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Décisions

Cass. com., 3 juin 2014, n° 13-10.670

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

CFI maintenance informatique (SAS), Wizalid Ordilyon (SAS)

Défendeur :

IT Partner (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Le Bras

Avocat général :

M. Debacq

Avocats :

Me Foussard, SCP Fabiani, Luc-Thaler

Lyon, 3e ch. A, du 14 sept. 2012

14 septembre 2012

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 septembre 2012), que la société IT Partner, anciennement dénommée Password exerce une activité de prestations informatiques télécoms et d'assistance complète ; que M. Blard, salarié de la société, a démissionné le 11 juin 2009 avant d'être recruté par la société Wizalid Ordilyon (la société Wizalid), spécialisée dans l'infogérance et la délégation informatique, à l'issue de son préavis le 2 octobre 2009 ; que la société IT Partner a assigné en responsabilité pour concurrence déloyale et en réparation de ses préjudices la société Wizalid ainsi que la société CFI Maintenance Informatique (la société CFI) qui appartiennent au même groupe ;

Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés CFI et Wizalid font grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande alors, selon le moyen : 1°) que la fourniture d'un téléphone portable au salarié qui a été recruté avec effet différé jusqu'à l'expiration du délai de préavis dû au précédent employeur et ce, durant le délai de préavis, ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que la circonstance que, après expiration du délai de préavis, le salarié, au sein de sa nouvelle entreprise, prenne contact avec des clients de son ancien employeur, quand bien même il aurait eu en charge ces clients dans son ancien emploi, ne révèle pas un acte de concurrence déloyale ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'il est établi que M. Blard a débuté son activité pour le compte de la société Wizalid dès le mois de juillet 2009, alors qu'il était encore salarié de la société IT Partner, en se faisant attribuer par son nouvel employeur un numéro de téléphone mobile professionnel et en adressant dès le 31 juillet 2009 un courrier à l'ensemble de la clientèle de la société IT Partner, annonçant son nouveau numéro de téléphone à partir du 1er septembre 2009 en précisant que son ancien numéro serait fonctionnel jusqu'au 10 septembre, cependant que son préavis ne prenait fin que le 2 octobre 2009, et que le retrait du numéro de téléphone par la société Wizalid dès que celle-ci a eu connaissance de l'envoi du mail n'exclut pas le caractère fautif de la fourniture de cette ligne téléphonique qui a pu fonctionner pendant deux mois alors que M. Blard était encore salarié de la société IT Partner ; qu'il retient encore que si les sociétés CFI et Wizalid ont fait constater par huissier le 16 février 2010 la suppression par leurs soins des fichiers en provenance de la société Password devenue IT Partner, et à supposer même que le fichier clients de la société IT Partner figurant sur le serveur des sociétés CFI et Wizalid ne comportât pas toutes les données et la politique commerciale de la société IT Partner comme celui retrouvé sur l'ordinateur portable de M. Blard à son domicile personnel, il reste que rien ne justifiait que le fichier de l'ensemble de la clientèle de la société IT Partner se trouve sur le serveur de ces sociétés, qui l'ont conservé et ne l'ont détruit que postérieurement au constat effectué le 5 février 2010 ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations faisant ressortir l'existence de manœuvres déloyales de la part des sociétés Wizalid et CFI, non seulement alors que M. Blard était encore salarié de la société IT Partner, mais aussi après son recrutement au sein de la société Wizalid, la cour d'appel a exactement retenu que ces faits étaient constitutifs d'actes de concurrence déloyale ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches : - Attendu que les sociétés CFI et Wizalid font encore grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande alors, selon le moyen : 1°) que pour fonder ses demandes, la société IT Partner ne faisait pas état d'un trouble commercial ; qu'en fondant la condamnation sur l'existence d'un trouble commercial, les juges du fond ont méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile ; 2°) que et à tout le moins, les juges du fond devaient dire à quel chef de demandes, tel que figurant au dispositif des conclusions de la société IT Partner, le préjudice lié au trouble commercial se rattachait ; que faute de ce faire, les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile ; 3°) que, et à tout le moins, aucun chiffrage du préjudice lié au trouble commercial n'ayant été fourni par la société IT Partner, les juges du fond devaient à tout le moins rouvrir les débats pour inviter les parties à s'expliquer sur ce point ; que faute de ce faire, ils ont violé les articles 4 et 16 du Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que dans ses écritures d'appel la société IT Partner demandait réparation du préjudice causé, faisant valoir qu'en matière de concurrence déloyale, il est de jurisprudence constante que l'existence d'un préjudice s'infère nécessairement de la faute, en ce que celle-ci génère au moins un trouble commercial; que le moyen manque en fait ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que certains clients avaient été détournés grâce aux actions des sociétés CFI et Wizalid par l'intermédiaire de M. Blard, et que la détention par ces sociétés, tant directement que par l'intermédiaire de leur salarié, du fichier clients ou d'informations techniques et commerciales de la société IT Partner constituait une atteinte aux droits et actifs de cette dernière, l'arrêt retient souverainement que le préjudice subi par la société IT Partner peut être chiffré, toutes causes confondues, à la somme qu'il fixe ; D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Attendu que les sociétés CFI et Wizalid font encore grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande alors, selon le moyen : 1°) que, si le préjudice lié au trouble commercial s'infère des actes de concurrence déloyale, le préjudice lié au détournement de clientèle doit en tout cas, conformément au droit commun de la responsabilité civile, être prouvé par le demandeur à la réparation, lequel a la charge de la preuve ; qu'en allouant des dommages-intérêts au motif que certains clients auraient été détournés, tout en constatant, d'une part, qu'aucun élément n'était fourni concernant l'évolution du chiffre d'affaires, qu'aucun document comptable n'était produit et que la synthèse versée aux débats était dénuée de valeur probante et, d'autre part, qu'il n'y avait pas lieu de prescrire une expertise sollicitée par la société IT Partner, une mesure d'instance ne pouvant être ordonnée pour suppléer la carence d'une partie, ici la carence de la société IT Partner, les juges n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations, établissant que la preuve du préjudice n'était pas rapportée, s'agissant du détournement de clientèle, et ont violé l'article 1382 du Code civil ; 2°) que, et en tout cas, si une censure ne pouvait être prononcée pour violation de l'article 1382 du Code civil, elle devrait l'être, à tout le moins, pour contradiction de motifs, les juges du fond ne pouvant, d'un côté, retenir l'existence d'un préjudice lié au détournement de clientèle et constater, d'un autre côté, qu'aucune pièce n'était produite par le demandeur, que ce dernier défaillait dans l'administration de la preuve qui lui incombait et qu'il n'y avait pas lieu de prescrire une mesure d'instruction ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il a été dénombré vingt clients communs à la société IT Partner et à la société Wizalid, et trente clients communs à la société IT Partner et à la société CFI, et que, s'il n'était pas démontré que tous ces clients, de même que quatre ruptures de contrats d'infogérance, étaient le résultat des actes de concurrence déloyale constatés, l'arrêt retient que la concurrence déloyale est toujours à l'origine d'un trouble commercial, qu'il n'est pas sérieusement contestable que certains clients ont été détournés grâce aux actions des deux sociétés par l'intermédiaire de M. Blard, et qu'en l'état des pièces du dossier et des écritures des parties, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise judiciaire, il est disposé d'éléments suffisants pour fixer le préjudice subi par la société IT Partner ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations souveraines, la cour d'appel, qui ne s'est pas contredite, a pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que la quatrième branche du deuxième moyen et la troisième branche du troisième moyen ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.