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Décisions

Cass. 3e civ., 6 novembre 1970, n° 69-11.665

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Montera

Rapporteur :

M. Fabre

Avocat général :

M. Tunc

Avocat :

Me Choucroy

Aix-en-Provence, du 27 janv. 1969

27 janvier 1969

LA COUR : Sur le premier moyen : - Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond que Castiglione, acquéreur d'un terrain appartenant à Michel, y a fait construire un immeuble de six étages, sur la base d'un projet soumis le 26 novembre 1959 au service administratif compétent et agréé sur le vu d'une convention de cour commune que Michel avait fait signer le 27 décembre 1956 par dame X, propriétaire, avec son mari, d'un immeuble voisin;

Que les époux X ont assigné Castiglione en nullité de cette convention et au paiement d'une réparation pécuniaire;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le pourvoi, que le dol, qui doit être prouvé, ne peut se présumer à partir des seules mentions figurant au contrat, car il suppose l'existence de manœuvres dolosives émanant d'un des cocontractants contre l'autre, concomitantes à la formation d'un contrat et qui doivent être établies avec certitude, qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé l'existence de manœuvres dolosives déduites du seul texte de la convention litigieuse, en sorte qu'elle les a d'autant moins légalement caractérisées qu'elle a constaté qu'elles émanaient non du cocontractant mais du constructeur de l'immeuble qui, à l'époque du contrat, était un tiers;

Qu'il est encore soutenu que les juges du fond ont le devoir d'examiner les éléments de preuve qui leur sont donnés pour établir un fait décisif à la solution du litige;

Qu'en l'espèce, les juges d'appel ont affirmé que le constructeur ne faisait pas la preuve du mandat de la femme commune en biens, sans répondre au moyen d'appel précis et pertinent que la femme avait représenté son mari en assistant seule aux opérations de l'expertise judiciaire et en signant seule la correspondance adressée à l'expert;

Mais attendu, d'abord, qu'un simple mensonge, non appuyé d'actes extérieurs, peut constituer un dol;

Que les juges du fond, statuant après expertise, relèvent que la prétendue convention de cour commune faisait état, par une contre-vérité manifeste, d'un prétendu bénéfice qu'en pourraient tirer, dans l'avenir, les époux X, en évoquant " les largeurs cumulées des deux cours et cette distance mesurée de façade postérieure à façade postérieure des immeubles ", ce qui ne pouvait pas être, lesdites façades étant strictement perpendiculaires l'une à l'autre;

Qu'ils en déduisent que dame X, induite volontairement en erreur sur ce point, n'eût certainement pas consenti, sans contrepartie pécuniaire, à signer un accord, qui, loin de constituer un avantage pour l'immeuble commun, lui portait un préjudice certain;

Qu'ils ajoutent, pour ce qui est de l'attitude de Castiglione, qui aurait cependant eu tout intérêt à faire constater la convention litigieuse, qu'il s'est bien gardé d'en faire porter la mention dans son acte authentique d'acquisition du 15 avril 1960, par conséquent postérieure au dépôt, par lui, de la demande du permis de construire, accompagnée de la convention litigieuse, comme de faire régulariser cet accord par la signature du mari, qui n'était nullement empêché de le faire dans les intervalles de ses déplacements professionnels;

Que la cour d'appel a ainsi caractérisé et les manœuvres dolosives émanant du cocontractant a l'occasion de la formation de la convention et le comportement dolosif du défendeur dans l'exécution de celle-ci;

Attendu, en second lieu, qu'en estimant nulle encore la convention dont il s'agit en raison de l'absence de qualité de dame X pour renoncer gratuitement à des droits afférents à un immeuble dépendant de la communauté, des lors que la preuve d'un mandat que lui aurait donné son mari n'était pas rapportée, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis et n'était pas tenue de répondre spécialement à une argumentation invoquant des faits postérieurs de plusieurs années, et, de plus, étrangers à la situation juridique qui était l'objet du débat; d'où il suit que le premier moyen est sans fondement;

Sur le second moyen : - Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir, d'une part, dénaturé le rapport de l'expert en accordant aux demandeurs une réparation du fait de l'existence de vues droites sur leurs fonds, alors que l'expert, ainsi que le faisaient ressortir les conclusions d'appel de Castiglione, avait expressément exclu ce chef de préjudice et, d'autre part, omis de répondre au moyen d'appel sur le troisième chef de préjudice tire de ce qu'en raison de la superficie restreinte aucun projet de construction ne pouvait être réalisé sur le fonds des époux X;

Mais attendu, d'abord, que les juges d'appel, qui n'étaient pas liés par le rapport de l'expert, ont souverainement apprécié tant l'existence que l'importance du préjudice subi par les époux X;

Qu'en second lieu, en adoptant les motifs des premiers juges qui avaient, en suivant l'expert, retenu une perte de surface constructible, ils ont répondu implicitement mais nécessairement aux conclusions de l'appelant;

Que le second moyen n'est pas mieux fondé que le précédent;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, le 27 janvier 1969, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.