Cass. com., 20 mai 2014, n° 13-17.041
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Association dentaire française
Défendeur :
Editions CRG (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Meier-Bourdeau, Lécuyer
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2013), statuant en matière de référé, rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 31 janvier 2012, pourvoi n° 11-10.632), que, souhaitant participer au congrès annuel de l'Association dentaire française (l'ADF) qui devait se tenir du 24 au 27 novembre 2010, la société Editions CRG lui a adressé, le 14 janvier 2010, une " demande d'admission " assortie d'un acompte ; que, bien qu'ayant payé le second acompte exigé, elle s'est vu notifier, le 9 juillet 2010, un refus d'admission au congrès ; qu'estimant cette exclusion infondée, elle a assigné l'ADF en référé pour qu'il lui soit enjoint sous astreinte de lui confirmer la réservation et l'attribution d'un stand, réclamant, en outre, une provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice subi par suite de la rupture d'une relation commerciale établie, dans la mesure où elle soutenait avoir participé aux congrès de l'ADF tous les ans depuis quatorze ans ;
Sur le premier moyen : - Attendu que l'ADF fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Editons CRG la somme provisionnelle de 15 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice résultant de ses manquements contractuels alors, selon le moyen : 1°) que la cassation partielle qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ; qu'il en résulte que la cour de renvoi doit apprécier sa saisine au regard du dispositif de l'arrêt de cassation et non au regard du moyen sur lequel la cassation partielle a été prononcée ; qu'en l'espèce, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 31 janvier 2012, partiellement censuré l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 16 novembre 2010 " en ce qu'il rejette la demande d'admission de la société Editions CRG " ; que, comme le faisait valoir l'ADF, la cour de renvoi n'était saisie que de la question du rejet de la demande d'admission des Editions CRG, en sorte que toutes les autres demandes de cette société, déjà tranchées par l'arrêt du 16 novembre 2010, ne pouvaient être présentées devant la cour de renvoi ; qu'en décidant qu'elle était " saisie du seul point de savoir si un contrat a été formé entre les parties portant sur l'admission de CRG au congrès 2010 " après avoir rappelé le motif de la cassation partielle, pour ensuite allouer des dommages-intérêts à titre provisionnel à la société Editions CRG en raison du manquement contractuel imputé à l'ADF, la cour d'appel a violé les articles 623 à 625 du Code de procédure civile et l'article 1351 du Code civil ; 2°) qu'en cas de cassation partielle, la censure n'atteint que les chefs de dispositif expressément cassés et, le cas échéant, ceux qui en sont indivisibles ou se situent dans leur dépendance nécessaire ; que les chefs de dispositif qui ne sont pas censurés deviennent irrévocables et sont revêtus de force de chose jugée, ce qui exclut toute nouvelle discussion sur les demandes qu'ils ont tranchés devant la cour de renvoi ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 16 novembre 2010, a notamment débouté la société Editions CRG de ses demandes indemnitaires au titre du manquement contractuel reproché à l'ADF ; que ce chef de dispositif de l'arrêt n'a pas été censuré par la Cour de cassation dans son arrêt du 31 janvier 2012, et qu'il est devenu irrévocable et revêtu de force de chose jugée, comme le soulignait l'ADF dans ses écritures ; qu'en octroyant néanmoins une provision de 15 000 euros à la société Editions CRG, " à valoir sur la réparation de son préjudice subi du fait des manquements contractuels de l'ADF " , la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu que devant la cour de renvoi, les parties peuvent former des prétentions nouvelles, qui sont soumises aux règles qui s'appliquent devant la juridiction dont la décision a été cassée ; que la société Editions CRG ayant formé, devant la cour de renvoi, une demande nouvelle de provision au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité de participer au congrès litigieux par suite du refus fautif de l'ADF de lui garantir la réservation d'un stand à laquelle elle s'était contractuellement engagée, demande distincte de la demande de provision à valoir sur le préjudice résultant de la rupture brutale des relations commerciales initialement formée dont le rejet était devenu irrévocable, et la recevabilité de cette demande nouvelle n'ayant pas été contestée, c'est sans se heurter à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt partiellement cassé, ni méconnaître l'étendue de la cassation, que la cour d'appel a pu accueillir cette demande de provision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en sa première branche : - Attendu que l'ADF fait grief à l'arrêt de statuer encore comme il fait, alors, selon le moyen, que le juge des référés ne peut octroyer une provision au créancier demandeur qu'à la condition que l'obligation dont il se prévaut ne soit pas sérieusement contestable ; que les conditions de naissance de cette obligation peuvent être régies par un usage professionnel, qui déroge au droit commun ; qu'en l'espèce, l'ADF soutenait qu'il existait, en matière d'organisation de manifestations professionnelles, un principe général ayant valeur d'usage reconnaissant à l'organisateur une faculté discrétionnaire dans le choix des exposants autorisés à participer à ce type de manifestation, et que cet usage s'appliquait dans ses relations avec la société Editions CRG ; qu'elle en déduisait qu'elle pouvait librement écarter la candidature de cette dernière ; que la cour d'appel, pour retenir l'existence d'un manquement de l'ADF à l'encontre de la société Editions CRG s'est bornée à considérer qu'un contrat avait été formé entre elles et que l'ADF ne l'avait pas honoré en refusant l'accès du congrès à la société CRG ; qu'en se prononçant ainsi, sans répondre au moyen selon lequel un usage professionnel autorisait l'ADF à refuser discrétionnairement la candidature d'un exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'ADF avait manifesté son accord pour attribuer un stand à la société Editions CRG, en acceptant, conformément à ses propres stipulations contractuelles, la demande d'admission de celle-ci et s'était engagée à lui garantir la réservation d'un espace dans l'exposition en tant qu'exposant de l'année précédente ayant effectué un certain règlement provisionnel, la cour d'appel, qui a retenu que l'ADF avait souscrit envers la société Editions CRG un engagement contredisant le sens et la portée de l'usage professionnel qu'elle invoquait, a implicitement mais nécessairement répondu au moyen prétendument omis.
Et attendu que la seconde branche du moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.