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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 7 mai 2014, n° 12-00336

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Domaine Rollan de By (SAS)

Défendeur :

Niconnection Limited Company (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme O'yl

Conseillers :

MM. Bancal, Ramonatxo

Avocats :

SCP Taillard & Janoueix, Mes Cliquet, Dinety, Trassard

T. com. Bordeaux, 7e ch., du 2 déc. 2011

2 décembre 2011

Vu le jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 2 décembre 2011

Vu la déclaration d'appel de la SAS Greysac des 10 et 18 janvier 2012

Vu les conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 2 octobre 2013

Vu les conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 1er juin 2012 par la société Niconnection Limited Company

Vu les conclusions récapitulatives déposées et signifiées le 14 octobre 2013 par société Niconnection Limited Company

Vu l'ordonnance de clôture du 2 octobre 2013

La société Niconnection Limited Company a mis en relations d'affaires les sociétés Majestic spécialisée au Royaume Uni dans la distribution des vins et Greysac.

Le 27 juillet 2007, la société Greysac a conclu avec la société de droit anglais, Niconnection Limited Company LTD, un contrat d'agent commercial soumis au droit français, lui confiant le soin de promouvoir les ventes de ses produits sur le territoire anglais, moyennant une commission égale au taux de 3,5 % net sur toutes les commandes reçues des clients dudit territoire.

Estimant que la société Niconnection Limited Company n'avait pas respecté parfaitement son contrat, la société Greysac SAS lui a adressé le 3 mars 2010 un courrier de rupture du contrat à ses torts exclusifs.

La société Niconnection Limited Company a réfuté l'ensemble des griefs dès le 28 mai 2010 et, contestant la rupture du contrat a réclamé le paiement de l'indemnité de rupture ainsi que les arriérés de commissions.

La société Greysac SAS refusant de payer, la société Niconnection Limited Company assignait le 4 octobre 2010 la SAS Greysac devant le Tribunal de commerce de Bordeaux en paiement.

Par jugement en date du 2 décembre 2011, le Tribunal de commerce de Bordeaux condamnait la SAS Greysac au paiement de 12 000 euros au titre d'indemnité compensatrice, de 10 748,21 euros au titre des commissions impayées, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préavis non respecté, outre la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 11 janvier 2012, la SAS Greysac interjetait appel de la décision.

La SAS Greysac à laquelle la SAS Domaine Rollan de By se substitue demande à la cour :

de lui donner acte de son intervention volontaire

de réformer le jugement déféré dans son intégralité

de rejeter toutes les demandes et prétentions nouvelles de la société Niconnection Limited (au titre de l'indemnité de préavis)

de constater que la preuve est rapportée de la non-exécution par la société intimée du contrat d'agent commercial

de dire et juger qu'elle a commis une faute grave justifiant la résiliation du contrat à ses torts exclusifs

A titre subsidiaire, elle demande ;

de dire et juger qu'elle reste redevable vis à vis de la société Niconnection Limited de la somme de 8 914,29 euros au titre des commissions de 2010,

de condamner la société Niconnection Limited à lui payer les sommes de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts, 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens.

La société Niconnection Limited sollicite la confirmation du jugement déféré et forme une demande reconventionnelle visant à la condamnation de la société appelante à lui payer la somme de 24 000 euros à titre d'indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat d'agent commercial du 27 juillet 2007

outre celle de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour caractère abusif de la rupture du contrat et de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

SUR CE :

Sur la nature du contrat et l'exécution du contrat

Les relations contractuelles s'analysent comme un contrat d'agence commerciale d'une durée d'un an avec tacite reconduction qui a été signé le 27 juillet 2007 (pièce 9 du dossier de l'appelant).

Au terme de ce contrat le mandant, en l'espèce la SAS Greysac confie à l'agent la société Niconnection Limited Company le soin de promouvoir les ventes de ses vins aux clients sur le territoire de l'Angleterre, défini comme territoire contractuel (article 1-1 dudit contrat).

L'article 4 dudit contrat se contente de fixer pour la société Niconnection LTD en sa qualité d'agent commercial des obligations générales comme celles de rechercher de nouveaux clients pour la commercialisation des produits de la société Greysac, de lui communiquer toutes les informations pertinentes en relation avec l'objectif et l'exécution du contrat ou encore de lui transmettre un rapport détaillé sur ses rapports avec les clients de marchés, sans en préciser le formalisme.

