ADLC, 7 juillet 2014, n° 14-DCC-104
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la prise de contrôle exclusif de Kerisper SAS par Symrise AG
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 2 juin 2014, relatif à l'acquisition du contrôle exclusif de Kérisper SAS par Symrise AG, formalisée par une offre en date du 12 avril 2014 et par un protocole d'acquisition en date du 23 mai 2014 ; Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. Symrise AG, société mère du groupe Symrise, est un fournisseur d'arômes naturels et chimiques, de parfums, d'actifs cosmétiques, d'ingrédients fonctionnels et de matières premières pour la production de parfums, de produits de soins et de cosmétiques ainsi que de produits alimentaires et de nettoyage. [...] % du capital de Symrise est flottant et il n'existe pas de pacte d'actionnaire. En outre, le capital de Symrise est composé d'actions ordinaires, qui ne sont assorties d'aucuns droits de véto particuliers.
2. Kerisper SAS est la société holding du groupe Diana, actif dans la fourniture de compléments alimentaires destinés aux animaux. Diana produit également des arômes et des colorants pour l'industrie agro-alimentaire et les boissons ainsi que, de manière très marginale, des compléments alimentaires destinés à l'aquaculture.
3. Aux termes du protocole d'acquisition en date du 23 mai 2014, l'opération consiste en l'acquisition de la totalité des titres de Kerisper SAS et de ses filiales par Symrise AG.
4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de Kerisper SAS par Symrise AG, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce.
5. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires hors taxe sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (Symrise AG : [Confidentiel] milliard d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2013 ; Kerisper SAS : [Confidentiel] millions d'euros pour le même exercice clos). Chacune des entreprises concernées réalise un chiffre d'affaires en France supérieur à 50 millions d'euros (Symrise AG : [Confidentiel] millions d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2013 ; Kerisper SAS : [Confidentiel] millions d'euros pour le même exercice). Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au point I de l'article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties à l'opération sont simultanément actives dans le domaine de la production d'ingrédients alimentaires. Elles sont en particulier toutes deux actives sur les marchés des arômes et des colorants à destination de l'industrie agro-alimentaire et des boissons.
A. LES MARCHÉS DE PRODUITS ET SERVICES
1. LE MARCHÉ DES ARÔMES
7. La Commission européenne a défini un marché des arômes utilisés pour un large éventail de saveurs et parfums (1). Elle a estimé qu'une segmentation par arôme n'était pas pertinente, compte tenu de l'important degré de substituabilité du côté de l'offre.
8. En l'espèce, le groupe Diana produit exclusivement des arômes d'origine naturelle et Symrise produit à la fois des arômes d'origine naturelle et synthétique. La partie notifiante indique également que Symrise fournit des arômes utilisés par les producteurs de denrées alimentaires pour parachever le goût alors que le groupe Diana fournit les ingrédients nécessaires à la production de ces arômes. La partie notifiante considère que ces produits sont utilisés à des fins différentes par leurs clients et qu'ils ne sont donc pas substituables.
9. La partie notifiante a donné une estimation de part de marché sur un éventuel segment des arômes d'origine naturelle ainsi que sur un marché global des arômes d'origine naturelle et synthétique. Toutefois, la question de la délimitation exacte du marché des arômes peut être laissée ouverte dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeurent inchangées quelle que soit la délimitation retenue.
2. LE MARCHÉ DES COLORANTS
10. La Commission européenne a envisagé l'existence d'un marché des colorants pour la production d'aliments sans envisager de segmentations plus fines (2).
11. La question de la délimitation exacte des marchés peut néanmoins être laissée ouverte en l'espèce, car les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureraient inchangées quelles que soient les segmentations retenues.
B. LES MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
1. LE MARCHÉ DES ARÔMES
12. La pratique décisionnelle considère de manière constante que le marché des arômes est de dimension au moins européenne, voire mondiale (3).
