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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 17 octobre 2012, n° 11-05353

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Atem (SARL)

Défendeur :

Renault (SAS), Renault retail group (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dos Reis

Conseillers :

M. Gallais, Samuel

Avocats :

SCP Colin Voinchet Radiguet Enault, Mes Couppey Leblond, Malbesin, Enault, Martel, Guennec

CA Rouen n° 11-05353

17 octobre 2012

FAITS :

Le 14 septembre 2005, la SARL Atem a acquis auprès de la société Renault un véhicule Renault Velsatis d'occasion moyennant le prix de 24 000 euro, la facture étant établie pour le compte de la société Renault au nom de la société Reagroup Paris, ultérieurement absorbée par la société Renault Retail Group. Une garantie "Or" de deux années assortissait cette vente.

Le 16 décembre 2005, après avoir parcouru 16 787 km, la SARL Atem a fait installer sur ce véhicule un système d'alimentation GPL de marque Borel par la société Niort Frères.

A la fin de l'année 2006, la boîte de vitesses de l'automobile ne fonctionnant plus après un ralenti de quelques minutes du moteur, le véhicule a été conduit dans les locaux de la société Renault Retail Group à Grand-Quevilly pour un contrôle d'injection au ralenti. Après démontage du moteur, autorisé par la propriétaire, la société Renault a indiqué à la SARL Atem que la détérioration de la base moteur était à l'origine du dysfonctionnement de la boîte de vitesses automatique et imputable à l'installation d'un équipement GPL, en sorte que la garantie OR du constructeur ne pouvait être accordée. Elle a établi un devis de réparations pour un coût de 10 338,97 euro.

Sur ces entrefaites, la SARL Atem a obtenu par ordonnance de référé du 22 octobre 2007 la désignation de M. Muta en qualité d'expert, lequel a déposé le 13 novembre 2009 son rapport.

C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 3 février 2011, la SARL Atem a assigné la société Renault et la société Renault Retail Group aux fins de voir, sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code civil , subsidiairement, 1134, 1184 et 1382 du même Code, ordonner la résolution de la vente et condamner les défenderesses au paiement de dommages-intérêts en réparation de ses divers préjudices.

Par jugement du 3 octobre 2011, le Tribunal de commerce de Rouen a :

- dit que la résolution de la vente sur le fondement de l'article 1641 du Code civil ne pouvait être prononcée pour vice caché ou défaut de conformité,

- dit la vente conforme au droit civil et commercial,

- dit les demandes d'indemnisation de la SARL Atem non fondées,

- condamné la SARL Atem à payer à la société Renault et à la société Renault Retail Group la somme de 1 000 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , entiers dépens en sus.

La SARL Atem a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la cour, par dernières conclusions du 3 juillet 2012, de :

*au visa des articles 1134, 1147 et 1382 du Code civil ,

- condamner solidairement la société Renault et la société Renault Retail Group au paiement de la somme de 27 312,56 euro en remboursement du prix du véhicule et du système GPL, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 13 septembre 2007, à défaut, à compter de l'assignation au fond du 3 février 2001,

- condamner solidairement les mêmes au paiement de la somme de 86 961,55 euro en réparation de son préjudice de jouissance, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en référé du 13 septembre 2007, à défaut, à compter de l'assignation au fond du 3 février 2001,

- ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ,

- condamner solidairement la société Renault et la société Renault Retail Group au paiement de la somme de 6 000 euro sur le fondement de l' article 700 du Code de procédure civile , entiers dépens incluant les frais de référé et d'expertise, en sus.

Les sociétés Renault et Renault Retail Group prient la cour, par dernières conclusions du 24 juillet 2012, de :

*au visa des articles 1641, 1604 et 1147 du Code civil,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- dire la SARL Atem irrecevable autant que mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

- la condamner au paiement de la somme de 2 000 euro à chacune d'entre elles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile , entiers dépens en sus.