La cour constatera qu'aucun autre document contractuel n'est versé aux débats permettant d'apprécier l'existence d'objectifs commerciaux précis assignés par le mandant à son agent commercial (nombre de prospects, volumes à négocier chaque année, tarification...).

Dans ces conditions, la cour n'est pas en mesure d'apprécier la portée des engagements commerciaux consentis par les parties notamment en ce qui concerne la mission de l'agent dont on peut ni affirmer ni infirmer qu'elle consistait à pérenniser une relation commerciale importante avec la société Majestic ou à rechercher d'autres clients sur le territoire britannique.

Le même constat pourra être fait s'agissant d'une baisse invoquée et non contestée des ventes des vins dont la responsabilité contractuelle en l'état du dossier ne saurait être imputée à la société Niconnection.

En l'état du dossier, il est acquis que les relations commerciales ont perduré de juillet 2007 au 3 mars 2010 date de l'envoi par la SAS Greysac à la société Niconnection (Pièce 2 dossier intimé) d'une lettre de rupture pour faute visant l'article 10 du contrat.

Le travail de prospection commerciale et de commercialisation des vins de la SAS Greysac s'est pourtant matérialisé par une relation commerciale continue avec la société anglaise Majestic comme en atteste des mails échangés entre les deux sociétés (pièces 5 à 8).

Ce point n'est pas contesté par les parties.

En attestent également les facturations établies par la SAS Greysac à l'encontre de la société Majestic (Pièce 13 du dossier de l'appelant) pour la période du 9 janvier 2007 au 21 mars 2010.

L'article 10 dudit contrat intitulé " résiliation pour faute " dans ses deux premiers alinéas stipule que ;

" Chacune des parties pourra mettre fin automatiquement au présent contrat par notification écrite adressée à l'autre partie par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans avoir à saisir un tribunal ou initier une quelconque procédure, si l'autre partie :

(i) a violé une quelconque des clauses du présent contrat, une telle violation ne pouvant pas être réparée. "

(ii) a violé l'une quelconque des clauses du présent contrat, alors même qu'une telle violation pouvait être réparée, la partie concernée n'y a pas procédé dans les 60 jours qui suivaient la notification signifiant à l'autre partie de remédier à la violation. "

La cour constate donc qu'il n'existe de façon contractuelle que deux possibilités de résilier le contrat pour faute, selon que la violation d'une des causes du contrat qui est reprochée à l'autre partie est susceptible d'être réparée ou non.

Dans l'hypothèse où la violation est susceptible d'être réparée, le contrat prévoit donc que la partie demanderesse doit adresser à la partie défaillante une notification signifiant à l'autre partie de remédier à la violation, et ce n'est qu'à l'issue d'un délai de 60 jours, sans que l'autre partie ait remédié à la situation, qu'il peut être mis fin au contrat.

Le courrier de rupture adressé par la société Greysac à son agent commercial démontre qu'elle a délibérément choisi de se placer dans la première hypothèse, en se dispensant ainsi de toute mise en demeure préalable à la résiliation du contrat.

Or la cour ne pourra que constater que les griefs invoqués par la SAS Greysac pour justifier d'une rupture pour faute sans mise en demeure et à toute fin sans indemnité ne reposent sur aucune pièce probante comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges.

En effet on ne peut déduire du seul contenu des mails échangés entre la SAS Greysac et son client la société Majestic (pièces n° 17) que la société Niconnection, également destinataire en copie desdits mails n'a pas effectivement rempli ses obligations en sa qualité d'agent commercial.

Ces mails attestent de relations commerciales directes entre la SAS Greysac et son client britannique pour la passation de commandes de vins ce qui n'est pas exclu par les conditions de vente mentionnées à l'article 3 du contrat d'agent commercial.

Le contenu de ces échanges électroniques ne révèle pas en l'état des insuffisances ou des manquements par la société Niconnection Limited Company à ses obligations contractuelles, constitutifs d'une faute grave.

En outre, la cour constatera que la SAS Greysac aura attendu le 3 mars 2010, date d'envoi de sa lettre de rupture pour invoquer pour la première fois en quatre années de collaboration commerciale des griefs, notamment un défaut de suivi de la relation commerciale avec Majestic Wines qui remonterait au début de l'année 2008 sans jamais que cette situation n'ait provoqué le moindre rappel des obligations du mandataire, voire l'envoi d'une mise en demeure adressée plus précocement.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont pu retenir que la rupture des relations commerciales entre les parties était intervenue en l'absence de toute faute du mandataire du fait du mandant dans des conditions abusives.

