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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 11 septembre 2014, n° 12-18108

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Radiall (SA)

Défendeur :

Protec (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perrin

Conseillers :

Mme Michel-Amsellem, M. Douvreleur

Avocats :

Mes Madec, Fisselier, Levi, Ganilsy

T. com. Paris, 15e ch., du 14 sept. 2012

14 septembre 2012

FAITS ET PROCEDURE

La société Radiall est spécialisée dans la conception, le développement et la fabrication de composants électroniques destinés aux applications de la communication sans fil, à la télématique automobile et aux équipements militaires et aéronautiques.

Elle a conclu le 10 février 2006 avec la société Protec, spécialiste du traitement de surface, un "contrat de partenariat " par lequel elle lui a confié la métallisation de ses pièces plastiques. D'une durée de cinq ans, ce contrat comportait une clause selon laquelle la société Radiall s'engageait à " faire réaliser par Protec 50 % au moins de ses besoins de métallisations sur plastique pour la connectique multipoints ", selon un " tableau des estimations " joint en annexe.

Par courrier du 27 août 2007, la société Radiall a demandé à la société Protec de procéder, à compter du mois de septembre suivant, à un arrêt complet de la chaîne de métallisation " pour une durée indéterminée ". Elle justifia cette décision par le fait que les commandes qu'elle lui passait dépendaient des commandes qu'elle-même recevait de la société Labinal, dans le cadre du programme de construction de l'avion B787, dit Dreamliner, de Boeing, mais que ce programme ayant pris du retard, elle n'enregistrait plus de commande et que ses stocks étaient devenus pléthoriques.

En réponse, la société Protec lui fit savoir, par courrier du 4 octobre 2007, qu'elle considérait que cette décision constituait une rupture anticipée du contrat qui les liait jusqu'en 2011, et lui demanda d'en assumer les conséquences financières.

Par courrier du 5 décembre 2007 la société Radiall indiqua à la société Protec qu'elle lui avait demandé non un arrêt définitif de la production, mais un arrêt provisoire, compte tenu du retard pris par le programme de construction Boeing, et que la reprise de la production dépendrait de la reprise des commandes qu'elle recevrait dans le cadre de ce programme. Dans ces conditions, elle lui proposa de réviser l'accord de partenariat et lui soumit un projet d'avenant fixant de nouvelles estimations de production et supprimant la clause comportant l'engagement de lui confier 50 % au moins de ses besoins. Enfin, elle proposa de lui verser la somme de 60 000 euros pour compenser les quatre mois d'arrêt de la production.

Par courrier du 16 janvier 2008, la société Protec fit savoir à la société Radiall qu'elle refusait ce projet d'avenant.

La société Radiall ne passa en 2008 aucune commande à la société Protec. Par courrier du 20 mai 2009, elle lui indiqua que compte tenu des retards du programme Boeing, elle était toujours dans l'impossibilité de déterminer une date de redémarrage de la ligne de métallisation. Par ailleurs, elle actualisa à la baisse les estimations prévues pour 2009, 2010 et 2011.

Considérant qu'en ne lui passant pas les commandes qu'elle escomptait la société Radiall avait violé le contrat de partenariat, la société Protec l'a assignée le 30 mars 2011 en demandant sa condamnation au paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice.

Par jugement en date du 14 septembre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Paris a :

dit que la société Radiall s'était engagée contractuellement à s'approvisionner sur des quantités minimales ;

dit que la société Radiall a engagé sa responsabilité contractuelle en contrevenant à ses engagements contractuels ;

condamné la société Radiall à verser à la société Protec la somme de 455 649,60 euros au titre de sa responsabilité contractuelle ;

dit que les conditions d'application des dispositions de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ne sont pas réunies ;

débouté en conséquence la société Protec de ce chef de demande ;

condamné la société Radiall à verser à la société Protec la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Vu l'appel interjeté par la société Radiall le 10 octobre 2012 contre cette décision.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 mars 2014, par lesquelles la société Radiall demande à la Cour de : infirmer jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné la société Radiall à régler la somme de 455 649,60 euros ;

Statuant à nouveau,

constater que la société Radiall n'était pas liée par une clause minimale de garantie ;

constater que la société Radiall n'a pas manqué aux dispositions relatives à l'exclusivité ;

constater que la société Radiall a respecté les termes du contrat de partenariat conclu le 10 février 2006 et qu'aucune faute dans l'exécution de celui-ci ne lui est imputable ;

constater l'absence de préjudice subi par la société Protec ;

constater qu'il n'existe pas de lien de causalité ;

dire que la société Protec a rompu de son propre chef le contrat de partenariat le 22 avril 2008 ;