13. La partie notifiante confirme que les critères de production sont homogène à l'échelle internationale, que les coûts de transport sont faibles et qu'il n'existe pas de différence de prix significative. Elle a néanmoins communiqué des estimations de parts de marché à la fois au niveau européen et au niveau mondial.
14. La question de la dimension géographique du marché des arômes sera toutefois laissée ouverte dans la mesure où, quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse demeureront inchangées.
2. LES MARCHÉ DES COLORANTS
15. La Commission européenne a considéré une dimension géographique du marché des colorants alimentaires au moins européenne (4).
16. La partie notifiante a produit une estimation de part de marché tant au niveau européen qu'au niveau mondial. La délimitation exacte des marchés peut être laissée ouverte en l'espèce, car les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées quelles que soient les solutions retenues.
III. Analyse concurrentielle
1. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
17. Sur le marché mondial des arômes (d'origine naturelle et artificielle) à destination de l'industrie agroalimentaire et des boissons, la partie notifiante a estimé la part de marché du groupe Diana à [0-5] % ([0-5] % au niveau européen) et celle de Symrise à [5-10] % ([10-20] % au niveau européen), soit une part de marché cumulée de [5-10] % ([10-20] % au niveau européen). Sur le seul segment des arômes d'origine naturelle à destination de l'industrie agroalimentaire et des boissons, la partie notifiante a estimé la part de marché du groupe Diana à [0-5] % et celle de Symrise à [0-5] % au niveau mondial, soit une part de marché cumulée de [0-5] % ([0-5] % au niveau européen).
18. La partie notifiante a également indiqué que les principaux concurrents de la nouvelle entité sur le mondial marché des arômes sont Guivaudan (avec une part de marché qu'elle a estimé à [10-20] %), Firmenich ([10-20] %), IFF ([10-20] %) ainsi que Chr. Hansen, Kerry, Naturex, Sensient et Kemin.
19. S'agissant du marché des colorants, la partie notifiante a indiqué que la part de marché de Symrise est négligeable tant au niveau mondial qu'européen. Elle a estimé la part de marché du groupe Diana à [0-5] % au niveau mondial et à [5-10] % au niveau européen. La partie notifiante a également indiqué que les principaux concurrents de la nouvelle entité au niveau mondial sont Chr. Hansen (avec une part de marché estimée à [20-30] %), Sensient ([10-20] %), GNT ([10-20] %) et Naturex ([5-10] %).
20. Compte tenu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par effets horizontaux sur les marchés des arômes et des colorants.
2. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
21. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère en principe que les risques de verrouillage sont peu probables lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
22. En l'espèce, les activités des parties sont verticalement liées, dans la mesure où Symrise se fournit en extrait d'arômes auprès d'opérateurs tels que le groupe Diana. Ce dernier reste toutefois un acteur mineur du marché et représente [0-5] % du marché global des arômes et [0-5] % du seul segment des arômes d'origine naturelle pour l'industrie alimentaire et les boissons.
23. Les clients du groupe Diana ont donc un large choix de fournisseurs alternatifs et sont de plus des fabricants importants de produits alimentaires tels que [Confidentiel] , lesquels exercent un fort pouvoir de marché lors des négociations commerciales. Par conséquent, l'opération n'est pas de nature à restreindre l'approvisionnement des clients de la nouvelle entité.
24. Compte tenu de ces éléments, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par effets verticaux entre les marchés amont aux marchés des arômes et des colorants et ces derniers.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 14-078 est autorisée.
Notes :
1 Voir les décisions de la commission européenne COMP-M.4507 - Guivaudan-Quest International du 12 février 2007 et COMP-M.2926 - EQT-H&R-Dragoco du 16 septembre 2002.
2 Voir as décision de la commission européenne n° COMP-M.3845 - P1A - Chr. Hansen du 18 juillet 2005.
3 Voir les décisions précitées.
4 Voir la décision COMP-M.3845 - PAI - Chr. Hansen précitée.