Sur l'indemnité compensatrice :

En application de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant pour des raisons autres que celles précisées à l'article L. 134-13 du même Code (faute grave de l'agent, initiative de sa part ou cession de contrat), l'agent commercial, qui en fait la demande dans l'année de la cessation du contrat, a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Toute clause contraire à cette disposition est réputée non écrite en vertu de l'article L. 134-16 du même Code. Ainsi, une clause prévoyant de verser à l'agent une indemnité de rupture inférieure au préjudice subi est non avenue.

Cette indemnité de cessation de contrat due à l'agent commercial a pour objet de réparer le préjudice qui comprend la perte de toutes les rémunérations acquises lors de l'activité développée dans l'intérêt commun des parties, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon leur nature, ou de distinguer si celles-ci proviennent de clients préexistants au contrat ou au contraire apportés par l'agent.

En l'espèce, alors que les relations contractuelles sont soumises à la loi française, comme le contrat le stipulait, qu'aucune faute de l'agent n'est établie, que c'est le mandant qui fut à l'origine de la rupture, la société Niconnection Limited Company est fondée à obtenir cette indemnité compensatrice déjà demandée en première instance sous forme de dommages et intérêts.

La cour estime que c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé l'indemnité compensatrice à une somme équivalente à une année de commissions, soit 12 000 euro.

Sur ce point, la cour confirmera donc la décision déférée.

Sur le caractère abusif de la rupture

Le caractère abusif de cette rupture, sans aucun préavis, est parfaitement démontrée eu égard aux circonstances de l'espèce

Il a été de nature à créer un préjudice à la société Niconnection, préjudice qui a été évalué de façon pertinente dont elle sollicite réparation par l'octroi à son bénéfice de dommages et intérêts chiffrés à l'équivalent de 3 mois de commission, soit 3 000 euro.

La décision déférée sera également confirmée sur ce point

Sur les soldes des commissions restant dues

En contre partie des services rendus par l'agent, le contrat dans son article 6-1 prévoit que le mandant s'engage à payer à l'agent une commission égale au taux de 3,5 % net sur toutes les commandes reçues des clients sur le territoire.

Les pièces versées aux débats comme les conclusions des parties attestent que la société Greysac n'a plus versé à la société Niconnection Ltd les commissions dues sur les ventes réalisées sur le territoire de l'Angleterre de juin à décembre 2009 inclus.

Par ailleurs, aucune commission n'a été réglée au titre de l'exercice 2010, et ce alors même que la société Niconnection Ltd n'a prétendu prendre acte de la rupture du contrat d'agent commercial que par courrier recommandé en date du 3 mars 2010.

Les stipulations contractuelles du contrat d'agent commercial prévoient cependant qu' " après résiliation ou expiration du présent contrat, l'agent recevra conformément à l'article ci-dessus, la commission qu'il a acquis en vertu du présent contrat compte tenu des commandes obtenues des clients avant la date effective de résiliation, à l'expiration du contrat ou dans les 3 mois qui suivent une telle date. "

Il est donc acquis que la société Niconnection a droit aux commissions sur des commandes finalisées jusqu'au 3 juin 2010.

En conséquence, la société Greysac sera condamnée à payer à la société Niconnection ces rappels de commissions.

A défaut de disposer des chiffres des ventes réalisées sur le second semestre 2009 et pour l'année 2010, les premiers juges ont retenu à bon droit comme base de calcul le dernier montant connu des commissions annuelles, à savoir l'année 2008 (11 764,61 euro).

Sur cette base, il était donc pertinent de retenir l'équivalent du 2ème semestre 2009 et des commissions pour la période du 1er janvier au 3 juin 2010, soit un total de 10 784,21euro de commissions restant dues par la SAS Greysac.

Sur ce point, la cour confirmera également la décision déférée.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :

Si en première instance, l'équité commandait d'allouer à la société Niconnection Limited Company une indemnité de 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, il en est de même en appel et il convient de lui allouer une indemnité complémentaire du même montant.

Par contre, l'équité ne commande nullement d'allouer à la société Domaine Rollan de By venant aux droits de la société Greysac la moindre somme sur le même fondement.

Succombant, la société Domaine Rollan de By venant aux droits de la société Greysac supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, Contradictoirement, Reçoit les appels, Confirme le jugement déféré, Le complétant, Déboute les parties du surplus de leurs prétentions Condamne la société Domaine Rollan de By venant aux droits de la société Greysac à payer à la société Niconnection Limited Company 1500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Domaine Rollan de By venant aux droits de la société Greysac aux dépens d'appel.