En conséquence,

À titre principal,

juger que la société Radiall est insusceptible d'engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société Protec ;

En tout état de cause,

confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a débouté la société Protec de l'ensemble de ses demandes visées sur l'article L. 442-6 du Code de commerce ;

constater l'absence de rupture brutale des relations commerciales, la société Radiall n'étant pas à l'origine de la rupture ;

constater que la société Protec ne peut, conformément au principe de non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles, former une demande au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

débouter la société Protec de ses demandes ;

En conséquence,

juger que la société Radiall est insusceptible d'engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société Protec ;

À titre subsidiaire,

rejeter l'ensemble des demandes formulées par la société Protec au titre de la perte de chiffre d'affaires, au titre du remboursement du coût d'installation de la chaîne de métallisation, au titre des dépenses de personnel en recherche et développement exposées pour les besoins du contrat, si par extraordinaire, la cour confirmait le jugement ayant condamné la société Radiall à régler la somme de 455 649,60 euros au titre de l'exécution du contrat. Celui-ci étant réputé exécuté, la société Protec ne peut solliciter une perte de chiffre d'affaires ou une indemnisation des dépenses, celles-ci étant nécessairement réputées amorties,

En tout état de cause,

condamner la société Protec au règlement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'appelante rappelle que le contrat de partenariat qu'elle avait conclu avec la société Protec s'inscrivait dans le cadre du programme de construction de l'avion Boeing 787, dit Dreamliner, lancé en 2004. La société Labinal, qui avait été retenue par la société Boeing pour le système d'interconnexions électriques et la réalisation des études d'ingénierie, le câblage du réseau électrique et les fibres optiques, lui a, à son tour, confié la fabrication des connecteurs, c'est-à-dire des interfaces permettant de relier des équipements à l'aide de câbles. Elle explique que les retards pris dans la réalisation du programme de construction de cet avion - qui sera finalement livré avec trois ans de retard - ont entrainé l'arrêt des commandes qu'elle recevait de la société Labinal et que cette situation l'a contrainte à demander à la société Protec d'interrompre provisoirement sa production.

Sur le fond, elle prétend qu'elle n'était liée par aucune clause l'obligeant à un niveau minimum de commandes ; elle soutient que l'article 2 du contrat stipule clairement une clause de type " aux besoins ", par laquelle elle s'est engagée non sur des volumes minimums de commandes, mais à commander à la société Protec au moins 50 % de ses besoins, tels qu'estimés dans l'annexe du contrat. Elle en conclut qu'en jugeant qu'elle était tenue par une obligation quantitative, le tribunal s'est écarté de la lettre de ces stipulations, pourtant claires et précises, et les a dénaturées.

Elle reproche en particulier au tribunal d'avoir fondé son interprétation, qu'elle juge abusive, sur le projet d'avenant au contrat qu'elle avait soumis en décembre 2007 à la société Protec. Elle considère que ce projet, qui avait pour seul objet de mettre à jour les estimations de production, compte tenu des retards pris dans la construction du nouvel avion Boeing, n'était nullement contraire au contrat initial, et qu'on ne saurait en tirer argument pour considérer qu'elle avait souscrit à l'origine un engagement de commandes minimales. Elle souligne, par ailleurs, que la société Protec a violé le contrat de partenariat en modifiant ses tarifs au mois de décembre 2009, de façon unilatérale et arbitraire.

La société Radiall conteste également avoir violé la clause d'approvisionnement exclusif prévue par le contrat de partenariat. Elle rappelle que la gamme spécifique à la métallisation de pièces plastiques, dont ce contrat avait fixé l'utilisation, était réservée à la société Protec et à l'une de ses unités de traitement de surface, et qu'elle n'a pas manqué à cette exclusivité. Elle souligne, en particulier, qu'il n'est nullement démontré que le site de production acquis au Mexique était devenu opérationnel avant le terme du contrat.

Elle ajoute que la société Protec n'a subi aucun préjudice, puisque celui qu'elle allègue est fondé sur une prétendue obligation de commandes minimales, laquelle procède d'une interprétation erronée du contrat de partenariat, que les investissements non amortis qu'elle a réalisés peuvent être utilisés pour des commandes passées par d'autres clients et qu'enfin les personnels qu'elle dit avoir recrutés peuvent être employés à d'autres tâches.

