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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 13 juin 2012, n° 10-08109

MONTPELLIER

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Eurosérum (SAS)

Défendeur :

Sodiaal International (SA), Groupama Rhône Alpes Auvergne (SA), Hermex (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mallet

Conseillers :

M. Torregrosa, Mme Rodier

Avocats :

Mes Carlot, Le Doucen, Hammar, SCP Garrigue

Montpellier, 1re ch. D, du 11 juin 2008 …

11 juin 2008

EXPOSÉ DU LITIGE :

Vu le jugement contradictoire rendu le 13 octobre 2006 par le tribunal de grande instance de Rodez et l'arrêt du 11 juin 2008 rendu par la cour dans un litige opposant la SAS Eurosérum (le sous-acquéreur) à la SA Sodiaal international (l'acquéreur) et SA compagnie d'assurances Groupama ainsi qu'à la SAS Hermex (vendeur initial), en réparation des préjudices subis en suite de l'explosion d'une cuve ayant endommagé les installations de l'acquéreur et du sous acquéreur.

Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 19 janvier 2010 ayant cassé partiellement l'arrêt du 11 juin 2008 et renvoyé la cause et les parties devant la même cour autrement composée.

Vu l'arrêt mixte rendu par la cour d'appel le 11 janvier 2012 qui, statuant dans les limites de l'arrêt rendu le 19 janvier 2010 par la Cour de cassation, a entre autres dispositions :

Sur l'action en garantie des vices cachés exercée par la société Eurosérum :

ajoutant au jugement déféré rendu le 13 octobre 2006 par le Tribunal de grande instance de Rodez, dit qu'en sa qualité de revendeur, la société Sodiaal international était responsable du vice caché affectant la cuve cédée à la société Eurosérum, par application des dispositions des articles 1641 et suivants du Code civil ;

condamné la société Sodiaal international, in solidum avec la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, à payer, in solidum avec la SAS Hermex, à la société Eurosérum la somme de 89 688,21 euro, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation, et capitalisation des intérêts échus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du Code civil et ce, depuis la première demande ;

condamné la société Sodiaal international, in solidum avec la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, à payer à la société Eurosérum la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ainsi que les dépens d'appel exposés, s'agissant de l'action engagée à leur encontre par la société Eurosérum, avec distraction au profit de la SCP Touzery & Cottalorda, avoués, par application des dispositions de l'article 699 de procédure civile ;

Sur l'action en garantie de la société Sodiaal international et de son assureur à l'encontre de la société Hermex :

Avant dire droit, ordonné la réouverture des débats ;

Enjoint la société Hermex de conclure au fond sur les conditions d'application de l'obligation de sécurité sur laquelle la société Sodiaal international et la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne fondent leur action en garantie,

Renvoyé la cause sur ce dernier chef de demande et les parties à l'audience du mercredi 9 mai 2012, avec un calendrier de procédure.

Ce jour advenu, vu les ultimes conclusions déposées :

* le 29 mars 2012 par la SA Sodiaal international et son assureur, la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne ;

* le 24 avril 2012 par la SAS Hermex.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 avril 2012.

La SA Sodiaal international et son assureur, la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, concluent, tenant l'obligation de sécurité du fabricant ayant délivré le produit défectueux :

à ce que soit accueilli leur appel en garantie de toutes condamnations et en particulier, celles prononcées antérieurement, in solidum, avec la société Hermex afin d'indemniser la société Eurosérum ;

à la condamnation de la société Hermex à leur payer la somme de 5 000 euro au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec distraction au profit de la SCP Garrigue, avocat, sur ses affirmations de droit ;

Motifs pris :

- que les rapports contractuels de responsabilité entre la société Eurosérum et la SA Sodiaal international ont été vidés par l'arrêt du 11 janvier 2012 ;

- que la cour, par ce même arrêt, a statué sur la recevabilité de l'action de la SA Sodiaal international et son assureur sur le fondement de l'obligation extracontractuelle de sécurité, reprise et codifiée en l'article 1386 (sic) du Code civil ;

- que cette action sur ce fondement ne saurait être prescrite du fait de la découverte de la défectuosité le 8 avril 2004.

La SAS Hermex demande à la cour, au visa des articles 1147 et 1641 du Code civil , de :

Dire l'action diligentée par la SA Sodiaal international et son assureur, prescrite sur le fondement de la notion d'obligation de sécurité issue de l'article 1147 du Code civil ;

De débouter la société Sodiaal international et son assureur Groupama de l'intégralité de leurs prétentions ;

De les condamner à lui payer la somme de 4 000 euro en remboursement de ses frais irrépétibles, outre les dépens avec distraction pour ce d'appel au profit de Maître Hammar, avocat, venu aux lieu et place de la SCP Jougla, suivant constitution du 29 février 2012 ;

Motifs pris :

- que la SA Sodiaal international et son assureur avaient, dans leurs écritures transmises le 19 octobre 2011 (déposées le 20 de ce mois) expressément fondé leurs demandes sur la notion de vices cachés et sollicitaient la garantie de la SAS Hermex sur le fondement de l'article 1641 du Code civil, de sorte leur action est prescrite ;

- que sur l'obligation de sécurité, celle-ci s'évince de l'article 1147 du Code civil dont le délai de prescription est celui de la responsabilité contractuelle, à savoir 10 ans, s'agissant d'une vente réalisée entre commerçants en 1986 ;

- que l'action de nature extracontractuelle invoquée par la SA Sodiaal international et son assureur ne peut viser que les rapports entre le fabriquant et une partie tierce victime du dommage et non ceux entre le fabriquant et l'acheteur, lesquels restent de nature contractuelle ;

- qu'en application de l'article 1386-16 du Code civil, sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci est éteinte 10 ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage ;

- qu'en application des articles 1147 et 1384 du Code civil, l'action de la victime d'un produit vendu défectueux, dont la mise en circulation est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, codifiée aux articles 1386-1 à 1386-18, se prescrit à l'encontre du vendeur à compter de la vente.