CECI EXPOSÉ, LA COUR

Au soutien de son appel, la SARL Atem fait valoir que le dysfonctionnement de la boîte de vitesses automatique étant apparu dans le délai de garantie (deux années à compter de l'acquisition), celle-ci doit s'appliquer et conduire à une remise en état gratuite du véhicule, nonobstant la clause d'exclusion invoquée par le vendeur, alors que, d'une part, cette exclusion liée à des modifications non autorisées par le constructeur, n'étant ni formelle ni limitée, doit être réputée non écrite, d'autre part, que ses conditions de mise en œuvre ne sont pas démontrées, enfin, que la société Renault a manqué à son devoir d'information en n'attirant pas son attention sur cette exclusion, dans le cadre des conditions générales ; par ailleurs, elle fait grief à la société Renault ainsi qu'à sa mandataire la société Renault Retail Group d'avoir manqué à leur obligation de résultat de garagiste réparateur, relative à la bonne fin de la réparation du véhicule qui leur avait été confié, et d'avoir commis une succession de fautes et d'erreurs en démontant le moteur sans nécessité et en diagnostiquant inexactement une détérioration de la base moteur ;

Les sociétés Renault et Renault Retail Group se prévalent, pour écarter comme mal fondées les demandes indemnitaires de la SARL Atem, de la clause d'exclusion assortissant la garantie "Or" contractuelle, selon laquelle cette garantie ne s'applique pas lorsque "des pièces ont été montées, des modifications ont été effectuées sur le véhicule, alors qu'elles n'ont pas été autorisées par le constructeur" et rappellent que le montage d'un équipement GPL sur le véhicule Velsatis acquis par la SARL Atem n'a pas été autorisé par la société Renault ; par ailleurs, la société Renault dénie être intervenue en qualité de réparateur du véhicule, par conséquent, conteste toute obligation de résultat à sa charge ; quant à la société Renault Retail Group, elle conteste avoir commis une faute en démontant le moteur du véhicule pour rechercher l'origine du dysfonctionnement constaté sur la boîte automatique de vitesses et fait observer qu'elle n'a pas été mise en mesure de réparer le véhicule dès lors que la SARL Atem n'a pas donné son accord sur le devis de réparation ;

L'expert Muta conclut ainsi son rapport, au terme de ses investigations : "Nous pouvons conclure que le diagnostic qui a amené au démontage du moteur est erroné. Le moteur est en bon état et son remplacement est injustifié. L'examen du moteur ne révèle aucune anomalie, les éléments qui le composent sont normaux et en bon état. La défaillance de ce moteur, en cours de fonctionnement, est impossible les prélèvements d'huile par le laboratoire ne semblent justifier d'anomalie quelconque.

Les hypothèses suivantes peuvent être avancées :

. Le pilotage électronique de la boîte de vitesses est défaillant,

. La boîte de vitesses présente une défaillance interne,

. Les vaisseaux électriques sont défaillants.

Ces défaillances peuvent être imputables au véhicule, c'est-à-dire à la société Renault, ou à un problème lié à la pose de l'équipement GPL à ce stade, il nous est impossible de déterminer l'origine du problème rencontré par Atem lors de l'utilisation du véhicule" ;

L'expert relate à cet égard que les désordres invoqués par la SARL Atem sont impossibles à diagnostiquer puisque la boîte de vitesses est déposée, de même que l'électronique de commande et les faisceaux électriques, l'état inerte de ces éléments empêchant tout diagnostic ou évaluation des réparations ;

La SARL Atem n'agissant plus, en cause d'appel, sur le fondement de la garantie des vices cachés, il convient d'examiner successivement les moyens tirés de l'application de la garantie contractuelle, des manquements à l'obligation de résultat du garagiste, enfin, de la responsabilité pour faute, qu'elle invoque ;

Sur la garantie constructeur

Il est constant et non contesté qu'un équipement GPL a été posé, au mois de décembre 2005, par la société Niort Frères sur le véhicule Velsatis litigieux à l'initiative de la société Atem et sans autorisation expresse de la société Renault, peu important à cet égard que cet équipement fût ou non compatible avec le véhicule dont s'agit selon la documentation du système GPL Borel ; or, suivant les clauses de la garantie contractuelle "Or" offerte par le constructeur Renault pendant un délai de 24 mois à compter de la vente "le client bénéficie de la remise en état du véhicule à titre gratuit, pièces et main d'œuvre, pour toute défectuosité dûment constatée à son initiative, portant sur les organes mécaniques ou électriques de celui-ci" ; toutefois, cette garantie est exclue "lorsque des pièces ont été montées, des modifications ont été effectuées sur le véhicule, alors qu'elles n'ont pas été autorisées par le constructeur" ;