Enfin, la société Radiall demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté l'application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce et a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée de ce chef par la société Protec.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 25 mars 2014, par lesquelles la société Protec demande à la cour de :

recevoir la société Protec en ses conclusions emportant appel incident et l'en dire bien fondée ;

Y faisant droit,

confirmer le jugement rendu le 14 septembre 2012 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

dit que la société Radiall s'était engagée contractuellement à s'approvisionner sur des quantités minimales ;

dit que la société Radiall a engagé sa responsabilité contractuelle en contrevenant à ses engagements contractuels ;

condamné la société Radiall à verser à la société Protec la somme de 455 649,60 euros au titre de sa responsabilité contractuelle ;

condamné la société Radiall à verser à la société Protec la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

l'infirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

débouter la société Radiall de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

condamner la société Radiall à payer à la société Protec la somme de 830 242,56 euros sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, décomposé comme suit :

* 455 649,60 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires,

* 238 183,40 euros au titre du remboursement du coût de l'installation de la chaîne de métallisation,

* 136 409,56 euros au titre des dépenses de personnel en recherche et développement exposées pour les besoins du contrat,

condamner la société Radiall à payer à la société Protec la somme de 80 000 euros sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce au titre du préjudice moral causé par la brutalité de la rupture ;

condamner la société Radiall à payer à la société Protec la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Protec soutient que la société Radiall était tenue par une clause de quantité minimale, - qui l'obligeait à lui commander au moins la moitié des quantités figurant en annexe au contrat -, et une clause d'exclusivité, et qu'elle n'a respecté ni l'une ni l'autre de ces clauses, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.

Elle considère, en premier lieu, que la clause de quantité minimale obligeait la société Radiall à lui commander au moins la moitié des quantités figurant en annexe au contrat. Si dans cette annexe les quantités en cause sont présentées comme des " estimations ", elle prétend qu'il convient, comme le tribunal l'a jugé et conformément à l'article 1156 du Code civil, de ne pas s'en tenir à la lettre du texte, mais de rechercher quelle était la commune intention des parties, lesquelles ont, sans équivoque, entendu que Radiall commande à Protec au moins 50 % des quantités figurant en annexe.

A l'appui de cette interprétation, elle fait valoir que l'annexe comportait la mention suivante : " La quantité prévisionnelle pour Protec sera donc de 50 % minimum de cette quantité totale du marché " et prétend que l'emploi de l'adjectif démonstratif " cette " démontre que ces quantités avaient un caractère contractuel. Elle soutient que d'ailleurs, si tel n'était pas le cas, la clause aurait un caractère potestatif puisqu'elle permettrait à l'acheteur de ne passer aucune commande. Elle tire, en outre, argument des termes du projet d'avenant qui, selon elle, avait pour objet de substituer une clause de type " aux besoins " à la clause de garantie minimale initialement prévue dans le contrat de partenariat.

La société Protec en conclut que la société Radiall n'a pas respecté ses obligations contractuelles puisqu'elle a cessé toute commande à partir de septembre 2007 et qu'elle ne lui a pas commandé les quantités figurant dans l'annexe au contrat de partenariat.

En ce qui concerne, en second lieu, la clause d'exclusivité, la société Protec soutient qu'un faisceau d'indices précis, graves et concordants, au sens de l'article 1153 du Code civil, fait présumer que la société Radiall a violé cette clause en délocalisant la métallisation de ses pièces plastiques dans une usine qu'elle a acquise au Mexique.

En réparation de son préjudice, la société Protec demande l'allocation d'une somme de 455 649,60 euros correspondant à la marge qu'elle aurait réalisée si lui avaient été passées les commandes dont elle estime avoir été indûment privée. Elle ajoute qu'elle a dû procéder à de lourds investissements pour les besoins du contrat signé avec la société Radiall et que, faute de les avoir amortis, elle subit un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 238 183,40 euros. Enfin, elle indique qu'elle a, pour l'exécution du contrat, embauché et formé huit salariés et elle considère que la société Radiall doit en supporter le coût pour moitié ; elle demande à ce titre sa condamnation à lui verser la somme de 136 409,56 euros.

Enfin, la société Protec considère que la société Radiall a, par son courrier du 27 août 2007, rompu sans préavis écrit leurs relations commerciales et que sa responsabilité est donc engagée par application des dispositions de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce. A ce titre, elle fait valoir que par son comportement déloyal et empreint de mauvaise foi, la société Radiall lui a causé un préjudice moral dont elle demande réparation à hauteur de 80 000 euros.

LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la clause relative aux quantités commandées par la société Radiall

Les engagements pris par la société Radiall, sur la nature desquels les parties s'opposent, sont définis à l'article 2 du contrat de partenariat dans les termes suivants :

" Article 2 - Engagements réciproques

(...)

Pendant la durée du contrat, Radiall s'engage à faire réaliser par Protec 50 % au moins de ses besoins de métallisation sur plastique pour la connectique multipoints, selon tableau des estimations, joint en annexe.

(...). "

L'annexe à laquelle renvoie la clause ci-dessus est ainsi rédigée :

" Quantité totale du marché

Elles sont exprimées à partir des prévisions clients à ce jour, toutes pièces confondues (Quick Lock, EPXB1, EPXB2).

2006 : 73 000

2007: 147 000

2008 : 255 000

2009 : 376 000

2010 : 593 000

2011 : 764 000

(La quantité prévisionnelle pour Protec sera donc de 50 % minimum de cette quantité totale du marché). "

Il résulte de la lettre même de ces stipulations que les quantités figurant en annexe correspondent non à des quantités minimales que la société Radiall se serait engagée à commander, mais à des estimations chiffrées de ses commandes, évaluées sur la base des prévisions de commandes passées par les propres clients de cette société. Les termes de l'annexe confirment le caractère simplement estimatif de ces quantités, puisqu'il y est explicitement indiqué que la quantité traitée par la société Protec, à concurrence de la moitié des besoins de la société Radiall, sera " prévisionnelle ". L'emploi du libellé " Quantité totale du marché ", sous lequel sont regroupées ces quantités, pas plus que l'emploi de l'adjectif démonstratif " cette " dans la dernière phrase de la clause ci-dessus, ne changent pas ce sens littéral, puisque cette " quantité totale " n'est chiffrée qu'à titre estimatif et prévisionnel. De même, on ne saurait déduire du fait que le projet d'avenant élaboré en 2007, mais non adopté par les parties, supprimait l'engagement pris par la société Radiall de faire réaliser 50 % de ses besoins par la société Protec, que le contrat d'origine comportait un engagement de commandes minimales. Il convient donc de constater que l'engagement souscrit par la société Radiall, tel que défini dans l'article 2 ci-dessus, consiste non à faire réaliser par la société Protec les quantités figurant dans l'annexe, mais à lui faire réaliser pendant la durée du contrat " 50 % au moins " de ses besoins, ceux-ci étant estimés dans l'annexe.

Le caractère clair et précis de ces stipulations interdisant de leur donner un autre sens qui conduirait à dénaturer les obligations en découlant, il y a lieu d'infirmer sur ce point le jugement entrepris et de rechercher si, conformément à son engagement contractuel, la société Radiall a, pendant la durée du contrat, confié à la société Protec des commandes correspondant à la moitié au moins de ses besoins de métallisation.

A cet égard, il résulte de l'attestation du commissaire aux comptes de la société Radiall que celle-ci a, du 1er janvier 2006 au 10 février 2011, soit pendant la durée du contrat de partenariat, vendu à ses clients 455 762 composants (Attestation relative aux quantités de certains composants vendus par le groupe Radiall - pièce n° 32 produite par la société Radiall) et il est par ailleurs établi qu'elle en a fait métalliser 366 404 par la société Protec, celle-ci ne contestant pas ces données. Force est donc de constater que, si les quantités commandées sont effectivement inférieures aux estimations figurant dans l'annexe au contrat, elles représentent 80 % des quantités vendues par la société Radiall et qu'elles sont donc conformes aux stipulations contractuelles qui lui imposaient de confier à la société Protec 50 % au moins de ses besoins de métallisation.

Sur la clause d'exclusivité

La gamme de métallisation spécifique pour la métallisation des pièces plastiques a, selon les termes du contrat de partenariat, été mise au point par la société Protec " avec la collaboration de Radiall ".

Elle a fait l'objet d'une exclusivité définie par l'article 2 du contrat dans les termes suivants :

" Art. 2 - Engagements réciproques

Protec s'engage à utiliser la gamme décrite dans l'article 3 exclusivement sur les produits Radiall, pendant toute la durée du contrat telle que définie à l'article 5.

L'application de cette gamme est scrupuleusement réservée à Protec Industrie et à l'unité de traitement de surface de Voreppe du groupe Radiall pour assurer une deuxième source d'approvisionnement.

Le champ d'application de l'exclusivité se limite à la connectique aéronautique pour les marchés où Radiall est présent.