Sur ce :

Il est constant qu'en suite de l'arrêt mixte rendu le 11 janvier 2012, seule demeure litigieuse l'action en garantie engagée par la société Sodiaal international et son assureur Groupama à la société Hermex.

À ce titre, dans les motifs de ce même arrêt, la cour avait expressément précisé que la société Sodiaal international, garantie par son assureur, était nécessairement prescrite dans son action à être relevée et garantie par la société Hermex sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil, faute d'avoir exercée son action résultant des vices rédhibitoires dans le délai de l'article 1648 du même Code.

Toutefois, n'ayant de fait pas statué sur la dite prescription dans le dispositif de son arrêt du 11 janvier 2012, la cour, se référant à sa motivation ainsi rappelée, réparera cette omission en complétant ledit arrêt.

Il importe tout autant de rappeler que dans ses ultimes écritures déposées le 31 octobre 2011 sur les prétentions desquelles la cour a statué avant dire droit dans l'arrêt précité, la société Sodiaal international et son assureur avaient précisément fondé leur action en garantie sur le non-respect de l'obligation de sécurité par le vendeur initial Hermex, lequel fondement bénéficiait, comme souligné dans cet arrêt, d'une pleine autonomie par rapport à l'action tirée de la garantie des vices cachés.

La société Sodiaal international et son assureur se prévalent, peu important l'existence ou non d'un contrat, du régime de la responsabilité extracontractuelle des articles 1386-1 (et non 1386) et suivants du Code civil pour dire que leur action est née de la découverte de la défectuosité du produit fabriqué par la société Hermex le 8 avril 2004, soit à la date de dépôt du rapport d'expertise judiciaire de M. Maucotel, de sorte que cette action n'est pas prescrite.

Cette action en garantie repose en réalité sur la réparation d'un dommage résultant de la violation par le vendeur pour n'avoir pas délivré un produit exempt de tout vice ou de tout défaut de fabrication de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens.

Au cas d'espèce, le produit défectueux dont s'agit (la cuve centrifugée vendue par la société Hermex en 1986 à la société Sodiaal international) a été mis en circulation antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, désormais codifiée sous les articles 1386-1 et 1386-18 du Code civil.

Ainsi, selon les articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du Code civil , interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 24 juillet 1985 dont est issue la loi du 19 mai 1998, la responsabilité de ce vendeur se trouve-t-elle engagée par la seule mise en circulation de ce produit, ce que le législateur de 1998 traduira dans les dispositions combinées des articles 1386-1 et 1386-6 du Code civil , en stipulant que le producteur -ou fabricant d'un produit fini agissant à titre professionnel- est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat à la victime.

Dès lors, l'action de la victime d'un produit vendu défectueux, dont la mise en circulation est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 19 mai 1998, codifiée aux articles 1386-1 et 1386-18 du Code civil, se prescrit à l'encontre du vendeur à compter de la vente et non de la découverte de cette défectuosité ou de la survenance du dommage, comme le soutiennent la société Sodiaal international et son assureur.

Nul doute dans ces conditions que cette obligation née à l'occasion de leur commerce, entre la société Sodiaal international et la société Hermex, se prescrit par dix ans conformément à l'article L. 110-4 du Code de commerce dans sa version alors en vigueur.

D'ailleurs, ce délai n'est autre que celui prévu à l'article 1386-16 du Code civil en vigueur depuis le 21 mai 1998.

En conséquence, la vente étant intervenue en 1986, le dommage survenu le 17 mai 2003 tandis que l'appel en garantie diligenté par la société Sodiaal international à l'encontre de la société Hermex a été formulé pour la première fois par des conclusions déposées devant la cour de renvoi le 20 octobre 2011, la demande de la société Sodiaal international et de son assureur doit être déclarée prescrite.

La société Sodiaal international, in solidum avec son assureur, sera condamnée au paiement à la société Hermex d'une indemnité de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Vu l'arrêt du 11 janvier 2012, en ses dispositions avant dire droit, Statuant sur l'action en garantie formée par la société Sodiaal international et la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne à l'encontre de la société Hermex et complétant ledit arrêt, Déclare cette action prescrite sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil relatifs aux vices rédhibitoires, Déclare cette action également prescrite sur le fondement des articles 1147 et 1384, alinéa 1er, du Code civil, interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 24 juillet 1985 et de l'article 110-4 du Code du commerce, Condamne la société Sodiaal international, in solidum avec la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, à payer à la société Hermex la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Sodiaal international, in solidum avec la compagnie d'assurances Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, aux dépens de cette instance, avec distraction au profit de Maître Joséphine Hammar, avocat, par application des dispositions de l'article 699 de procédure civile.