 octobre 2009 rien ne pouvait laisser entrevoir l'imminence de la rupture ; que les courriels des mois de juillet et septembre 2009, par lesquels la société A.S. Pool demandait la restitution de ses moules, ont été interprétés comme une évolution des besoins de cette société et une évolution normale des relations puisque la rotation des moules en fonction des produits à fabriquer est la règle ;

Considérant que la société Plasti Services soutient également que la société A.S. Pool a rompu leurs relations commerciales par lettre du 5 octobre 2009 qui ne mentionne aucun préavis ; que cette société ayant exigé, le 10 juillet 2007, la signature d'une clause de confidentialité aboutissant à lui interdire de fabriquer pour des concurrents et compte tenu de l'ancienneté des relations et de la difficulté à retrouver rapidement un client en raison de cette clause, constitutive d'une situation de contrainte économique, la société A.S. Pool aurait dû respecter un préavis d'une durée minimale de six mois ;

Considérant que la société A.S. Pool expose que même en l'absence d'écrit, l'existence d'un préavis peut être prouvée par tous moyens ; que la baisse du volume d'affaires à compter de l'année 2010 est intervenue en parfaite connaissance de la société Plasti Services, qui avait accepté de solder les opérations lors de deux réunions de travail intervenues les 27 mars et 7 juillet 2009 ; que dès le mois d'avril 2009 une première série de moules lui a été restituée, qu'ainsi la société Plasti Services a bénéficié d'un délai de prévenance d'au moins neuf mois ; qu'à tout le moins, compte tenu du délai écoulé entre le courriel du 21 juillet 2009 et la commande livrée le 15 janvier 2010, la société Plasti Services a bénéficié d'un délai de six mois ; que cette société omet de préciser que le volume d'affaires sur l'année 2009 s'est maintenu à son niveau habituel, que si elle a réduit ses commandes à partir de l'année 2010, elle a continué, même ultérieurement, à confier des commandes à la société Plasti Services ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionnent le fait de rompre brutalement, même partiellement, sans préavis écrit suffisant une relation commerciale établie ; qu'en l'espèce, il est démontré par la production du "relevé de factures établies en 2010" par la société Plasti Services que la relation commerciale, dont le caractère établi n'est pas contesté, s'est poursuivie postérieurement au courrier du 5 octobre 2009 et au moins jusqu'au mois de juillet 2011, selon l'état du chiffre d'affaires réalisé par Plasti Services entre janvier 2007 et juillet 2011, produit par la société A.S. Pool ;

Considérant que lorsque aucune obligation de garantir un volume de commande minimum n'a été prévue entre les parties, la diminution, même significative, des commandes est insuffisante, dès lors qu'elle ne procède pas d'un comportement déloyal, à caractériser une rupture partielle des relations commerciales ; qu'au surplus seule est fautive la rupture brutale, c'est-à-dire la rupture imprévisible, soudaine et violente, celle à laquelle le cocontractant ne pouvait s'attendre ;

Considérant qu'il résulte des courriels et courriers échangés entre les parties qu'à la suite d'une réunion tenue le 27 mars 2009, une première série de moules a été restituée au mois d'avril 2009 par la société Plasti Services ; que le courriel du 7 septembre 2009 de la société A.S. Pool, qui demande la restitution de nouveaux moules en plus de ceux demandés au mois de juillet précédent, indique "à ce jour, vous devez avoir soldé ou être sur le point d'avoir soldé toutes nos commandes..." et le courriel du 16 septembre 2009 de la société Plasti Services, qui fait la liste des factures dont elle demande le solde et confirme l'enlèvement "des outillages, des matières et produits en stocks en fin de semaine 38", démontrent qu'à compter du mois de juillet 2009 les parties étaient convenues de récupérer ses moules, pour l'une, et de solder ses factures en cours, pour l'autre ;

Considérant que la société Plasti Services, tenue par une clause de confidentialité qui ne l'empêche nullement d'avoir d'autres clients ou de remplacer la société A.S. Pool, est informée depuis au moins le mois de juillet 2009 de la volonté de la société A.S. Pool de réduire ses commandes et de récupérer ses moules ; que la société Plasti Services a accepté de solder les comptes entre les parties et de restituer les moules ; que la relation commerciale s'est poursuivie d'un commun accord au moins jusqu'au mois de juillet 2011 ; que dans ces conditions, la société Plasti Services, qui est mal fondée à soutenir que la société A.S. Pool a rompu brutalement leurs relations commerciales le 5 octobre 2009 ou le 21 juillet 2009, doit être déboutée de ses demandes ;

Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Rennes du 17 janvier 2012 ; Et y ajoutant, Condamne la société Plasti Services à verser à la société A.S. Pool la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Plasti Services aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.