(...). "

La société Protec soutient que la société Radiall a violé cette clause en faisant l'acquisition d'une usine située à Obregon au Mexique, afin d'y appliquer la gamme de métallisation qui lui était contractuellement réservée par les stipulations ci-dessus, et elle souligne que cette acquisition a coïncidé avec la période à partir de laquelle la société Radiall a cessé de lui passer des commandes.

Elle considère que la preuve de cette violation résulte d'un " faisceau d'indices précis, graves et concordants ", au sens de l'article 1353 du Code civil, faisant présumer que la société Radiall a délocalisé dans cette usine la métallisation des pièces plastiques.

La cour observe qu'il est établi par les pièces du dossier que le groupe Radiall auquel appartient l'appelante a acquis, par l'intermédiaire de sa filiale américaine Radiall USA qu'il détient à 100 %, une nouvelle usine à Obregon au Mexique. Cette acquisition est, d'ailleurs, évoquée dans la lettre du 5 décembre 2007, la société Radiall y faisant part, à cette date, de son " intention d'investir dans une ligne de traitement de surface au Mexique ". Cette intention a été à nouveau affirmée dans le projet d'avenant soumis en décembre 2007 à la société Protec par la société Radiall, qui y déclare avoir " pris la décision d'investir dans une usine de galvanoplastie au Mexique comprenant une ligne de métallisation de pièces plastiques " (pièce n° 5 produite par la société Protec). Cette même opération a, par ailleurs, été présentée dans différents documents d'information financière élaborés et diffusés par la société Radiall. C'est ainsi que dans son Document de référence 2007, déposé à l'AMF et rendu public, la société Radiall a, au titre de ses investissements en cours, indiqué qu' " une partie [de ses] investissements sera consacrée notamment à l'installation d'une ligne de traitement de surfaces à Obregon au Mexique " (Document de référence 2007, p. 17 - pièce n° 24 produite par la société Protec) et que, dans son rapport financier pour 2010, elle cite parmi ses lieux d'exploitation l'unité de production d'Obregon (Rapport Financier Annuel 2010, p. 17 et 18 - pièce n° 22 produite par la société Protec).

Cependant, le constat de cet investissement, dont la réalité ne peut être discutée, ne suffit pas à lui seul à démontrer la faute contractuelle reprochée à la société Radiall. La société Protec, en effet, n'apporte aucune information sur le calendrier de mise en activité de cette nouvelle unité de production - étant rappelé que la société Radiall affirme, sans être contredite, que cette unité ne fonctionnait pas encore en 2007 lorsqu'elle a interrompu ses commandes -, ni sur l'éventuelle mise en œuvre, au sein de cette unité, de la gamme spécifique de métallisation qui est l'objet de l'exclusivité qui lui avait été accordée. Il y a donc lieu de constater que ne sont pas établis, ni par preuve directe, ni par présomption, les éléments propres à caractériser la violation de cette exclusivité par la société Radiall.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Radiall

Des constatations ci-dessus, il résulte que la société Protec n'établit pas que la société Radiall a manqué à ses obligations contractuelles et que sa responsabilité contractuelle est engagée. En conséquence, les demandes de dommages et intérêts qu'elle fonde sur l'article 1147 du Code civil, à hauteur de 830 242,56 euros, seront rejetées.

Sur la demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales

La société Protec soutient qu'en lui demandant, par courrier du 27 août 2007, d'interrompre la chaîne de métallisation, la société Radiall a, sans lui faire bénéficier du préavis prévu par l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, rompu brutalement les relations commerciales qu'elles entretenaient et elle prétend qu'il est résulté de cette rupture brutale un préjudice moral dont elle demande réparation à hauteur de 80 000 euros.

Mais la cour ayant jugé qu'en interrompant ses commandes à partir de 2007, la société Radiall n'avait pas manqué à ses engagements contractuels - dès lors qu'elle avait satisfait à son obligation de faire réaliser par la société Protec 50 % au moins de ses besoins de métallisation pendant la durée du contrat -, cette société ne saurait pas plus être considérée comme ayant, de ce même fait, rompu les relations commerciales nées de ce contrat. La demande de la société Protec sera donc rejetée.

Sur les frais irrépétibles

Il n'apparaît pas justifié, au regard des éléments du dossier, de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Rejette la demande de condamnation au paiement de la somme de 830 242,56 euros formée par la société Protec sur le fondement de l'article 1147 du Code civil ; Rejette la demande de condamnation au paiement de la somme de 80 000 euros formée par la société Protec sur le fondement de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce ; Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Rejette toutes les demandes autres, plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Protec au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.