Cette exclusion est formelle et limitée contrairement à ce que prétend la SARL Atem, puisqu'elle vise toute modification des organes mécaniques ou électriques du véhicule, sans qu'il soit possible, eu égard à la diversité des modifications possibles, d'en énumérer limitativement la liste, en sorte que la SARL Atem n'est pas fondée à exiger du constructeur qu'il rapporte la preuve que le montage d'un système GPL n'était pas autorisé, alors au surplus qu'un tel montage, qui avait pour effet de modifier de façon substantielle le système d'alimentation en carburant du moteur, était nécessairement soumis à autorisation ;

La SARL Atem n'est pas fondée, à cet égard, à reprocher à la société Renault un défaut d'information sur la clause d'exclusion assortissant les conditions générales de garantie, notamment quant à la pose d'un équipement GPL, la rédaction de cette clause étant suffisamment claire et précise pour renseigner l'acquéreur du véhicule sur la mise en œuvre de la garantie et son exclusion au cas de modifications non autorisées, sans que cette disposition revête un caractère abusif, dans la mesure où la garantie porte légitimement sur les pièces et montages d'origine du véhicule et non sur des modifications substantielles et unilatérales de ses organes vitaux par le propriétaire ;

C'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal n'a pas fait droit à la demande de garantie constructeur formée par la SARL Atem ;

Sur l'obligation de résultat du garagiste réparateur

Il ressort des pièces produites aux débats que la société Renault n'est pas intervenue sur le véhicule dont s'agit en qualité de garagiste réparateur mais n'a que la qualité de constructeur vendeur, ledit véhicule ayant été conduit dans les locaux de la société Renault Retail Group (alors Reagroup) par la société Faria, agent Renault, et l'ordre de réparation du 26 mars 2007 ayant été établi à destination de la société Renault Retail Group ;

En ce qui concerne l'obligation de résultat pesant sur la société Renault Retail Group, les conditions d'application n'en sont pas démontrées, alors que, le démontage du moteur ayant été dûment autorisé par la SARL Atem le 24 mai 2007, cette dernière n'a pas accepté le devis de réparation qui lui était soumis, dont elle prétend sans fondement qu'il était injustifié au regard des constatations expertales relatives au bon fonctionnement du moteur et au diagnostic erroné ayant conduit à son démontage, alors que seul ce démontage a permis à l'expert d'écarter la détérioration de la base moteur pouvant constituer une cause probable du dysfonctionnement constaté par la SARL Atem, qu'il a été autorisé par la propriétaire et que cette intervention technique n'était donc pas fautive comme il va être vu plus avant ;

La SARL Atem sera donc également déboutée de sa demande d'indemnisation au titre de l'obligation de résultat pesant sur le garagiste réparateur ;

Sur la responsabilité pour faute des intimées

Il convient de rappeler que les liens contractuels unissant les parties, la société Renault ayant la qualité de vendeur du véhicule et la société Renault Retail Group celle de garagiste, excluent l'application de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article 1382 du Code civil ;

La SARL Atem, qui reproche à la société Renault Retail Group d'avoir démonté le moteur de son véhicule sans nécessité, ne rapporte ni la preuve de la faute invoquée ni celle d'un lien de causalité avec le préjudice allégué : en effet, d'une part, en autorisant expressément le démontage du moteur, la société Atem a accepté le risque de devoir régler le coût du remontage, d'autre part, l'expert, s'il estime que le diagnostic qui a amené au démontage du moteur est erroné, n'a pu émettre cette assertion péremptoire qu'en la justifiant par un examen des mêmes organes du moteur une fois démontés, n'a pas été en mesure de déterminer l'origine du dysfonctionnement de la boîte de vitesses et n'a pas écarté l'hypothèse, qu'il retient comme possible, d'un problème lié à la pose inappropriée d'un système GPL sur le véhicule ; en outre, le démontage prétendument prématuré et injustifié du moteur par la société Renault Retail Group, à supposer qu'il soit fautif, ne serait pas en lien direct et certain de causalité avec le préjudice invoqué, lié essentiellement à une panne dont l'origine n'a pu être déterminée et dont il n'est pas établi qu'elle serait imputable à une défectuosité des organes d'origine du véhicule ni que ce véhicule aurait été réparable même alors que le moteur n'aurait pas été démonté ;

Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL Atem de ses demandes ;

L'équité commande de condamner la SARL Atem à payer à chacune des intimées la somme de 500 euro, en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement déféré, Condamne la SARL Atem à payer à la société Renault et la société Renault Retail Group la somme de 500 euro chacune, en cause d'appel, Rejette toute autre demande, Condamne la SARL Atem aux dépens d'appel incluant les frais de référé et d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l' article 699 du Code de procédure civile .